Blanche-Neige, rouge sang, de Neil Gaiman - Black River
Coup de cœur de notre petit grand stagiaire Joseph: Il était une fois, une belle et innocente princesse dont la belle-mère est maladivement jalouse de sa beauté… ou pas!
En réalité, la reine s’occupe bien peu de choses aussi futiles ; elle est bien plus préoccupée par sa belle-fille qui lui mord soudainement le poignet avec un délice macabre, ou par son époux qui meurt un jour, vidé de tout son sang.
Horrifiée, la reine fera tout son possible pour éloigner sa monstrueuse belle-fille de son royaume, quitte à se salir les mains elle-même. Mais a-t-elle une chance de vivre heureuse pour toujours, dans ce monde où les gentils et les méchants ne sont pas ceux que l’on croit?
Une réécriture captivante du conte de Blanche-Neige, re-imaginé en chronique vampirique. Le personnage de Blanche-Neige est magnifiquement terrifiant et vous donnera la chair de poule!
Les dessins, réalisés par Colleen Doran, sont magnifiques et s’incorporent merveilleusement bien à l’ambiance morbide instaurée par le texte. Un roman graphique à lire et à relire si vous voulez vous glacer le sang!
Vikings, la vengeance de Alexia Henricksen - Alter Real
Coup de cœur d’Anne-Christine T: En l’An 840, Amalia jeune fille atypique aux yeux vairons est une rescapée de son village Noir le Monial (du côté de Rouen) de l’invasion de la tribut des Vikings. Son père devient prisonnier esclave. Elle est récupérée par une congrégation religieuse où elle se reconstruit tout doucement et prend part aux activités du couvent. Le Monastère finit par être assiégé par un groupe de vikings, la tribu va mettre la main mise sur les biens du couvent. Amalia devient la favorite du chef du clan Olaf, chef jaloux, orgueilleux, dénué de tout sentiment et scrupule. Il jette son dévolu sur Amalia pour mieux la posséder. La jeune femme garde le cap en restant opiniâtre. Cependant, une attirance réciproque et sentimentale va se nouer entre Amalia, jeune chrétienne, et Arnulf, païen et frère adoptif d’Olaf. Ils finissent par se rapprocher intiment jusqu’au jour où Olaf va le découvrir….
Ce roman est captivant d’une part par rapport au dilemme qui se pose entre une femme aux traditions Chrétiennes de l’époque dont le village a été assiégé par les vikings et Arnulf païen frère adoptif du chef viking tyrannique décimant les petits villages, spoliant les biens. D’autre part, ce livre met en exergue l’histoire d’un peuple mal connu, car même si les vikings ont été des pirates, et des pilleurs, ils ont été petit à petit des explorateurs maritimes ayant développé les échanges commerciaux , des tributs organisées à l’instinct grégaire. L’histoire nous montrera que Chrétiens et paiens peuvent arriver à cohabiter ensemble. Merci à l’écrivaine Alexia Henricksen de nous faire partager l’histoire d’un peuple qui au VIII au XIème siècle va conquérir le Royaume des Francs jusqu’au proche Orient.
Les Enfants sont rois de Delphine de Vigan - Folio
Coup de cœur de Joseph: Après une première apparition à la télé totalement ratée, Mélanie rêve de devenir célèbre. L’idée lui vient d’utiliser ses deux enfants, Sammy et Kimmy, pour créer une chaîne YouTube appelée Happy Récré qui présente des moments de famille élaborés de toutes pièces, afin d’attirer l’affection et l’admiration du public. Très vite, Mélanie obtient des millions d’abonnés, ce qui ne fait qu’accroître sa soif de gloire, quitte à négliger le bien-être de ses enfants. Et un jour, la petite Kimmy disparaît…
Ce livre est magnifiquement glaçant! L’horreur du phénomène de l’exploitation des enfants sur les réseaux sociaux est très bien démontrée à travers la plume de Delphine de Vigan, qui arrive à merveille à retranscrire de façon subtile la folie grandissante de Mélanie, qui arrive à être à la fois sympathique et détestable. Un thriller psychologique à lire au plus vite!
Le Monde, modes d'emploi de Jacques Attali - Flammarion
Émetteur du verbatim: François C.
Ch. 1 LES CONCEPTS
Le besoin et le désir
Les humains sont animés par leurs besoins, happés par leurs désirs, hantés par leurs peurs. Les trois étant plus ou moins efficacement canalisés et contrôlés par les puissants de chaque société, à chaque moment de l’Histoire.
Choses rares et choses non rares
Toutes ces catégories peuvent paraître complexes. Elles révèlent l’extraordinaire sophistication des relations des humains entre eux et avec le reste de la nature.
Travailler et produire
Tout produit d’un travail est un artefact: dès qu’il y a acte conscient, il y a travail, et dès qu’il y a travail, il y a artefact. Une récolte, un outil, un jardin sont donc des artefacts.
Répartir et échanger
Dès qu’il y a rareté, un pouvoir impose des règles de répartition des biens privés comme publics. Ces règles, d’abord imposées, deviennent parfois contractuelles.
Aujourd’hui, dans la plupart des pays, les marchés allouent, pour le compte de ceux qui en sont les maîtres, pratiquement tous les biens sauf une partie de l’éducation, la santé, la défense, la sécurité, les grandes infrastructures et la protection sociale, que l’Etat finance, produit et distribue selon les choix des dirigeants.
Ch. 2 L’HISTOIRE
Dominer et prédire
Dominer c’est prédire; i.e., à la fin, penser et faire l’histoire.
L’essentiel du pouvoir appartient successivement aux représentants des dieux, aux maîtres des armes et aux propriétaires du capital; ce qui définit trois ordres (rituel, impérial et marchand), lesquels se superposent, s’interpénètrent, jouent les uns avec les autres et se succèdent.
L’ordre rituel
Dans ces sociétés nomades, tout est vivant, les objets comme le reste…Les chefs, visibles ou cachés, sont prêtres ou shamans.
L’ordre impérial
A la fin du 1er millénaire de notre ère, 250 millions de personnes sont réparties en quelques milliers d’empires, tribus, groupes divers. Partout, les sociétés sont organisées en castes, distinguant prêtres, soldats et paysans; l’essentiel du pouvoir est militaire; l’essentiel du travail est contraint; l’essentiel de la fortune est foncier.
L’ordre marchand: neuf formes, neuf cœurs, neuf crises
Une forme rassemble tous les territoires de la planète de près ou de loin soumis à un instant donné à la loi du marché, sans nécessairement obéir à une règle de droit.
Le cœur est le centre de commandement de la forme…il ne peut y avoir qu’un cœur dans chaque forme; c’est là où sont fixés les prix des principaux biens. C’est là que s’accumulent les moyens de financement.
Première forme, premier cœur: Bruges 1250 – 1348
1er principe: Tous les cœurs sont les produits d’une réponse à un manque.
Bruges établit un premier grand port maritime, Zeebrugge. Ses marchands vont bientôt commercer de l’Ecosse à la Perse et à l’Inde. Sans cesse menacé d’encerclement, son port est condamné à croître ou à disparaître; c’est du manque que naît sa force…Elle devient le premier cœur de la première forme de l’ordre nouveau.
Deuxième forme, deuxième cœur: Venise 1348 – 1453
2ème principe: un cœur s’épuise quand il n’a plus les moyens de financer l’armée qui assure son pouvoir.
La Sérénissime contrôle alors les principales routes commerciales du monde, entre l’Europe et l’Asie au-delà de l’Inde; elle fixe les prix des principales marchandises…La ville devient pour plus d’un siècle le cœur de l’ordre marchand.
En 1453, les Turcs prennent Byzance et bloquent le commerce de Venise avec l’Asie; la ville, qui n’a pas prévu d’itinéraires de substitution, ne peut plus rester au cœur.
Troisième forme, troisième cœur: Anvers 1453 – 1550
3ème principe: c’est toujours par des innovations d’énergie ou de communication qu’un cœur prend le pouvoir…Deux innovations majeures font de nouveau basculer dans une autre ville la forme et le cœur du monde marchand: la caravelle et l’imprimerie.
En 1545, à son apogée, Anvers compte 100 000 habitants; on y gère les finances du monde. On y fixe le prix de l’or, de l’argent, de la laine. Le troisième cœur, comme les deux premiers et comme tous les suivants, est donc un port.
Quatrième forme, quatrième cœur: Gênes 1550 – 1620
4ème principe: la maîtrise de la finance, et de l’organisation du capital, est une condition d’accession au cœur.
L’arrière-pays de Gênes devient le centre des arts, de la philosophie et de l’intelligence pendant plus d’un siècle. Il devient aussi une très grande puissance lainière et métallurgique et renforce le rôle du port de Gênes.
Cinquième forme, cinquième cœur: Amsterdam 1620 – 1780
5ème principe: l’ouverture aux personnes, aux marchandises et aux idées venues d’ailleurs est une des conditions du succès d’un cœur.
La marine militaire hollandaise prend la maîtrise des mers. La Compagnie des Indes puis la Bourse font de la ville et de son Etat le centre du pouvoir militaire, financier, commercial, industriel, de l’ordre marchand mondial.
Sixième forme, sixième cœur: Londres 1780 – 1882
6ème principe: un pouvoir autoritaire ne peut durablement refréner la liberté politique dont les marchands et les industriels ont besoin.
L’Angleterre maîtrise désormais les technologies de l’extraction du charbon, du tissage de la laine, de la fabrication du verre…Cette prise du pouvoir mondial par les marchands du nouveau cœur est le résultat d’une politique industrielle très dirigiste et d’une action militaire décisive…les Anglais prennent enfin le contrôle total de l’Atlantique.
Septième forme, septième cœur: Boston 1882 – 1945
7ème principe: c’est par la transformation d’un service en objet qu’un cœur prend le pouvoir.
Les Etats-Unis prennent le contrôle politique, militaire, économique, culturel, de presque toute l’Amérique latine et d’une partie de l’Asie, des Philippines à la Corée. Leur influence sur l’Europe grandit très vite.
Huitième forme, huitième cœur: New York 1945 – 1973
8ème principe: pour vendre, il est essentiel de savoir produire la demande et de contrôler le financement.
Ce sont les services domestiques rendus par les femmes au foyer et par les employés de maison (nettoyer, conserver, cuisiner) que le moteur électrique viendra permettre de remplacer par des appareils électroménagers fabriqués en série (machine à laver, réfrigérateur, cuisinière, auxquels s’ajoutent la radio puis la télévision).
Neuvième forme, neuvième cœur: la Californie 1973 – 2008
9ème principe: de forme en forme, l’industrie remplace des services et artificialise de plus en plus de nature.
Commence, pour de nombreux pays, le faste de la neuvième forme: entre 1980 et 2007, le PIB mondial est multiplié par 2,4 en dollars constants. Le commerce mondial passe de 25 à 45% du PIB mondial. Tandis que l’essentiel des pays de la périphérie reste sous le seuil de pauvreté.
La crise de la neuvième forme (2008 – 2023)
En 2023, le PIB mondial est 90 fois plus élevé qu’en 1900, pour une population six fois plus grande, soit un PIB par habitant quinze fois plus élevé.
De 2012 à 2022, on a produit plus de plastique que dans les cent années qui ont précédé.
A partir de 2020, la crise du Covid accélère encore le déclin de la neuvième forme, en révélant les faiblesses des systèmes de santé et de prévention mondiaux.
Ch. 3 LE PRESENT: 2023
Le monde, aujourd’hui
Les dépenses de défense dépassent les 2000 milliards (soit un peu plus de 2% du PIB mondial). Il y a au total environ 10 000 têtes nucléaires…Le terrorisme et le fondamentalisme se développent partout; des mouvements et des Etats fanatiques se déploient, de la Mauritanie à la périphérie chinoise…Au total, on n’est pas en guerre mondiale, mais dans des guerres mondialisées.
2,7 milliards de personnes manquent d’eau au moins un mois dans l’année; 1,1 milliard en manque tout au long de l’année.
La production mondiale d’énergie primaire…se répartit entre le pétrole (31%), le charbon (27%), le gaz (25%), le nucléaire (4%), l’hydroélectricité (7%), l’éolien (3%) et le solaire (1,6%). Le Golfe possède la moitié des réserves de pétrole du monde et 40% des réserves de gaz.
La concentration des richesses est plus élevée que jamais: moins de 10% des humains possèdent plus des trois quarts du capital financier mondial. Les 1% les plus riches captent 55% de la croissance, tandis que les 80% les plus pauvres n’en reçoivent que moins de 5%.
L’état de la nature, aujourd’hui
Sur les neuf « limites planétaires », six (le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, les perturbations globales du cycle de l’azote et du phosphore, les changements d’utilisation des sols, l’introduction de nouvelles substances et l’utilisation de l’eau douce) sont dépassées. Les trois restantes (l’acidification des océans, la dégradation de la couche d’ozone et la présence d’aérosols dans l’atmosphère) sont grandement menacées.
Le cœur, aujourd’hui
Les deux plus grandes puissances globales sont la Chine et les Etats-Unis…Ces derniers sont encore la première puissance mondiale, politique, économique, technologique, militaire.
33% des Américains sont obèses; 42% ont déjà consommé du cannabis, et 16% ont essayé la cocaïne…434 millions d’armes à feu sont en main privées (soit 1,3 par personne, tous âges confondus).
Le milieu, aujourd’hui
La Chine est en avance sur le reste du monde dans 37 des 44 principales industries d’avenir. 15% de tous les biens commerciaux exportés dans le monde et plus de la moitié des biens de consommation sont produits en Chine…Elle est le premier partenaire commercial de plus de la moitié des pays du monde.
L’enseignement supérieur chinois forme un million d’ingénieurs par an.
Le Japon reste une très grande puissance économique…Il dépend grandement de la Chine (22% de ses exportations, 26% de ses importations) et des Etats-Unis (18% et 11% respectivement).
La Corée du Sud est aujourd’hui un leader mondial dans de nombreux domaines…Son soft power renvoie à toutes les jeunesses asiatiques l’image d’une société ayant réussi à concilier la modernité occidentale et les valeurs asiatiques.
L’Inde est désormais le pays le plus peuplé du monde avec 1,4 milliard d’habitants…Plus de la moitié des Indiens ont moins de 30 ans…Les inégalités entre classes, genres, ethnies et régions sont énormes.
L’ASEAN, qui regroupe dix pays (Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam) est, en 2023, la zone est la plus dynamique du monde. Elle regroupe 670 millions de personnes.
L’Australie a une population de 25,7 millions d’habitants…Premier producteur de fer et de lithium au monde, deuxième pour l’or, le cobalt et le zinc.
L’Union européenne reste une puissance majeure avec plus de 450 millions d’habitants et un PIB de 13 000 milliards d’euros.
La France est restée un pays de la rente, avec une industrialisation très tardive. Elle est la septième plus grande économie du monde avec un PIB de 3000 milliards d’euros en 2022.
La Grande-Bretagne reste la sixième puissance économique mondiale…Son industrie, qui avait fait sa force, est en chute libre, passant de 27% du PIB en 1990 à 17% aujourd’hui.
Le Moyen-Orient regroupe plus de 450 millions de personnes…L’industrie pétrolière et gazière y représente jusqu’à 60% des revenus et environ 70% des exportations pour la plupart des pays.
La Russie dispose d’une armée encore très puissante (avec environ 6500 têtes nucléaires). Elle est au 137ème rang quant à la transparence de son administration…Elle est le plus grand producteur mondial de palladium, le deuxième de pétrole; elle dispose de douze millions de tonnes de réserves de terres rares.
La périphérie, aujourd’hui
L’Amérique latine produit 5,6% du PIB mondial pour une population de 655 millions. Elle est encore très tournée vers l’agriculture et l’extraction minière…Elle est le premier fournisseur de cocaïne dans le monde.
L’Afrique représente aujourd’hui 18% de la population mondiale pour seulement 3% du PIB mondial…30% de la population du continent vivent avec moins de 1,90 dollar par jour. 78% des habitants des villes vivent dans des taudis…Les cinq pays les plus riches du continent en 2023 sont le Nigeria, l’Egypte, l’Afrique du Sud, l’Algérie et le Maroc. Les plus prometteurs sont la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Kenya, le Nigeria et l’Ethiopie.
Ch. 4 LES DOUZE PRINCIPES DE L’ORDRE MARCHAND
L’ordre marchand s’est imposé il y a mille ans, par deux dimensions essentielles: le capitalisme, avec l’Etat qui l’appuie.
Cet ordre marchand est constitué d’une forme, structurée autour d’un cœur capable d’en assurer la cohérence, d’y contrôler les marchés et d’accumuler assez de surplus pour défendre ses privilèges.
Regroupés pour l’essentiel au cœur, les maîtres d’une forme marchande ont besoin de la liberté individuelle, puis de la démocratie.
Un cœur s’efface quand il croit éternelle l’abondance dont il bénéficie…La forme s’efface alors avec son cœur.
La fin d’une forme et d’un cœur associé traduit la perte de confiance de l’ordre marchand dans la pérennité de cette forme et de ce cœur.
Un nouveau cœur s’installe là où un groupe entreprenant sait rassembler des talents et des capacités autour d’un projet nouveau.
Jusqu’ici, neuf formes et neuf cœurs se sont succédé. Neuf technologies majeures. Neuf services principaux transformés en artefacts.
De forme en forme, on a artificialisé de plus en plus de services et de nature.
De forme en forme, la durée du travail salarié a baissé, les droits des travailleurs se sont améliorés.
De forme en forme, les marchés, par nature sans frontières géographiques et sectorielles, l’emportent progressivement sur les Etats.
De forme en forme, la liberté individuelle conduit à faire davantage l’apologie de l’avidité, de la déloyauté et du court terme.
Les qualités nécessaires pour devenir et rester un cœur sont aussi nécessaires à la survie de l’humanité, de la planète, de toute nation, de toute culture, de toute organisation, de toute entreprise, de toute personne même.
Ch. 5 VERS 2050: LES TROIS IMPASSES
Première impasse: le maintien de la neuvième forme
80% au moins des métiers qui seraient pratiqués en 2050 n’existent pas en 2023; ils porteraient sur l’intelligence artificielle, la biologie, la génétique, le biomimétisme et bien d’autres tâches de transmission, de formation, de soin et d’empathie.
Les plus grandes entreprises mondiales seraient dans le secteur de la finance, de la gestion de données, de la santé, de l’eau, des énergies vertes, de l’assurance, des batteries, du commerce en ligne, des infrastructures, de la distraction.
20 millions de tonnes de déchets plastiques s’ajouteraient chaque année aux 8 milliards de tonnes qui se sont déjà accumulés; le poids du plastique dans les océans serait alors supérieur au poids des poissons, des mollusques et des coraux.
Deuxième impasse: une dixième forme avec un dixième cœur
L’ordre marchand sera devenu si puissant et la technologie si nomade qu’aucune puissance politique géographiquement déterminée n’aura plus la capacité de le contrôler, ni de l’orienter, ni de le réguler…Nul ne pourra entraver la puissance du capital, dont la part dans la valeur ajoutée sera encore plus élevée qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Au total, ce scénario, comme le précédent, n’ira pas à son terme; comme on l’a vu, aucun pays ne sera au cœur et la périphérie n’acceptera plus d’ordre de personne.
Troisième impasse: une dixième forme sans cœur
Je l’appellerai une « forme sans cœur », non seulement parce qu’il n’y aura pas de lieu principal d’accumulation des richesses et des pouvoirs, mais parce qu’y régneront plus que jamais les valeurs de l’ordre marchand…Cela conduira à un marché mondial sans état de droit, à une domination des oligarques, à une aggravation du désintérêt à l’égard de la nature et des générations futures.
Dans cette forme sans cœur, les humains se diviseront en trois catégories principales. 1. Des hypernomades (quelques centaines de millions de personnes) contrôleront une part croissante des richesses et de la valeur ajoutée; 2. A l’autre bout de l’échelle sociale, plus de quatre milliards de nomades de misère, les infranomades, majoritairement des femmes et des enfants, survivront sans formation, assignés à résidence dans leur classe sociale; 3. Au milieu, les classes moyennes sédentaires regrouperont quatre autres milliards de gens, au revenu et au statut social de plus en plus prolétarisé, qui essaieront de maintenir le mode de vie actuel des sédentaires.
Ni dixième cœur, ni forme sans cœur
Une forme sans cœur ne serait pas plus viable qu’un dixième cœur…Bien des obstacles vont en effet rendre impossible cette évolution du monde; bien des gens n’accepteront pas l’artificialisation croissante du monde, les formidables injustices, la disparition des services publics, la déloyauté, la prolétarisation et l’assignation à résidence sociale que tout cela implique; se multiplieront les populismes durables; toutes les formes de racisme et d’extrémisme s’exprimeront.
Ch. 6 VERS 2050: TROIS MENACES MORTELLES
Dans les trente prochaines années, aveuglement et procrastination conduiront l’humanité à errer d’un cœur impossible à une forme sans cœur, pour finir par être balayée par la matérialisation de trois menaces existentielles qu’elle aura fait naître. Et dont elle n’aura pas réussi à se protéger.
Première menace existentielle contre l’espèce humaine: le climat
Bien avant 2050, si rien de majeur n’est entrepris au plus vite, l’évolution du climat rendra la vie insupportable sur une large partie de la planète.
Deuxième menace existentielle contre l’espèce humaine: l’hyperconflit
Bien avant que le climat ne devienne insupportable, on se battra pour l’eau, pour la nourriture, pour des matières premières, pour un partage plus juste des richesses, pour s’approprier ou envahir un territoire, pour le quitter, pour s’isoler du monde, pour le conquérir, pour imposer une foi, pour en combattre une autre, pour faire régner des valeurs, pour chasser des gens de chez soi, ou de chez eux.
