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Vos recommandations...

Les derniers Jours de nos pères, Joël Dicker

CouvertureCoup de cœur d’Alma S: En 1941, la France est occupée par l’Allemagne nazie. Paul-Emile, un jeune homme de vingt ans, part pour Londres. Espérant pouvoir donner une modeste aide à la Résistance française, il n’a pas idée de ce qu’il va vivre: en effet, il va être recruté par les services secrets britanniques et intégré au sein du SOE, Special Operations Executive. Les premières missions sont un succès. Mais un officier du contre-espionnage allemand commence à le soupçonner et se met bientôt à sa poursuite.

On pourrait penser qu’il s’agit d’un roman purement d’espionnage et d’action. Il s’agit également d’un roman sensible qui s’interroge sur les relations entre les gens, sur le rapport entre parents et enfants, celui entre ennemis. Nous battons-nous contre les personnes ou bien contre les idées?

La femme et l'Oiseau d'Isabelle Sorente - Folio

Coup de cœur d’Anne-Christine T.: L’Histoire met en relation deux êtres: une jeune adolescente et son grand-oncle qui ont vécu chacun à leur niveau et à des époques différentes des épreuves, remettant en question leurs ressentis, leurs expériences de parcours. Tirer les leçons et les conséquences de nos expériences, nos actes et nos comportements. Ce livre m’a émue par rapport au lien attachant de ces deux êtres, leurs partages d’émotions intenses, par rapport à leur vécu. Grâce à la sagesse de nos anciens, nous pouvons nous reconstruire, apprendre à pardonner à travers des choses simples dont la nature. Le plus important, c’est de ne pas vivre à travers les apparences, mais à l’essentiel, véridique, garder son authenticité pour ce que nous sommes, éloigner les faux-semblants. 

Dès que sa bouche fut pleine de Juliette Oury - Flammarion

https://images.epagine.fr/803/9782080429803_1_75.jpgCoup de cœur d’Anne-Christine T.: L’histoire d’une jeune femme classique vivant en couple, menant une vie simple mais plus précisément une vie intime sexuelle organisée, ritualisée comme une horloge faisant partie du quotidien journalier. Une vie intime qui s’installe dans des habitudes bien ancrées, dénuée de toute folie inattendue.

Afin de sortir de cette banalité de vie intime, elle va s’adonner à des plaisirs culinaires originaux lui procurant une forme de jouissance intime voir même une sexualité plus ou moins débridée mais dans la légèreté pour elle.

Le plaisir intime et le plaisir culinaire vont se rencontrer sous des formes originales agréables mais aussi avec des déceptions impromptues.

Le sexe et la cuisine se rejoignent sous une forme d’extase, de plaisirs personnels, de goût, le toucher corporel mais surtout une manière de réaliser que sa vie peut changer à condition qu’on fasse ce qu’il faut pour sortir de l’ennui et de la lassitude.

Ne plus s’effacer vis à vis des autres. Alors à vos fourneaux pour changer sa vie et faire des rencontres!

Et à la fin, ils meurent - Lou Lubie - Delcourt

https://images.epagine.fr/705/9782413040705_1_75.jpgCoup de cœur de Joseph G.: Les contes de fée sont-ils vraiment sexistes? Les gentils vivent-ils heureux pour toujours? Cendrillon est-elle si gentille que ça? La petite sirène serait-elle en réalité un homme? Tant de questions qui sont répondues dans cette thèse sous forme de roman graphique, qui explore les contes de fées dans leurs origines les plus lointaines, ainsi que leurs différentes adaptations au fil des ans, le tout avec beaucoup d’humour. 

J’ai adoré ce livre! Moi qui suis fan des contes de fées depuis ma plus tendre enfance (snif!), j’ai trouvé ça très intéressant de remonter à leurs origines en explorant leurs significations premières et en comparant avec les différentes adaptations que Walt Disney et autres nous ont fournies. La plume de Lou Lubie est également très cocasse et m’a fait pouffer à plusieurs moments (“Et toi, ma fille, tu auras quatre répliques dans tout le conte”). Lisez ce livre sans plus attendre!

Et ils meurent tous les deux à la fin d'Adam Silvera - Collection R (Robert Laffont)

Et ils meurent tous les deux à la finCoup de cœur d’Anne-Christine T: Un livre bouleversant, rempli d’émotions concernant une rencontre très attachante entre deux jeunes : Rufus et Mateo dont la vie est fragile: Mateo est plus réservé, parfois solitaire plus ou moins sûr de lui et Rufus impulsif, bagarreur assez sanguinaire. Deux contrastes chez ces êtres que tout oppose au début mais petit à petit ils vont réaliser tous les deux qu’ils sont dans une forme d’isolement, un manque d’attache, les blessures de la vie qui les ont cassés.  Cette rencontre va changer leur existence et ils vont devenir inséparables tous les deux.

 Ils vont nous faire comprendre qu’il faut profiter de la vie au maximum, chaque instant passé compte, ne pas tergiverser et réaliser ses rêves et autres souhaits, il faut saisir la chance qui se présente à tout instant car il y en aura pas deux.

Un roman qui dévoile petit à petit des émotions et de l’empathie dont on a bien besoin quelques fois.

Miraculous, de Koma Warita et Aiku Tsuchida - NobiNobi

Cour de cœur de Joseph G : https://images.epagine.fr/421/9782373499421_1_75.jpgVoici Marinette, une fille comme les autres. Mais quand le destin la choisit pour lutter contre les forces du mal, elle devient Ladybug, une superhéroïne accompagnée de son coéquipier Chat Noir, luttant chaque jour contre le Papillon, redoutable super-vilain capable de changer les citoyens de Paris en monstres appelés les Akumas.

Mais ce que Marinette ne sait pas, c’est que Chat Noir n’est autre qu’Adrien, le garçon de son collège dont elle est follement amoureuse…

Pour tous les fans du dessin animé d’origine, ce manga va vous plaire. Les personnages et leurs relations sont très bien repris, et le style du manga parvient à leur donner une touche particulière. Même pour ceux qui ne connaissent pas la série, ce manga arrivera facilement à vous conquérir à travers ses personnages attachants, son action excitante et son humour hilarant. Lisez-le sans plus attendre!

Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo - Hugo Poche

CouvertureCoup de cœur de Joseph G.: 1482. Sur le parvis de Notre-Dame, la bohémienne Esmeralda danse près d’un feu de joie, s’attirant ainsi le désir de plusieurs hommes: le poète Gringoire, le bossu sonneur de cloches Quasimodo, l’archidiacre Claude Frollo… Toutefois, la jeune fille n’a d’yeux que pour le capitaine des archers, Phoebus. S’enchaînera alors une série de machinations, de condamnations et drames à partir du désir de ces hommes pour la jeune bohémienne, tout ça près de l’édifice de Notre-Dame…

Tout comme Les Misérables, Notre-Dame de Paris est un classique de Victor Hugo qui ne se démode pas. La plume de ce célèbre écrivain nous fait ressentir un attachement particulier pour les personnages et les drames qu’ils traversent. L’hommage que ce roman rend à Paris, et plus particulièrement à Notre-Dame, fait également plaisir à voir. Un livre à dévorer et à re-dévorer!

Numéro deux de David Foenkinos - Folio

Numéro deuxCoup de cœur d’Anne-Christine T: C’est l’histoire revisitée   d’un jeune adolescent repéré par une maison de production de films, il décide de passer des castings pour décrocher le rôle principal d’Harry Potter, roman jeunesse écrit par J.K Rowling. Noué d’espoir pour avoir le rôle, il s’investit pleinement dans les essais. Cependant, la concurrence est rude, et il ne sera pas retenu pour le rôle tant convoité. Il finit par plonger dans une immense déception, ses espoirs s’évanouissent sans compter le fait qu’il va être confronté à un changement d’environnement familial associé à la perfidie, la manipulation d’un proche adulte.

Face à cette situation difficile, il va mener une lutte acharnée pour se reconstruire à titre personnel, refaire confiance au monde des adultes et se refaire confiance à lui-même. Surmonter les épreuves tout étant accompagné un minimum, acquérir une capacité de résilience pour continuer dans ses projets de vie.

Face aux évènements, ce livre nous rappelle qu’il est important de reprendre sa vie en main sans être tributaire des autres, garder le contrôle de son existence, et de ses choix, sans que quelqu’un décide pour nous.

La traversée des échecs permet de devenir meilleur, ça fait partie de la reconstruction. Enfin, mener une vie humble présente des avantages à bien des égards, loin de la notoriété tumultueuse.

Blanche-Neige, rouge sang, de Neil Gaiman - Black River

Blanche-Neige, rouge sang : Chronique vampiriqueCoup de cœur de notre petit grand stagiaire Joseph: Il était une fois, une belle et innocente princesse dont la belle-mère est maladivement jalouse de sa beauté… ou pas!

En réalité, la reine s’occupe bien peu de choses aussi futiles ; elle est bien plus préoccupée par sa belle-fille qui lui mord soudainement le poignet avec un délice macabre, ou par son époux qui meurt un jour, vidé de tout son sang.

Horrifiée, la reine fera tout son possible pour éloigner sa monstrueuse belle-fille de son royaume, quitte à se salir les mains elle-même. Mais a-t-elle une chance de vivre heureuse pour toujours, dans ce monde où les gentils et les méchants ne sont pas ceux que l’on croit?

Une réécriture captivante du conte de Blanche-Neige, re-imaginé en chronique vampirique. Le personnage de Blanche-Neige est magnifiquement terrifiant et vous donnera la chair de poule!

Les dessins, réalisés par Colleen Doran, sont magnifiques et s’incorporent merveilleusement bien à l’ambiance morbide instaurée par le texte. Un roman graphique à lire et à relire si vous voulez vous glacer le sang!

Vikings, la vengeance de Alexia Henricksen - Alter Real

Vikings, la vengeanceCoup de cœur d’Anne-Christine T: En l’An 840,   Amalia jeune fille atypique aux yeux vairons est une rescapée de son village Noir le Monial (du côté de Rouen) de l’invasion de la tribut des Vikings. Son père devient prisonnier esclave. Elle est récupérée par une congrégation religieuse où elle se reconstruit tout doucement et prend part aux activités du couvent.  Le Monastère finit par être assiégé par un groupe de vikings, la tribu va mettre la main mise sur les biens du couvent. Amalia devient la favorite du chef du clan Olaf, chef jaloux, orgueilleux, dénué de tout sentiment et scrupule. Il jette son dévolu sur Amalia pour mieux la posséder. La jeune femme garde le cap en restant opiniâtre. Cependant, une attirance réciproque et sentimentale va se nouer entre Amalia, jeune chrétienne, et Arnulf, païen et frère adoptif d’Olaf. Ils finissent par se rapprocher intiment jusqu’au jour où Olaf va le découvrir….

Ce roman est captivant d’une part par rapport au dilemme qui se pose entre une femme aux traditions Chrétiennes de l’époque dont le village a été assiégé par les vikings et Arnulf païen frère adoptif  du chef viking tyrannique décimant les petits villages, spoliant les biens. D’autre part, ce livre met en exergue l’histoire d’un peuple mal connu, car même si les vikings ont été des pirates, et des pilleurs, ils ont été petit à petit des explorateurs maritimes ayant développé les échanges commerciaux , des tributs organisées à l’instinct grégaire. L’histoire nous montrera que Chrétiens et paiens peuvent arriver à cohabiter ensemble. Merci à l’écrivaine Alexia Henricksen de nous faire partager l’histoire d’un peuple qui au VIII au XIème siècle va conquérir le Royaume des Francs jusqu’au proche Orient.