Des armes nouvelles seront entre les mains d’Etats, de milices, de pirates, de terroristes, de mafias, de cartels de la drogue, de mouvements religieux: instruments de surveillance, de dissuasion, de sabotage, de frappe numérique.
La cyberguerre sera partout; aucun réseau, aucune machine d’intelligence artificielle ne sera à l’abri d’une attaque digitale qui pourrait rendre inopérants des armées, des hôpitaux, des centres de commandement, plus efficacement que des bombardements classiques.
Troisième menace existentielle contre l’espèce humaine: l’artificialisation
On en arrive à un moment où c’est la nature, les animaux, les végétaux, puis les êtres humains eux-mêmes qui sont en voie d’être artificialisés.
L’artificialisation de la santé
L’artificialisation de l’éducation
L’artificialisation de l’information
L’artificialisation des relations humaines
L’artificialisation du pouvoir
La fusion du réel et du virtuel
La fusion du vivant et des artefacts
Cette fois, ce qui est menacé, ce n’est pas une île isolée dans le Pacifique ni une ville oubliée sur les côtes de l’Asie Mineure, mais la totalité de l’humanité, laquelle pourrait être anéantie par aveuglement et procrastination.
Ch. 7 POUR UN VIRAGE RADICAL
Il s’agit d’échapper à la très grande probabilité d’un suicide de l’humanité à très brève échéance: trente ans.
Le cours de l’Histoire peut encore être infléchi. Par un virage radical, on peut construire un monde vivable, heureux, prospère, juste et démocratique…à condition de tirer les leçons des succès et des échecs antérieurs, de comprendre où nous entraîne la poursuite des tendances actuelles, de se donner un projet et une stratégie pour s’en détourner, d’élaborer un tout nouveau mode d’emploi du monde pour chacun et pour tous.
Un cœur sans forme: société positive et économie de la vie
Chacun de nous, comme l’humanité, a besoin d’un projet et d’une stratégie pour le mettre en œuvre au plus vite. Cette dernière devra se fonder sur trois principes: 1. Imposer -ou du moins inciter à- des comportements positifs ; 2. Eliminer toutes les productions de l’économie de la mort, celles qui nuisent aux générations futures et à la nature; 3. Développer l’économie de la vie: la santé, la prévention, l’hygiène, le sport, la culture, les infrastructures urbaines, le logement, l’alimentation, l’agriculture, la protection des territoires, mais aussi: le fonctionnement de la démocratie, la sécurité, la défense, la gestion des déchets, le recyclage, la distribution d’eau, l’énergie propre, l’écologie et la protection de la biodiversité, l’éducation, la recherche, l’innovation, le numérique, le commerce, la logistique, les transports de marchandises, les transports publics, l’information et les médias, l’assurance, l’épargne et le crédit.
Pour mesurer l’avancée dans cette transition, il faudra introduire une nouvelle comptabilité: celle-ci devra en particulier mesurer le respect des normes écologiques, sociales et éthiques de chaque secteur et évaluer leur vitesse de transition.
Les outils du Grand Virage
Pour maîtriser la dynamique du marché et renforcer celle de la démocratie, il faudra, dans chaque pays, dans chaque ville, dans le monde tout entier, se servir des trois moyens principaux à la disposition de l’action publique: les biens communs (dont les biens publics, les transferts et la réglementation), les prix et la technologie.
Dictature ou démocratie
Si l’on veut éviter ce détour par la dictature, explicite ou implicite, les démocraties doivent réussir à faire en sorte que le Grand Virage ne soit pas vécu comme un ensemble de privations ou de punitions mais comme des évolutions positives, librement consenties par les peuples.
Cela suppose d’abord le développement d’une vaste politique d’explication et de débats sur les enjeux, et une action diplomatique majeure pour convaincre la Chine, l’Inde et le Nigéria de ne pas commettre les mêmes erreurs que l’Occident.
CONCLUSION Que faire, chacun de nous, ici et maintenant?
Apprendre
Anticiper
Face à ces impasses et à ces menaces, chacun devra alors avoir le courage d’assumer les dangers qui le guettent, individuellement et collectivement, sans jouer à l’autruche ni se résigner au pire…Chacun devra aussi se préparer à l’inattendu, à l’impossible, qui pourra remettre en cause d’un jour à l’autre tout ce qu’il aura pu prévoir.
Plus généralement, chacun devra agir d’une façon lucide et positive à la fois comme compagnon, parent, consommateur, travailleur, épargnant, citoyen, militant.
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Le nouveau de Keigo Higashino - Actes sud
Coup de cœur de Manon B.: Kaga est le nouveau. Le nouvel inspecteur de police du commissariat de Nihonbashi, et sa mutation dans ce nouvel établissement arrive à point nommé. Le 10 juin, aux alentours de 19h, une femme du nom de Mitsui Mineko est assassinée chez elle, étranglée puis retrouvée par son amie traductrice avec qui elle avait rendez-vous à 20h. À la fois une ex-femme ainsi qu’une mère, personne dans sa famille n’avait eu de ses nouvelles depuis plusieurs années. À travers les témoignages de ses proches ou de différents commerçants, plusieurs intrigues se mêlent les unes aux autres et Kaga, grâce à son sens de l’observation et à sa curiosité va réussir à réunir des familles et à apaiser des douleurs trop longtemps supportées. Mais le plus important est que, tout au long du récit, des indices sont laissés à notre portée sans que nous ne puissions pour autant deviner qui est le véritable assassin de Mitsui Mineko.
Maître dans l’art du polar, Keigo Higashino frappe une nouvel fois avec ce roman à la fois haletant et prenant. Impossible de s’arrêter, les pages défilent sans que nous ne sachions réellement où l’inspecteur Kaga veut réellement en venir avec ses questions farfelues et ses actes incompréhensibles. Ce n’est que lorsque les intrigues se dénouent petit à petit que nous comprenons à la fois le génie de l’inspecteur, mais également celui de l’auteur. Un véritable coup de cœur qui nous laisse sans voix.
La méthode Elon: 20 tactiques pour métamorphoser un mammouth en licorne de Michaël Valentin - Dunod
Émetteur du verbatim: François C.
INTRODUCTION
On peut découper le secteur industriel en quatre grandes catégories : environ 30% des organisations entrent dans la catégorie des «suiveurs» ; 50% à peu près des entreprises ont réalisé plusieurs POC (Proof of concept) sur des sujets variés, mais les initiatives peinent à démontrer un impact probant sur la performance ; 15% des entreprises ont des premiers résultats tangibles, permettant de réinvestir constamment dans la poursuite de la transformation ; enfin 5% des entreprises innovent constamment grâce à la donnée dans toutes les parties de l’entreprise.
Première partie HYBRIDER INDUSTRIE ET TECH, CLÉ D’UNE EUROPE FORTE ET PIONNIÈRE
1 Airbus, conseil de la concurrence… et si on changeait de logiciel?
Chine, États-Unis : David, Goliath et les petits frères européens
Tableau de répartition des licornes dans le monde (États-Unis: 554 ; Chine: 180 ; Israël, Brésil, Canada: 64)
Classement 2020 des pays selon le poids de la valeur ajoutée industrielle sur PIB (Corée du Sud : 31% ; France : 14%).
Disruption, inflation, pénuries, protectionnisme, climat : le capitaine d’industrie au cœur des tourmentes
En finir avec la politique industrielle « paracétamol »
On ne peut que s’incliner devant la puissance d’une stratégie industrielle systémique, bien exécutée, qui suit la chaîne de valeur depuis le contrôle des matières premières jusqu’à l’utilisateur final (paris pour le moment gagnants opérés par l’Etat stratège chinois et l’Etat pragmatique américain).
Europe vieillissante : la Tech à la rescousse ?
Par l’hybridation de l’industrie et de la Tech, nous sommes déjà capables de 1. créer de nouveaux modèles d’affaires centrés sur la donnée, circulaires et qui s’appuient sur un appareil industriel boosté par la puissance de l’intelligence artificielle, 2. créer de nouveaux secteurs industriels.
2. La Tech, miracle ou village « Potemkine » ?
Une course de dératés…pour éviter de disparaître ?
52% des entreprises du classement Fortune 500 de l’an 2000 ont soit disparu, soit été rachetées. Le même article de la Harvard Business Review anticipe que pas moins de 75% des entreprises du même Fortune 500seront sorties du classement d’ici à 2027. La Tech accélère tous les mouvements : ce qui par le passé prenait quinze à vingt ans se produit maintenant en quelques années.
Monétisation des datas, démonétisation des politiques ?
Quid d’un monde où certains dirigeants d’entreprises sont plus influents et plus puissants que des hommes politiques ?
La Tech contre la classe moyenne ?
A terme, d’une part, quelques très riches qui influencent les masses. De l’autre, une armée d’exécutants qui réalisent les tâches manuelles complexes non répétables (« classe ancillaire » composée de logisticiens, de chauffeurs VTC et de divers services à la personne…). Entre les deux : une sorte de néant. La disparition de la classe moyenne pourrait advenir dans le silence général avec des conséquences destructrices sur l’équilibre social de chacun des pays développés.
Transhumanisme, planète, inclusion, wokisme : la Tech, une idéologie politique ?
La Tech propose bien une vision « politique » du monde…Avec ces quelques exemples, on a l’intuition que la vision « politique » des géants de la Tech aux États-Unis est fortement biaisée par leur propre vision du monde.
3. Une Europe tech-industrielle : un défi souhaitable et incontournable
Pas de Tech sans industrie
La Tech est nécessaire pour rendre l’industrie européenne à nouveau compétitive.
« Chez nous, on fait des pièces » : plus d’industrie sans Tech ?
La dette technique ou «legacy» informatique qui s’est accumulée dans l’industrie depuis trente ans est considérable. Les gros systèmes qui ont permis la performance passée créent énormément de rigidités, constituant autant de verrous difficiles à faire sauter. Car l’avènement de la Tech a tout changé avec sa nouvelle façon de créer de la valeur grâce à la donnée.
Transformer les mammouths, avons-nous le choix ?
Six raisons très concrètes qui justifient l’hybridation du modèle industriel classique avec celui de la Tech : 1. L’automatisation des tâches répétables ; 2. La vitesse ; 3. La transparence ; 4. La connaissance du client et la réponse à ses attentes ; 5. Le mode réseau ; 6. La course aux talents.
L’auto européenne : histoire à méditer pour mieux se préparer
Il s’agit de repenser la voiture pour qu’elle puisse intégrer des montées de version…Il s’agit encore de revoir toute l’organisation du travail…Ce qu’il faut, c’est plutôt un esprit de squads, composées de quelques personnes fortement motivées, en mode start-up, avec une vision entrepreneuriale et une capacité à faire des itérations ultra-rapides sur le produit lui-même.
Deuxième partie 20 TACTIQUES POUR RÉUSSIR SA MÉTAMORPHOSE
4. Passer d’une culture d’ingénieur à une culture customer
Tactique 1 : tirer l’innovation par le marché, pas par la technologie
. Comprendre l’effet « brosse à dents », i.e. une adoption accélérée du produit/service par le client/utilisateur, centré autour des données que celui-ci fournit, ces dernières permettant d’améliorer en continu le produit. Ce cercle vertueux est à la source des réussites des nouveaux modèles d’affaires. Ce produit/service répond généralement à un problème épineux pour le futur client, à une « friction insupportable » qui n’a jamais pu être résolue.
Tactique 2 : mettre l’expérimentation au cœur de l’innovation
Pour identifier ce problème « insupportable » et la manière d’y répondre, il est nécessaire de partir de données concrètes recueillies auprès des usagers et non de l’expertise ou de la connaissance accumulée par le passé. Il faut observer les comportements des utilisateurs en situation. Il existe une vaste boîte à outils d’analyse des comportements des utilisateurs…Ces outils représentent autant d’étapes à suivre jusqu’à trouver l’adéquation (le fit) entre le problème à résoudre, le produit/service et le marché solvable.
Tactique 3 : passer du software centrique au data centrique
Chaque étape d’expérimentation donnera lieu à des mesures qui permettront de pivoter autant de fois que nécessaire jusqu’à trouver le bon modèle d’affaires. Pour trouver la solution satisfaisante, la capacité à itérer rapidement est clé, de même que le souci de simplifier les fonctionnalités du produit, de manière à trouver un équilibre entre valeur d’usage pour le client et vitesse de mise en marché.
Tactique 4 : explorer de nouveaux modèles d’affaires en quelques semaines
Les données existent déjà dans les organisations, mais sont le plus souvent fragmentées, redondantes et non homogènes, réparties entre divers systèmes d’information spécialisés (production, relation client, finance, logistique, etc…). Pour dépasser ces inefficiences, il est nécessaire de passer à une organisation datacentric, dont les objectifs sont de décloisonner, simplifier et automatiser tout ce qui peut l’être, de façon à connecter les flux physiques et les flux financiers de bout en bout.
Ce sont ces flux de données qui permettront ensuite d’optimiser les opérations, d’une part, et de fonder de nouveaux modèles d’affaires, d’autre part. Parmi ces modèles, la « servicisation » du produit physique et les applications digitales vendues en mode SaaS sont les plus fréquentes, mais il en existe des dizaines d’autres.
5. Basculer l’exécution vers un mode exponentiel
Tactique 5 : APIser l’organisation
Pour faire passer le système industriel d’un mode linéaire à un mode exponentiel, il est nécessaire de standardiser et d’interfacer les données tout autant que l’organisation elle-même. L’organisation doit être calquée sur l’architecture des données, à la manière de blocs de code logiques, modulaires et interfacés par des API, qui se rendent entre eux des micro-services : « l’APIsation de l’organisation ». Ces unités organisationnelles se caractérisent alors par leur agilité et sont souvent appelées squads qui non seulement collaborent entre elles, mais qui sont également toutes connectées au client via les « tuyaux » de données auxquels elles ont accès.
Tactique 6 : catalyser le mode réseau en activant toutes les infrastructures
En particulier, connecter l’IT et l’OT, i.e. l’informatique de gestion et l’informatique industrielle, représente le point de passage essentiel pour créer une continuité digitale au service des processus transverses. Pour obtenir ce résultat, il est généralement préférable de choisir un périmètre restreint (un atelier), mais de pousser la démarche de bout en bout, plutôt que de ne traiter qu’une seule étape (par exemple la collecte et l’homogénéisation des données) sur un périmètre très large (l’ensemble d’un site industriel). La démonstration de la valeur sera plus aisée avec la première approche et permettra de désamorcer les craintes du management avant de passer à l’échelle.
Tactique 7 : repenser l’empreinte industrielle avec une vision multi-locale
Le désilotage qu’implique ce type d’organisation est en général une étape difficile des transformations, mais le nouveau système technique a par lui-même vocation à casser les silos…A toutes les étapes, il est également nécessaire de concevoir la structure informatique sous l’angle de la « pensée réseau ». Il s’agit d’anticiper dans chaque choix et décision les développements futurs et leur passage à l’échelle. L’infrastructure informatique ainsi que le produit sont alors pensés comme des actifs capables d’évoluer en permanence.
Tactique 8 : considérer l’écosystème comme un actif
Les coûts et risques, liés aux ruptures de stocks, transports lointains, préoccupations climatiques et environnementales, et protectionnisme, militent pour rapprocher au plus près les lieux de fabrication des lieux de consommation dans une perspective multi-locale. Dès lors, le modèle à suivre pourrait être de moins en moins la « giga factory » mais plutôt un modèle déconcentré et multi-local…De même l’usine ne sera pas forcément complètement high-tech dans tous ses aspects…Enfin, développer des liens étroits avec l’écosystème (fournisseurs, institutions publiques, écoles et universités) permettra à l’usine d’assurer son acceptabilité sociale mais aussi de résoudre différents problèmes locaux qui ne manqueront pas de surgir au fil du temps. Ces collaborations éco-systémiques s’étendent aussi aux concurrents (coopétition en open innovation, partage de ressources) et au monde des start-up avec lequel les usines traditionnelles doivent apprendre à travailler malgré des logiques de fonctionnement assez différentes.
6. Retrouver l’esprit pionnier
Tactique 9 : agir ensemble comme les fondateurs
Les grandes entreprises industrielles sont souvent devenues des bureaucraties qui doivent retrouver l’esprit pionnier des fondateurs, tel qu’il anime aujourd’hui les créateurs de start-up. Pour ce faire, le dirigeant joue un rôle clé : concevoir une vision inspirante et la communiquer à chaque occasion, mettre les mains dans le cambouis de la tech, discuter les choix technologiques et décider des options structurantes, s’ouvrir aux feedbacks des équipes, des clients et des partenaires, rayonner pour jouer un rôle d’attracteur (notamment de talents).
Tactique 10 : descendre dans l’arène et transmettre le sens de l’urgence
En se rendant plus accessible, le dirigeant multiplie les opportunités de communiquer avec ses équipes pour inspirer, partager sa vision et en même temps transmettre le sens de l’urgence. Le changement ne peut avoir lieu s’il est porté par la seule équipe dirigeante.
Tactique 11 : s’initier à la donnée pour améliorer le pilotage d’entreprise
S’initier à la donnée comme s’il s’agissait d’un sport de combat. L’hérésie consisterait à considérer la data comme un sujet technique à confier à un CDO ou à un DSI.
Tactique 12 : bichonner son usine comme sa propre maison
Les usines devront elles aussi se rendre attractives en travaillant sur leur hygiène et sécurité, ainsi que sur l’esthétique de leurs locaux et l’expérience utilisateur (UX) de tous les équipements et outils proposés.
Tactique 13 : s’assurer que tout le monde gagne
Dans une logique de cohérence et d’attractivité, l’usine veillera à proposer des conditions de travail, d’emploi et d’évolution de carrière attrayantes, en les élargissant aux cols bleus et pas seulement à l’encadrement et aux métiers de la Tech. Proposer des compensations à ceux qui ne peuvent pas bénéficier de la flexibilité spatio-temporelle (télétravail, horaires flexibles) devrait être un souci du monde industriel. Cela peut aller jusqu’à intéresser touts les équipes aux résultats par une participation au capital.
Tactique 14 : passer la moitié de son temps à recruter
Le dirigeant doit adapter son propre agenda pour accorder plus de place à l’activité reine dans une période de mutation profonde des compétences : la chasse et le recrutement des talents. Cet investissement en temps peut aller jusqu’à 50% pour les dirigeants dans le cas de start-up. Cela permet à la fois d’accroître les chances de recruter des ressources rares, mais aussi de transmettre la culture d’entreprise à tous les nouveaux entrants de façon directe.
7. Transformer en profondeur avec une approche systémique
Tactique 15 : penser grand et commencer par le terrain
Aucune transformation digitale ne réussira si elle est déconnectée du terrain. La méthode est capitale et doit faire l’objet de la plus grande attention. On commencera ainsi par effectuer un diagnostic d’ensemble, afin d’identifier les forces et faiblesses du système existant. Cela pourra permettre d’identifier une zone pilote pour initier la transformation, disposant de certaines caractéristiques favorables (management ouvert au changement, maturité du système de production et de ses routines, gains potentiels conséquents). Pour éviter les objections de la DSI, gardien du temple, il pourra être utile de « débrancher » temporairement la zone pilote afin d’expérimenter, avant de la rebrancher au reste de l’organisation.
Tactique 16 : aller vite, itérer et anticiper le passage à l’échelle
La transformation sera ensuite mise en œuvre en cycles courts et rapides : les sprints. Chaque sprint fournira des apprentissages qui seront capitalisés pour le cycle suivant…Selon sa complexité, le déploiement pourra ensuite s’effectuer : a) en mode « big bang », b) en déploiement par grappes, c) en mode sur mesure. Dans tous les cas, la vitesse devra être une fin en soi. Le flux d’innovations à déployer sera toujours tiré par les besoins des utilisateurs finaux.
Tactique 17 : transformer Tech et Ops en même temps, avec ses meilleurs talents
On veillera à ce que l’approche soit toujours systémique et ne perde pas de vue la finalité qui n’est jamais la mise en place d’un outil, mais une création de valeur. Il est donc vital de travailler main dans la main, entre les équipes Tech et les équipes de métiers dites Ops. Travailler les outils sans travailler les standards opérationnels, les routines, l’agenda des managers, les modes de réaction et de résolution des problèmes, les formations et les comportements, serait voué à l’échec. Les managers intermédiaires sont ainsi les clés du succès de cette transformation car c’est grâce à eux que la vision de la direction pourra réellement devenir concrète et c’est par eux que convergeront les améliorations en provenance du terrain.
8. Pivoter vers un modèle circulaire
Tactique 18 : considérer la chaîne de valeur de bout en bout
Dérèglement du climat, raréfaction et renchérissement des ressources militent pour l’avènement d’un nouveau modèle économique : le modèle circulaire, qui permet d’économiser de l’énergie et des ressources à toutes les étapes du process, depuis le sourcing des matières premières jusqu’à la consommation finale. L’économie circulaire promeut également la conception de nouveaux modèles d’affaires, dont le potentiel est encore trop souvent sous-estimé par les industriels.
Tactique 19 : penser le produit modulaire, circulaire et connecté
L’un des premiers leviers pour passer au circulaire consiste à travailler sur la chaîne de valeur, notamment sur les modes et les sources d’approvisionnement. Un deuxième levier consiste à créer de nouveaux services, généralement numériques (plateformes) qui permettent de faire durer les produits plus longtemps (partage de produits, réemploi, seconde main, etc.). Un troisième levier consiste à éco-concevoir le produit afin qu’il diminue à la source les consommations de matières ou encore qu’il autorise le démontage, la réparation aisée, le remanufacturing et in fine le recyclage des composants. Le choix de process de fabrication moins gourmands en énergie entre aussi en ligne de compte dans l’éco-conception.
Tactique 20 : décarboner l’usine
Limiter l’impact des usines et de leurs opérations est un premier objectif évident : décarbonation, traitement de l’eau et des déchets, etc. le potentiel sur le sujet est encore immense, notamment grâce à la data et au machine learning. Toutefois, 95% de l’empreinte carbone d’une chaîne de valeur industrielle se produit en dehors de l’usine.
CONCLUSION
Retrouver l’esprit pionnier pour créer de l’enthousiasme et embarquer les meilleurs talents, orienter les développements nouveaux vers l’industrie circulaire, passer d’une culture d’ingénieur à une culture du client, passer du mode linéaire au mode exponentiel pour chaque initiative…L’industrie européenne peut devenir verte, agile et connectée, c’est une certitude. Soyons les artisans de ce mouvement pour promouvoir cette vision enthousiaste de l’avenir dont nous avons tant besoin.
Anissa t.1 La naissance d'une peste de Greg Tessier
Coup de cœur de Joseph G.: C’est la rentrée en 6ème d’Anissa, et tout ne se passe pas très bien : ses parents ne s’occupent que de sa petite sœur, et sa meilleure amie l’abandonne au profit de la popularité. La jeune fille comprend rapidement que si elle veut survivre au collège - et dans le monde, en général - il va falloir qu’elle apprenne à montrer les crocs et à écraser les autres pour ne pas se retrouver elle-même écrasée. Découvrez la naissance de la plus redoutable et désopilante des pestes!
Nous retrouvons Anissa, ennemie jurée de Mistinguette, dans un spin-off en son honneur (c’est parfait pour son ego :3). Notre peste préférée est tout simplement hilarante, et les différentes péripéties qu’elle endure parviennent à la rendre un peu plus sympathique à nos yeux - tout en étant suffisamment odieuse pour rester amusante. Une BD à lire pour toutes les futures pestes ;)
Le peuple de l'air : comment le prince Cardan en est venu à détester les histoires de Holly Black - Rageot
Coup de cœur de Manon B.: Dans ce préquel/séquel de la trilogie du Prince Cruel, Holly Black nous plonge dans le passé incongru du prince Cardan. Connu pour être à la fois cruel et égoïste, dans cet opus nous découvrons en réalité un enfant élevé au lait de chatte et au mépris. D’une part celui de sa mère, répudiée par le Grand Roi suite à la prophétie inquiétante à l’égard du petit prince. Et d’autre part, par son propre père, le Grand Roi, inquiet de voir la couronne et la Haute Cour détruites par son fils cadet. Bon gré mal gré, Cardan commence d’abord par s’élever tout seul puis, au fait de la malhonnêteté régnant dans le cœur de son frère aîné Dain, c’est son autre frère, Balekin, qui va prendre en charge l’éducation du prince maudit de la famille royale. Entre coups, blessures, et harcèlement moral de la part de son frère, Cardan grandit dans un environnement propice au développement de sa colère et de sa haine. Alors naît le Prince Cruel.
Encore une fois, Holly Black nous happe dans l’univers du Peuple de l’air avec ce préquel, qui se trouve également être un séquel, qui nous montre une nouvelle facette de Cardan que jamais nous n’aurions pu imaginer en lisant la trilogie du Prince Cruel. Ici, nous découvrons un enfant malmené par sa famille, trouvant le peu de réconfort dans des personnes qui le trahissent et le blessent elles aussi. Finalement, nous nous rendons compte que la seule personne à ne l’avoir jamais réellement blessé aura été Jude.
La colère et l'oubli: les démocraties face au jihadisme européen par Hugo Micheron - Gallimard
Émetteur du verbatim: François C.
I. LES VETERANS – DECENNIE 1990
L’Afghanistan, retour aux sources En 1979, l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS intervient dans un contexte géopolitique mouvementé, engendré par la révolution iranienne. Le soutien des Etats-Unis à la résistance afghane devient l’axe structurant de la lutte contre l’URSS. (Conséquences de l’invasion) Côté afghan, plus d’un million de morts et davantage d’éclopés et de déplacés. Côté soviétique, cette opération est la plus longue, la plus coûteuse et la plus meurtrière de l’histoire de l’URSS. Les coûts cachés de la victoire sur l’URSS s’avèrent colossaux, rien de moins que l’enfantement de la matrice du jihadisme contemporain. Dans le chaudron de Peshawar, les quartiers de la ville où sont regroupés les militants se transforment en un laboratoire d’un genre nouveau, permettant au premier système jihadiste d’éclore.
De Peshawar à Londres, les machines de prédication Les salafo-jihadistes tendent à adapter leur mode opératoire à la situation religieuse, politique, sociale et économique du territoire qu’ils investissent. Dans les années 1990, Londres représente un centre ouvert à tous les vents façonnés par la solidité du cadre légal et une longue tradition d’accueil. Elle est devenue pour ces raisons une ville-monde unique en son genre. Ces trois émirs ont joué un rôle clé dans la structuration du jihadisme européen. Ils étaient en rivalité pour le contrôle des réseaux sympathisants présents à Londres, mais complémentaires dans leur style, et alliés face aux autorités britanniques. (Le principe « de l’allégeance et du désaveu ») A un registre « islamique » parfait s’oppose un registre « démocratique » corrompu, à la justice divine (la charia), l’injustice de lois humaines, à la loyauté envers les musulmans, l’inimitié envers les mécréants. Aucun pont ne peut exister entre le bien et le mal.
Bosnie et Scandinavie, à la périphérie du jihadisme européen ? (Bosnie) La configuration du conflit duplique aux yeux des militants la situation en Asie centrale ; les musulmans bosniaques occupent la position des Afghans qu’il convient de secourir face aux Serbes dans le rôle des agresseurs soviétiques. Les pays scandinaves forment un ensemble cohérent dans l’approche du jihadisme européen.
Algérie et Belgique, à la croisée des chemins (Belgique) Dès les années 1990, des « vétérans » des jihads ont utilisé la capitale de l’Europe comme discret point nodal. La particularité du cas belge tient à la concentration des dynamiques observées. (Algérie) Les années 1990 en Algérie renvoient à la « décennie noire », au cours de laquelle disparaissent, selon les estimations, entre 100 000 et 150 000 personnes. A l’été 1995, le GIA organise la première opération jihadiste d’ampleur sur le sol européen. Une explosion à la station de RER Saint-Michel cause la mort de huit personnes et en blesse cent dix-sept autres. L’attaque est revendiquée depuis Londres. La campagne d’attentats est avant tout le produit de la fuite en avant du GIA, qui y voit le moyen commode de faire oublier l’horreur de ses exactions dans la guerre civile algérienne. Elle reflète la capacité des organisations jihadistes à ancrer leurs actions dans des récits éminemment politiques, potentiellement vastes et mobilisateurs, et à cibler les lignes de faille politiques et identitaires qui caractérisent les nations européennes à la fin du XXème siècle.
Londres : « nouveau Peshawar du réveil islamique » Après 1995, tout s’accélère. On commence à identifier des personnes du GIA qui ont réuni plusieurs groupes autour d’eux…Tout converge vers Londres. Le mouvement qui prend forme en Grande-Bretagne demeurera de taille très restreinte mais aura des conséquences profondes et durables sur le développement du jihadisme européen. Son action sera imitée dans les pays voisins et représente une incarnation de ce à quoi ressemble le salafo-jihadisme en Europe « à marée basse ». Un écosystème radical, vaste et diversifié, a pris forme dans certains quartiers londoniens. Les mouvements qui s’y activent, du frérisme politique au salafo-jihadisme, sont loin de tout coaliser et de partager les mêmes interprétations du dogme musulman.
L’émirat d’Afghanistan et le 11-Septembre La conquête de Kaboul par les talibans, le 27 septembre 1996, est le point de départ de mutations profondes dans les sphères jihadistes…S’ils promettent de « pacifier » le pays, les talibans érigent en priorité l’instauration de leurs conceptions rigoristes de la loi islamique. Les libertés fondamentales sont abolies. Les femmes sont les plus sévèrement touchées, interdites de scolarité et d’exercer une profession. L’Afghanistan, usine à terroristes du monde…Au matin du 11-Septembre, dix-neuf pirates de l’air s’emparent des commandes de quatre appareils commerciaux et fixent le cap sur les symboles de la superpuissance américaine : financière à New York (les tours jumelles), militaire en Virginie (le Pentagone) et politique à Washington D.C. (le Capitole ou la Maison Blanche)… Près de trois mille personnes trouvent la mort dans cet événement majeur, dont les multiples répercussions en chaîne continuent d’affecter la situation géopolitique dans l’ensemble de la zone euro-méditerranéenne.
II. LES PIONNIERS – DECENNIE 2000
Le 11-Septembre est perçu comme un accomplissement spectaculaire et un changement de paradigme dans les milieux concernés. Date inaugurale du XXIème siècle, il est le point de départ du jihadisme comme phénomène européen à part entière.
La guerre contre la terreur Elle s’érige autour d’un camp du bien contre son pendant maléfique composé d’»Etats voyous » soutenant le terrorisme. Outre le régime du mollah Omar, un « axe » honni est dessiné et englobe la Corée du Nord, l’Iran et l’Irak de Saddam Hussein. Le 20 mars 2003, les Etats-Unis lancent sur l’Irak l’opération Shock and Awe…L’initiative débouche sur un enlisement militaire désastreux et l’ensevelissement de la nation irakienne sous les décombres d’une décennie de guerre civile aux conséquences incommensurables. La mission des Etats-Unis en Afghanistan est alors devenue largement sous-financée et manquait des compétences essentielles. La construction de l’Etat afghan pour remplacer les talibans, qui exigeait en soi un effort monumental, se faisait désormais avec des bouts de ficelle. Le résultat était prévisible.
L’Europe entre deux eaux Deux tendances émergent au début de la décennie 2000. La première est l’accélération de la diffusion du salafisme au sein de l’islam européen. La seconde est l’affirmation de nouveaux acteurs du jihadisme dans l’ouest du continent, les pionniers qui prennent la suite des vétérans. (Le prédicateur Awlaki) La guérilla jihadiste doit avoir pour objectif de créer un climat de harcèlement permanent des sociétés démocratiques, qui se retourneront selon lui sans nuance contre l’ensemble des musulmans. Confrontés à une défiance grandissante, ceux-ci n’auront plus d’autre choix que de rejoindre en masse la guerre sainte dans une guerre civile dont il estime qu’ils sortiront victorieux.
D’Ulm à Toulouse : le passage de relais aux premier Le début des années 2000 est marqué par un processus d’européanisation du jihadisme qui n’est pas perçu comme tel…Dans ces milieux encore embryonnaires s’opère une transition d’un jihad transplanté vers un autre, désormais porté par les pionniers. En dehors de Londres, deux territoires archétypaux illustrent ce phénomène : Ulm en Allemagne et Toulouse en France. Outre l’émancipation des pionniers, la diffusion des idées jihadistes vers les prisons où atterrissent les vétérans fait également figure de phénomène mal anticipé.
L’amorce du terrorisme européen Le 11 mars 2004, alors que l’Irak sombre dans la violence terroriste, Madrid est la proie de l’attaque jihadiste la plus meurtrière en Europe (mort de 191 personnes ; 1800 blessés)…Les attentats de Madrid s’inscrivent dans le prolongement du deuxième cycle jihadiste en Europe. Quelques mois après les atrocités de Madrid, Théo Van Gogh est assassiné en plein cœur d’Amsterdam. La cruauté des méthodes employées rappelle celles popularisées au même moment par Zarqaoui en Irak. Ce dernier publie quelques mois plus tôt la première vidéo d’exécution d’otages occidentaux en combinaison orange (tenue des prisonniers de Guantanamo), une pratique que Daech banalisera dix ans plus tard. Satire danoise, 30 septembre 2005…Le 2 décembre, un groupe islamiste pakistanais condamne à mort la rédaction du journal danois ainsi que tous les dessinateurs. En janvier, la polémique s’embrase…L’affaire des caricatures révèle la matérialisation de dynamiques observées jusqu’alors principalement en Angleterre, notamment l’affirmation à grande échelle du militantisme salafiste.
L’accélération du salafisme en Europe Le 7 juin 2006 Zarqaoui, le chef d’Al-Qaïda en Irak, est localisé puis tué dans une frappe américaine. La cellule du Sauerland offre un condensé du processus de formation du jihadisme européanisé. Fruit de la pollinisation des vétérans, les pionniers se construisent au sein des différents espaces du salafisme au Moyen-Orient (les instituts du Caire, de Damas, de la Mecque) et des terres de jihad à l’étranger (Afghanistan). Les prisons européennes à l’intersection du global et du local.
La fin du jihad en Irak et la révolution numérique du jihadisme Dans le deuxième cycle du jihadisme qui atteint son étale basse, la mouvance occidentale termine ses reconfigurations. Elles sont marquées par l’autonomisation des réseaux européens en Afghanistan d’une part et l’occidentalisation de la propagande d’autre part, dont l’impulsion provient notamment du rebond de l’affaire des caricatures aux Etats-Unis. Au même moment, en Europe de l’Ouest, les perceptions divergent. Le pic de la menace terroriste semble être passé, mais l’espace de réception des thèses jihadistes s’est élargi depuis dix ans…Les reconfigurations se poursuivent alors que la marée commence à s’inverser.
III. LES AUTOCHTONES
Avant-Daech : les réseaux de la charia en Europe L’avant-Daech est marqué par l’intensification de l’activisme intellectuel et de nouvelles velléités terroristes. . London Calling : la constitution des réseaux paneuropéens de la charia (2010) . Essoufflement de l’autoritarisme dans le monde arabe : prémices d’une déflagration . Montée des eaux : les zones de la charia au Danemark et en Angleterre (2011) . Les premières attaques en Europe et l’horizon syrien (2012) . Point de non-retour (2013) Sur le front syrien, les visées des différents groupes jihadistes divergent. Une scission s’opère entre les partisans d’Al-Qaïda (Al-Nostra), favorables à une révolution islamiste contre le régime de Bachar al-Assad, et ceux de Daech. Ce dernier reprend le projet d’»Etat islamique » dans la région et entend y proclamer un califat. L‘idée suscite l’opposition de la plupart des groupes rebelles et entraîne des affrontements particulièrement violents entre les différentes composantes auxquelles participent de nombreux volontaires occidentaux.
Daech, tentative de submersion jihadiste A l’été 2014, le conflit syrien est le plus meurtrier du monde. L’opposition à Bachar al-Assad n’est plus en mesure de le renverser, l’armée est incapable de mater l’insurrection. Des pans entiers du territoire vivent de l’économie de guerre et sont la proie de milices prédatrices. Dans ce contexte chaotique, le 29 juin 2014, Daech annonce à Mossoul avoir rétabli le « califat » de l’islam, 90 ans après son abolition à Istanbul. Au même moment, la courbe des départs vers la Syrie et l’Irak augmente de façon fulgurante et fait apparaître la géographie longtemps ignorée du jihadisme européen. . Les femmes, au cœur de l’impensé jihadiste. En s’instaurant comme un « Etat », l’EI a ouvert ses portes à la gent féminine, qui représente environ 17% du contingent originaire d’Europe de l’Ouest…Au total, elle compose 13% des 41 000 étrangers estimés sur place, soit un peu plus de 5 000 personnes. . Janvier-février 2015 : le retour sanglant des caricatures. La tuerie de Charlie Hebdo concrétise un scénario que des dizaines de militants en Scandinavie et ailleurs avaient échafaudé à l’encontre du Jyllands-Posten et des dessinateurs qui s’étaient prêtés à l’initiative du journal. . Verviers, prélude au 13-Novembre . De Raqqa à Paris via Bruxelles : 13-Novembre…Les membres de l’équipe meurtrière commettent un carnage sans précédent dans l’histoire de la France contemporaine…131 personnes trouvent la mort tandis que des centaines d’autres en ressortent blessées ou profondément choquées…Les attaques sont conduites selon un mode opératoire de « guérilla urbaine ». . 2016-2018, le système D du « califat ». L’été 2016 est marqué par une augmentation du nombre d’actions meurtrières sur fond de politisation politique interne aux démocraties européennes.
Après-Daech : décrue jihadiste et reconfigurations islamistes en Europe La fin des années 2010 est marquée par l’inversion du sens de la marée. L’emprise de Daech, sous pression de toute part, s’effrite. Fin 2017, les forces arabo-kurdes ont repris le contrôle de Mossoul en Irak, de Raqqa en Syrie et enfoncent les positions jihadistes. Autre aspect caractéristique de la période de l’après-Daech en Europe : la difficulté à produire collectivement un état des lieux des raisons qui ont conduit à l’essor du jihadisme européen. Entre déni et hystérisation, faut-il choisir le silence ? Le besoin d’analyses précises et mesurées, sans concession avec les faits, mais sans malveillance à l’égard de situations locales parfois extrêmement fragiles, n’a pourtant jamais été aussi pressant. . Meurtre de Samuel Paty et French bashing : symboles de l’après-Daech ? La séquence de l’automne 2020, qui culmine avec le meurtre de Samuel Paty, est cardinale par bien des aspects. Son ampleur et ses conséquences sont potentiellement annonciatrices des reconfigurations dans les sociétés européennes à l’heure de l’après-Daech. . Le retour des talibans et la mort du chef d’Al-Qaïda Zawahiri…Le jihadisme international traverse indiscutablement une phase de faiblesse et de reconfigurations intenses et profondes.
CONCLUSION Depuis la fin du XXème siècle, l’ambition des groupes jihadistes s’est accrue. Malgré les échecs répétés, à chaque nouveau cycle, les organisations de référence ont tenté d’enrober leur projet dans une enveloppe religieuse toujours plus démesurée : Emirat islamique en Afghanistan dans la décennie 1990, Etat islamique en Irak dans les années 2000 et Califat mondial dix ans plus tard. De fait, les sociétés occidentales ont eu tendance à s‘en remettre aux erreurs tactiques des organisations jihadistes plutôt qu’à créer dans leur sein des réponses légales et des anticorps intellectuels, politiques et religieux.
La France de l'à peu-près par Nicolas Bouzou - L'observatoire
Émetteur du verbatim: François C.
Introduction
Dans la plupart des domaines, les performances françaises ne sont pas catastrophiques, mais elles sont loin d’être excellentes. C’est la France dans son ensemble, société civile, syndicats, classe politique, intellectuels, qui pratique cette stratégie de l’»à-peu-près ». La France est un pays agité, un moteur à explosion dans lequel il se passe un événement toutes les minutes. C’est ce qui rend son destin si imprévisible et fascinant.
1. Les défis français
Préserver notre modèle social : Notre Etat-providence est parfaitement soutenable, à une condition absolument nécessaire : que chacun travaille, bien et beaucoup. Réarmer notre géopolitique Notre agriculture perd des parts de marché, notre armée éprouverait des difficultés à tenir sur la durée une guerre de haute intensité, notre indépendance énergétique est menacée, et nous ne sommes pas des leaders technologiques. Le budget de notre armée s’élevait à 33 milliards d’euros en 2017. Il a dépassé les 40 milliards en 2022 et atteindra 50 milliards en 2025, soit l’objectif de 2% du PIB… La maîtrise des technologies de la troisième révolution industrielle est nécessaire au maintien d’une souveraineté militaire. Maîtriser le réchauffement climatique et s’y adapter Le défi climatique est à la fois scientifique et civilisationnel. Il illustre la capacité d’une société, face à un péril, à réagir de manière rationnelle et efficace dans le cadre de l’Etat de droit. Ce défi est scientifique, organisationnel, technologique et politique. Plus de 40% des émissions de CO2 dans le monde proviennent de la production d’électricité. Les transports (surtout routier) représentent 25% des émissions et l’industrie (y compris la construction) 20%. Investissons massivement dans les énergies renouvelables, réinvestissons dans le nucléaire, isolons les bâtiments, encourageons les constructions en bois, décarbonons les transports grâce à l’électricité, à l’hydrogène, aux biocarburants… Soyons leaders dans l’aéronautique décarbonée. Nous aiderons alors le monde entier à réduire ses émissions. Couper l’arrosage d’argent public La fin de ce long cycle de politiques monétaires signe la fin du crédit gratuit… La solvabilité d’un Etat est mieux mesurée par la charge des intérêts de sa dette (rapportée au PIB) que par son endettement (lui aussi rapporté au PIB). Dans le monde qui se profile, la protection de notre solvabilité publique va exiger une amélioration de nos recettes fiscales via la croissance économique et une gestion plus rigoureuse des dépenses publiques.
2. Les boucs émissaires : politiques et fonctionnaires
L’excessive critique des politiques Des choix qui sont souvent corrects, qui vont dans la bonne direction, mais qui succèdent à des tergiversations, correspondent à des demi-mesures, sont incomplètement exécutés, passent outre la question de l’enchevêtrement bureaucratique, et qui donnent des résultats décevants, voire contre-productifs. Nos maires sont majoritairement animés d’une vraie abnégation et déplacent souvent des montagnes alors qu’ils sont piégés par le monstre bureaucratique étatique et des contraintes financières de plus en plus strictes. Les fonctionnaires ne sont pas coupables de la bureaucratie La fonction publique d’Etat fait travailler un peu moins de la moitié du total des fonctionnaires (2,5 millions). La fonction publique territoriale en emploie 1,9 million et la fonction publique hospitalière 1,8 million. Notre Etat dépense un peu plus de 600 milliards d’euros par an, financés essentiellement par l’impôt et l’augmentation de la dette publique (les recettes tournent autour de 450 milliards d’euros). L’exemple des dysfonctionnements dans la police et la justice La puissance publique en France dépense énormément mais peu dans ses « coeurs de métier ». Sur 1000 euros de dépenses publiques, 575 sont affectés aux dépenses sociales et 60 pour les fonctions régaliennes. Sur ces 60, 31 euros vont à la défense, 25 euros à la sécurité et 4 à la justice. Laisser des espaces d’autonomie aux fonctionnaires Le problème de nos trois fonctions publiques et de leur pénible sous-productivité est lié à leur organisation en dépit du bon sens : enchevêtrement de niveaux d’intervention, mauvaise définition des tâches assignées à chacun, difficulté à motiver les personnes et à leur proposer des perspectives de carrière motivantes dans le cadre d’un statut rigide, management centralisé et technocratique qui préfère les chiffres aux relations humaines.Pour lutter conte les doublons et l’inefficacité des process excessifs, il faut laisser davantage de liberté d’organisation aux services déconcentrés, aux collectivités locales et aux hôpitaux.