Les Enfants sont rois de Delphine de Vigan - Folio

Les enfants sont roisCoup de cœur de Joseph Après une première apparition à la télé totalement ratée, Mélanie rêve de devenir célèbre. L’idée lui vient d’utiliser ses deux enfants, Sammy et Kimmy, pour créer une chaîne YouTube appelée Happy Récré qui présente des moments de famille élaborés de toutes pièces, afin d’attirer l’affection et l’admiration du public. Très vite, Mélanie obtient des millions d’abonnés, ce qui ne fait qu’accroître sa soif de gloire, quitte à négliger le bien-être de ses enfants. Et un jour, la petite Kimmy disparaît…

Ce livre est magnifiquement glaçant! L’horreur du phénomène de l’exploitation des enfants sur les réseaux sociaux est très bien démontrée à travers la plume de Delphine de Vigan, qui arrive à merveille à retranscrire de façon subtile la folie grandissante de Mélanie, qui arrive à être à la fois sympathique et détestable. Un thriller psychologique à lire au plus vite!

Le Monde, modes d'emploi de Jacques Attali - Flammarion

Le monde, mode d'emploi : comprendre, prévoir, agir, protégerÉmetteur du verbatim: François C.

Ch. 1 LES CONCEPTS

Le besoin et le désir

Les humains sont animés par leurs besoins, happés par leurs désirs, hantés par leurs peurs. Les trois étant plus ou moins efficacement canalisés et contrôlés par les puissants de chaque société, à chaque moment de l’Histoire.

Choses rares et choses non rares

Toutes ces catégories peuvent paraître complexes. Elles révèlent l’extraordinaire sophistication des relations des humains entre eux et avec le reste de la nature.

Travailler et produire

Tout produit d’un travail est un artefact: dès qu’il y a acte conscient, il y a travail, et dès qu’il y a travail, il y a artefact. Une récolte, un outil, un jardin sont donc des artefacts.

Répartir et échanger

Dès qu’il y a rareté, un pouvoir impose des règles de répartition des biens privés comme publics. Ces règles, d’abord imposées, deviennent parfois contractuelles.

Aujourd’hui, dans la plupart des pays, les marchés allouent, pour le compte de ceux qui en sont les maîtres, pratiquement tous les biens sauf une partie de l’éducation, la santé, la défense, la sécurité, les grandes infrastructures et la protection sociale, que l’Etat finance, produit et distribue selon les choix des dirigeants.

Ch. 2 L’HISTOIRE

Dominer et prédire

Dominer c’est prédire; i.e., à la fin, penser et faire l’histoire.

L’essentiel du pouvoir appartient successivement aux représentants des dieux, aux maîtres des armes et aux propriétaires du capital; ce qui définit trois ordres (rituel, impérial et marchand), lesquels se superposent, s’interpénètrent, jouent les uns avec les autres et se succèdent.

L’ordre rituel

Dans ces sociétés nomades, tout est vivant, les objets comme le reste…Les chefs, visibles ou cachés, sont prêtres ou shamans.

L’ordre impérial

A la fin du 1er millénaire de notre ère, 250 millions de personnes sont réparties en quelques milliers d’empires, tribus, groupes divers. Partout, les sociétés sont organisées en castes, distinguant prêtres, soldats et paysans; l’essentiel du pouvoir est militaire; l’essentiel du travail est contraint; l’essentiel de la fortune est foncier.

L’ordre marchand: neuf formes, neuf cœurs, neuf crises

Une forme rassemble tous les territoires de la planète de près ou de loin soumis à un instant donné à la loi du marché, sans nécessairement obéir à une règle de droit.

Le cœur est le centre de commandement de la forme…il ne peut y avoir qu’un cœur dans chaque forme; c’est là où sont fixés les prix des principaux biens. C’est là que s’accumulent les moyens de financement.

Première forme, premier cœur: Bruges 1250 – 1348

1er principe: Tous les cœurs sont les produits d’une réponse à un manque.

Bruges établit un premier grand port maritime, Zeebrugge. Ses marchands vont bientôt commercer de l’Ecosse à la Perse et à l’Inde. Sans cesse menacé d’encerclement, son port est condamné à croître ou à disparaître; c’est du manque que naît sa force…Elle devient le premier cœur de la première forme de l’ordre nouveau.

Deuxième forme, deuxième cœur: Venise 1348 – 1453

2ème principe: un cœur s’épuise quand il n’a plus les moyens de financer l’armée qui assure son pouvoir.

La Sérénissime contrôle alors les principales routes commerciales du monde, entre l’Europe et l’Asie au-delà de l’Inde; elle fixe les prix des principales marchandises…La ville devient pour plus d’un siècle le cœur de l’ordre marchand.

En 1453, les Turcs prennent Byzance et bloquent le commerce de Venise avec l’Asie; la ville, qui n’a pas prévu d’itinéraires de substitution, ne peut plus rester au cœur.

Troisième forme, troisième cœur: Anvers 1453 – 1550

3ème principe: c’est toujours par des innovations d’énergie ou de communication qu’un cœur prend le pouvoir…Deux innovations majeures font de nouveau basculer dans une autre ville la forme et le cœur du monde marchand: la caravelle et l’imprimerie.

En 1545, à son apogée, Anvers compte 100 000 habitants; on y gère les finances du monde. On y fixe le prix de l’or, de l’argent, de la laine. Le troisième cœur, comme les deux premiers et comme tous les suivants, est donc un port.

Quatrième forme, quatrième cœur: Gênes 1550 – 1620

4ème principe: la maîtrise de la finance, et de l’organisation du capital, est une condition d’accession au cœur.

L’arrière-pays de Gênes devient le centre des arts, de la philosophie et de l’intelligence pendant plus d’un siècle. Il devient aussi une très grande puissance lainière et métallurgique et renforce le rôle du port de Gênes.

Cinquième forme, cinquième cœur: Amsterdam 1620 – 1780

5ème principe: l’ouverture aux personnes, aux marchandises et aux idées venues d’ailleurs est une des conditions du succès d’un cœur.

La marine militaire hollandaise prend la maîtrise des mers. La Compagnie des Indes puis la Bourse font de la ville et de son Etat le centre du pouvoir militaire, financier, commercial, industriel, de l’ordre marchand mondial.

Sixième forme, sixième cœur: Londres 1780 – 1882

6ème principe: un pouvoir autoritaire ne peut durablement refréner la liberté politique dont les marchands et les industriels ont besoin.

L’Angleterre maîtrise désormais les technologies de l’extraction du charbon, du tissage de la laine, de la fabrication du verre…Cette prise du pouvoir mondial par les marchands du nouveau cœur est le résultat d’une politique industrielle très dirigiste et d’une action militaire décisive…les Anglais prennent enfin le contrôle total de l’Atlantique.

Septième forme, septième cœur: Boston 1882 – 1945

7ème principe: c’est par la transformation d’un service en objet qu’un cœur prend le pouvoir.

Les Etats-Unis prennent le contrôle politique, militaire, économique, culturel, de presque toute l’Amérique latine et d’une partie de l’Asie, des Philippines à la Corée. Leur influence sur l’Europe grandit très vite.

Huitième forme, huitième cœur: New York 1945 – 1973

8ème principe: pour vendre, il est essentiel de savoir produire la demande et de contrôler le financement.

Ce sont les services domestiques rendus par les femmes au foyer et par les employés de maison (nettoyer, conserver, cuisiner) que le moteur électrique viendra permettre de remplacer par des appareils électroménagers fabriqués en série (machine à laver, réfrigérateur, cuisinière, auxquels s’ajoutent la radio puis la télévision).

Neuvième forme, neuvième cœur: la Californie 1973 – 2008

9ème principe: de forme en forme, l’industrie remplace des services et artificialise de plus en plus de nature.

Commence, pour de nombreux pays, le faste de la neuvième forme: entre 1980 et 2007, le PIB mondial est multiplié par 2,4 en dollars constants. Le commerce mondial passe de 25 à 45% du PIB mondial. Tandis que l’essentiel des pays de la périphérie reste sous le seuil de pauvreté.

La crise de la neuvième forme (2008 – 2023)

En 2023, le PIB mondial est 90 fois plus élevé qu’en 1900, pour une population six fois plus grande, soit un PIB par habitant quinze fois plus élevé.

De 2012 à 2022, on a produit plus de plastique que dans les cent années qui ont précédé.

A partir de 2020, la crise du Covid accélère encore le déclin de la neuvième forme, en révélant les faiblesses des systèmes de santé et de prévention mondiaux.

Ch. 3 LE PRESENT: 2023

Le monde, aujourd’hui

Les dépenses de défense dépassent les 2000 milliards (soit un peu plus de 2% du PIB mondial). Il y a au total environ 10 000 têtes nucléaires…Le terrorisme et le fondamentalisme se développent partout; des mouvements et des Etats fanatiques se déploient, de la Mauritanie à la périphérie chinoise…Au total, on n’est pas en guerre mondiale, mais dans des guerres mondialisées.

2,7 milliards de personnes manquent d’eau au moins un mois dans l’année; 1,1 milliard en manque tout au long de l’année.

La production mondiale d’énergie primaire…se répartit entre le pétrole (31%), le charbon (27%), le gaz (25%), le nucléaire (4%), l’hydroélectricité (7%), l’éolien (3%) et le solaire (1,6%). Le Golfe possède la moitié des réserves de pétrole du monde et 40% des réserves de gaz.

La concentration des richesses est plus élevée que jamais: moins de 10% des humains possèdent plus des trois quarts du capital financier mondial. Les 1% les plus riches captent 55% de la croissance, tandis que les 80% les plus pauvres n’en reçoivent que moins de 5%.

L’état de la nature, aujourd’hui

Sur les neuf « limites planétaires », six (le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, les perturbations globales du cycle de l’azote et du phosphore, les changements d’utilisation des sols, l’introduction de nouvelles substances et l’utilisation de l’eau douce) sont dépassées. Les trois restantes (l’acidification des océans, la dégradation de la couche d’ozone et la présence d’aérosols dans l’atmosphère) sont grandement menacées.

Le cœur, aujourd’hui

Les deux plus grandes puissances globales sont la Chine et les Etats-Unis…Ces derniers sont encore la première puissance mondiale, politique, économique, technologique, militaire.

33% des Américains sont obèses; 42% ont déjà consommé du cannabis, et 16% ont essayé la cocaïne…434 millions d’armes à feu sont en main privées (soit 1,3 par personne, tous âges confondus).

Le milieu, aujourd’hui

La Chine est en avance sur le reste du monde dans 37 des 44 principales industries d’avenir. 15% de tous les biens commerciaux exportés dans le monde et plus de la moitié des biens de consommation sont produits en Chine…Elle est le premier partenaire commercial de plus de la moitié des pays du monde.

L’enseignement supérieur chinois forme un million d’ingénieurs par an.

Le Japon reste une très grande puissance économique…Il dépend grandement de la Chine (22% de ses exportations, 26% de ses importations) et des Etats-Unis (18% et 11% respectivement).

La Corée du Sud est aujourd’hui un leader mondial dans de nombreux domaines…Son soft power renvoie à toutes les jeunesses asiatiques l’image d’une société ayant réussi à concilier la modernité occidentale et les valeurs asiatiques.

L’Inde est désormais le pays le plus peuplé du monde avec 1,4 milliard d’habitants…Plus de la moitié des Indiens ont moins de 30 ans…Les inégalités entre classes, genres, ethnies et régions sont énormes.

L’ASEAN, qui regroupe dix pays (Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam) est, en 2023, la zone est la plus dynamique du monde. Elle regroupe 670 millions de personnes.

L’Australie a une population de 25,7 millions d’habitants…Premier producteur de fer et de lithium au monde, deuxième pour l’or, le cobalt et le zinc.

L’Union européenne reste une puissance majeure avec plus de 450 millions d’habitants et un PIB de 13 000 milliards d’euros.

La France est restée un pays de la rente, avec une industrialisation très tardive. Elle est la septième plus grande économie du monde avec un PIB de 3000 milliards d’euros en 2022.