3. L’»à-peu-près » économique
Encore un effort pour le plein-emploi Plus de 5 millions de personnes sont inscrites à Pôle emploi, soit parce qu’elles ne travaillent pas, soit parce qu’elles voudraient travailler davantage (elles exercent une « activité réduite »). 3 millions sont sans aucun emploi et 1 million sont des chômeurs de longue durée. Il est nécessaire de creuser l’écart de rémunération entre les situations d’emploi et de non emploi. Il est nécessaire d’augmenter le taux d’emploi des seniors qui reste inférieur à 60% pour la tranche des 55-64 ans. Défi le plus compliqué à relever : réintégrer les personnes socialement le plus en difficulté dans les entreprises. Encourager financièrement nos entreprises à investir dans les robots, l’intelligence artificielle et l’imprimante 3D, renforcer les actions de formation continue à destination des secteurs industriels… est l’un des meilleurs moyens de renforcer notre productivité, i.e. notre compétitivité globale (prix et hors prix). Il faut dédiaboliser le capital, le profit et les dividendes… Il reste 100 milliards d’impôts de production…On retrouve le syndrome de l’»à-peu-près » : surprélever les entreprises, puis les aider financièrement à investir. La France ne produit pas assez d’innovations… Nos choix budgétaires révèlent nos préférences collectives : la prodigalité pour les dépenses sociales, la radinerie pour les investissements du futur. Immigration économique :le règne de l’»à-peu-près » Notre pays n’a pas de doctrine claire et souffre d’une mise en pratique brouillonne de la gestion des migrations, des entrées comme des reconduites à la frontière, rarement exécutées. Notre immigration présente deux défauts. 1. Elle est peu diversifiée géographiquement ; 2. Elle est peu qualifiée.Notre politique d’immigration est peu lisible, mouvante, complexe, en un mot brouillonne.
4. L’»à-peu-près » énergétique
De bons résultats de prime abord: La décarbonation exige d’expliquer, de convaincre, d’entraîner, d’accompagner, de soutenir. Certains rêveraient d’une dictature pour décarboner plus vite. Quelle mauvaise blague. Supprimer nos libertés pour diminuer les émissions de CO2 : quel programme philosophique abject ! Le lâche abandon de la filière nucléaire: Dans les faits, l’Etat a été incapable d’encourager une filière qui devrait être aujourd’hui l’un des phares de la décarbonation dans le monde. Une stratégie velléitaire sur le renouvelable:Il faut à peu près quinze ans pour construire et mettre en service une centrale nucléaire, moins de dix pour un champ d’éoliennes… Encore faut-il que les décisions soient prises. La France pourrait contribuer à décarboner le monde: La filière aéronautique peut encore contribuer à décarboner le secteur du transport aérien…Cette filière compte en France 4500 entreprises et 285 000 salariés.
5. L’»à-peu-près » sanitaire L’enracinement de la médiocrité sanitaire la France consacre plus de 12% du revenu national à ses dépenses de santé…La prévention, la rapidité de l’accès au système de santé, la pertinence des soins sont des éléments cruciaux en matière de santé publique. Sur ces trois aspects, la France n’est pas bonne.Ce qui compte, c’est que ces dépenses soient efficientes…Nous en sommes loin, car le système de santé est replié sur lui-même, tourné vers ses indicateurs technocratiques et budgétaires, et insuffisamment vers les patients. L’échec du socialisme hospitalier. Rien n’est plus étranger au libéralisme que notre système de santé, et l’hôpital en particulier. Voici des structures publiques, dirigées par des fonctionnaires, contrôlées par des agences publiques, qui emploient des salariés sous statut, et dont les prix sont fixés par les pouvoirs publics (c’est la logique de la fameuse T2A, la tarification à l’activité) : pas de liberté, pas de marché. Le mal-être des soignants.La maltraitance administrative à l’égard des patients…De lenteur en absurdités, c’est moins le manque de moyens ou d’effectifs qui choque qu’une organisation tétanisante, une bureaucratie tatillonne et une organisation en silos atténuant toute bonne volonté en recherche de solutions pour les patients.L’hôpital a besoin d’une remise à plat de ses process, d’une simplification administrative radicale, et surtout d’une destruction des silos qui interdisent à un salarié X d’empiéter sur les tâches dévolues à Y, même s’il en est parfaitement capable et si Y est indisponible. Oser la liberté Le corporatisme des professions de santé, la passion bureaucratique de l’Etat, la focalisation des syndicats sur la question de l’argent, l’autocentrisme du système, la confusion du débat sur les sujets de santé : tout cela concourt à dégrader la qualité de notre système de santé, alors même que nos contemporains espèrent vivre le plus longtemps possible en bonne santé. Cette contradiction est porteuse de désordres.
6. La crise de l’exigence et l’»à-peu-près » éducatif
L’»à-peu-près » éducatif condamne notre pays à un »à-peu-près » économique et social. Le sous-investissement éducatif Les salaires sont notoirement insuffisants dans notre système éducatif. Enseigner est un métier tout à la fois important, difficile et épuisant. L’exemple inquiétant des mathématiques Le niveau des Français en mathématiques s’est effondré… Dans le contexte de la troisième révolution industrielle, ce sous-développement en mathématiques pourrait se transformer en sous-développement économique et social. éducation et la prospérité Les performances économiques et le bien-être financier sont liés à la qualité du système éducatif. Ce lien est matérialisé par des gains de productivité qui sont le principal vecteur de hausse de la production et des revenus. Le drame de l’enseignement supérieur Notre système d’enseignement supérieur est protéiforme. Le meilleur (rare) côtoie le moins bon (assez concentré dans les sciences humaines et sociales). L’excellence doit lutter pour émerger, alors qu’elle devrait être encouragée à tous les niveaux. L’université française est un lieu où, souvent, les intrigues, les jalousies et le ressentiment guident les carrières autant que la connaissance et l’habileté à enseigner.Davantage de moyens et d’autonomie dans la gestion des ressources humaines, un renforcement de l’attractivité des filières scientifiques, et un accent plus prononcé sur la recherche et donc sur l’innovation : voilà ce qui manque.
7. Le risque du populisme : de l’»à-peu-près » à la chute
Le populisme repose sur la simplification du réel…Céder au populisme, c’est passer de l’»à-peu-près » aux abîmes sans savoir combien de temps sera nécessaire pour en sortir. L’économie du populisme: Les programmes populistes présentent toujours trois traits saillants : 1. Ils prétendent agir au nom du peuple contre les élites ; 2. Ils prônent un Etat fort, par opposition au marché ; 3. Ils rejettent les contraintes économiques. Trois conséquences : 1. L’affranchissement des contraintes financières et de compétitivité déclenche un cycle de type expansion-récession ; 2. L’augmentation des inégalités ; 3. La fragilisation du cadre institutionnel a des effets pernicieux et puissants. La démocratie libérale n’est pas coupable:Le populisme d’extrême droite s’appuie notamment sur l’inefficacité des démocraties par rapport aux « pouvoirs forts ». C’est l’une des raisons qui explique la complaisance des populistes pour les dictateurs. Mener le combat intellectuel Le problème, c’est que la remise en cause de la vérité émane d’un relativisme généralisé qui s’étend comme une maladie contagieuse…En suggérant que toute parole se vaut, les réseaux sociaux contribuent à propager le mensonge bien plus que la vérité… Le sociologue Gérald Bronner a montré, parmi d’autres, à quel point le « marché cognitif » était envahi par les diffuseurs de mensonges. Les forces rationalistes doivent se regrouper, débattre, répondre, attaquer. C’est un travail qui ne finit jamais, une guerre d’endurance… mais c’est notre devoir pour amener la France vers l’excellence.
8. Revaloriser l’excellence
Elever le niveau de recrutement des enseignants. Apprendre l’épistémologie Mais la France, ce doit être Pasteur, pas Raoult. Dans son rapport, la commission Bronner propose de « systématiser la formation à l’esprit critique en milieu scolaire » et de « développer la formation à l’esprit critique dans la société civile ». C’est indispensable. Retrouver la joie du travail bien fait 37% des personnes interrogées pratiquent le « quiet quitting », i.e. qu’elles respectent leur contrat de travail, mais pas plus… Cette proportion monte à 43% pour les moins de 35 ans… Enfin, 74% des 18-24 ans et 78% des 25-34 ans adhèrent à l’idée d’un droit à la paresse. Notre pays souffre d’une crise de l’excellence qui est aussi une crise de l’engagement. Changeons d’état d’esprit et choisissons collectivement l’éthique de l’exigence, de la qualité, du travail, de l’investissement. Retrouvons le sens du grand destin de la France.
On l'appelait Vermicelle de Fanny Vella - Leduc Graphic (bd adulte)
Coup de cœur de Joseph G.: Comme l’a dit la grand-mère de Vermicelle “déjà que la vie c’est pas du gâteau, mais quand tu es une fille, c’est pire”. Effectivement, c’est pas de la tarte: personne ne comprend jamais ce qu’elle ressent, tout le monde lui demande de rester gentille et mignonne même quand elle n’a pas envie, et c’est toujours à elle de soutenir tout le monde quand ils ont des problèmes. Heureusement, Vermicelle peut se réfugier dans son imagination débordante, qui lui permet de survivre dans ce monde cruel. Après tout, ce n’est pas parce que c’est une fille qu’elle doit souffrir par nature, n’est-ce-pas?
Cette BD a un scénario tout simple, mais très efficace. Fanny Vella parvient parfaitement à témoigner des difficultés que peut rencontrer un enfant au cours de sa vie, en particulier ceux causés par la maladresse des adultes. Vermicelle elle-même est une fille très attachante, et les illustrations parviennent très bien à transmettre les diverses émotions qu’elle ressent. Bref, lisez cette BD sans attendre.
Le Chœur Singulier de Milly Davis de S.A. Yarmond - Hurlevent
Coup de cœur d’Anne-Christine T:
L’histoire se passe dans les plaines écossaises, notre héroïne Milly Davis enracinée dans un confort familial, elle est animée par une passion de l’écriture et de l’histoire au sens large du terme pour exister. Dotée d’une réserve excessive, d’une forme de timidité ancrée, un manque de confiance en elle-même, elle met sa vie entre parenthèse pour vivre celle des autres : “travestir son quotidien” pour reprendre une expression de l’autrice", devenir quelqu’un d’autre et partager les émotions d’autrui. Elle semble dubitative dans ses choix, réticente dans sa manière de penser, d’agir alors qu’elle a tant d’idées à développer dans son esprit. Elle est studieuse. Elle est dans l’appréhension, la suspicion de l’inconnu et de l’insolite dans son quotidien, la peur de se déraciner. Pour sortir de ses doutes et de sa retenue, elle se met en exergue à travers son personnage de roman d’écrivain: “Isadorah” qui comme notre héroine est cultivée, curieuse, qui se cherche et où le doute persiste. Cependant avec sa meilleure amie artiste à l’écoute, une grand-mère présente, empathique, féministe, engagée et la rencontre avec un professeur d’archives historiques atypique, notre Milly Davis va être encouragée dans ses recherches, dans sa création de perfectionnement d’écrivain, elle va se révéler petit à petit. Une relation de sentiments pudiques va se nouer entre notre héroïne et ce professeur où s’entremêlent empathie, partage, complicité au quotidien.
Un livre qui nous fait voyager à travers les conditions de vie de la femme au 19ème siècle à nos jours, l’homosexualité féminine des années 70 à nos jours considérée comme une atteinte à la morale dans un certain milieu. On remonte le temps à travers la calligraphie d’idées dans des petits carnets brodés, l’utilisation du papier à lettres assorties, les sensations olfactives du vieux cuir des ouvrages en bibliothèque, l’odeur des livres anciens. Un récit plein d’empathie, de tolérance, d’émotions, qui nous fait retrouver la confiance en nous-même, une forme d’assurance et s’affirmer de plus en plus. Faire preuve d’émulation et oser.
La santé à vif par Jean de Kervasdoué - Humensciences
Émetteur du résumé : François C.
Pauvre,vieux ou malade? Derrière ces trois adjectifs se cache une coupure administrative essentielle : s’agit-il de « sanitaire » (malade) ou de « social » (pauvre, vieux, voire handicapé)?. La distinction entre ces qualificatifs a en effet structuré l’organisation des soins médicaux depuis deux siècles ainsi que la prise en charge des plus démunis. Elle est de plus en plus inadaptée, notamment pour les soins aux personnes très âgées.Les frontières entre ces deux mondes sont à la fois rigides, floues et poreuses…Pour des raisons budgétaires, les départements ont tout intérêt à dire que les vieux sont malades et, a contrario, l’Assurance maladie à faire remarquer que les malades sont vieux…
Être en bonne santé. Il serait souhaitable de trouver une autre définition de la santé : celle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) laisse à penser qu’il pourrait exister un paradis sur Terre. Selon l’OCDE, en 2018, les Japonais consacraient 10,9% de leur PIB à leur santé, les Français 11,2% et les Américains 16,9%. S’il faut être pour jouir de la vie, la Chine montre aussi qu’il faut avoir pour être car c’est parce qu’elle a accru sa production industrielle qu’elle a pu mieux nourrir, mieux loger, mieux soigner sa population et qu’une spectaculaire croissance de l’espérance de vie s’est produite.
La santé n’est pas la médecine. La médecine n’est pas la santé. Quand elle n’informe pas, quand elle ne prévient pas, la santé publique interdit et donc punit ; elle est par essence liberticide, même si elle préfère afficher sa dimension éducative. On est donc bien loin de la définition bien-pensante de la santé par l’OMS, répétée à l’envi.
Epidémie. Le Sars-Cov-2 fut un puissant révélateur des faiblesses françaises en santé publique. La crise a souligné le manque de culture de santé publique en France, les limites du « tout hospitalier » et la nécessité de progresser en matière de culture de santé publique, de culture scientifique et d’organisation cohérente. Prévention Si l’éducation pour la santé doit être la priorité, elle n’a par essence aucune prise chez ceux qui ne font pas de liens entre leur comportement et leur santé, notamment quand les bases manquent en matière d’alimentation, d’hygiène, voire de sexualité. En outre, ceux qui savent, ne tiennent pas systématiquement compte de leurs connaissances, car le plaisir de boire ou de fumer est immédiat et les conséquences des comportements à risques sont à la fois lointaines et probabilistes.
Complexité La conscience du fait qu’il existe de grands progrès à accomplir dans de nombreux domaines médicaux est universelle, elle est aussi biaisée.Il doit être possible de réconcilier hédonisme, tradition, industrie et santé, mais pour y parvenir, il faudrait voir comment se développent les pratiques alimentaires dans les milieux sociaux défavorisés et trop souvent déstructurés. En outre, il serait essentiel que l’on consacre du temps à l’école sur ce qu’est l’alimentation (la méconnaissance des bases de la nutrition est abyssale, y compris chez les bac + 5), que l’on cesse de faire peur, que l’on arrête de stigmatiser les produits alimentaires en « bons » ou « mauvais » car ils le sont avec une certaine fréquence, une certaine dose, dans des conditions de vie spécifiques pour une alimentation donnée.
Médicalisation du destin L’hôpital, c’est peut-être d’abord cela : un lieu de souffrance, de maladie et de mort. 56% des Français y meurent…C’est l’institution où tente de se résoudre la contradiction fondamentale des êtres humains qui veulent vivre et doivent mourir. Souffrances, vie et mort du côté des soignants, budget, contrats de recrutement, marchés de fourniture, exigences administratives de l’autre, ceux qui soignent et ceux qui administrent ne vivent pas dans le même monde et ne partagent pas les mêmes références. En France, la rigidité des organisations, des statuts, et la quantité astronomique de lois et de règlements font de l’hôpital un lieu non seulement complexe mais rigide et donc incapable de s’adapter. Cette institution est au centre des aspirations contradictoires de nos contemporains. Elle ne peut être comprise, gérée et, le cas échéant, réformée que si ses dimensions économiques, organisationnelles, scientifiques et techniques, philosophiques et éthiques sont analysées.
Vérité Mais que veut dire informer ? Quelle vérité ? Jusqu’où ? Qu’est-ce que cela implique ? Que comprend le patient de ce que lui dit le médecin ? Pour répondre à l’angoisse des patients, pour leur offrir leur libre arbitre, on a juridiquement contraint les soignants à les « informer ». Cette évolution, aussi souhaitable qu’elle soit, a transformé la relation médecin-malade, favorisé la médecine défensive et certainement accru les analyses biologiques, les examens d’imagerie et la paperasse hospitalière.
Médecine libérale Pour la profession, abritée par ce monopole d’exercice, le système est donc « libéral » s’il respecte les principes suivants : paiement à l’acte, liberté de choix, liberté d’honoraires, liberté de prescription, liberté d’installation et il faut y ajouter le principe non écrit, mais essentiel, de non-contrôle des pratiques cliniques qui est le pendant de la liberté de prescription.
Besoin En faisant fi des contraintes économiques, démographiques, institutionnelles, la notion de « besoin » ne mène qu’à la désillusion car toute réponse à un « besoin » est limitée. Aussi, il semble évident que l’abus de ce terme reflète le refus d’admettre, voire de comprendre, qu’il n’existe que des mécanismes de rationnement ou d’économie de marché.
Argent Le constat est donc paradoxal : quand les soins sont gratuits les patients surconsomment, mais quand ils sont payants, ils sous-consomment. Les conclusions qui m’apparaissent logiques sont : la gratuité est inflationniste et coûteuse ; le paiement direct de ses soins par le malade, en partie comme en totalité, retarde l’accès aux soins ; les mécanismes de marché ne permettent pas de réguler l’accès aux soins.
Rationnement Dans le secteur de la santé, tout est bel et bien rationné : les médecins (numerus clausus), le infirmières (quotas d’entrée dans les écoles), les lits d’hôpitaux (autorisation) et surtout l’argent (objectif national des dépenses d’Assurance maladie et budgets (ONDAM). Pouvoir Toutes les professions ne transforment pas leur savoir en autorité et leur autorité en pouvoir. La profession médicale y est parvenue. La médecine s’est battue contre le capitalisme en trouvant des alliés dans la collectivité. Si l’on regarde sur une période d’un siècle, l’industrie pharmaceutique, les hôpitaux et l’Assurance maladie, qui auraient pu menacer le fondement du pouvoir médical, ont été mis le plus souvent à son service et toujours respecté son autonomie.
Stabilité Aujourd’hui, l’Etat réglemente encore et toujours : quarante trois familles de règlements s’appliquent à l’hôpital pour la seule sécurité. Il s’immisce dans la gestion hospitalière jusqu’à la prendre en charge, définissant le moindre emploi. Désormais, l’hôpital se fond dans l’Etat, la loi « HSPT » (hôpital, patient, santé et territoire) de 2009 n’étant que la dernière étape d’une évolution commencée il y a une trentaine d’années.
Etatisation Le primat est en France accordé aux règles et à la hiérarchie, mais elles ne peuvent pas tout régenter, car elles sont incapables de prévoir tous les aléas possibles. La décentralisation est indispensable. Or la bureaucratisation prospère à tout niveau et, avec elle, l’éclatement des sources de légitimité et un décalage culpabilisant entre les pratiques et les règles. Qualité Plus on en parle, moins elle progresse, car la « qualité » des soins est toujours évoquée de manière indéfinie ; elle ne veut donc rien dire. La recherche de la qualité par la judiciarisation des fautes n’est pas sans conséquence néfaste sur la qualité globale d’un hôpital. Il y a les fautes manifestes d’une équipe pour un malade déterminé, mais le plus souvent la non-qualité est organisationnelle.
Egalité « Tout Français exige de bénéficier d’un ou plusieurs privilèges. C’est sa façon d’affirmer sa passion pour l’égalité. » Ch. de Gaulle Après des décennies de vaines tentatives, la France n’a pas réussi à répartir de manière à peu près équitable les médecins, les pharmaciens et les hôpitaux sur son territoire. Prétendre de surcroît réduire les inégalités de santé qui sont d’origine culturelle, économique et sociale semble pour le moins immodeste !L ’écart qui existe entre les rappels incantatoires des actuels programmes régionaux de santé et un plan de bataille opératoire où chaque acteur aurait sa feuille de route…C’est ainsi que procèdent les grands groupes industriels, mais ils ont pour cela des moyens, des femmes et des hommes capables de les concevoir, de les mettre en œuvre et de les contrôler, ce qui n’est pas le cas du ministère de la Santé ou de l’Assurance maladie qui investissent trop peu dans l’intelligence collective du système.
Précaution Le principe de précaution était et est toujours dangereux parce qu’il peut être évoqué à tout moment par n’importe qui et conduire à des mesures coûteuses et inadaptées ou, à l’inverse, à un manque de prudence. En cas de catastrophe ou de manquement manifeste de la puissance publique, chacun n’a plus que le mot précaution à la bouche, alors qu’il s’agit le plus souvent de méconnaissance, d’erreur, de faute, d’imprudence ou d’incapacité.
Innover On invente en France, mais on innove ailleurs. Pour un chercheur, la raison première de quitter la France n’est jamais seulement sa rémunération, mais toujours les conditions de travail, l’équipe, l’entourage, la confiance en l’institution et donc les moyens de faire avancer ses projets.La France a tout fait pour bâtir un mur entre chercheurs publics et entreprises privées.
Réformer Les enjeux sont connus : . la demande de soins médicaux et leurs coûts vont croître plus rapidement que la richesse nationale sous l’effet cumulé de deux facteurs : le vieillissement de la population française et le progrès technique mondial, aussi extraordinaire qu’onéreux ;. les difficultés d’accès aux soignants en France, qui sont selon les endroits préoccupantes ou dramatiques ;. les inégalités de territoires en matière de santé se creusent ;. le paiement à l’acte, notamment des généralistes, est à la fois un mode de rémunération inadapté et scandaleusement bas ;. la coordination des soins entre la ville et l’hôpital n’est le plus souvent qu’un vœu pieux ;. l’hôpital public étouffe sous le poids d’une bureaucratie inutile, inefficace et coûteuse ;. la gestion des innovations, par le biais des nomenclatures, ne se fait pas ou mal, faute d’experts en nombre et en qualité ;. la recherche médicale française perd chaque année des places dans les classements mondiaux ;. l’industrie biomédicale française, à l’exception de quelques fleurons, est faible et fragile.
Pour tous ceux qui connaissent l’entreprise, celle-ci agit en définissant des objectifs, examinant l’état des lieux, élaborant des mesures correctrices, les mettant en œuvre, les contrôlant et …recommencant. Dans le secteur de la santé, ces objectifs sont révolutionnaires : on a laissé faire le temps et les pouvoirs établis, la situation s’est aggravée, d’où la crise actuelle. « Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes. » Bossuet
Vers la beauté par David Foenkinos - Folio
Coup de cœur de Manon B.: Romain quitte tout. Spécialiste de Modigliani et instituteur aux Beaux-Arts de Lyon, il quitte tout. Du jour au lendemain, en prétextant s’isoler à Paris afin d’écrire un nouveau roman. Seulement, une fois là-bas, Romain se fait embaucher par Mathilde en tant que conservateur de Musée. Etonnée par ce changement radical de profession, et encore plus surprise du choix professionnel de son employé compte tenu de ses connaissances et de ses facultés, Mathilde ne tarde pas à savoir ce qu’il se cache derrière la personne de Romain Duris.
Et ce qui se cache derrière lui, c’est Camille Perrotin, 18 ans pour toujours, ancienne élève de Romain à l’école des Beaux-Arts de Lyon. Jeune fille torturée par la dépression, elle se révèle être également une élève particulièrement intelligente et particulièrement habitée par une seule et unique passion : la peinture. Jour et nuit, nuit et jour, Camille peint. Elle ne s’arrête jamais. Du moins, elle ne s’arrêtait jamais jusqu’à ce fameux jour où sa vie bascule dans un tourbillon de souffrance et de culpabilité.
À priori, rien ne les relie plus que ça, et toutes les hypothèses se forgent sur le mystère du départ précipité de Romain.
Encore une fois, Foenkinos nous tient en haleine. Véritable roman émouvant et touchant, nous y rencontrons deux personnages happés par une même passion : la beauté de l’art, et ce que ceci dévoile implicitement de nous. Seulement, cette passion a ses propres limites et, rapidement, elle se révèlera fatale pour Romain et Camille.
Démocraties contre empires autoritaires par Nicolas Baverez - L'Observatoire
Émetteur du résumé : François C.
Introduction LE DOULOUREUX REVEIL DES SOMNAMBULES
L’attaque de l’Ukraine…marque un changement de monde avec le retour de la guerre de haute intensité en Europe, accompagné d’un cortège d’atrocités.L’Europe replonge dans les pires heures de la guerre froide, avec un nouveau rideau de fer qui la sépare, courant de la Baltique à la Grèce. Le conflit ukrainien…libère la violence sur tous les continents. Il est ainsi à prévoir que de nombreux affrontements gelés se transforment en confrontation armée directe, en Afrique, au Moyen-Orient, au Maghreb, mais aussi au Caucase, en Asie centrale ou en Méditerranée. L’aveuglement volontaire des démocraties sur la montée des menaces visant la liberté, en dépit de la multiplication des alertes…Le pouvoir illimité du totalitarisme russe est allé de pair avec l’institutionnalisation de la guerre, devenue le socle du régime avec l’enchaînement des interventions en Géorgie (2008), en Syrie (2013), en Crimée et au Donbass (2014), en Libye (2016), en Centrafrique (2018) et au Mali (depuis 2016). L’apparente unité des démocraties masque un grand écart : les Etats-Unis voient leurs secteurs de l’énergie, de l’armement et de l’agriculture confortés par le conflit, quand l’Europe se montre économiquement fragilisée, mais aussi politiquement et moralement. La liberté politique est un enjeu central du XXIème siècle, sachant que les nouveaux autoritarismes reposent sur la concentration de toute l’autorité entre les mains d’hommes forts, sur l’institutionnalisation de la violence et du mensonge, sur le contrôle par l’Etat de l’économie, de la société et des médias…Leur influence a considérablement progressé dans les pays du Sud à travers l’exportation de leur modèle conjuguant pouvoir personnel, fusion de l’Etat et des services de sécurité, économie de prédation contrôlée par des oligarques proches du pouvoir, contrôle et manipulation de l’information.
LA GRANDE CONFRONTATION
L’histoire n’est pas linéaire. Elle stagne, puis elle accélère brutalement autour de moments nœuds, caractérisés par la multiplication et l’enchevêtrement des crises. Cette grande confrontation est le fruit du durcissement militaire, idéologique et politique des empires autoritaires…pour assouvir leur volonté d’expansion et construire un ordre international post-occidental autour de vastes sphères d’influence.
Les surprises de la guerre d’Ukraine. Le PIB de l’Ukraine a été amputé de moitié et les territoires conquis par la Russie quasiment rasés, à l’image de Marioupol et des villes du Donbass. La guerre d’Ukraine s’est ainsi transformée en un affrontement de longue durée entre la Russie et les démocraties occidentales, sans le soutien desquelles l’Ukraine ne pourrait résister.
Derrière l’Ukraine, l’Europe et la démocratie. La Russie est plus que jamais enfermée dans l’autocratie…Elle se définit comme puissance face aux Etats-Unis et comme ennemie de l’Europe, considérée comme une menace politique, intellectuelle et morale. La stratégie russe est limpide : créer le désordre et entretenir la peur dans la population européenne, tout en divisant l’Union, en la coupant des Etats-Unis et du Royaume-Uni, en lui aliénant les pays d’Afrique et du Moyen-Orient. La paralysie, l’éclatement et l’isolement de l’Europe sont en effet les conditions requises pour l’extension de l’empire russe sur le continent.
De Kiev à Taïpei La Chine a préparé la conquête militaire de Taïwan par la montée en puissance de sa marine, portée au premier rang mondial avec 350 bâtiments de combat contre 293 pour les Etats-Unis, ainsi que par l’annexion et la militarisation des îlots de la mer de Chine du Sud. Taïwan constitue une pièce essentielle des échanges internationaux et est interconnectée au monde entier, produisant 52% des semi-conducteurs et 61% des puces les plus avancées en 16 nanomètres. L’invasion de l’Ukraine a avivé les tensions autour de Taïwan et accru les risques d’attaque de l’île par la Chine.
Logique de blocs en guerres de moins en moins froides La guerre d’Ukraine…fait émerger trois blocs, non seulement d’un point de vue idéologique et militaire, mais aussi d’un point de vue économique et technologique : les empires autoritaires ; les démocraties rangées sous la garantie de sécurité américaine ; les pays du Sud…avec une inclination vers la position russe en raison du ressentiment contre l’Occident lié au passé colonial. La crise existentielle des démocraties, prises en étau entre la logique de guerre civile et les populismes qui les corrompent à l’intérieur, la menace des empires autoritaires et du djihadisme qui entendent les annihiler. Dans cet environnement, la guerre revient au premier plan de l’horizon des nations, y compris dans sa dimension nucléaire qui s’étend avec la prolifération et la banalisation de la menace. La conflictualité ne cesse de progresser. Le monde s’ensauvage. Et rien ne permet de penser que la guerre entre les grandes puissances du XXIème siècle restera froide.
LA PAIX PERDUE DE 1989
La paix de 1945 stabilisa le système international et permit aux démocraties de résister à la pression soviétique tout en évitant un troisième conflit mondial malgré les multiples crises et conflits périphériques de la guerre froide…Elle fonda un remarquable cycle de développement économique et de progrès social dans les démocraties développées. Force est de constater que 1989 fut comme 1918 une paix manquée…Il n’y a pas eu de négociation pour construire un ordre mondial adapté aux défis planétaires du XXIème siècle : le vieillissement d’une grande partie du monde et la reprise des migrations ; la mondialisation ; la révolution numérique ; la transition écologique ; la prévention des conflits alors qu’une nouvelle course aux armements s’enclenchait.
Après-guerre froide et désordre mondial Les années 1990, comme le début du XXème siècle, virent avorter la transition de la Russie vers la démocratie et l’économie de marché. La libéralisation des institutions dériva vers l’effondrement de l’Etat, la montée de la violence et la généralisation de la corruption. Dans la crise ukrainienne, les Européens, notamment l’Allemagne et la France, ont joué un rôle clé dans la signature des accords de Minsk I en 2014 et de Minsk II en 2015, très favorables à la Russie, puis sont restés silencieux devant leur inapplication. L’Union européenne est restée inerte devant l’effondrement du cadre de sécurité du continent. Elle s’est concentrée sur la construction d’un grand marché…quitte à créer une dépendance dangereuse envers la Russie pour l’énergie, la Chine pour les biens essentiels, les Etats-Unis pour la technologie.
La régression de la Russie vers la dictature Vladimir Poutine a transformé la volonté initiale de restaurer l’Etat russe en un projet politique qui mêle l’autocratie avec l’instauration d’une présidence à vie, la colonisation de l’Etat par les services de sécurité, l’appropriation des monopoles de l’énergie et des matières premières par des oligarques, la conduite d’un réarmement massif, la reconstitution de l’Empire soviétique à partir de l’intervention en Géorgie en 2008. Sur le plan idéologique, la propagande se déploie autour de la victimisation de la Russie, de son encerclement par l’OTAN, de la haine de la démocratie et de l’Occident, du projet impérial et de la négation de l’Ukraine en tant qu’Etat et nation.
Quand la Chine se referme La Chine est restée un Etat totalitaire et n’a renoncé ni à l’idéologie marxiste ni au pouvoir absolu du parti communiste. Sous l’influence de Xi, les autorités de Pékin ont également institué un contrôle du capitalisme dans trois domaines clés : la finance, la technologie et l’enseignement. Le temps joue en effet désormais contre la Chine, en raison de son déclin démographique, du freinage de son économie, de sa dépendance pour l’énergie, les matières premières et la technologie.
L’ère des autocrates Le constat est sans appel : les libertés régressent sur tous les continents. Sur 167 Etats, la planète ne compte plus que 21 démocraties à part entière, qui regroupent 6,4% de la population mondiale, et 53 démocraties imparfaites. Les régimes autoritaire (59) ou hybrides (34) sont largement majoritaires et gouvernent plus de la moitié de l’humanité. Tous ces autocrates communient dans la détestation de la démocratie, dans la volonté de faire émerger un ordre post-occidental et dans le culte de la force.
Le désarroi de l’Occident En moins de trente ans, l’Occident a perdu le contrôle du XXIème siècle, s’engageant dans un cycle de guerres enlisées et de défaites après les attentats de 2001, engendrant le pire krach du capitalisme depuis 1929, frôlant l’implosion de la monnaie unique européenne, se révélant désorganisé et paniqué lors de la première vague de l’épidémie de Covid-19, ignorant la montée de la menace existentielle provenant des empires autoritaires. Les démocraties sont coupables de s’être abandonnées à la démagogie et d’avoir donné la priorité aux intérêts de très court terme sur les enjeux stratégiques, qu’il s’agisse de santé et d’éducation, de souveraineté industrielle, alimentaire ou énergétique, de transition climatique ou de sécurité. Le véritable antidote aux autocrates, c’est la reconstruction des démocraties et la foi retrouvée dans les valeurs qui firent le succès de l’Occident : l’égalité et la solidarité ; le risque et l’innovation ; l’ouverture et le choix du grand large ; le pari de la responsabilité et de la liberté politiques.
LES DEMOCRATIES ENTRE GUERRE ET POPULISME
Toutes les démocraties sont donc vulnérables et exposées sur deux fronts : la paralysie de leurs institutions et la corruption de leurs principes et de leurs mœurs ; les menaces des puissances qui récusent la liberté politique.
La démocratie et la guerre Le premier risque qui pèse sur la démocratie provient de la prise en tenaille entre une guerre longue et la corruption par la démagogie. Le demos, peuple organisé de citoyens libres et responsables, tend à se décomposer en laos, coalition inflammable d’individus atomisés.
La multiplication des fronts La guerre d’Ukraine…jette une lumière crue sur les tensions qui traversent l’Etat dans les démocraties et qui le condamnent à l’effondrement s’il n’entreprend pas des réformes radicales. Il doit se repenser et se réorganiser autour de la gestion des risques, ce qui suppose d’anticiper au lieu de réagir, de planifier au lieu de mettre en place des mesures d’urgence, d’élaborer des stratégies complexes au lieu de juxtaposer des politiques sectorielles qui se contredisent.
Entre résilience et lassitude Les démocraties ont dilapidé en quelques décennies l’héritage de la seconde moitié du XXème siècle qui les vit conjuguer développement économique, progrès social, stabilité politique organisée autour du salariat et des classes moyennes, résistance efficace au soviétisme enfin. Au fil des crises, elles ont basculé dans une triple crise de légitimité, d’efficacité et de leadership. Le paradoxe tragique veut que les populistes, quand ils arrivent au pouvoir et qu’ils sont confrontés au principe de réalité, aggravent tous les maux qu’ils prétendent guérir.
Le réveil tardif et douloureux des démocraties L’issue de la guerre en Ukraine se joue sur une double ligne de front : celle de l’avant dans le Donbass et sur les côtes de la mer Noire ; celle de l’arrière dans les sociétés démocratiques. Il est impératif de maintenir alignées les démocraties autour de principes clairs : la défense de la souveraineté de l’Ukraine ; le refus de toute normalisation avec la Russie tant qu’elle ne renonce pas à ses projets impériaux ; le rééquilibrage de l’OTAN par la construction d’un projet européen. La menace existentielle que font peser les empires autoritaires sur la survie des démocraties, et particulièrement de la Russie sur l’Europe, fournit le levier pour imaginer un nouveau contrat économique et social, réduire les inégalités…réaffirmer la dimension universelle des droits de l’homme.
UN MONDE FRAGMENTé ET DECHIRé
L’espace mondial éclate et se restructure autour de blocs en fonction de la nature des régimes politiques et de leur idéologie.
L’implosion de la mondialisation (ruptures d’approvisionnement) Au total, 800 millions de personnes, soit 10% de la population mondiale, souffrent désormais de la faim et plus de 100 millions de personnes ont basculé dans la famine. (Allemagne) Sa triple dépendance énergétique à la Russie, économique à la Chine, technologique et sécuritaire aux Etats-Unis, se révèle aujourd’hui insoutenable.
Le grand découplage de la Chine La Chine est désormais une source d’instabilité et d’insécurité pour l’économie comme pour la géopolitique mondiale. Ses problèmes intérieurs comme son durcissement idéologique ne peuvent que renforcer son tournant nationaliste et ses ambitions impériales.
Le retour de la stagflation Le télescopage entre, d’un côté, la remontée des taux et la réduction du bilan des banques centrales et, de l’autre, le surendettement des Etats, alors que des investissements publics massifs sont requis en matière de santé, d’éducation, de réarmement ou de transition écologique, mais aussi l’amoncellement des dettes privées, crée un risque élevé de crise financière.
Le Sud contre l’Ouest Les pays émergents…pratiquent une diplomatie transactionnelle en fonction de leurs intérêts…Ils penchent en faveur de l’axe constitué par Moscou et Pékin, et reprennent à leur compte le narratif russe qui, contre les faits, explique le recours à la guerre par l’expansion de l’OTAN et attribue la crise humanitaire aux sanctions occidentales.
Vers l’économie de guerre Force est de constater que la mondialisation s’efface devant les structures d’une économie de guerre…Les empires autoritaires mettent explicitement l’économie au service de la guerre, comme le montrent la Russie avec le gaz ou la Chine…pour préparer la population à supporter des sanctions occidentales en cas d’attaque de Taïwan.
Gagnants et perdants La grande perdante est sans nul doute la Russie…elle sortira du conflit exsangue, en ayant ruiné la partie moderne de son économie et de sa société. Elle sera vassalisée par la Chine. Pour l’Union, la guerre d’Ukraine additionne une crise économique majeure, un choc énergétique, une crise de gouvernance avec le basculement des équilibres de l’Ouest et du Sud vers l’Est et le Nord, une crise stratégique, une crise existentielle avec la nécessité de se réinventer autour de la souveraineté et de la sécurité. Au sein du monde émergent, les pays qui cumulent dépendance aux importations d’énergie et d’alimentation, séquelles de l’épidémie, risques climatiques et insécurité sont très vulnérables, à l’image des Etats du Sahel, de la Corne de l’Afrique, du Maghreb ou encore de Madagascar, du Pakistan ou du Bangladesh. La situation de la Chine est contrastée…Tout dépendra de l’évolution de la crise autour de Taïwan et de l’éventuel recours de Xi Jinping à la force armée. Les Etats-Unis disposent de tous les leviers de la puissance et de la souveraineté…L’Amérique est ainsi aux prises avec une course de vitesse entre la désintégration de la cohésion sociale et du système politique d’une part, le renforcement de la puissance et de l’influence extérieures d’autre part. Alors que se met en place à l’occasion du conflit ukrainien et de la crise de Taïwan, une double guerre froide entre les Etats-Unis d’un côté, la Russie et la Chine de l’autre, s’accumulent les risques planétaires, qu’il s’agisse du dérèglement climatique, des pandémies, des chocs financiers, des écarts de développement, du djihadisme ou de la course aux armements.
LA DEFENSE DE LA LIBERTé EN QUÊTE D’UNE STRATEGIE
Les empires autoritaires représentent pour les démocraties une menace existentielle et globale, militaire et idéologique, mais aussi économique et technologique, politique et diplomatique. Le défi des empires autoritaires…repose sur la volonté d’éradiquer la démocratie, et sur la détestation de l’Occident…La confrontation est totale. Elle ne porte pas seulement sur des territoires ou des ressources, mais sur des principes. Dès lors, il ne peut y avoir ni compromis ni solution négociée…Pour autant, il n’existe pas de fatalité à une nouvelle guerre mondiale. L’heure n’est donc pas à l’escalade militaire mais à la restauration de la dissuasion et de l’avance technologique, au renforcement de la résilience des nations, à la réinvention de l’alliance entre les démocraties, au développement de la coopération avec les grands pays émergents.
La dissuasion des empires autoritaires Au-delà de l’Ukraine, tout le pourtour de la Russie se trouve soumis à une forte pression militaire, de la Transnistrie aux pays baltes en passant par l’Asie centrale et jusqu’à l’Arctique. L’agression de l’Ukraine par la Russie se traduit ainsi par l’otanisation de l’Europe et par un renforcement majeur de la présence militaire des Etats-Unis sur le continent, avec le déploiement permanent de 120 000 hommes et la création d’un quartier général du 5ème corps d’armée en Pologne. Alors qu’elle importe les deux tiers de ses équipements militaires, l’Europe doit conforter son industrie et combler ses lacunes dans l’aviation, les drones, l’espace ou le cyber.
La nouvelle alliance des démocraties Les démocraties…affrontent la situation la plus dangereuse depuis le début des années 1930. Elles reculent partout dans le monde face aux autocraties et au retour en force des dictatures et des coups d’Etat. Les Etats-Unis n’ont plus les moyens de réassurer seuls la paix et la liberté à l’âge de l’histoire universelle. Ils sont profondément fragilisés et instables, du fait de la crise politique qui les mine.
Le pouvoir absolu, talon d’Achille des empires autoritaires Pour la Russie, quelle que soit l’issue du conflit, l’invasion de l’Ukraine constitue une lourde défaite stratégique. En guise de reconstitution de son empire, la Russie sortira donc du conflit appauvrie et affaiblie, au moins pour une génération, mais aussi très dangereuse et avide de revanche. (Chine) Comme durant le Grand Bond en avant ou la Révolution culturelle, le déni de la réalité se traduit par une fuite en avant dans l’idéologie et la violence…La Chine ne fait rêver nulle part, mais fait peur partout. Il n’est pas d’exemple d’expérience de pouvoir absolu qui s’achève autrement que dans la tragédie. Mais la chute peut prendre beaucoup de temps, faire un très grand nombre de victimes et laisser derrière elle des champs de ruines.
Le dialogue avec les Etats et les sociétés civiles Le dialogue doit tout d’abord être maintenu entre les Etats pour la gestion des risques planétaires. Il est tout aussi important de maintenir le lien avec les élites ouvertes et connectées ainsi que les sociétés civiles de Chine et plus encore de Russie.
Renouer avec le Sud La stratégie d’endiguement des empires autoritaires doit donc intégrer une action déterminée des démocraties afin de relancer la coopération avec les pays émergents, y compris lorsqu’ils sont dirigés par des leaders populistes et nationaliste comme l’Inde ou la Turquie, voire par des autocrates comme l’Arabie saoudite. Cela suppose de réformer la gouvernance mondiale pour confier aux pays émergents au sein de l’ONU et des institutions multilatérales comme le FMI et la Banque mondiale, une place cohérente avec leur poids démographique, économique et politique.
AUX ARMES, CITOYENS !