La Grande-Bretagne reste la sixième puissance économique mondiale…Son industrie, qui avait fait sa force, est en chute libre, passant de 27% du PIB en 1990 à 17% aujourd’hui.

Le Moyen-Orient regroupe plus de 450 millions de personnes…L’industrie pétrolière et gazière y représente jusqu’à 60% des revenus et environ 70% des exportations pour la plupart des pays.

La Russie dispose d’une armée encore très puissante (avec environ 6500 têtes nucléaires). Elle est au 137ème rang quant à la transparence de son administration…Elle est le plus grand producteur mondial de palladium, le deuxième de pétrole; elle dispose de douze millions de tonnes de réserves de terres rares.

La périphérie, aujourd’hui

L’Amérique latine produit 5,6% du PIB mondial pour une population de 655 millions. Elle est encore très tournée vers l’agriculture et l’extraction minière…Elle est le premier fournisseur de cocaïne dans le monde.

L’Afrique représente aujourd’hui 18% de la population mondiale pour seulement 3% du PIB mondial…30% de la population du continent vivent avec moins de 1,90 dollar par jour. 78% des habitants des villes vivent dans des taudis…Les cinq pays les plus riches du continent en 2023 sont le Nigeria, l’Egypte, l’Afrique du Sud, l’Algérie et le Maroc. Les plus prometteurs sont la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Kenya, le Nigeria et l’Ethiopie.

Ch. 4 LES DOUZE PRINCIPES DE L’ORDRE MARCHAND

L’ordre marchand s’est imposé il y a mille ans, par deux dimensions essentielles: le capitalisme, avec l’Etat qui l’appuie.

Cet ordre marchand est constitué d’une forme, structurée autour d’un cœur capable d’en assurer la cohérence, d’y contrôler les marchés et d’accumuler assez de surplus pour défendre ses privilèges.

Regroupés pour l’essentiel au cœur, les maîtres d’une forme marchande ont besoin de la liberté individuelle, puis de la démocratie.

Un cœur s’efface quand il croit éternelle l’abondance dont il bénéficie…La forme s’efface alors avec son cœur.

La fin d’une forme et d’un cœur associé traduit la perte de confiance de l’ordre marchand dans la pérennité de cette forme et de ce cœur.

Un nouveau cœur s’installe là où un groupe entreprenant sait rassembler des talents et des capacités autour d’un projet nouveau.

Jusqu’ici, neuf formes et neuf cœurs se sont succédé. Neuf technologies majeures. Neuf services principaux transformés en artefacts.

De forme en forme, on a artificialisé de plus en plus de services et de nature.

De forme en forme, la durée du travail salarié a baissé, les droits des travailleurs se sont améliorés.

De forme en forme, les marchés, par nature sans frontières géographiques et sectorielles, l’emportent progressivement sur les Etats.

De forme en forme, la liberté individuelle conduit à faire davantage l’apologie de l’avidité, de la déloyauté et du court terme.

Les qualités nécessaires pour devenir et rester un cœur sont aussi nécessaires à la survie de l’humanité, de la planète, de toute nation, de toute culture, de toute organisation, de toute entreprise, de toute personne même.

Ch. 5 VERS 2050: LES TROIS IMPASSES

Première impasse: le maintien de la neuvième forme

80% au moins des métiers qui seraient pratiqués en 2050 n’existent pas en 2023; ils porteraient sur l’intelligence artificielle, la biologie, la génétique, le biomimétisme et bien d’autres tâches de transmission, de formation, de soin et d’empathie.

Les plus grandes entreprises mondiales seraient dans le secteur de la finance, de la gestion de données, de la santé, de l’eau, des énergies vertes, de l’assurance, des batteries, du commerce en ligne, des infrastructures, de la distraction.

20 millions de tonnes de déchets plastiques s’ajouteraient chaque année aux 8 milliards de tonnes qui se sont déjà accumulés; le poids du plastique dans les océans serait alors supérieur au poids des poissons, des mollusques et des coraux.

Deuxième impasse: une dixième forme avec un dixième cœur

L’ordre marchand sera devenu si puissant et la technologie si nomade qu’aucune puissance politique géographiquement déterminée n’aura plus la capacité de le contrôler, ni de l’orienter, ni de le réguler…Nul ne pourra entraver la puissance du capital, dont la part dans la valeur ajoutée sera encore plus élevée qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Au total, ce scénario, comme le précédent, n’ira pas à son terme; comme on l’a vu, aucun pays ne sera au cœur et la périphérie n’acceptera plus d’ordre de personne.

Troisième impasse: une dixième forme sans cœur

Je l’appellerai une « forme sans cœur », non seulement parce qu’il n’y aura pas de lieu principal d’accumulation des richesses et des pouvoirs, mais parce qu’y régneront plus que jamais les valeurs de l’ordre marchand…Cela conduira à un marché mondial sans état de droit, à une domination des oligarques, à une aggravation du désintérêt à l’égard de la nature et des générations futures.

Dans cette forme sans cœur, les humains se diviseront en trois catégories principales. 1. Des hypernomades (quelques centaines de millions de personnes) contrôleront une part croissante des richesses et de la valeur ajoutée; 2. A l’autre bout de l’échelle sociale, plus de quatre milliards de nomades de misère, les infranomades, majoritairement des femmes et des enfants, survivront sans formation, assignés à résidence dans leur classe sociale; 3. Au milieu, les classes moyennes sédentaires regrouperont quatre autres milliards de gens, au revenu et au statut social de plus en plus prolétarisé, qui essaieront de maintenir le mode de vie actuel des sédentaires.

Ni dixième cœur, ni forme sans cœur

Une forme sans cœur ne serait pas plus viable qu’un dixième cœur…Bien des obstacles vont en effet rendre impossible cette évolution du monde; bien des gens n’accepteront pas l’artificialisation croissante du monde, les formidables injustices, la disparition des services publics, la déloyauté, la prolétarisation et l’assignation à résidence sociale que tout cela implique; se multiplieront les populismes durables; toutes les formes de racisme et d’extrémisme s’exprimeront.

Ch. 6 VERS 2050: TROIS MENACES MORTELLES

Dans les trente prochaines années, aveuglement et procrastination conduiront l’humanité à errer d’un cœur impossible à une forme sans cœur, pour finir par être balayée par la matérialisation de trois menaces existentielles qu’elle aura fait naître. Et dont elle n’aura pas réussi à se protéger.

Première menace existentielle contre l’espèce humaine: le climat

Bien avant 2050, si rien de majeur n’est entrepris au plus vite, l’évolution du climat rendra la vie insupportable sur une large partie de la planète.

Deuxième menace existentielle contre l’espèce humaine: l’hyperconflit

Bien avant que le climat ne devienne insupportable, on se battra pour l’eau, pour la nourriture, pour des matières premières, pour un partage plus juste des richesses, pour s’approprier ou envahir un territoire, pour le quitter, pour s’isoler du monde, pour le conquérir, pour imposer une foi, pour en combattre une autre, pour faire régner des valeurs, pour chasser des gens de chez soi, ou de chez eux.

Des armes nouvelles seront entre les mains d’Etats, de milices, de pirates, de terroristes, de mafias, de cartels de la drogue, de mouvements religieux: instruments de surveillance, de dissuasion, de sabotage, de frappe numérique.

La cyberguerre sera partout; aucun réseau, aucune machine d’intelligence artificielle ne sera à l’abri d’une attaque digitale qui pourrait rendre inopérants des armées, des hôpitaux, des centres de commandement, plus efficacement que des bombardements classiques.

Troisième menace existentielle contre l’espèce humaine: l’artificialisation

On en arrive à un moment où c’est la nature, les animaux, les végétaux, puis les êtres humains eux-mêmes qui sont en voie d’être artificialisés.

L’artificialisation de la santé

L’artificialisation de l’éducation

L’artificialisation de l’information

L’artificialisation des relations humaines

L’artificialisation du pouvoir

La fusion du réel et du virtuel

La fusion du vivant et des artefacts

Cette fois, ce qui est menacé, ce n’est pas une île isolée dans le Pacifique ni une ville oubliée sur les côtes de l’Asie Mineure, mais la totalité de l’humanité, laquelle pourrait être anéantie par aveuglement et procrastination.

Ch. 7 POUR UN VIRAGE RADICAL

Il s’agit d’échapper à la très grande probabilité d’un suicide de l’humanité à très brève échéance: trente ans.

Le cours de l’Histoire peut encore être infléchi. Par un virage radical, on peut construire un monde vivable, heureux, prospère, juste et démocratique…à condition de tirer les leçons des succès et des échecs antérieurs, de comprendre où nous entraîne la poursuite des tendances actuelles, de se donner un projet et une stratégie pour s’en détourner, d’élaborer un tout nouveau mode d’emploi du monde pour chacun et pour tous.

Un cœur sans forme: société positive et économie de la vie

Chacun de nous, comme l’humanité, a besoin d’un projet et d’une stratégie pour le mettre en œuvre au plus vite. Cette dernière devra se fonder sur trois principes: 1. Imposer -ou du moins inciter à- des comportements positifs ; 2. Eliminer toutes les productions de l’économie de la mort, celles qui nuisent aux générations futures et à la nature; 3. Développer l’économie de la vie: la santé, la prévention, l’hygiène, le sport, la culture, les infrastructures urbaines, le logement, l’alimentation, l’agriculture, la protection des territoires, mais aussi: le fonctionnement de la démocratie, la sécurité, la défense, la gestion des déchets, le recyclage, la distribution d’eau, l’énergie propre, l’écologie et la protection de la biodiversité, l’éducation, la recherche, l’innovation, le numérique, le commerce, la logistique, les transports de marchandises, les transports publics, l’information et les médias, l’assurance, l’épargne et le crédit.

Pour mesurer l’avancée dans cette transition, il faudra introduire une nouvelle comptabilité: celle-ci devra en particulier mesurer le respect des normes écologiques, sociales et éthiques de chaque secteur et évaluer leur vitesse de transition.

Les outils du Grand Virage

Pour maîtriser la dynamique du marché et renforcer celle de la démocratie, il faudra, dans chaque pays, dans chaque ville, dans le monde tout entier, se servir des trois moyens principaux à la disposition de l’action publique: les biens communs (dont les biens publics, les transferts et la réglementation), les prix et la technologie.

Dictature ou démocratie

Si l’on veut éviter ce détour par la dictature, explicite ou implicite, les démocraties doivent réussir à faire en sorte que le Grand Virage ne soit pas vécu comme un ensemble de privations ou de punitions mais comme des évolutions positives, librement consenties par les peuples.

Cela suppose d’abord le développement d’une vaste politique d’explication et de débats sur les enjeux, et une action diplomatique majeure pour convaincre la Chine, l’Inde et le Nigéria de ne pas commettre les mêmes erreurs que l’Occident.

CONCLUSION Que faire, chacun de nous, ici et maintenant?

Apprendre

Anticiper

Face à ces impasses et à ces menaces, chacun devra alors avoir le courage d’assumer les dangers qui le guettent, individuellement et collectivement, sans jouer à l’autruche ni se résigner au pire…Chacun devra aussi se préparer à l’inattendu, à l’impossible, qui pourra remettre en cause d’un jour à l’autre tout ce qu’il aura pu prévoir.

Plus généralement, chacun devra agir d’une façon lucide et positive à la fois comme compagnon, parent, consommateur, travailleur, épargnant, citoyen, militant.

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Le nouveau de Keigo Higashino - Actes sud

Le nouveauCoup de cœur de Manon B.: Kaga est le nouveau. Le nouvel inspecteur de police du commissariat de Nihonbashi, et sa mutation dans ce nouvel établissement arrive à point nommé. Le 10 juin, aux alentours de 19h, une femme du nom de Mitsui Mineko est assassinée chez elle, étranglée puis retrouvée par son amie traductrice avec qui elle avait rendez-vous à 20h. À la fois une ex-femme ainsi qu’une mère, personne dans sa famille n’avait eu de ses nouvelles depuis plusieurs années. À travers les témoignages de ses proches ou de différents commerçants, plusieurs intrigues se mêlent les unes aux autres et Kaga, grâce à son sens de l’observation et à sa curiosité va réussir à réunir des familles et à apaiser des douleurs trop longtemps supportées. Mais le plus important est que, tout au long du récit, des indices sont laissés à notre portée sans que nous ne puissions pour autant deviner qui est le véritable assassin de Mitsui Mineko.

Maître dans l’art du polar, Keigo Higashino frappe une nouvel fois avec ce roman à la fois haletant et prenant. Impossible de s’arrêter, les pages défilent sans que nous ne sachions réellement où l’inspecteur Kaga veut réellement en venir avec ses questions farfelues et ses actes incompréhensibles. Ce n’est que lorsque les intrigues se dénouent petit à petit que nous comprenons à la fois le génie de l’inspecteur, mais également celui de l’auteur. Un véritable coup de cœur qui nous laisse sans voix.

La méthode Elon: 20 tactiques pour métamorphoser un mammouth en licorne de Michaël Valentin - Dunod

Émetteur du verbatim: François C.

La méthode Elon: les 20 tactiques pour métamorphoser un mammouth en licorneINTRODUCTION

On peut découper le secteur industriel en quatre grandes catégories : environ 30% des organisations entrent dans la catégorie des «suiveurs» ; 50% à peu près des entreprises ont réalisé plusieurs POC (Proof of concept) sur des sujets variés, mais les initiatives peinent à démontrer un impact probant sur la performance ; 15% des entreprises ont des premiers résultats tangibles, permettant de réinvestir constamment dans la poursuite de la transformation ; enfin 5% des entreprises innovent constamment grâce à la donnée dans toutes les parties de l’entreprise.

Première partie HYBRIDER INDUSTRIE ET TECH, CLÉ D’UNE EUROPE FORTE ET PIONNIÈRE

1 Airbus, conseil de la concurrence… et si on changeait de logiciel?

Chine, États-Unis : David, Goliath et les petits frères européens

Tableau de répartition des licornes dans le monde (États-Unis: 554 ; Chine: 180 ; Israël, Brésil, Canada: 64)

Classement 2020 des pays selon le poids de la valeur ajoutée industrielle sur PIB (Corée du Sud : 31% ; France : 14%).

Disruption, inflation, pénuries, protectionnisme, climat : le capitaine d’industrie au cœur des tourmentes

En finir avec la politique industrielle « paracétamol »

On ne peut que s’incliner devant la puissance d’une stratégie industrielle systémique, bien exécutée, qui suit la chaîne de valeur depuis le contrôle des matières premières jusqu’à l’utilisateur final (paris pour le moment gagnants opérés par l’Etat stratège chinois et l’Etat pragmatique américain).

Europe vieillissante : la Tech à la rescousse ?

Par l’hybridation de l’industrie et de la Tech, nous sommes déjà capables de 1. créer de nouveaux modèles d’affaires centrés sur la donnée, circulaires et qui s’appuient sur un appareil industriel boosté par la puissance de l’intelligence artificielle, 2. créer de nouveaux secteurs industriels.

2. La Tech, miracle ou village « Potemkine » ?

Une course de dératés…pour éviter de disparaître ?

52% des entreprises du classement Fortune 500 de l’an 2000 ont soit disparu, soit été rachetées. Le même article de la Harvard Business Review anticipe que pas moins de 75% des entreprises du même Fortune 500seront sorties du classement d’ici à 2027. La Tech accélère tous les mouvements : ce qui par le passé prenait quinze à vingt ans se produit maintenant en quelques années.

Monétisation des datas, démonétisation des politiques ?

Quid d’un monde où certains dirigeants d’entreprises sont plus influents et plus puissants que des hommes politiques ?

La Tech contre la classe moyenne ?

A terme, d’une part, quelques très riches qui influencent les masses.  De l’autre, une armée d’exécutants qui réalisent les tâches manuelles complexes non répétables (« classe ancillaire » composée de logisticiens, de chauffeurs VTC et de divers services à la personne…). Entre les deux : une sorte de néant. La disparition de la classe moyenne pourrait advenir dans le silence général avec des conséquences destructrices sur l’équilibre social de chacun des pays développés.

Transhumanisme, planète, inclusion, wokisme : la Tech, une idéologie politique ?

La Tech propose bien une vision « politique » du monde…Avec ces quelques exemples, on a l’intuition que la vision « politique » des géants de la Tech aux États-Unis est fortement biaisée par leur propre vision du monde.

3. Une Europe tech-industrielle : un défi souhaitable et incontournable

Pas de Tech sans industrie

La Tech est nécessaire pour rendre l’industrie européenne à nouveau compétitive.

« Chez nous, on fait des pièces » : plus d’industrie sans Tech ?

La dette technique ou «legacy» informatique qui s’est accumulée dans l’industrie depuis trente ans est considérable. Les gros systèmes qui ont permis la performance passée créent énormément de rigidités, constituant autant de verrous difficiles à faire sauter. Car l’avènement de la Tech a tout changé avec sa nouvelle façon de créer de la valeur grâce à la donnée.

Transformer les mammouths, avons-nous le choix ?

Six raisons très concrètes qui justifient l’hybridation du modèle industriel classique avec celui de la Tech : 1. L’automatisation des tâches répétables ; 2. La vitesse ; 3. La transparence ; 4. La connaissance du client et la réponse à ses attentes ; 5. Le mode réseau ; 6. La course aux talents.

L’auto européenne : histoire à méditer pour mieux se préparer

Il s’agit de repenser la voiture pour qu’elle puisse intégrer des montées de version…Il s’agit encore de revoir toute l’organisation du travail…Ce qu’il faut, c’est plutôt un esprit de squads, composées de quelques personnes fortement motivées, en mode start-up, avec une vision entrepreneuriale et une capacité à faire des itérations ultra-rapides sur le produit lui-même.

Deuxième partie 20 TACTIQUES POUR RÉUSSIR SA MÉTAMORPHOSE

4. Passer d’une culture d’ingénieur à une culture customer

Tactique 1 : tirer l’innovation par le marché, pas par la technologie

. Comprendre l’effet « brosse à dents », i.e. une adoption accélérée du produit/service par le client/utilisateur, centré autour des données que celui-ci fournit, ces dernières permettant d’améliorer en continu le produit. Ce cercle vertueux est à la source des réussites des nouveaux modèles d’affaires. Ce produit/service répond généralement à un problème épineux pour le futur client, à une « friction insupportable » qui n’a jamais pu être résolue.

Tactique 2 : mettre l’expérimentation au cœur de l’innovation

Pour identifier ce problème « insupportable » et la manière d’y répondre, il est nécessaire de partir de données concrètes recueillies auprès des usagers et non de l’expertise ou de la connaissance accumulée par le passé. Il faut observer les comportements des utilisateurs en situation. Il existe une vaste boîte à outils d’analyse des comportements des utilisateurs…Ces outils représentent autant d’étapes à suivre jusqu’à trouver l’adéquation (le fit) entre le problème à résoudre, le produit/service et le marché solvable.

Tactique 3 : passer du software centrique au data centrique

Chaque étape d’expérimentation donnera lieu à des mesures qui permettront de pivoter autant de fois que nécessaire jusqu’à trouver le bon modèle d’affaires. Pour trouver la solution satisfaisante, la capacité à itérer rapidement est clé, de même que le souci de simplifier les fonctionnalités du produit, de manière à trouver un équilibre entre valeur d’usage pour le client et vitesse de mise en marché.

Tactique 4 : explorer de nouveaux modèles d’affaires en quelques semaines

Les données existent déjà dans les organisations, mais sont le plus souvent fragmentées, redondantes et non homogènes, réparties entre divers systèmes d’information spécialisés (production, relation client, finance, logistique, etc…). Pour dépasser ces inefficiences, il est nécessaire de passer à une organisation datacentric, dont les objectifs sont de décloisonner, simplifier et automatiser tout ce qui peut l’être, de façon à connecter les flux physiques et les flux financiers de bout en bout.

Ce sont ces flux de données qui permettront ensuite d’optimiser les opérations, d’une part, et de fonder de nouveaux modèles d’affaires, d’autre part. Parmi ces modèles, la « servicisation » du produit physique et les applications digitales vendues en mode SaaS sont les plus fréquentes, mais il en existe des dizaines d’autres.

5. Basculer l’exécution vers un mode exponentiel

Tactique 5 : APIser l’organisation

Pour faire passer le système industriel d’un mode linéaire à un mode exponentiel, il est nécessaire de standardiser et d’interfacer les données tout autant que l’organisation elle-même. L’organisation doit être calquée sur l’architecture des données, à la manière de blocs de code logiques, modulaires et interfacés par des API, qui se rendent entre eux des micro-services : « l’APIsation de l’organisation ». Ces unités organisationnelles se caractérisent alors par leur agilité et sont souvent appelées squads qui non seulement collaborent entre elles, mais qui sont également toutes connectées au client via les « tuyaux » de données auxquels elles ont accès.

Tactique 6 : catalyser le mode réseau en activant toutes les infrastructures

En particulier, connecter l’IT et l’OT, i.e. l’informatique de gestion et l’informatique industrielle, représente le point de passage essentiel pour créer une continuité digitale au service des processus transverses. Pour obtenir ce résultat, il est généralement préférable de choisir un périmètre restreint (un atelier), mais de pousser la démarche de bout en bout, plutôt que de ne traiter qu’une seule étape (par exemple la collecte et l’homogénéisation des données) sur un périmètre très large (l’ensemble d’un site industriel). La démonstration de la valeur sera plus aisée avec la première approche et permettra de désamorcer les craintes du management avant de passer à l’échelle.

Tactique 7 : repenser l’empreinte industrielle avec une vision multi-locale

Le désilotage qu’implique ce type d’organisation est en général une étape difficile des transformations, mais le nouveau système technique a par lui-même vocation à casser les silos…A toutes les étapes, il est également nécessaire de concevoir la structure informatique sous l’angle de la « pensée réseau ». Il s’agit d’anticiper dans chaque choix et décision les développements futurs et leur passage à l’échelle. L’infrastructure informatique ainsi que le produit sont alors pensés comme des actifs capables d’évoluer en permanence.

Tactique 8 : considérer l’écosystème comme un actif

Les coûts et risques, liés aux ruptures de stocks, transports lointains, préoccupations climatiques et environnementales, et protectionnisme, militent pour rapprocher au plus près les lieux de fabrication des lieux de consommation dans une perspective multi-locale. Dès lors, le modèle à suivre pourrait être de moins en moins la « giga factory » mais plutôt un modèle déconcentré et multi-local…De même l’usine ne sera pas forcément complètement high-tech dans tous ses aspects…Enfin, développer des liens étroits avec l’écosystème (fournisseurs, institutions publiques, écoles et universités) permettra à l’usine d’assurer son acceptabilité sociale mais aussi de résoudre différents problèmes locaux qui ne manqueront pas de surgir au fil du temps. Ces collaborations éco-systémiques s’étendent aussi aux concurrents (coopétition en open innovation, partage de ressources) et au monde des start-up avec lequel les usines traditionnelles doivent apprendre à travailler malgré des logiques de fonctionnement assez différentes.

6. Retrouver l’esprit pionnier

Tactique 9 : agir ensemble comme les fondateurs

Les grandes entreprises industrielles sont souvent devenues des bureaucraties qui doivent retrouver l’esprit pionnier des fondateurs, tel qu’il anime aujourd’hui les créateurs de start-up. Pour ce faire, le dirigeant joue un rôle clé : concevoir une vision inspirante et la communiquer à chaque occasion, mettre les mains dans le cambouis de la tech, discuter les choix technologiques et décider des options structurantes, s’ouvrir aux feedbacks des équipes, des clients et des partenaires, rayonner pour jouer un rôle d’attracteur (notamment de talents).