Si la France et l’Europe ne sont pas en guerre avec la Russie, la Russie est bel et bien en guerre avec la France et l’Europe. Et ce depuis 2008. Elle constitue une menace militaire existentielle pour leur sécurité et leur indépendance, y compris à travers le péril chimique et nucléaire. Simultanément, elle mobilise tous les moyens de la guerre hybride contre l’Union, transformant l’approvisionnement en gaz, l’alimentation, les migrants, l’information, les partis populistes en armes de déstabilisation massive. La crédibilité de la France dans le domaine stratégique est minée par le décrochage de l’économie, l’accumulation des retards technologiques, l’archipellisation de la nation. La France et l’Europe sont devant une heure de vérité. Elles se trouvent sur la ligne de front face à l’impérialisme russe, mais aussi face au djihadisme, à la crise énergétique et alimentaire ou à la stagflation.
Paix impossible, guerre plausible La guerre mute à nouveau…Elle gagne de nouvelles dimensions avec l’espace et le cybermonde. Elle se fait hybride, tout à la fois intérieure et extérieure, civile et militaire, régulière et irrégulière. Elle cesse d’être le monopole des militaires en s’étendant à de nouveaux domaine tels que l’énergie, l’eau, l’alimentation, les approvisionnements, l’information, les migrations ou le dérèglement climatique. Elle voit se multiplier les acteurs de la violence, des sociétés de mercenaires aux organisations criminelles en passant par les militants des partis extrémistes. La France et l’Europe ne doivent pas seulement réarmer, mais se préparer à répondre à tous les leviers de la guerre hybride, à l’élargissement du spectre et des moyens de la violence. Au terme de quarante ans d’un interminable décrochage, la France a perdu en grande partie la maitrise de sa souveraineté sur les plans industriel, alimentaire, technologique ou financier. Elle se trouve ainsi menacée d’un effondrement brutal et d’un choc financier majeur au cours des années 2020.
Premiers enseignements de la guerre d’Ukraine Elle marque également le renouveau des conflits de haute intensité entre puissances majeures…Ce dernier se caractérise par un affrontement de grande ampleur, très violent et soutenu, qui se déploie dans tous les milieux -terre, air, mer, espace et cybermonde- et entraîne des pertes humaines, matérielles, économiques considérables.
Une doctrine et un modèle d’armée obsolètes Notre pays…a sacrifié l’Etat régalien à son Etat-providence qui absorbe 34% du PIB, jusqu’à compromettre sa capacité à assurer sa sécurité intérieure et extérieure. Par ailleurs, les lacunes capacitaires se sont accumulées dans des secteurs clés comme la gestion intégrée du champ de bataille, les drones, les frappes en profondeur, le transport aérien, le cyber ou la guerre de l’information.
Repenser la défense de la France La France doit s’engager dans la définition et le déploiement rapides d’un nouveau modèle d’armée. Et ce autour de quatre piliers : la dissuasion nucléaire ; la transformation d’une armée de corps expéditionnaire en une armée apte au combat de haute intensité ; la défense du territoire ; la nécessaire maîtrise de la guerre de l’information. La redéfinition de la politique de défense de la France est donc indissociable de son redressement. Et ce à travers quatre pactes : 1. Pacte productif ; 2. Pacte inclusif ; 3. Pacte de modernisation de l’Etat ; 4. Pacte républicain.
Vers une Europe souveraine ? L’Europe ne dispose ni des moyens de sa défense, ni de son autonomie dans les secteurs clés de l’énergie, des technologies, de l’armement, voire de l’alimentation…Elle joue aujourd’hui sa survie. La décennie 2020 décidera largement du destin de l’Union, qui peut se déliter ou se transformer en acteur à part entière du système multipolaire du XXIème siècle. Pour cela, le sursaut provoqué par l’agression russe doit être converti en une stratégie à long terme de construction d’un ensemble souverain. Pour la France et l’Europe, le réarmement ne peut donc être seulement militaire ; il doit être politique, intellectuel et moral.
Conclusion L’AVENIR DE LA LIBERTé
Notre temps reste bien celui de l’histoire universelle, caractérisée par les risques planétaires liés au dérèglement climatique, aux chocs financiers, aux crises énergétiques ou alimentaires, à la révolution numérique, aux grandes migrations. Les chocs qui se sont accumulés ont non seulement fait exploser la mondialisation mais fracassé les démocraties, qui se sont trouvées en première ligne face au krach de 2008, au terrorisme islamiste, aux vagues migratoires, à la pandémie, au choc énergétique et à la résurgence de la guerre en Europe. Les démocraties sont divisées et minées par les populismes. Elles conjuguent une crise de leadership, la délégitimation de leurs institutions, les ravages de la stagflation, la déstabilisation des classes moyennes et le discrédit moral. Le Sud voit le retour en force des dictatures, à l’image du Bénin en Afrique, et la multiplication des coups d’Etat militaires, du Myanmar au Sahel. La fascination pour les hommes forts et la violence s’est répandue partout dans le monde, des Philippines à l’Arabie saoudite en passant par l’Asie centrale. L’Occident doit viser à endiguer l’expansion des empires autoritaires tout en empêchant la guerre, à réconcilier le capitalisme avec la stabilité des classes moyennes et la transition écologique, à rétablir la confiance dans les institutions et les valeurs des démocraties, à renouer avec des stratégies de long terme. Le paradoxe veut qu’une majorité de citoyens remettent aujourd’hui en cause la liberté politique aux Etats-Unis et en Europe, au moment ou des femmes et des hommes meurent tous les jours pour tenter de la défendre, comme en Ukraine, ou d’y accéder. La survie de la liberté se joue en chacun d’entre nous. Elle est indissociable de la réhabilitation de la raison, y compris dans le respect de la vérité scientifique contre l’obscurantisme, ainsi que de la responsabilité. Il n’est pas de citoyen d’une démocratie…qui puisse s’exonérer de sa part d’implication dans la déliquescence des institutions et dans l’effondrement de sa nation. Il n’est pas de citoyen d’une démocratie en crise existentielle qui puisse échapper au devoir de s’engager dans sa reconstruction. Réinventons la démocratie au XXIème siècle, engageons-nous pour la faire vivre et la défendre. La liberté est moins que jamais une rente ; elle est plus que jamais un combat.
Circé - Madeline Miller - Pocket
Coup de cœur de Manon B.: Connue pour être l’une des sorcières les plus puissantes et les plus terrifiantes de son époque, Circé est généralement vue comme une déesse impitoyable ayant changé l’équipe du brave Ulysse en de pauvres pourceaux pour son bon plaisir, ayant hérité du naturel cruel et sans pitié de son père, le titan Hélios.
Afin de déconstruire ce mythe anti-féministe et de comprendre les réelles intentions de Circé, et les raisons derrière ses actions, Madeline Miller nous fait ici une méticuleuse réécriture de ce mythe. Fille ainée et mal-aimée du titan Hélios et de la nymphe Persé, Circé trouve d’abord le réconfort dans les bras de son frère cadet, puis dans ceux de Glaucos, un humain duquel elle s’éprend éperdument.
Après avoir entendu parler de ces fleurs enchantées sur lesquelles a coulé le sang des titans, Circé part à leur recherche dans le but de commettre l’irréparable: changer Glaucos en Dieu et transformer sa cousine Scylla, de laquelle l’aimé de Circé s’est lui-même épris, en un monstre abominable cachée dans les gouffres de l’océan.
Après Le Chant d’Achille, Madeline Miller nous surprend une nouvelle fois avec cette réécriture mythologique de la personnalité de Circé que nous apprenons à connaître au fil des pages qui défilent plus vite que nous ne le pensons entre nos mains. Alors que le mythe la décrit comme cruelle, nous découvrons ici une facette de cette déesse que nous n’aurions jamais pu imaginer. Maltraitée, mal-aimée, répudiée, violée, Circé enchaîne les malheurs avant de découvrir la force qui brûle en elle. Circé passe alors de prédatrice à victime.
S'informer, à quoi bon? par Bruno Patino - La Martinière Jeunesse
Émetteur du résumé : François C.
Chaque instant nous apprend quelque chose. Tout nous arrive, via Tik Tok, Instagram, Reddit, YouTube, Facebook, Snapchat, Twitch, Brut, Konbini. On nous divertit, on nous scandalise, on nous interroge, on nous bouleverse, on nous alerte, on nous raconte, on nous explique. L’information, désormais, nous atteint sans que nous l’ayons demandée. Nous n’avons plus besoin d’aller la chercher. La « fatigue informationnelle » n’est pas une vue de l’esprit, elle touche, en France, une personne sur deux, d’après la fondation Jean-Jaurès.
Nous n’avons jamais eu autant d’informations, mais « trop, c’est trop ». Certains analystes appellent cela « l’infobésité ». Dans le domaine de l’information, tous les messages ne se valent pas, et tous les émetteurs n’ont pas le même statut…L’information est le résultat d’une transformation, d’une action humaine. Elle doit mettre en jeu un processus de vérification, par un individu ou une organisation désintéressée et responsable. Ce que les Anglo-Saxons résument en trois lettres : VIA (verified, independent, accountable). En premier lieu, informer permet de contrôler la façon dont les pouvoirs se comportent.
C’est en cela que la liberté de l’information est à la racine des autres libertés : elle permet, par la dénonciation de ce qui les menace, de les protéger. En second lieu, l’information organise quelque chose que le philosophe allemand Jürgen Habermas appelle « l’espace public », i.e. un ensemble de personnes rassemblées pour discuter des questions d’intérêt commun. La qualité et la fiabilité de l’information sont des données essentielles à la qualité du débat public…Contrôler l’action des pouvoirs et organiser l’espace public : ces deux fonctions de l’information contribuent à permettre au « public » d’agir en citoyen. L’information n’est pas un don du ciel. Elle n’a pas toujours existé.
En quelques siècles, nous sommes passés de son invention à son accélération, pour aujourd’hui constater son engloutissement. D’un monde où l’information était rare, nous sommes passés à un monde où elle est surabondante, multiple, protéiforme et présente en permanence. Comme le dit le slogan du Washington Post (adopté en 2017) « la démocratie meurt dans les ténèbres », et la presse est là pour apporter la lumière. En matière d’information, il n’existe ni âge d’or ni période maudite, et toutes les époques charrient leurs propagandistes et leurs enquêteurs. L’industrie s’invite dans le domaine de l’information par l’invention des mass media : des médias qui ont les moyens de toucher un très grand nombre de personnes…Le développement des journaux à grand tirage accompagne celui de l’industrie. L’essor économique des médias audiovisuels va de pair avec celui de la société de consommation.
Le BIG BANG numérique va faire exploser ce système de diffusion de masse pour promouvoir la multiplication des canaux et, pour l’information, cela va tout changer. C’est l’écran total qui absorbe une partie croissante de nos existences via des applications qui entrent en concurrence les unes avec les autres…Tous les messages sont en concurrence pour capter notre attention à tous moments de la journée, alors même que notre temps d’attention ne cesse de diminuer (8 secondes pour les poissons rouges, 9 pour nous)…Un monde riche en messages est un monde pauvre en attention disponible. Le mélange des messages, la confusion des rôles et la viralisation nourrissent le doute sur l’identité de celui qui parle et une incertitude sur la nature de ses propos. C’est désormais le règne de l’émotion et de la croyance…Plus un message engage nos émotions, nos réactions « tripales », plus vite nous le regardons et plus nous le « viralisons ». Or, ce n’est pas parce que les réseaux n’ont pas d’idéologie qu’ils sont neutres.
Nous sommes les victimes de ce système, bien sûr, mais des victimes consentantes. Nous ne sommes pas les objets des algorithmes, nous dansons le tango avec eux. Notre cerveau adore modifier notre comportement pour que nos croyances ne soient pas remises en cause…Nous produisons nous-mêmes des arguments pour contrer les faits qui bousculent nos certitudes. Festinger appela cela la « dissonance cognitive ». Nous sommes entrés dans l’époque où la structure des réseaux (liés à leur modèle économique) et la nature humaine se font la courte échelle pour imposer, dans tous les domaines, la domination de l’émotion, de la croyance et des pulsions. Un espace public où tout le monde se croit prophète et, dans le même temps, doute de tous et de tout, nourrit un affrontement d’un nouveau genre : la guerre des récits.
A l’intérieur de chaque territoire, c’est le combat des arguments de tous contre tous, de toutes les opinions contre toutes les opinions, le combat qui remplace le débat. Cette polarisation produit une démocratie émotionnelle, une « émocratie », qui tend vers l’ingouvernabilité. Ne pas s’informer, c’est laisser entrer la guerre des récits en nous, être son objet et son sujet…L’absence d’information nourrit la défiance envers tout interlocuteur qui ne partage pas notre opinion et notre croyance, et elle nous laisse comme ballottés au rythme des buzz et des controverses. S’informer quotidiennement, c’est un peu comme les cinq fruits et légumes par jour : quelque chose qui nécessite une action de notre part, ce que les Anglo-Saxons appellent notre régime informationnel (news diet).
Ce n’est pas une contrainte, mais un outil d’émancipation individuelle, cela nourrit notre capacité d’agir. C’est pourquoi il faut, individuellement, se forcer à s’informer auprès de sources qui respectent les règles de la vérification, de l’indépendance et de la responsabilité. L’engagement pour une cause n’est pas forcément contraire à l’information. Ce qui compte, c’est de savoir si ce qui est transmis respecte la rigoureuse exactitude des faits et ne ment ni par action ni par omission.
Tout le monde sait que ta mère est une sorcière, Rivka Galchen, Dalva
Coup de cœur de Manon B.: Allemagne luthérienne, 1618. Alors que la peste et la guerre font rage dans le pays, une veuve septuagénaire est accusée de sorcellerie. L’une de ses prétendues amies, une certaine Ursula Reinbold, accuse la pauvre Katharina Kepler de lui avoir fait boire un breuvage empoisonné qui l’aurait partiellement handicapé. Outrée par cette fausse accusation, Katharina porte plainte pour pour diffamation. Seulement voilà, les priorités de ce siècle, où phallocratie et patriarcat règne tels des tyrans, ne sont pas les mêmes que de nos jours.
Rapidement, la plainte de Katharina est évincée, et les témoignages à son encontre vont bon train. Décès prématurés, infirmités, maladies, tout est bon pour essayer de prouver que Katharina est une sorcière. Obligée de fuir chez ses enfants et de quitter le duché de Wurtemberg, la septuagénaire ne semble pas découragée, même malgré son emprisonnement.
Dans une Allemagne du XVIIème siècle où tout est bon pour incriminer une femme, Rivka Galchen nous raconte l’histoire d’un procès ayant réellement eu lieu. Dans Tout le monde sait que ta mère est une sorcière, elle dénonce les accusations misogynes auxquelles doit faire face notre protagoniste que le malheur entoure partout où elle passe.
Les leçons d'une guerre par François Heisbourg - Odile Jacob
Émetteur du résumé : François C.
INTRODUCTION
En une seule phrase le 22 février, Poutine est parvenu à disqualifier le président Zelensky et le gouvernement ukrainien cinq fois : « néonazi », « mafieux », « marionnette américaine », « drogué »… De fait, la guerre d’Ukraine est la première grande guerre des temps modernes… Nous constatons dès les premiers jours de l’invasion que la défense de l’Ukraine est la première grande guerre à intégrer l’ensemble des moyens humains, matériels et numériques au moment où le besoin s’en fait sentir. La guerre ne durera pas au-delà de la décision de la Russie de faire son deuil d’empire, comme l’ont fait les autres puissances coloniales européennes. Rien ne permet de penser que Poutine soit celui qui prendra les devants. Il n’est pas ce que de Gaulle a été face au drame algérien.
I PREMICES ET PERMANENCES
Leçon 1 Au début était le Verbe L’idéologie comme patrie Pour la Russie, toute guerre est pensée comme étant idéologique puisque l’Empire soviétique est lui-même d’essence idéologique. Toute guerre doit ainsi pouvoir s’inscrire dans un contexte idéologisé. Le poutinisme, c’est l’expansionnisme plus la désinformation.C’était désormais l’avalanche des fausses nouvelles ciblées avec précision qui minerait la volonté des Occidentaux décadents. Les info-opérations poutiniennes privilégient ainsi la déstabilisation et la confusion chez leurs adversaires… Cette bataille du Verbe à l’ère numérique prendra toute son ampleur avec la guerre d’Ukraine.
Leçon 2 Les nations ne naissent pas dans les choux « Qui commande le passé, commande l’avenir » Dans l’analyse historique de Poutine, un principe essentiel détermine l’ensemble : le caractère russe de l’Ukraine est une donnée d’entrée, établie une fois pour toutes à la fin du 1er millénaire de notre ère, et cela vaut tant au plan politique que religieux. Pas d’Empire russe sans Ukraine Pour Poutine, il ne peut y avoir de néo-Empire russe sans contrôle politique et sécuritaire de l’espace ukrainien. En 2014, avec l’annexion de la Crimée, et les premiers combats dans le Donbas un mois plus tard, l’Ukraine prend conscience de sa mortalité politique… Huit ans de guerre, même limitée au Donbas, grand comme la Belgique, cela donne du temps pour former et aguerrir tant des soldats professionnels que des conscrits. Il y a plusieurs façons d’être corrompu La spécificité de l’Ukraine par rapport à la Russie est d’avoir somme toute connu une évolution nationale comparable à celle de la plupart des autres Etats européens. C’est la Russie qui se singularise : son évolution politique peine à se détacher d’un passé impérial et dorénavant colonial que les autres sociétés européennes ont abandonné de gré ou de force dans le courant du XXème siècle. Ce récit-là d’une Ukraine souveraine, démocratique et européenne n’allait certes pas de soi… C’est ainsi que l’on peut comprendre la motivation et la résilience qui ont permis aux Ukrainiens de tenir tête à plus grand qu’eux.
Leçon 3 Qui ignore les constantes de la guerre en subit les conséquences Faire fi des invariants qui modèlent la guerre et qui lui sont inhérents se paie très cher. Ainsi s’expliquent en partie les échecs russes dans la première année de l’invasion. Ils s’ajoutent à l’erreur fondamentale d’analyse quant à l’inexistence d’un peuple ukrainien ou aux tares insurmontables supposées affliger les Européens. Les yeux plus gros que le ventre Aujourd’hui comme hier, la logistique alimente la bataille et les points de passage sont essentiellement les mêmes, qu’il s’agisse des fleuves, des routes ou du rail. (contraintes démographiques) C’est la Russie qui manque d’hommes et non l’Ukraine. Les Ukrainiens répondent à l’appel et se battent, là où les Russes dorénavant mobilisés de force montent au feu à reculons. Ne pas se tromper sur la nature de la guerre Le fil conducteur reste en tout état de cause le « règlement des différends » : pour la durée de la guerre, la diplomatie et le droit codifié cèdent le pas devant la violence organisée… Cette situation produit des guerres longues dans lesquelles la durée ne signifie pas qu’il n’y ait pas vraiment de vainqueurs, mais plus simplement qu’il faut beaucoup de victimes et de destructions avant que le sort des armes ne finisse par trancher.
Mort de la « guerre zéro mort » Marioupol, Burcha, Izyum, Kherson en apportent le démenti au plan militaire et, pis encore, en termes de crimes de guerre et, le cas échéant, contre l’humanité. De la préparation, du savoir-faire et de la chance : cela va tellement de soi que c’est tout cela qui a manqué à l’expédition ukrainienne de Vladimir Poutine.
Leçon 4 La dissuasion nucléaire est un combat Le tabou comme totem La guerre actuelle introduit des facteurs nouveaux. Il est donc assez logique que le risque de recours aux armes nucléaires n’ait cessé de hanter la guerre déclenchée le 24 février 2022. Il s’avère à peu près impossible de trouver une façon rationnelle de recourir à l’arme nucléaire contre une puissance non nucléaire ou même de la brandir de façon stratégiquement efficace. Le maniement combiné des « lignes rouges », les « feux verts » (ou clignotants), l’initiative du premier pas et le « respect de l’adversaire » figurent tous peu ou prou dans le dépiégeage et la résolution des crises nucléaires. Il n’y a pas que le premier pas qui coûte Lorsque la question de l’ouverture du feu nucléaire est évoquée s’agissant de la guerre d’Ukraine, on aura garde de ne pas oublier la part du hasard… La constante dans la gestion de crises réussie, c’est la volonté et la capacité de faire face à son adversaire en combattant ses prétentions avec vigueur et efficacité. Un nouveau Tchernobyl, mais exprès ? Un invité fâcheux s’est cependant introduit dans cette fête macabre, celle du détournement des centrales nucléaires civiles à des fins militaires. Les troupes russes atteignent le 4 mars 2022 le plus grand complexe nucléaire d’Europe dans la région de Zaporijia, avec ses plus de 5 700 mégawatts installés dans six centrales de conception comparable à celles prévalant en Occident (dites à eau pressurisée). La Russie provoquera-t-elle un nouveau Tchernobyl ? Au moins, en 1986, l’URSS ne l’avait-elle pas fait exprès.
II TRANSFORMATIONS
Leçon 5 La guerre est le reflet de la société Deux sociétés, deux armées Les deux armées étaient immensément corrompues. L’Ukraine parviendra à surmonter ce handicap. Les armées des protagonistes étaient toutes deux aux normes soviétiques. Une société russe autocratique, verticalisée et corrompue dispose d’une armée à son image… La Russie de Poutine est devenue une pétro-dictature et son armée est devenue une armée arabe. Au bout de huit mois de guerre, plus de 440 chars d’assaut russes avaient été capturés et intégrés dans les forces ukrainiennes, faisant de la Russie le premier et involontaire fournisseur de tanks de l’Ukraine ; un millier d’autres chars avaient été mis hors service. Au bout de neuf mois de guerre, les forces ukrainiennes avaient libéré 64 000 kilomètres carrés, soit la moitié des territoires envahis à divers moments par les Russes après le 24 février. La désoviétisation en marche Le décalage croissant entre une société civile démocratique, décentralisée, solidaire d’une part et une structure de forces et une culture militaire de type soviétique : verticalisée, hiérarchisée, peu adaptable. Or c’est d’abord à la flexibilité, à l’initiative que les Ukrainiens doivent leurs succès inattendus dans la première phase du conflit qui se déroule du 24 février jusqu’au début avril. La façon dont l’Ukraine a su gérer en pleine bataille et en l’espace de quelques mois un basculement comparable à ce que peut être le passage du moteur thermique à la voiture électrique est le second miracle de cette guerre.