Tactique 10 : descendre dans l’arène et transmettre le sens de l’urgence

En se rendant plus accessible, le dirigeant multiplie les opportunités de communiquer avec ses équipes pour inspirer, partager sa vision et en même temps transmettre le sens de l’urgence. Le changement ne peut avoir lieu s’il est porté par la seule équipe dirigeante.

Tactique 11 : s’initier à la donnée pour améliorer le pilotage d’entreprise

S’initier à la donnée comme s’il s’agissait d’un sport de combat. L’hérésie consisterait à considérer la data comme un sujet technique à confier à un CDO ou à un DSI.

Tactique 12 : bichonner son usine comme sa propre maison

Les usines devront elles aussi se rendre attractives en travaillant sur leur hygiène et sécurité, ainsi que sur l’esthétique de leurs locaux et l’expérience utilisateur (UX) de tous les équipements et outils proposés.

Tactique 13 : s’assurer que tout le monde gagne

Dans une logique de cohérence et d’attractivité, l’usine veillera à proposer des conditions de travail, d’emploi et d’évolution de carrière attrayantes, en les élargissant aux cols bleus et pas seulement à l’encadrement et aux métiers de la Tech. Proposer des compensations à ceux qui ne peuvent pas bénéficier de la flexibilité spatio-temporelle (télétravail, horaires flexibles) devrait être un souci du monde industriel. Cela peut aller jusqu’à intéresser touts les équipes aux résultats par une participation au capital.

Tactique 14 : passer la moitié de son temps à recruter

Le dirigeant doit adapter son propre agenda pour accorder plus de place à l’activité reine dans une période de mutation profonde des compétences : la chasse et le recrutement des talents. Cet investissement en temps peut aller jusqu’à 50% pour les dirigeants dans le cas de start-up. Cela permet à la fois d’accroître les chances de recruter des ressources rares, mais aussi de transmettre la culture d’entreprise à tous les nouveaux entrants de façon directe.

7. Transformer en profondeur avec une approche systémique

Tactique 15 : penser grand et commencer par le terrain

Aucune transformation digitale ne réussira si elle est déconnectée du terrain. La méthode est capitale et doit faire l’objet de la plus grande attention. On commencera ainsi par effectuer un diagnostic d’ensemble, afin d’identifier les forces et faiblesses du système existant. Cela pourra permettre d’identifier une zone pilote pour initier la transformation, disposant de certaines caractéristiques favorables (management ouvert au changement, maturité du système de production et de ses routines, gains potentiels conséquents). Pour éviter les objections de la DSI, gardien du temple, il pourra être utile de « débrancher » temporairement la zone pilote afin d’expérimenter, avant de la rebrancher au reste de l’organisation.

Tactique 16 : aller vite, itérer et anticiper le passage à l’échelle

La transformation sera ensuite mise en œuvre en cycles courts et rapides : les sprints. Chaque sprint fournira des apprentissages qui seront capitalisés pour le cycle suivant…Selon sa complexité, le déploiement pourra ensuite s’effectuer : a) en mode « big bang », b) en déploiement par grappes, c) en mode sur mesure. Dans tous les cas, la vitesse devra être une fin en soi. Le flux d’innovations à déployer sera toujours tiré par les besoins des utilisateurs finaux.

Tactique 17 : transformer Tech et Ops en même temps, avec ses meilleurs talents

On veillera à ce que l’approche soit toujours systémique et ne perde pas de vue la finalité qui n’est jamais la mise en place d’un outil, mais une création de valeur. Il est donc vital de travailler main dans la main, entre les équipes Tech et les équipes de métiers dites Ops. Travailler les outils sans travailler les standards opérationnels, les routines, l’agenda des managers, les modes de réaction et de résolution des problèmes, les formations et les comportements, serait voué à l’échec. Les managers intermédiaires sont ainsi les clés du succès de cette transformation car c’est grâce à eux que la vision de la direction pourra réellement devenir concrète et c’est par eux que convergeront les améliorations en provenance du terrain.

8. Pivoter vers un modèle circulaire

Tactique 18 : considérer la chaîne de valeur de bout en bout

Dérèglement du climat, raréfaction et renchérissement des ressources militent pour l’avènement d’un nouveau modèle économique : le modèle circulaire, qui permet d’économiser de l’énergie et des ressources à toutes les étapes du process, depuis le sourcing des matières premières jusqu’à la consommation finale. L’économie circulaire promeut également la conception de nouveaux modèles d’affaires, dont le potentiel est encore trop souvent sous-estimé par les industriels.

Tactique 19 : penser le produit modulaire, circulaire et connecté

L’un des premiers leviers pour passer au circulaire consiste à travailler sur la chaîne de valeur, notamment sur les modes et les sources d’approvisionnement. Un deuxième levier consiste à créer de nouveaux services, généralement numériques (plateformes) qui permettent de faire durer les produits plus longtemps (partage de produits, réemploi, seconde main, etc.). Un troisième levier consiste à éco-concevoir le produit afin qu’il diminue à la source les consommations de matières ou encore qu’il autorise le démontage, la réparation aisée, le remanufacturing et in fine le recyclage des composants. Le choix de process de fabrication moins gourmands en énergie entre aussi en ligne de compte dans l’éco-conception.

Tactique 20 : décarboner l’usine

Limiter l’impact des usines et de leurs opérations est un premier objectif évident : décarbonation, traitement de l’eau et des déchets, etc. le potentiel sur le sujet est encore immense, notamment grâce à la data et au machine learning. Toutefois, 95% de l’empreinte carbone d’une chaîne de valeur industrielle se produit en dehors de l’usine.

CONCLUSION

Retrouver l’esprit pionnier pour créer de l’enthousiasme et embarquer les meilleurs talents, orienter les développements nouveaux vers l’industrie circulaire, passer d’une culture d’ingénieur à une culture du client, passer du mode linéaire au mode exponentiel pour chaque initiative…L’industrie européenne peut devenir verte, agile et connectée, c’est une certitude. Soyons les artisans de ce mouvement pour promouvoir cette vision enthousiaste de l’avenir dont nous avons tant besoin.

Anissa t.1 La naissance d'une peste de Greg Tessier

Anissa : la naissance d'une pesteCoup de cœur de Joseph G.:  C’est la rentrée en 6ème d’Anissa, et tout ne se passe pas très bien : ses parents ne s’occupent que de sa petite sœur, et sa meilleure amie l’abandonne au profit de la popularité. La jeune fille comprend rapidement que si elle veut survivre au collège - et dans le monde, en général - il va falloir qu’elle apprenne à montrer les crocs et à écraser les autres pour ne pas se retrouver elle-même écrasée. Découvrez la naissance de la plus redoutable et désopilante des pestes!

Nous retrouvons Anissa, ennemie jurée de Mistinguette, dans un spin-off en son honneur (c’est parfait pour son ego :3). Notre peste préférée est tout simplement hilarante, et les différentes péripéties qu’elle endure parviennent à la rendre un peu plus sympathique à nos yeux - tout en étant suffisamment odieuse pour rester amusante. Une BD à lire pour toutes les futures pestes ;)

Le peuple de l'air : comment le prince Cardan en est venu à détester les histoires de Holly Black - Rageot

Le peuple de l'air : comment le prince Cardan en est venu à détester les histoiresCoup de cœur de Manon B.: Dans ce préquel/séquel de la trilogie du Prince Cruel, Holly Black nous plonge dans le passé incongru du prince Cardan. Connu pour être à la fois cruel et égoïste, dans cet opus nous découvrons en réalité un enfant élevé au lait de chatte et au mépris. D’une part celui de sa mère, répudiée par le Grand Roi suite à la prophétie inquiétante à l’égard du petit prince. Et d’autre part, par son propre père, le Grand Roi, inquiet de voir la couronne et la Haute Cour détruites par son fils cadet. Bon gré mal gré, Cardan commence d’abord par s’élever tout seul puis, au fait de la malhonnêteté régnant dans le cœur de son frère aîné Dain, c’est son autre frère, Balekin, qui va prendre en charge l’éducation du prince maudit de la famille royale. Entre coups, blessures, et harcèlement moral de la part de son frère, Cardan grandit dans un environnement propice au développement de sa colère et de sa haine. Alors naît le Prince Cruel.

Encore une fois, Holly Black nous happe dans l’univers du Peuple de l’air avec ce préquel, qui se trouve également être un séquel, qui nous montre une nouvelle facette de Cardan que jamais nous n’aurions pu imaginer en lisant la trilogie du Prince Cruel. Ici, nous découvrons un enfant malmené par sa famille, trouvant le peu de réconfort dans des personnes qui le trahissent et le blessent elles aussi. Finalement, nous nous rendons compte que la seule personne à ne l’avoir jamais réellement blessé aura été Jude.

La colère et l'oubli: les démocraties face au jihadisme européen par Hugo Micheron - Gallimard

La colère et l'oubli : les démocraties face au jihadisme européenÉmetteur du verbatim: François C.

I.                   LES VETERANS – DECENNIE 1990

L’Afghanistan, retour aux sources En 1979, l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS intervient dans un contexte géopolitique mouvementé, engendré par la révolution iranienne. Le soutien des Etats-Unis à la résistance afghane devient l’axe structurant de la lutte contre l’URSS. (Conséquences de l’invasion) Côté afghan, plus d’un million de morts et davantage d’éclopés et de déplacés. Côté soviétique, cette opération est la plus longue, la plus coûteuse et la plus meurtrière de l’histoire de l’URSS. Les coûts cachés de la victoire sur l’URSS s’avèrent colossaux, rien de moins que l’enfantement de la matrice du jihadisme contemporain. Dans le chaudron de Peshawar, les quartiers de la ville où sont regroupés les militants se transforment en un laboratoire d’un genre nouveau, permettant au premier système jihadiste d’éclore.

De Peshawar à Londres, les machines de prédication Les salafo-jihadistes tendent à adapter leur mode opératoire à la situation religieuse, politique, sociale et économique du territoire qu’ils investissent. Dans les années 1990, Londres représente un centre ouvert à tous les vents façonnés par la solidité du cadre légal et une longue tradition d’accueil. Elle est devenue pour ces raisons une ville-monde unique en son genre. Ces trois émirs ont joué un rôle clé dans la structuration du jihadisme européen. Ils étaient en rivalité pour le contrôle des réseaux sympathisants présents à Londres, mais complémentaires dans leur style, et alliés face aux autorités britanniques. (Le principe « de l’allégeance et du désaveu ») A un registre « islamique » parfait s’oppose un registre « démocratique » corrompu, à la justice divine (la charia), l’injustice de lois humaines, à la loyauté envers les musulmans, l’inimitié envers les mécréants. Aucun pont ne peut exister entre le bien et le mal.

Bosnie et Scandinavie, à la périphérie du jihadisme européen ? (Bosnie) La configuration du conflit duplique aux yeux des militants la situation en Asie centrale ; les musulmans bosniaques occupent la position des Afghans qu’il convient de secourir face aux Serbes dans le rôle des agresseurs soviétiques. Les pays scandinaves forment un ensemble cohérent dans l’approche du jihadisme européen.

Algérie et Belgique, à la croisée des chemins (Belgique) Dès les années 1990, des « vétérans » des jihads ont utilisé la capitale de l’Europe comme discret point nodal. La particularité du cas belge tient à la concentration des dynamiques observées. (Algérie) Les années 1990 en Algérie renvoient à la « décennie noire », au cours de laquelle disparaissent, selon les estimations, entre 100 000 et 150 000 personnes. A l’été 1995, le GIA organise la première opération jihadiste d’ampleur sur le sol européen. Une explosion à la station de RER Saint-Michel cause la mort de huit personnes et en blesse cent dix-sept autres. L’attaque est revendiquée depuis Londres. La campagne d’attentats est avant tout le produit de la fuite en avant du GIA, qui y voit le moyen commode de faire oublier l’horreur de ses exactions dans la guerre civile algérienne. Elle reflète la capacité des organisations jihadistes à ancrer leurs actions dans des récits éminemment politiques, potentiellement vastes et mobilisateurs, et à cibler les lignes de faille politiques et identitaires qui caractérisent les nations européennes à la fin du XXème siècle.

Londres : « nouveau Peshawar du réveil islamique » Après 1995, tout s’accélère. On commence à identifier des personnes du GIA qui ont réuni plusieurs groupes autour d’eux…Tout converge vers Londres. Le mouvement qui prend forme en Grande-Bretagne demeurera de taille très restreinte mais aura des conséquences profondes et durables sur le développement du jihadisme européen. Son action sera imitée dans les pays voisins et représente une incarnation de ce à quoi ressemble le salafo-jihadisme en Europe « à marée basse ». Un écosystème radical, vaste et diversifié, a pris forme dans certains quartiers londoniens. Les mouvements qui s’y activent, du frérisme politique au salafo-jihadisme, sont loin de tout coaliser et de partager les mêmes interprétations du dogme musulman.

L’émirat d’Afghanistan et le 11-Septembre La conquête de Kaboul par les talibans, le 27 septembre 1996, est le point de départ de mutations profondes dans les sphères jihadistes…S’ils promettent de « pacifier » le pays, les talibans érigent en priorité l’instauration de leurs conceptions rigoristes de la loi islamique. Les libertés fondamentales sont abolies. Les femmes sont les plus sévèrement touchées, interdites de scolarité et d’exercer une profession. L’Afghanistan, usine à terroristes du monde…Au matin du 11-Septembre, dix-neuf pirates de l’air s’emparent des commandes de quatre appareils commerciaux et fixent le cap sur les symboles de la superpuissance américaine : financière à New York (les tours jumelles), militaire en Virginie (le Pentagone) et politique à Washington D.C. (le Capitole ou la Maison Blanche)… Près de trois mille personnes trouvent la mort dans cet événement majeur, dont les multiples répercussions en chaîne continuent d’affecter la situation géopolitique dans l’ensemble de la zone euro-méditerranéenne.

II. LES PIONNIERS – DECENNIE 2000 

Le 11-Septembre est perçu comme un accomplissement spectaculaire et un changement de paradigme dans les milieux concernés. Date inaugurale du XXIème siècle, il est le point de départ du jihadisme comme phénomène européen à part entière.

La guerre contre la terreur Elle s’érige autour d’un camp du bien contre son pendant maléfique composé d’»Etats voyous » soutenant le terrorisme. Outre le régime du mollah Omar, un « axe » honni est dessiné et englobe la Corée du Nord, l’Iran et l’Irak de Saddam Hussein. Le 20 mars 2003, les Etats-Unis lancent sur l’Irak l’opération Shock and Awe…L’initiative débouche sur un enlisement militaire désastreux et l’ensevelissement de la nation irakienne sous les décombres d’une décennie de guerre civile aux conséquences incommensurables. La mission des Etats-Unis en Afghanistan est alors devenue largement sous-financée et manquait des compétences essentielles. La construction de l’Etat afghan pour remplacer les talibans, qui exigeait en soi un effort monumental, se faisait désormais avec des bouts de ficelle. Le résultat était prévisible.

L’Europe entre deux eaux Deux tendances émergent au début de la décennie 2000. La première est l’accélération de la diffusion du salafisme au sein de l’islam européen. La seconde est l’affirmation de nouveaux acteurs du jihadisme dans l’ouest du continent, les pionniers qui prennent la suite des vétérans. (Le prédicateur Awlaki) La guérilla jihadiste doit avoir pour objectif de créer un climat de harcèlement permanent des sociétés démocratiques, qui se retourneront selon lui sans nuance contre l’ensemble des musulmans. Confrontés à une défiance grandissante, ceux-ci n’auront plus d’autre choix que de rejoindre en masse la guerre sainte dans une guerre civile dont il estime qu’ils sortiront victorieux.

D’Ulm à Toulouse : le passage de relais aux premier Le début des années 2000 est marqué par un processus d’européanisation du jihadisme qui n’est pas perçu comme tel…Dans ces milieux encore embryonnaires s’opère une transition d’un jihad transplanté vers un autre, désormais porté par les pionniers. En dehors de Londres, deux territoires archétypaux illustrent ce phénomène : Ulm en Allemagne et Toulouse en France. Outre l’émancipation des pionniers, la diffusion des idées jihadistes vers les prisons où atterrissent les vétérans fait également figure de phénomène mal anticipé.

L’amorce du terrorisme européen Le 11 mars 2004, alors que l’Irak sombre dans la violence terroriste, Madrid est la proie de l’attaque jihadiste la plus meurtrière en Europe (mort de 191 personnes ; 1800 blessés)…Les attentats de Madrid s’inscrivent dans le prolongement du deuxième cycle jihadiste en Europe. Quelques mois après les atrocités de Madrid, Théo Van Gogh est assassiné en plein cœur d’Amsterdam. La cruauté des méthodes employées rappelle celles popularisées au même moment par Zarqaoui en Irak. Ce dernier publie quelques mois plus tôt la première vidéo d’exécution d’otages occidentaux en combinaison orange (tenue des prisonniers de Guantanamo), une pratique que Daech banalisera dix ans plus tard. Satire danoise, 30 septembre 2005…Le 2 décembre, un groupe islamiste pakistanais condamne à mort la rédaction du journal danois ainsi que tous les dessinateurs. En janvier, la polémique s’embrase…L’affaire des caricatures révèle la matérialisation de dynamiques observées jusqu’alors principalement en Angleterre, notamment l’affirmation à grande échelle du militantisme salafiste.

L’accélération du salafisme en Europe Le 7 juin 2006 Zarqaoui, le chef d’Al-Qaïda en Irak, est localisé puis tué dans une frappe américaine. La cellule du Sauerland offre un condensé du processus de formation du jihadisme européanisé. Fruit de la pollinisation des vétérans, les pionniers se construisent au sein des différents espaces du salafisme au Moyen-Orient (les instituts du Caire, de Damas, de la Mecque) et des terres de jihad à l’étranger (Afghanistan). Les prisons européennes à l’intersection du global et du local.

La fin du jihad en Irak et la révolution numérique du jihadisme Dans le deuxième cycle du jihadisme qui atteint son étale basse, la mouvance occidentale termine ses reconfigurations. Elles sont marquées par l’autonomisation des réseaux européens en Afghanistan d’une part et l’occidentalisation de la propagande d’autre part, dont l’impulsion provient notamment du rebond de l’affaire des caricatures aux Etats-Unis. Au même moment, en Europe de l’Ouest, les perceptions divergent. Le pic de la menace terroriste semble être passé, mais l’espace de réception des thèses jihadistes s’est élargi depuis dix ans…Les reconfigurations se poursuivent alors que la marée commence à s’inverser.

III.             LES AUTOCHTONES

Avant-Daech : les réseaux de la charia en Europe L’avant-Daech est marqué par l’intensification de l’activisme intellectuel et de nouvelles velléités terroristes. . London Calling : la constitution des réseaux paneuropéens de la charia (2010) . Essoufflement de l’autoritarisme dans le monde arabe : prémices d’une déflagration  . Montée des eaux : les zones de la charia au Danemark et en Angleterre (2011) . Les premières attaques en Europe et l’horizon syrien (2012) . Point de non-retour (2013) Sur le front syrien, les visées des différents groupes jihadistes divergent. Une scission s’opère entre les partisans d’Al-Qaïda (Al-Nostra), favorables à une révolution islamiste contre le régime de Bachar al-Assad, et ceux de Daech. Ce dernier reprend le projet d’»Etat islamique » dans la région et entend y proclamer un califat. L‘idée suscite l’opposition de la plupart des groupes rebelles et entraîne des affrontements particulièrement violents entre les différentes composantes auxquelles participent de nombreux volontaires occidentaux.

Daech, tentative de submersion jihadiste A l’été 2014, le conflit syrien est le plus meurtrier du monde. L’opposition à Bachar al-Assad n’est plus en mesure de le renverser, l’armée est incapable de mater l’insurrection. Des pans entiers du territoire vivent de l’économie de guerre et sont la proie de milices prédatrices. Dans ce contexte chaotique, le 29 juin 2014, Daech annonce à Mossoul avoir rétabli le « califat » de l’islam, 90 ans après son abolition à Istanbul. Au même moment, la courbe des départs vers la Syrie et l’Irak augmente de façon fulgurante et fait apparaître la géographie longtemps ignorée du jihadisme européen.  . Les femmes, au cœur de l’impensé jihadiste. En s’instaurant comme un « Etat », l’EI a ouvert ses portes à la gent féminine, qui représente environ 17% du contingent originaire d’Europe de l’Ouest…Au total, elle compose 13% des 41 000 étrangers estimés sur place, soit un peu plus de 5 000 personnes.  . Janvier-février 2015 : le retour sanglant des caricatures. La tuerie de Charlie Hebdo concrétise un scénario que des dizaines de militants en Scandinavie et ailleurs avaient échafaudé à l’encontre du Jyllands-Posten et des dessinateurs qui s’étaient prêtés à l’initiative du journal.  . Verviers, prélude au 13-Novembre  . De Raqqa à Paris via Bruxelles : 13-Novembre…Les membres de l’équipe meurtrière commettent un carnage sans précédent dans l’histoire de la France contemporaine…131 personnes trouvent la mort tandis que des centaines d’autres en ressortent blessées ou profondément choquées…Les attaques sont conduites selon un mode opératoire de « guérilla urbaine ».  . 2016-2018, le système D du « califat ». L’été 2016 est marqué par une augmentation du nombre d’actions meurtrières sur fond de politisation politique interne aux démocraties européennes.

Après-Daech : décrue jihadiste et reconfigurations islamistes en Europe La fin des années 2010 est marquée par l’inversion du sens de la marée. L’emprise de Daech, sous pression de toute part, s’effrite. Fin 2017, les forces arabo-kurdes ont repris le contrôle de Mossoul en Irak, de Raqqa en Syrie et enfoncent les positions jihadistes. Autre aspect caractéristique de la période de l’après-Daech en Europe : la difficulté à produire collectivement un état des lieux des raisons qui ont conduit à l’essor du jihadisme européen. Entre déni et hystérisation, faut-il choisir le silence ? Le besoin d’analyses précises et mesurées, sans concession avec les faits, mais sans malveillance à l’égard de situations locales parfois extrêmement fragiles, n’a pourtant jamais été aussi pressant.  . Meurtre de Samuel Paty et French bashing : symboles de l’après-Daech ? La séquence de l’automne 2020, qui culmine avec le meurtre de Samuel Paty, est cardinale par bien des aspects. Son ampleur et ses conséquences sont potentiellement annonciatrices des reconfigurations dans les sociétés européennes à l’heure de l’après-Daech.  . Le retour des talibans et la mort du chef d’Al-Qaïda Zawahiri…Le jihadisme international traverse indiscutablement une phase de faiblesse et de reconfigurations intenses et profondes.

CONCLUSION  Depuis la fin du XXème siècle, l’ambition des groupes jihadistes s’est accrue. Malgré les échecs répétés, à chaque nouveau cycle, les organisations de référence ont tenté d’enrober leur projet dans une enveloppe religieuse toujours plus démesurée : Emirat islamique en Afghanistan dans la décennie 1990, Etat islamique en Irak dans les années 2000 et Califat mondial dix ans plus tard. De fait, les sociétés occidentales ont eu tendance à s‘en remettre aux erreurs tactiques des organisations jihadistes plutôt qu’à créer dans leur sein des réponses légales et des anticorps intellectuels, politiques et religieux.

La France de l'à peu-près par Nicolas Bouzou - L'observatoire

Émetteur du verbatim: François C.