Leçon 6 Ne dites pas guerre hybride L’expression « guerre hybride » embrasse tout ce que l’on veut y mettre, telles les attaques cybernétiques, les opérations informationnelles, les atteintes contre les câbles de transfert de données, la coupure des gazoducs… donc des actes qui tuent peu, voire pas du tout, ou « seulement » indirectement et sans recourir à des soldats en uniforme sur le champ de bataille. Comment fabriquer une erreur de calcul Le caractère guerrier d’une action agressive doit s’apprécier en fonction de sa gravité intrinsèque et de son articulation par rapport aux autres actes guerriers. En l’espace de neuf mois, près de 2500 missiles balistiques et de croisière ont été tirés par la Russie, sur un total disponible de 3900. Contre-performances de l’aviation et de la marine russe. L’Ukraine a géré la menace aérienne russe sans avoir pu rebâtir sa propre aviation. Les drones navals changeront l’équation de la guerre sur les mers comme le font déjà leurs cousins aéronautiques dans la bataille aéroterrestre : c’est surtout l’incompétence navale russe qui a été suicidaire par son mépris de l’adversaire. Il n’est pas interdit de penser que la guerre d’Ukraine marquera un changement dans la guerre aérienne aussi important que ceux des deux guerres mondiales.
Leçon 7 Le monde comme terrain de lutte Les pays qui se sont regroupés à partir de la mi-avril 2022 pour s’informer et se coordonner en matière d’aide militaire à l’Ukraine… représentent plus de 1,3 milliard d’habitants, plus d’un Etat du monde sur quatre, et environ 40% du produit mondial brut. La bataille du blé L’Ukraine était avant-guerre le 5ème exportateur mondial de céréales, couvrant 9% des besoins du marché mondial. Sur l’ensemble de l’année 2022, les récoltes ukrainiennes de céréales ont été de 65 millions de tonnes (contre 106 millions en 2021). Le chiffre est imposant car engrangé sur fond de guerre et d’occupation. Biens communs Ce sont ceux sur lesquels ne s’exerce pas la souveraineté des Etats : haute mer et fonds marins, cyberespace et activités en ligne, espace extra-atmosphérique. La coupure des câbles de transfert de données reliant l’Europe à l’Amérique du Nord, ou à l’Asie, serait un pas majeur dans l’escalade, sachant que plus de 95% de l’activité en ligne entre continents passe par ces câbles. La Russie pourrait être tentée de causer un ravage spatial. En détruisant par dizaines les satellites occidentaux sur diverses orbites, les débris projetés dans l’espace rendraient difficiles, sinon impossibles son exploitation à quelque fin que ce soit, à l’exception des satellites de communication en orbite géostationnaire.
Leçon 8 L’Europe entre vulnérabilité et résilience L’Ukraine est tout entière en Europe. L’Europe est chez elle en Ukraine. Stratégiquement, la Russie est clairement eurasiatique, à travers l’Organisation de coopération de Shanghai et l’Organisation du traité de sécurité collective. Une défaite de l’Ukraine renforcerait la Russie et mettrait en péril la sécurité de tous en Europe. Poutine, agent recruteur de l’Occident collectif 28 des 30 Etats membres de l’OTAN ont ratifié l’entrée de la Finlande et de la Suède. Vladimir Poutine se voit décerner par les humoristes le prix de « meilleur agent recruteur de l’OTAN » de l’année. Entre cohésion et confusion Traditionnellement, l’Europe finit généralement à force de discussions par bâtir des compromis. Mais le temps presse : il y a une guerre à gagner ou à perdre, les prochains choix politiques de l’Amérique sont incertains et la Chine a ses propres ambitions stratégiques. Ni l’une ni l’autre ne font par ailleurs de cadeaux à l’industrie européenne.
Chapitre III PROSPECTIVE
Leçon 9 Après l’Ukraine, Taïwan ? Les limites d’une amitié sans limites Les deux partenaires-mais-pas-alliés sont unis par leur inimitié partagée à l’égard des Etats-Unis (et réciproquement) et rejettent tous deux la démocratie libérale et l’ordre international hérité de la Seconde Guerre mondiale. Cela crée entre Moscou et Pékin un partenariat, qui existe et se développe depuis plus de vingt ans, mais pas une alliance. Le triangle stratégique entre les trois puissances devrait rester organisé autour de ses lignes actuelles… Ce triangle limite les risques d’une guerre nucléaire, inacceptable pour au moins deux des protagonistes. L’impatience stratégique est mauvaise conseillère Taïwan sera inévitablement un élément central de toute confrontation stratégique et militaire entre la Chine et les Etats-Unis, d’autant plus que l’île a été le nœud des relations sino-américaines depuis l’instauration de la République populaire en 1949. En termes économiques et stratégiques, l’accord « un pays, deux systèmes » a eu une importance au moins comparable à ce qu’ont représenté pour le monde la fin de l’Union soviétique et l’indépendance des républiques soviétiques socialistes, dont naturellement l’Ukraine. Ce qui concerne Taïwan a une importance potentiellement mondiale. Taïwan joue aussi sur son propre positionnement dans la mondialisation : l’île, à travers le colosse TSMC (Taïwan Semiconductor Manufacturing Company) domine à plus de 80% le marché des microprocesseurs haut de gamme… Le domaine des « puces » haut de gamme est d’une importance stratégique que ne laissent guère deviner des acronymes aussi rébarbatifs, et son caractère vital est comparable à celui du pétrole pendant le siècle précédent. Mourir pour Taïwan ? Toute guerre à -ou autour de- Taïwan affecterait immédiatement le cœur même du système économique mondial et ses connectivités. Ses œuvres vives seraient menacées : on peut espérer que cela ferait hésiter la Chine. A n’en pas douter, la manière dont évoluera la guerre d’Ukraine et la manière dont les Etats-Unis pèseront sur son issue affecteront les décisions de Pékin à l’encontre de Taïwan.
Leçon 10 Démocratie et stratégie forment un tout A l’échelle du monde tout entier se jouent simultanément l’avenir de la démocratie comme principe structurant de l’ordre international et celui de sa traduction stratégique qu’est le système d’alliances occidental. L’Inde et le réalisme stratégique Chaque protagoniste va chercher à se placer stratégiquement, indépendamment du caractère démocratique ou autocratique des pays concernés. Le cas de l’Inde en est une illustration spectaculaire. Surprise américaine Une Ukraine qui perdrait la guerre ou qui serait contrainte à un enlisement nous coûterait assurément plus cher qu’une Ukraine qui serait en situation de gagner une paix conforme à ses droits et au droit international. L’Europe doit intégrer davantage qu’elle ne l’a fait jusqu’à présent que la Russie n’a pas encore compris qu’elle est en train de perdre la guerre. Et que, si les Etats-Unis sortent de l’équation, la Russie peut espérer gagner la guerre.
Conclusion
La guerre consiste à transformer par la force la réalité. Cette guerre ne concerne pas seulement le devenir de l’Ukraine : elle décidera également de l’ordre de sécurité européen. S’engager pour gagner. Ne pas oublier que c’est l’agresseur qui définit ce qu’il estime être ses intérêts. Le cadre temporel que s’est donné la Russie. Dans le passé, l’URSS a su encaisser les coups les plus durs pour rebondir ensuite. Une aide ostentatoire et renforcée des Occidentaux à l’Ukraine comporte moins de risques d’escalade que nous le croyons parfois. Pour peser dans la guerre, il faut peser avec les moyens de la guerre. C’est l’Ukraine envahie qui doit bénéficier de garanties de défense à l’encontre de la Russie et non l’envahisseur russe. Nécessité pour l’U.E. d’aborder plus systématiquement les sujets non militaires sous un angle sécuritaire. Il faut faire tout cela en continuant à affronter les dangers préexistants, notamment en Méditerranée, et en engageant la transition énergétique. En attendant, il faut gagner la guerre d’Ukraine qui est celle de l’Europe tout entière.
Seule la mort attend la vilaine, Gyeoeul Gwon (scénario) et Suol (dessin) - Kotoon
Coup de cœur de Manon B.: Un nouveau jeu mobile fait rage auprès des adolescents et des jeunes adultes. “Opération séduction de la demoiselle”, un jeu à deux modes : facile et difficile. C’est d’abord peu emballée que notre protagoniste, au départ anonyme, se lance dans le mode facile de ce nouveau jeu, dans lequel elle incarne le rôle de la jeune fille perdue d’un prestigieux duc, que ses deux frères adorent et que les autres protagonistes masculins adulent. Dans ce mode, Pénélope Eckhart, la jeune femme qui l’a remplacé six ans auparavant est alors la vilaine. Paysanne, elle s’est très tôt retrouvée plongée au cœur d’une luxueuse famille, ce qui n’a pas manqué de la rendre insupportable et capricieuse.
Rapidement, notre protagoniste termine le mode facile. À la base peu convaincue, elle finit par se lancer dans le mode difficile : le mode dans lequel elle incarne la vilaine, Pénélope Eckhart. Dans un jeu à choix conditionnés, la jeune femme ne fait que perdre ses parties, ce qui conduit inévitablement au meurtre de Pénélope Eckhart dans le jeu. Obnubilée par le fait de réussir le mode difficile, la protagoniste va jouer encore et encore jusqu’à finir par s’endormir sur son téléphone.
Seulement à son réveil, la voilà elle-même plongée dans la peau de la dérangeante Pénélope Eckhart. Haït par ses frères adoptifs et méprisée par son père adoptifs, les pourcentages d’affinité avec ces mêmes personnages sont d’abord négatifs au début du jeu, et ce seront ces mêmes pourcentages d’affinité qui détermineront si la partie se termine ou non pour l’interprète de Pénélope Eckhart qui devra tout faire pour les faire remonter car si ce n’est pas le cas, et si ce n’est pas fait avant le retour de la véritable fille du duc Eckhart, alors Pénélope Eckhart mourra, et notre protagoniste avec elle.
Alors que je m’attendais à un classique webtoon dans lequel le personnage principal se retrouve plongé au cœur de son jeu vidéo préféré, j’ai été très agréablement surprise de voir qu’en réalité (et même si c’est le cas) notre protagoniste incarne le mauvais personnage du jeu “Opération séduction de la demoiselle”. Et ce qui est d’autant plus étonnant, ce sont les similitudes que nous retrouvons entre elle et la Pénélope Eckhart du jeu. Harcelées, ignorées et méprisées, les deux jeunes femmes ne semblent en réalité ne faire qu’une et, peu à peu, nous découvrons une nouvelle facette de la fille adoptive du duc, bien que celle-ci soit jouée par la protagoniste. Un webtoon surprenant et rapide à lire au détour d’un métro.
OÙ VA NOTRE ARGENT? - Des dépenses qui explosent, des services publics qui se dégradent: le scandale français d'Agnès VERDIER-MOLINIE - L’Observatoire
Émetteur du verbatim: François C.
Partie I 1 195 MILLIARDS. DES IMPÔTS, TAXES ET COTISATIONS, PARTOUT ET SUR TOUT
Surtaxés!
45,2% de taux de prélèvements obligatoires, la France toujours championne
La France? Le pays le plus taxé du monde. Avec ses 45,2% du PIB de prélèvements obligatoires et ses 1195 milliards d’euros de prélèvements. Avec ses 483 taxes, cotisations et impôts. Avec ses plus de 4000 pages du fameux Code général des impôts.
Personne pour nous protéger de la folie fiscale française
En réalité, c’est l’administration fiscale qui gère notre fiscalité et plus précisément la direction de la Législation fiscale (DLF). Toute l’évolution de la fiscalité française est dans les mains de cette direction qui est responsable de l’élaboration des mesures fiscales nouvelles.
Aucun observatoire de la fiscalité des ménages, aucun organisme mesurant la pression fiscale des entreprises.
681 milliards d’impôts en 2021 pour les ménages…
Sur l’ensemble des impôts directs (impôt sur le revenu, CSG, taxe foncière, impôts sur les successions, IFI…), la moitié est payée par les 10% des Français qui déclarent les plus hauts revenus. Et ils paient aussi 70% de la recette d’impôt sur le revenu. Notons d’ailleurs que l’on entre dans les 10% les plus «riches» à partir de 3328 euros par mois. Factuellement, entre 2010 et 2021, le taux de redistribution en faveur des plus pauvres s’est accru de 34 points, tandis que les plus riches se sont vu ponctionner de 4 points.
148 milliards d’impôts en trop pour nos entreprises. 148 milliards de prélèvements obligatoires supplémentaires pèsent sur nos entreprises par rapport à la moyenne de la zone euro (hors France) en 2021.
Bref, nous sommes loin de pouvoir reconquérir un leadership entrepreneurial en Europe si nous ne prenons pas les choses encore plus au sérieux en revoyant toute la cascade fiscale française qui pèse sur notre économie productive.
Taxés sur tout!
Même la cabane au fond du jardin est taxée à mort! A quand la taxe sur la niche du chien?
Plus de 60 milliards de taxes environnementales
Selon l’OCDE, la fiscalité verte représentait en 2016 en moyenne 1,6% des pays industrialisés, 1,9% en Allemagne, 2,2% en France, 2,2% en Suède et 2,4% au Royaume-Uni. En 2022, la fiscalité verte pourrait atteindre 2,5% du PIB en France, soit l’une des fiscalités écologiques les plus élevées du monde.
Impôts sur les successions, la France championne
La France est le pays qui taxe le plus les donations et successions avec 0,7% du PIB quand la moyenne européenne est à 0,2%, avec un taux qui atteint 60% entre non-parents (un couple ni marié, ni pacsé, par exemple). La France est aussi le pays où il demeure très cher de transmettre une entreprise: en moyenne entre 10 et 17% de la valeur de l’entreprise alors que la moyenne européenne est de 5%.
100 milliards de normes, l’impôt papier qui ne dit pas son nom
Une évolution au fil de l’eau de normes votées à la chaîne, sans étude d’impact ni réflexion préalable sérieuse. Normes ensuite appliquées sans contrôle ni état des lieux régulier, qui conduit à l’augmentation perpétuelle de notre stock normatif.
80 milliards de coût global de normes pèsent sur les entreprises et 20 milliards sur les collectivités et les citoyens. Si la France appliquait l’objectif européen d’une simplification de -25% des normes, le gain potentiel serait d’environ 20 milliards d’euros pour les entreprises et d’environ 4 milliards pour les collectivités, les services publics et les particuliers.
C’est l’État qui prend le pouvoir d’achat!
Le patron paie 100…le salarié touche 47.
53% de votre salaire brut ont été prélevés en taxes et cotisations dont pas moins de 26% uniquement en charges patronales. Aujourd’hui, ce qui nous plombe est le fait que l’Etat-providence français surcharge par son coût les employeurs et employés pour se financer. Et après le coup de massue, c’est l’Etat qui vient ensuite distribuer des chèques pour redonner le pouvoir d’achat qu’il a lui-même diminué auparavant en refusant de faire des efforts pour rationaliser les dépenses et en ponctionnant toujours plus le travail.
L’équité fiscale n’existe pas!
En réalité, le jour de libération fiscale (hors TVA) peut s’étendre de février au… mois d’août. Soit presque un delta de sept mois pour une variation de taux d’imposition de près de 50%! Et retraités, salariés du privé et fonctionnaires ne sont pas logés à la même enseigne, loin de là.
15 milliards de taxes sur les taxes
Nos taxes sur les taxes: la CSG non déductible et la TVA sur les taxes s’inscrivent dans notre quotidien sans même que l’on s’en rende nécessairement compte. Cela pose un problème. Un problème qui nous coûte entre 16 et 18 milliards d’euros chaque année. C’est huit fois le montant de l’IFI mais ça, personne n’en parle.
Et on paie aussi pour les fraudeurs!
20 milliards de fraude sociale… a minima
20 milliards de fraude, c’est 2,6% de la dépense totale de prestations sociales. Si le pourcentage semble dérisoire, les montants en jeu sont colossaux… cela à cause du poids des dépenses sociales sur notre richesse nationale. En effet, la France se situe, en Europe, en tête des prestations sociales rapportées au PIB. 33,3% de notre richesse nationale partent en dépenses sociales, soit plus de 800 milliards en 2021.
Ce manque dans les caisses sociales doit nous inquiéter et mérite plus de transparence sur les données et une vraie politique de contrôle. Une fraude financée par les impôts et cotisations… de ceux qui ne fraudent pas et paient l’impôt.
Fraude fiscale: 30 milliards mais seulement 11 milliards retrouvés…
L’estimation de la fraude fiscale est d’environ 30 milliards d’euros par an, dont la moitié uniquement sur la TVA: avec 7,4% de fraude, la France se situe significativement plus haut que les Pays-Bas (4,4%) ou la Suède (1,4%). Clairement, des progrès importants restent à faire et au lieu de se concentrer sur ces fraudeurs professionnels, les contrôles de Bercy préfèrent dédier leurs efforts à des entreprises ou des ménages qui sont loin d’être des brigands.
La chasse fiscale aux «riches» est (toujours) ouverte
Plus tu paies, moins t’as droit!
Ainsi, plus on paie d’impôts sur le revenu, plus cher on paie la cantine dans les écoles publiques, l’inscription au conservatoire ou la place en crèche de nos enfants.
La conséquence? Les riches se retirent du système public et la société est coupée en deux… soit exactement l’inverse de la diversité sociale recherchée.
Alerte sur les taxes exceptionnelles
Les Français ont un patrimoine évalué à plus de 15 295 milliards d’euros constitué pour 6 200 milliards d’actifs financiers et 8306 milliards d’immobilier.
Jour après jour, les propositions de taxes exceptionnelles fleurissent. La liste serait tellement longue qu’on ne peut toutes les citer… Ce qui est certain, c’est que tout est prêt à Bercy pour déclencher de nouvelles taxes exceptionnelles ou bloquer l’épargne des Français.
Les taxes foncières qui explosent
Les taxes foncières ont augmenté de 25% ces dix dernières années.
Actuellement, les résidences secondaires sont en France au nombre de 3,59 millions.
Il est urgent de considérer, tout simplement, les propriétaires comme des citoyens comme les autres qui eux aussi sont touchés par l’inflation et penser à mettre en place un bouclier fiscal local qui permettrait qu’on ne puisse pas payer un pourcentage exorbitant de ses revenus en fiscalité foncière locale.
Les riches tricolores, toujours les plus taxés d’Europe
La part de prélèvements sur le capital dans le PIB s’élève en France à 10,7%, 2,5 points au-dessus de la moyenne de la zone euro, ce qui fait que les impôts sur le capital coûtent en France en moyenne plus de 50 milliards de plus par an que dans les autres pays de l’U.E.
Les non-résidents fiscaux sont rackettés
Il existe des Français résidant fiscalement en dehors d’Europe qui paient plus de 10 000 euros de CSG par an et qui n’ont pas droit au remboursement de leurs soins en France.
Partie II LE SCANDALE DES MILLIARDS DE DÉPENSES ET DES SERVICES PUBLICS À L’AGONIE
Dépenses folles…
Le scandale du carnet de chèques. 1,6 milliard par semaine en 2022
Entre 2017 et 2022, les dépenses publiques n’ont jamais autant dérapé: en moyenne, par rapport à ce qui avait été voté, c’est + 43 milliards d’euros par an!… La pire année étant clairement 2022 avec un dérapage -excusez du peu- de 82 milliards, soit 1,6 milliard par semaine de dépenses en plus, non planifiées et financées par la dette!
Le scandale dans le scandale: personne ne contrôle nos 1500 milliards de dépenses
En clair, personne en France ne contrôle en détail les finances de la Cour des comptes.
Pourquoi la Cour ne montre-t-elle pas l’exemple? Pourquoi ne fait-elle pas de recommandations claires sur les milliards d’économies à réaliser? Pourquoi ne se prononce-t-elle pas vraiment sur la réforme des retraites ou la comparaison des coûts entre enseignement privé et public? Pourquoi ne produit-elle pas de rapport sur les déficits cachés des retraites? Pourtant, l’heure est trop grave pour rester complice des scandaleux gaspillages de l’argent des Français que nous avons tous les jours sous les yeux.
Le scandale des aides sociales qui alimentent l’assistanat
La France est le paradis des aides sociales… Le total des aides dépasse les 125 milliards d’euros par an… Cela équivaut au cumul des budgets accordés au ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et de l’Intérieur en 2021.
Le RSA est devenu un revenu social sans contrepartie et qui ne mène nulle part car sept ans après leur entrée dans le RSA, 42% des bénéficiaires y sont encore et un quart des bénéficiaires sortent du dispositif pour aller vers… l’allocation adulte handicapé.
Le scandale des retraites des agents publics… financées par nos impôts
45 milliards d’euros des «cotisations employeur» de l’État et des employeurs publics sont en réalité des subventions payées avec les impôts des Français. Chaque ménage imposable paie ainsi chaque mois autour de 200 euros pour financer les pensions surdotées de nos agents. Surdotées parce que si on appliquait les règles en vigueur pour le privé, cela entraînerait automatiquement une baisse de pension de 21% en moyenne.
Le scandale de la charge de la dette qui explose
La charge de la dette est en effet en train d’exploser, car les taux montent. Ils ont en effet dépassé les 3% à dix ans en décembre 2022, du jamais-vu depuis 2012.
Si les taux sur la dette à dix ans dépassent les 4%, la charge de la dette va grimper au-delà des 100 milliards à l’horizon 2027… La France serait alors en grande difficulté, quel que soit le niveau du déficit public. Il y aurait un risque de crise qui pourrait entraîner des ponctions sur l’épargne des Français, le blocage des assurances-vie, des créations d’impôts exceptionnels et des coupes dans les dépenses que nous n’aurions pas nous-mêmes choisies.