La France de l'à peu-prèsIntroduction

Dans la plupart des domaines, les performances françaises ne sont pas catastrophiques, mais elles sont loin d’être excellentes. C’est la France dans son ensemble, société civile, syndicats, classe politique, intellectuels, qui pratique cette stratégie de l’»à-peu-près ». La France est un pays agité, un moteur à explosion dans lequel il se passe un événement toutes les minutes. C’est ce qui rend son destin si imprévisible et fascinant.

1. Les défis français

Préserver notre modèle socialNotre Etat-providence est parfaitement soutenable, à une condition absolument nécessaire : que chacun travaille, bien et beaucoup. Réarmer notre géopolitique Notre agriculture perd des parts de marché, notre armée éprouverait des difficultés à tenir sur la durée une guerre de haute intensité, notre indépendance énergétique est menacée, et nous ne sommes pas des leaders technologiques. Le budget de notre armée s’élevait à 33 milliards d’euros en 2017. Il a dépassé les 40 milliards en 2022 et atteindra 50 milliards en 2025, soit l’objectif de 2% du PIB… La maîtrise des technologies de la troisième révolution industrielle est nécessaire au maintien d’une souveraineté militaire. Maîtriser le réchauffement climatique et s’y adapter Le défi climatique est à la fois scientifique et civilisationnel. Il illustre la capacité d’une société, face à un péril, à réagir de manière rationnelle et efficace dans le cadre de l’Etat de droit. Ce défi est scientifique, organisationnel, technologique et politique. Plus de 40% des émissions de CO2 dans le monde proviennent de la production d’électricité. Les transports (surtout routier) représentent 25% des émissions et l’industrie (y compris la construction) 20%. Investissons massivement dans les énergies renouvelables, réinvestissons dans le nucléaire, isolons les bâtiments, encourageons les constructions en bois, décarbonons les transports grâce à l’électricité, à l’hydrogène, aux biocarburants… Soyons leaders dans l’aéronautique décarbonée. Nous aiderons alors le monde entier à réduire ses émissions. Couper l’arrosage d’argent public La fin de ce long cycle de politiques monétaires signe la fin du crédit gratuit… La solvabilité d’un Etat est mieux mesurée par la charge des intérêts de sa dette (rapportée au PIB) que par son endettement (lui aussi rapporté au PIB). Dans le monde qui se profile, la protection de notre solvabilité publique va exiger une amélioration de nos recettes fiscales via la croissance économique et une gestion plus rigoureuse des dépenses publiques.

2. Les boucs émissaires : politiques et fonctionnaires

L’excessive critique des politiques Des choix qui sont souvent corrects, qui vont dans la bonne direction, mais qui succèdent à des tergiversations, correspondent à des demi-mesures, sont incomplètement exécutés, passent outre la question de l’enchevêtrement bureaucratique, et qui donnent des résultats décevants, voire contre-productifs.  Nos maires sont majoritairement animés d’une vraie abnégation et déplacent souvent des montagnes alors qu’ils sont piégés par le monstre bureaucratique étatique et des contraintes financières de plus en plus strictes. Les fonctionnaires ne sont pas coupables de la bureaucratie La fonction publique d’Etat fait travailler un peu moins de la moitié du total des fonctionnaires (2,5 millions). La fonction publique territoriale en emploie 1,9 million et la fonction publique hospitalière 1,8 million. Notre Etat dépense un peu plus de 600 milliards d’euros par an, financés essentiellement par l’impôt et l’augmentation de la dette publique (les recettes tournent autour de 450 milliards d’euros). L’exemple des dysfonctionnements dans la police et la justice La puissance publique en France dépense énormément mais peu dans ses « coeurs de métier ». Sur 1000 euros de dépenses publiques, 575 sont affectés aux dépenses sociales et 60 pour les fonctions régaliennes. Sur ces 60, 31 euros vont à la défense, 25 euros à la sécurité et 4 à la justice. Laisser des espaces d’autonomie aux fonctionnaires Le problème de nos trois fonctions publiques et de leur pénible sous-productivité est lié à leur organisation en dépit du bon sens : enchevêtrement de niveaux d’intervention, mauvaise définition des tâches assignées à chacun, difficulté à motiver les personnes et à leur proposer des perspectives de carrière motivantes dans le cadre d’un statut rigide, management centralisé et technocratique qui préfère les chiffres aux relations humaines.Pour lutter conte les doublons et l’inefficacité des process excessifs, il faut laisser davantage de liberté d’organisation aux services déconcentrés, aux collectivités locales et aux hôpitaux.

3. L’»à-peu-près » économique

Encore un effort pour le plein-emploi Plus de 5 millions de personnes sont inscrites à Pôle emploi, soit parce qu’elles ne travaillent pas, soit parce qu’elles voudraient travailler davantage (elles exercent une « activité réduite »). 3 millions sont sans aucun emploi et 1 million sont des chômeurs de longue durée. Il est nécessaire de creuser l’écart de rémunération entre les situations d’emploi et de non emploi. Il est nécessaire d’augmenter le taux d’emploi des seniors qui reste inférieur à 60% pour la tranche des 55-64 ans. Défi le plus compliqué à relever : réintégrer les personnes socialement le plus en difficulté dans les entreprises. Encourager financièrement nos entreprises à investir dans les robots, l’intelligence artificielle et l’imprimante 3D, renforcer les actions de formation continue à destination des secteurs industriels… est l’un des meilleurs moyens de renforcer notre productivité, i.e. notre compétitivité globale (prix et hors prix). Il faut dédiaboliser le capital, le profit et les dividendes… Il reste 100 milliards d’impôts de production…On retrouve le syndrome de l’»à-peu-près » : surprélever les entreprises, puis les aider financièrement à investir. La France ne produit pas assez d’innovations… Nos choix budgétaires révèlent nos préférences collectives : la prodigalité pour les dépenses sociales, la radinerie pour les investissements du futur.  Immigration économique :le règne de l’»à-peu-près » Notre pays n’a pas de doctrine claire et souffre d’une mise en pratique brouillonne de la gestion des migrations, des entrées comme des reconduites à la frontière, rarement exécutées. Notre immigration présente deux défauts. 1. Elle est peu diversifiée géographiquement ; 2. Elle est peu qualifiée.Notre politique d’immigration est peu lisible, mouvante, complexe, en un mot brouillonne.

4. L’»à-peu-près » énergétique

De bons résultats de prime abord: La décarbonation exige d’expliquer, de convaincre, d’entraîner, d’accompagner, de soutenir. Certains rêveraient d’une dictature pour décarboner plus vite. Quelle mauvaise blague. Supprimer nos libertés pour diminuer les émissions de CO2 : quel programme philosophique abject ! Le lâche abandon de la filière nucléaire: Dans les faits, l’Etat a été incapable d’encourager une filière qui devrait être aujourd’hui l’un des phares de la décarbonation dans le monde. Une stratégie velléitaire sur le renouvelable:Il faut à peu près quinze ans pour construire et mettre en service une centrale nucléaire, moins de dix pour un champ d’éoliennes… Encore faut-il que les décisions soient prises. La France pourrait contribuer à décarboner le monde: La filière aéronautique peut encore contribuer à décarboner le secteur du transport aérien…Cette filière compte en France 4500 entreprises et 285 000 salariés.

5. L’»à-peu-près » sanitaire L’enracinement de la médiocrité sanitaire la France consacre plus de 12% du revenu national à ses dépenses de santé…La prévention, la rapidité de l’accès au système de santé, la pertinence des soins sont des éléments cruciaux en matière de santé publique. Sur ces trois aspects, la France n’est pas bonne.Ce qui compte, c’est que ces dépenses soient efficientes…Nous en sommes loin, car le système de santé est replié sur lui-même, tourné vers ses indicateurs technocratiques et budgétaires, et insuffisamment vers les patients. L’échec du socialisme hospitalier. Rien n’est plus étranger au libéralisme que notre système de santé, et l’hôpital en particulier. Voici des structures publiques, dirigées par des fonctionnaires, contrôlées par des agences publiques, qui emploient des salariés sous statut, et dont les prix sont fixés par les pouvoirs publics (c’est la logique de la fameuse T2A, la tarification à l’activité) : pas de liberté, pas de marché. Le mal-être des soignants.La maltraitance administrative à l’égard des patients…De lenteur en absurdités, c’est moins le manque de moyens ou d’effectifs qui choque qu’une organisation tétanisante, une bureaucratie tatillonne et une organisation en silos atténuant toute bonne volonté en recherche de solutions pour les patients.L’hôpital a besoin d’une remise à plat de ses process, d’une simplification administrative radicale, et surtout d’une destruction des silos qui interdisent à un salarié X d’empiéter sur les tâches dévolues à Y, même s’il en est parfaitement capable et si Y est indisponible. Oser la liberté Le corporatisme des professions de santé, la passion bureaucratique de l’Etat, la focalisation des syndicats sur la question de l’argent, l’autocentrisme du système, la confusion du débat sur les sujets de santé : tout cela concourt à dégrader la qualité de notre système de santé, alors même que nos contemporains espèrent vivre le plus longtemps possible en bonne santé. Cette contradiction est porteuse de désordres. 

6. La crise de l’exigence et l’»à-peu-près » éducatif 

L’»à-peu-près » éducatif condamne notre pays à un »à-peu-près » économique et social. Le sous-investissement éducatif Les salaires sont notoirement insuffisants dans notre système éducatif. Enseigner est un métier tout à la fois important, difficile et épuisant. L’exemple inquiétant des mathématiques Le niveau des Français en mathématiques s’est effondré… Dans le contexte de la troisième révolution industrielle, ce sous-développement en mathématiques pourrait se transformer en sous-développement économique et social. éducation et la prospérité Les performances économiques et le bien-être financier sont liés à la qualité du système éducatif. Ce lien est matérialisé par des gains de productivité qui sont le principal vecteur de hausse de la production et des revenus. Le drame de l’enseignement supérieur Notre système d’enseignement supérieur est protéiforme. Le meilleur (rare) côtoie le moins bon (assez concentré dans les sciences humaines et sociales). L’excellence doit lutter pour émerger, alors qu’elle devrait être encouragée à tous les niveaux. L’université française est un lieu où, souvent, les intrigues, les jalousies et le ressentiment guident les carrières autant que la connaissance et l’habileté à enseigner.Davantage de moyens et d’autonomie dans la gestion des ressources humaines, un renforcement de l’attractivité des filières scientifiques, et un accent plus prononcé sur la recherche et donc sur l’innovation : voilà ce qui manque.

7. Le risque du populisme : de l’»à-peu-près » à la chute 

Le populisme repose sur la simplification du réel…Céder au populisme, c’est passer de l’»à-peu-près » aux abîmes sans savoir combien de temps sera nécessaire pour en sortir. L’économie du populisme: Les programmes populistes présentent toujours trois traits saillants : 1. Ils prétendent agir au nom du peuple contre les élites ; 2. Ils prônent un Etat fort, par opposition au marché ; 3. Ils rejettent les contraintes économiques. Trois conséquences : 1. L’affranchissement des contraintes financières et de compétitivité déclenche un cycle de type expansion-récession ; 2. L’augmentation des inégalités ; 3. La fragilisation du cadre institutionnel a des effets pernicieux et puissants. La démocratie libérale n’est pas coupable:Le populisme d’extrême droite s’appuie notamment sur l’inefficacité des démocraties par rapport aux « pouvoirs forts ». C’est l’une des raisons qui explique la complaisance des populistes pour les dictateurs. Mener le combat intellectuel Le problème, c’est que la remise en cause de la vérité émane d’un relativisme généralisé qui s’étend comme une maladie contagieuse…En suggérant que toute parole se vaut, les réseaux sociaux contribuent à propager le mensonge bien plus que la vérité… Le sociologue Gérald Bronner a montré, parmi d’autres, à quel point le « marché cognitif » était envahi par les diffuseurs de mensonges. Les forces rationalistes doivent se regrouper, débattre, répondre, attaquer. C’est un travail qui ne finit jamais, une guerre d’endurance… mais c’est notre devoir pour amener la France vers l’excellence.