…et sans compter
Le scandale des congés bonifiés des agents publics dont on n’a pas le droit de connaître le coût
Aujourd’hui, ce sujet est totalement tabou mais une vraie transparence est possible. Il suffirait d’imposer une mention systématique du coût des congés bonifiés dans les bilans sociaux des ministères, des collectivités et des hôpitaux et leur publication exhaustive.
Le scandale de la RATP, de la SNCF et de la gêne occasionnée
La gréviculture, c’est l’ADN de la SNCF et de la RATP… En vingt ans, de 2002 à 2022, quatorze mois de décembre auront été rythmés par des mouvements de grève à la SNCF.
Bref, si vous avez l’impression de payer de plus en plus cher pour prendre les transports publics et pour financer les retraites avantageuses et déficitaires des salariés RATP/SNCF en ayant, en face, un service qui se dégrade, ce n’est pas qu’une impression.
Le scandale des 300 milliards de dépenses folles de personnel public
La France compte toujours pléthore d’agents publics, soit une dépense de 300 milliards d’euros par an. En moyenne, entre 35 et 40 milliards de plus par an, que dans le reste de l’Europe. Mais nous n’avons toujours pas le droit de parler de productivité dans les services publics… Quand pourrons-nous enfin faire le lien entre absentéisme et sureffectif public? Combien de fonctionnaires, aujourd’hui, ont un emploi fictif? Ou sont payés à ne rien faire?
Le scandale de la fausse suppression de l’ENA qui coûte 21% plus cher!
On a fermé un établissement qui coûtait 31 millions d’euros par an en subvention de l’État… pour en créer un nouveau quasi identique qui coûte 38 millions par an, soit 21% plus cher! En 2017, l’ENA employait 179 agents. L’ENSP en compte 454.
Rien ne marche
Le scandale des files d’attente pour les passeports
(Préfectures) La Cour des comptes déplore un plan volontariste de dématérialisation insuffisamment préparé et pensé sans «aucun objectif précis d’amélioration de la qualité du service rendu aux usagers». Conséquence: les services, en sous-effectifs chroniques, sont surchargés. Une situation ubuesque alors que l’État connaît la date de péremption de tous nos titres d’identité depuis leurs mises en circulation.
Le scandale des délais de la justice
Suppression des peines planchers, révocation systématique des peines de sursis en cas de récidive, interdiction des incarcérations de moins de six mois, libération sous contrainte qui octroie automatiquement une réduction de trois mois pour le détenu en fin de peine…«jamais la sanction pénale n’aura connu une telle érosion» Béatrice Brugère. La dégradation des délais est aggravée par la succession de réformes de procédure incessantes au motif de «simplifier l’accès à la justice» et d’«accélérer le traitement judiciaire». Insuffisamment préparées, ces réformes compliquent encore plus le travail des tribunaux.
Le scandale de l’attribution des HLM
(Logement social) 10 millions de personnes en bénéficient en France, réparties dans 4,5 millions de logements: cela représente 17% des occupations de résidence principale… derrière les 23% de locataires dans le secteur privé et 58% de propriétaires. 33% des locataires du parc social sont dans leur logement depuis au moins quinze ans -contre 12% pour les locataires du parc privé. Nos 4,5 millions de logements sociaux devraient donc être utilisés en priorité pour permettre aux actifs en emploi de se loger au plus près de leur lieu de travail. Mais il n’en est rien. Les agents publics, les bénéficiaires de minima sociaux sans emploi, les personnes relevant du droit au logement opposable bénéficient en quelque sorte de différents «coupe-files» de plus en plus institutionnalisés.
Le scandale de la pénurie de places en crèches pour les travailleurs
(Crèches) Alors qu’on y met de plus en plus d’argent, il y a de moins en moins de places et elles sont, en outre, accordées dans des conditions opaques. Les dépenses d’accueil du jeune enfant de moins de 3 ans sont de 15 milliards par an, dont 7 milliards d’euros pour les crèches. Le fait d’avoir un emploi n’est pas une condition sine qua non pour obtenir une place en crèche. Encore une fois, ce sont ceux qui cotisent le plus et qui paient le plus d’impôts qui pâtissent de la pénurie. Pénurie qu’on dirait organisée par des normes surdimensionnées et par l’inexistence du critère du travail des parents pour accorder les places.
Le scandale de l’accompagnement fantôme par Pôle emploi
On peut même se demander si Pôle emploi exerce vraiment une influence sur le retour au travail des chômeurs. En 2017, l’Insee confirmait que seulement 9% des demandeurs d’emploi avaient retrouvé un travail grâce à l’institution. En matière d’efficacité pour la recherche d’emploi, ce chiffre la plaçait au même niveau que… les petites annonces.
Déclassement
Le scandale de l’effondrement caché du système de santé
Dans cette étude, seulement 71% des Français sont satisfaits de l’accès à des services de santé de qualité. Un taux qui place la France à la 21ème place sur 38 pays pour l’expérience «client/usager» alors que nous sommes 4èmes en matière de dépenses. La gestion kafkaïenne de la santé en France fait fuir à la fois les médecins et les infirmiers… Au total, 15% des médecins français envisageraient de quitter la France pour exercer à l’étranger. En cause: les lourdeurs administratives, la surcharge de travail, le manque de considération, la constante hausse des impôts et des charges sociales…
Le scandale du délitement de l’Éducation nationale
L’Éducation nationale est en crise, le niveau scolaire baisse, les professeurs sont démotivés. D’après l’OCDE, en 2020, la satisfaction des Français à l’égard du système éducatif était de 71%, soit 18 points en dessous de la moyenne européenne (89%). En 2019, sans compter les enseignants qui assurent des missions de direction ou d’inspection, 12% des effectifs enseignants titularisés ne sont pas devant une classe, soit un peu plus de 100 000 enseignants.
Le scandale du sous-investissement public dans l’avenir
En 2021, nous consacrons 59% du PIB aux dépenses publiques et seulement 3,6% du PIB pour l’investissement dont plus de 58% sont à l’initiative des collectivités locales… En clair, la France emprunte pour faire tourner sa machine sans pouvoir préparer l’avenir. Pour faire simple, le niveau de dépenses de l’État est tel que lorsqu’il faut rogner quelque part, ce sont les investissements dans le régalien qui trinquent.
Le scandale des milliards gâchés du nucléaire
Nous payons un manque de vision à long terme, des revirements de stratégie constants (pour des raisons politiciennes) et un manque d’investissement dans l’un de nos meilleurs atouts. La France a dépensé depuis les années 1950 plus de 150 milliards pour le nucléaire et nous sommes en train de casser la production française et la croissance pour n’avoir pas entretenu ce précieux bien commun que sont nos centrales.
Et la qualité des services publics dans tout ça?
En moyenne, moins d’un Français sur deux a une bonne opinion des services publics, avec 46% en 2022… Cela reste très faible par rapport au fait que la dépense publique française tourne autour de 58% par rapport au PIB. L’enjeu n’est pas d’augmenter les impôts ou de mettre plus d’argent dans le système mais de le simplifier et le réformer.
Et si on économisait 273 milliards en s’inspirant de la Banque de France?
Il est tout à fait possible de réduire dépenses et effectifs tout en assurant des services de qualité. La gestion de la Banque de France en est un bon exemple. Peut-être que l’État pourrait s’en inspirer en se recentrant sur ses missions régaliennes et en assurant une meilleure efficacité des services publics? Rien qu’avec un objectif de baisse de 5% des dépenses tout en renforçant le régalien, nous pouvons économiser plus de 57 milliards par an.
Conclusion:
Voici les vingt mesures, adoptées par nos voisins, que la France devrait mettre en place et qui nous permettraient de savoir où va l’argent public:
- Inscrire le principe du frein à l’endettement dans la Constitution, l’objectif étant de faire en sorte que l’équilibre budgétaire soit la norme;
- L’interdiction d’indexer la dette sur l’inflation = faire le choix de ne pas détenir de titres indexés sur l’inflation;
- La publication mensuelle de la nationalité des détenteurs de la dette publique française;
- Pas de déficits possibles sur les comptes sociaux;
- Garantir le système de retraites en mettant en place des mécanismes d’ajustement automatique;
- Un Parlement, vrai contre-pouvoir, qui contrôle la gestion publique;
- Rendre chaque ministre responsable du budget de son portefeuille;
- Engager la responsabilité financière des élus;
- Des données sociales transparentes;
- Des collectivités transparentes qui publient des comptes et bilans uniformisés;
- Des agences publiques transparentes qui publient des comptes et bilans sociaux uniformisés;
- Établir un bouclier fiscal et social;
- Respecter le principe de subsidiarité et limiter les compétences partagées;
- Des syndicats transparents qui publient des comptes et bilans uniformisés;
- Encadrer le droit de grève pour garantir la continuité du service public à 100% pendant les heures de pointe et les départs en vacances;
- Verser des primes aux agents publics pour leur performance et leur présence;
- Évaluer la charge administrative et contrôler les normes;
- Faire voter les citoyens régulièrement sur les enjeux publics;
- Mettre les citoyens à contribution;
- Autoriser des classements officiels sur la qualité des services publics.
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Simone, obéir c'est trahir, désobéir c'est servir, Jean-David Morvan et David Evrard - Glénat
Coup de cœur de Manon B.: Une biographie poignante et dessinée de la jeune Simy Kadosche, aussi connue sous le nom de Simone Lagrange, israélite et juive au début de la Seconde Guerre Mondiale. Enfant tout à fait normal, avec des amis tout à fait normaux, Simy voit sa vie basculer alors qu’Hitler arrive au pouvoir en Allemagne. Ses idées se diffusent, la guerre éclate, et très vite, la situation se détériore en France. Le pays occupé et le sud de la France sous le gouvernement de Pétain, Simy n’est désormais plus une enfant normale, elle est une enfant de la résistance.
Malheureusement, le destin de Simy ainsi que celui de sa vie va être terriblement bouleversé. Dénoncés par une proche de la famille, elle et ses parents seront rapidement emmené dans un bâtiment de la gestapo où ils y seront torturés jour et nuit pour savoir où sont les autres frères et sœurs de Simy.
Une bande dessinée prenante, destinée aux enfants, et qui dénonce avec justesse les horreurs commises durant la Seconde Guerre Mondiale et ce qu’ont subi non seulement les juifs, mais également les homosexuels, les tziganes et les personnes handicapées.
MÉGAMENACES de Nouriel ROUBINI - Buchet-Chastel
Émetteur du résumé : François C.
Première partie ENDETTEMENT, DÉMOGRAPHIE ET POLITIQUES DANGEREUSES
- La crise de l’endettement
- Graves défaillances politiques et comportementales, tant publiques que privées
- La bombe à retardement démographique
- Le piège de l’argent facile et le cycle expansion-récession
- La grande stagflation à venir
Deuxième partie CATASTROPHES POLITIQUES, TECHNOLOGIQUES ET ENVIRONNEMENTALES- Effondrement des devises et instabilité financière
- La fin de la mondialisation?
- La menace de l’intelligence artificielle
- La nouvelle guerre froide
- Une planète inhabitable?
Troisième partie CETTE CATASTROPHE PEUT-ELLE ÊTRE ÉVITÉE?- Sombre destin
- Un futur plus «utopique»?
ÉPILOGUEEt si nous avions oublié les leçons de l’histoire d’il y a un siècle?
Les mégamenaces d’aujourd’hui sont pires que celles d’il y a un siècle. Notre système financier est plus endetté, nos inégalités sont plus grandes, nos armes sont beaucoup plus dangereuses… Même le risque de conflit nucléaire est réapparu.
Malheureusement, le scénario dystopique semble être le plus probable des deux -et de loin.
Au cours des deux prochaines décennies, ces dix mégamenaces conduiront à une collision titanesque de forces économiques, financières, technologiques, environnementales, géopolitiques, médicales et sociales. N’importe laquelle d’entre elles est redoutable. Si elles convergent, les conséquences seront dévastatrices.
Attachez vos ceintures. Ce sera un parcours cahoteux dans une nuit très sombre.
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P.137 à 142 :
«Aujourd’hui, je dénombre à l’horizon non pas un, mais onze chocs négatifs potentiels de l’offre mondiale qui se profilent à moyen terme. Chacun affecte tous les autres. Ils réduisent tous la croissance potentielle, diminuent la production économique potentielle et augmentent les coûts de production avec des conséquences inflationnistes. Chacun d’eux est une mégamenace potentielle. De multiples chocs dans la décennie à venir ne me surprendraient pas. Conjugués à des politiques monétaires et budgétaires laxistes et à des niveaux d’endettement stupéfiants, ils précipiteront une stagflation qui pourrait faire passer les années 1970 pour une simple séance d’échauffement. Ces chocs de l’offre globale négatifs et stagflationnistes, les voici :
- Le vieillissement rapide des populations perturbera les marchés développés et émergents.
- Des décennies durant, l’immigration des pays du Sud pauvres vers les pays du Nord riches a aidé les employeurs à pourvoir des emplois sans pression significative sur les salaires. Dans l’environnement politique mondial actuel draconien, des restrictions de l’immigration priveront les employeurs de cette option lorsque les travailleurs accentueront leurs revendications en matière de rémunérations. L’inflation des salaires va s’accélérer.
- La démondialisation, le protectionnisme et les politiques introverties destinées à protéger les travailleurs et les entreprises pénaliseront les économies au lieu de les renforcer. En restreignant le commerce mondial des biens, des services, des capitaux, de la technologie, des données et des investissements, ils imposeront des prix à l’importation plus élevés, une augmentation des coûts de production, et saperont la croissance.
- Une délocalisation de la fabrication peut améliorer la sécurité de la chaîne d’approvisionnement, mais le déplacement de la production depuis des marchés émergents à faible coût tels que la Chine vers des marchés développés plus conviviaux mais à coût plus élevé accroîtra les coûts et les prix…Attendez-vous à des hausses de prix, à des goulets d’étranglement de l’approvisionnement et à des conséquences imprévues lorsque des politiciens nationalistes bornés repousseront la mondialisation.
- La concurrence féroce entre les Etats-Unis et la Chine se transforme déjà en guerre froide. Les restrictions et les droits de douane dans les deux sens pourraient être des coups de semonce, suivis par bien d’autres, en particulier dans les domaines de la technologie, du commerce des biens et des services, des investissements, des données et des technologies de l’information…Si la Chine concrétise sa revendication sur Taïwan et capture les principaux fabricants de microprocesseurs, un choc d’approvisionnement mondial entraînera des perturbations plus importantes que le choc pétrolier des années 1970. Ces répercussions déjà inquiétantes pâlissent à côté des conséquences d’un conflit armé avec les Etats-Unis, provoqué par les revendications chinoises sur Taïwan.
- D’autres chocs géopolitiques découlant de la nouvelle guerre froide entre la Chine, ses alliés effectifs et l’Occident sont stagflationnistes. L’invasion russe de l’Ukraine a fait monter en flèche les prix de l’énergie, de la nourriture et d’autres matières premières essentielles dans les chaînes d’approvisionnement mondiales et le processus de consommation et de production.
Si finalement l’Iran devenait une puissance nucléaire, alors Israël finirait par frapper l’Iran, car un Iran nucléaire serait considéré par l’Etat hébreu comme une menace contre son existence. Un tel conflit déclencherait un choc pétrolier aussi grave, sinon pire, que les deux des années 1970.Périodiquement, une Corée du Nord remuante et sanctionnée tient des propos belliqueux et lance des missiles balistiques dans la mer entre la Corée du Sud et le Japon. Si cette confrontation devait s’intensifier, elle perturberait les circuits d’approvisionnement mondiaux qui permettent à la Corée du Sud, au Japon et à d’autres pays asiatiques de commercer dans ces eaux contestées en tant que principaux centres industriels de cette région. Les chocs géopolites sont sévèrement stagflationnistes. Et nous entrons maintenant dans une dépression géopolitique avec l’invasion russe de l’Ukraine.
- Le changement climatique mondial déclenchera des pressions stagflationnistes d’au moins trois façons :
- De vastes zones de terres seront confrontées à une grave sécheresse et deviendront des déserts par manque d’eau. Des régions bien au-delà du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et de l’Afrique subsaharienne sont vulnérables.
- La tendance à la décarbonisation a entraîné un sous-investissement dans le développement des combustibles fossiles sans augmentation suffisante de l’approvisionnement en énergie verte. Les prix de l’énergie sont susceptibles d’augmenter tant que ce déséquilibre persiste, et combler l’écart en dix ans nécessiterait d’accélérer le passage à l’énergie verte, scénario peu probable.
- Les catastrophes « naturelles » et leurs conséquences humaines dévastatrices interrompront la production et l’approvisionnement en biens vitaux. De nombreuses usines ferment leurs portes lorsque des phénomènes météorologiques extrêmes -inondations, incendies, sécheresses- se produisent.
- Des pandémies mondiales se profilent à l’horizon, car elles surviennent désormais avec une fréquence plus élevée et une virulence plus grave. Les humains vivant à proximité d’animaux porteurs d’agents pathogènes, ainsi que la fonte du pergélisol dans la toundra sibérienne qui exposera des bactéries et des virus congelés depuis des millénaires, pourraient faire passer le Covid-19 pour un événement routinier. Les circuits d’approvisionnement dépendent de personnes valides pour la fourniture des biens et des services et d’un commerce transfrontalier ouvert. Ralentissements et pannes mettent en péril chaque étape de la production, en particulier lorsque les stocks dépendent de réseaux en flux tendu. En outre, le Covid-19 associé à la guerre en Ukraine a entraîné des restrictions à l’exportation de biens vitaux alors que des pays tentent d’atteindre l’autosuffisance en produits pharmaceutiques, équipements de protection individuelle, production alimentaire et produits agricoles.
- Une réaction croissante et justifiée contre les inégalités de revenu et de richesse encourage une législation et des politiques budgétaires pro-travailleurs, pro-salaires et pro-syndicats qui peuvent se retourner contre eux, comme dans les années 1970. Les politiques de relance budgétaire visant de plus en plus à protéger les travailleurs, les chômeurs et les laissés-pour-compte, la croissance des salaires pourrait s’accélérer, entraînant une hausse de l’inflation dans une spirale salaires-prix.
- Des cyberattaques de plus en plus fréquentes et virulentes perturbent les circuits d’approvisionnement…Les infrastructures critiques sont également vulnérables, notamment les réseaux électriques et notre infrastructure financière. Reste à voir si des investissements massifs dans la cybersécurité assureront la sécurité de la plupart des industries pour des millions de clients. Dans le meilleur des cas, la mise à niveau et la protection de vastes systèmes coûteront des centaines de milliards de dollars et augmenteront les coûts de production. Dans le pire des cas, des cyberattaques paralysantes nuiront de plus en plus à la croissance.
- La militarisation du dollar américain, via l’utilisation accrue des risques de sanctions commerciales et financières, sape le rôle du dollar américain en tant que principale monnaie de réserve mondiale et impulse une baisse inflationniste désordonnée de sa valeur…Le déclin du dollar américain et la dépréciation qui s’ensuivra seront hautement inflationnistes et stagflationnistes, car les prix de la plupart des matières premières sont libellés en dollars, et une baisse de la valeur du dollar augmente le prix en dollars de ces matières premières.
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Forthill tome 2: La Marque du poison de Vannessa Altmeyer - Alter Real
Coup de cœur d’Anne-Christine T.: Nous sommes toujours plongés dans les aventures de notre jeune journaliste Lisa Kinkaid, menant des enquêtes concernant des évènements énigmatiques et surnaturels à Forthill, petit village insolite et mystérieux dans l’ouest de l’Ecosse. Elle poursuit son apprentissage de guérisseuse “sorcière” sous l’impulsion de sa mère. Parallèlement, la vie de notre héroine est partagée entre ses relations amicales avec un membre de la tribut des Chevaliers qui font régner l’ordre contre les créatures surnaturelles, et sa relation amoureuse avec Ian Pendrake mi humain appartenant à la tribut des Dragons surnaturels. Lisa Kinkaid va être amenée à enquêter sur un empoisonnement disséminé de part et d’autres , son enquête va la conduire au monstre du Loch Ness. Cependant, mener une enquête sous l’impulsion omniprésente, ascendante et protectrice d’un dragon surnaturel dont elle est attirée, ne va pas être simple au quotidien.
Ce deuxième tome nous conduit à la rencontre de nouvelles créatures meurtrières anciennes aux pouvoirs dangereux, aucune règle n’est limitée. Le lecteur est toujours plongé au mythe écossais avec ses fantômes celtiques. On oublie le quotidien réel.
Le Prince Cruel, Holly Black - Rageot
Coup de cœur de Manon B : Dans un univers fantastique qui nous ensorcelle et coincé-e-s entre magie et suspens politique, Holly Black nous plonge dans un énième roman à couper le souffle. L’autrice mondialement connue des Chroniques de Spiderwick n’a de cesse de nous émerveiller.
Jude, jeune adolescente et protagoniste du roman, n’a pourtant rien à voir avec toute la magie qui l’entoure. Alors que toute jeune fille elle voit ses parents se faire assassiner sous ses yeux et qu’elle se fait kidnapper par le père de celle qui est en réalité sa demie-sœur, la jeune femme n’a d’autre choix que de se forger une armure psychologique contre les Elfes de Terrafae.
Harcelée pour ce qu’elle est, une humaine, Jude va très vite devoir montrer ce qu’elle vaut afin de se protéger du cruel prince Cardan. S’en suit alors pour elle de longues péripéties aussi dangereuses qu’instructrices. Et alors qu’au fil du roman, et même au fil de la trilogie, nous nous demandons qui sont réellement les gentils et qui sont les méchants, Jude ne manquera pas de flirter avec la ligne rouge, celle qui pourrait faire d’elle la méchante que tout le monde a toujours voulu trouver en elle, ainsi qu’en son espèce.