8. Revaloriser l’excellence

Elever le niveau de recrutement des enseignants. Apprendre l’épistémologie Mais la France, ce doit être Pasteur, pas Raoult. Dans son rapport, la commission Bronner propose de « systématiser la formation à l’esprit critique en milieu scolaire » et de « développer la formation à l’esprit critique dans la société civile ». C’est indispensable. Retrouver la joie du travail bien fait 37% des personnes interrogées pratiquent le « quiet quitting », i.e. qu’elles respectent leur contrat de travail, mais pas plus… Cette proportion monte à 43% pour les moins de 35 ans… Enfin, 74% des 18-24 ans et 78% des 25-34 ans adhèrent à l’idée d’un droit à la paresse. Notre pays souffre d’une crise de l’excellence qui est aussi une crise de l’engagement. Changeons d’état d’esprit et choisissons collectivement l’éthique de l’exigence, de la qualité, du travail, de l’investissement. Retrouvons le sens du grand destin de la France.

On l'appelait Vermicelle de Fanny Vella - Leduc Graphic (bd adulte)

On l'appelait VermicelleCoup de cœur de Joseph G.: Comme l’a dit la grand-mère de Vermicelle “déjà que la vie c’est pas du gâteau, mais quand tu es une fille, c’est pire”. Effectivement, c’est pas de la tarte: personne ne comprend jamais ce qu’elle ressent, tout le monde lui demande de rester gentille et mignonne même quand elle n’a pas envie, et c’est toujours à elle de soutenir tout le monde quand ils ont des problèmes. Heureusement, Vermicelle peut se réfugier dans son imagination débordante, qui lui permet de survivre dans ce monde cruel. Après tout, ce n’est pas parce que c’est une fille qu’elle doit souffrir par nature, n’est-ce-pas?

Cette BD a un scénario tout simple, mais très efficace. Fanny Vella parvient parfaitement à témoigner des difficultés que peut rencontrer un enfant au cours de sa vie, en particulier ceux causés par la maladresse des adultes. Vermicelle elle-même est une fille très attachante, et les illustrations parviennent très bien à transmettre les diverses émotions qu’elle ressent. Bref, lisez cette BD sans attendre.

Le Chœur Singulier de Milly Davis de S.A. Yarmond - Hurlevent

Coup de cœur d’Anne-Christine T: Le choeur singulier de Milly DavisL’histoire se passe dans les plaines écossaises, notre héroïne Milly Davis enracinée dans un confort familial, elle est animée par une passion de l’écriture et de l’histoire au sens large du terme pour exister. Dotée d’une réserve excessive, d’une forme de timidité ancrée, un manque de confiance en elle-même, elle met sa vie entre parenthèse pour vivre celle des autres : “travestir son quotidien” pour reprendre une expression de l’autrice", devenir quelqu’un d’autre et partager les émotions d’autrui. Elle semble dubitative dans ses choix, réticente dans sa manière de penser, d’agir alors qu’elle a tant d’idées à développer dans son esprit. Elle est studieuse. Elle est dans l’appréhension, la suspicion de l’inconnu et de l’insolite dans son quotidien, la peur de se déraciner. Pour sortir de ses doutes et de sa retenue, elle se met en exergue à travers son personnage de roman d’écrivain: “Isadorah” qui comme notre héroine est cultivée, curieuse, qui se cherche et où le doute persiste. Cependant avec sa meilleure amie artiste à l’écoute, une grand-mère présente, empathique, féministe, engagée et la rencontre avec un professeur d’archives historiques atypique, notre Milly Davis va être encouragée dans ses recherches, dans sa création de perfectionnement d’écrivain, elle va se révéler petit à petit.  Une relation de sentiments pudiques va se nouer entre notre héroïne et ce professeur où s’entremêlent empathie, partage, complicité au quotidien.

Un livre qui nous fait voyager à travers les conditions de vie de la femme au 19ème siècle à nos jours, l’homosexualité féminine des années 70 à nos jours considérée comme une atteinte à la morale dans un certain milieu. On remonte le temps à travers la calligraphie d’idées dans des petits carnets brodés, l’utilisation du papier à lettres assorties, les sensations olfactives du vieux cuir des ouvrages en bibliothèque, l’odeur des livres anciens. Un récit plein d’empathie, de tolérance, d’émotions, qui nous fait retrouver la confiance en nous-même, une forme d’assurance et s’affirmer de plus en plus. Faire preuve d’émulation et oser.

La santé à vif par Jean de Kervasdoué - Humensciences

La santé à vifÉmetteur du résumé : François C.

Pauvre,vieux ou malade? Derrière ces trois adjectifs se cache une coupure administrative essentielle : s’agit-il de « sanitaire » (malade) ou de « social » (pauvre, vieux, voire handicapé)?. La distinction entre ces qualificatifs a en effet structuré l’organisation des soins médicaux depuis deux siècles ainsi que la prise en charge des plus démunis. Elle est de plus en plus inadaptée, notamment pour les soins aux personnes très âgées.Les frontières entre ces deux mondes sont à la fois rigides, floues et poreuses…Pour des raisons budgétaires, les départements ont tout intérêt à dire que les vieux sont malades et, a contrario, l’Assurance maladie à faire remarquer que les malades sont vieux…

Être en bonne santé. Il serait souhaitable de trouver une autre définition de la santé : celle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) laisse à penser qu’il pourrait exister un paradis sur Terre. Selon l’OCDE, en 2018, les Japonais consacraient 10,9% de leur PIB à leur santé, les Français 11,2% et les Américains 16,9%. S’il faut être pour jouir de la vie, la Chine montre aussi qu’il faut avoir pour être car c’est parce qu’elle a accru sa production industrielle qu’elle a pu mieux nourrir, mieux loger, mieux soigner sa population et qu’une spectaculaire croissance de l’espérance de vie s’est produite.

La santé n’est pas la médecine. La médecine n’est pas la santé. Quand elle n’informe pas, quand elle ne prévient pas, la santé publique interdit et donc punit ; elle est par essence liberticide, même si elle préfère afficher sa dimension éducative. On est donc bien loin de la définition bien-pensante de la santé par l’OMS, répétée à l’envi.

Epidémie. Le Sars-Cov-2 fut un puissant révélateur des faiblesses françaises en santé publique. La crise a souligné le manque de culture de santé publique en France, les limites du « tout hospitalier » et la nécessité de progresser en matière de culture de santé publique, de culture scientifique et d’organisation cohérente. Prévention Si l’éducation pour la santé doit être la priorité, elle n’a par essence aucune prise chez ceux qui ne font pas de liens entre leur comportement et leur santé, notamment quand les bases manquent en matière d’alimentation, d’hygiène, voire de sexualité. En outre, ceux qui savent, ne tiennent pas systématiquement compte de leurs connaissances, car le plaisir de boire ou de fumer est immédiat et les conséquences des comportements à risques sont à la fois lointaines et probabilistes.

Complexité La conscience du fait qu’il existe de grands progrès à accomplir dans de nombreux domaines médicaux est universelle, elle est aussi biaisée.Il doit être possible de réconcilier hédonisme, tradition, industrie et santé, mais pour y parvenir, il faudrait voir comment se développent les pratiques alimentaires dans les milieux sociaux défavorisés et trop souvent déstructurés. En outre, il serait essentiel que l’on consacre du temps à l’école sur ce qu’est l’alimentation (la méconnaissance des bases de la nutrition est abyssale, y compris chez les bac + 5), que l’on cesse de faire peur, que l’on arrête de stigmatiser les produits alimentaires en « bons » ou « mauvais » car ils le sont avec une certaine fréquence, une certaine dose, dans des conditions de vie spécifiques pour une alimentation donnée.

Médicalisation du destin L’hôpital, c’est peut-être d’abord cela : un lieu de souffrance, de maladie et de mort. 56% des Français y meurent…C’est l’institution où tente de se résoudre la contradiction fondamentale des êtres humains qui veulent vivre et doivent mourir. Souffrances, vie et mort du côté des soignants, budget, contrats de recrutement, marchés de fourniture, exigences administratives de l’autre, ceux qui soignent et ceux qui administrent ne vivent pas dans le même monde et ne partagent pas les mêmes références. En France, la rigidité des organisations, des statuts, et la quantité astronomique de lois et de règlements font de l’hôpital un lieu non seulement complexe mais rigide et donc incapable de s’adapter. Cette institution est au centre des aspirations contradictoires de nos contemporains. Elle ne peut être comprise, gérée et, le cas échéant, réformée que si ses dimensions économiques, organisationnelles, scientifiques et techniques, philosophiques et éthiques sont analysées.

Vérité Mais que veut dire informer ? Quelle vérité ? Jusqu’où ? Qu’est-ce que cela implique ? Que comprend le patient de ce que lui dit le médecin ? Pour répondre à l’angoisse des patients, pour leur offrir leur libre arbitre, on a juridiquement contraint les soignants à les « informer ». Cette évolution, aussi souhaitable qu’elle soit, a transformé la relation médecin-malade, favorisé la médecine défensive et certainement accru les analyses biologiques, les examens d’imagerie et la paperasse hospitalière. 

Médecine libérale Pour la profession, abritée par ce monopole d’exercice, le système est donc « libéral » s’il respecte les principes suivants : paiement à l’acte, liberté de choix, liberté d’honoraires, liberté de prescription, liberté d’installation et il faut y ajouter le principe non écrit, mais essentiel, de non-contrôle des pratiques cliniques qui est le pendant de la liberté de prescription. 

Besoin En faisant fi des contraintes économiques, démographiques, institutionnelles, la notion de « besoin » ne mène qu’à la désillusion car toute réponse à un « besoin » est limitée. Aussi, il semble évident que l’abus de ce terme reflète le refus d’admettre, voire de comprendre, qu’il n’existe que des mécanismes de rationnement ou d’économie de marché.

Argent Le constat est donc paradoxal : quand les soins sont gratuits les patients surconsomment, mais quand ils sont payants, ils sous-consomment. Les conclusions qui m’apparaissent logiques sont : la gratuité est inflationniste et coûteuse ; le paiement direct de ses soins par le malade, en partie comme en totalité, retarde l’accès aux soins ; les mécanismes de marché ne permettent pas de réguler l’accès aux soins.

Rationnement Dans le secteur de la santé, tout est bel et bien rationné : les médecins (numerus clausus), le infirmières (quotas d’entrée dans les écoles), les lits d’hôpitaux (autorisation) et surtout l’argent (objectif national des dépenses d’Assurance maladie et budgets (ONDAM). Pouvoir Toutes les professions ne transforment pas leur savoir en autorité et leur autorité en pouvoir. La profession médicale y est parvenue. La médecine s’est battue contre le capitalisme en trouvant des alliés dans la collectivité. Si l’on regarde sur une période d’un siècle, l’industrie pharmaceutique, les hôpitaux et l’Assurance maladie, qui auraient pu menacer le fondement du pouvoir médical, ont été mis le plus souvent à son service et toujours respecté son autonomie. 

Stabilité Aujourd’hui, l’Etat réglemente encore et toujours : quarante trois familles de règlements s’appliquent à l’hôpital pour la seule sécurité. Il s’immisce dans la gestion hospitalière jusqu’à la prendre en charge, définissant le moindre emploi. Désormais, l’hôpital se fond dans l’Etat, la loi « HSPT » (hôpital, patient, santé et territoire) de 2009 n’étant que la dernière étape d’une évolution commencée il y a une trentaine d’années. 

Etatisation Le primat est en France accordé aux règles et à la hiérarchie, mais elles ne peuvent pas tout régenter, car elles sont incapables de prévoir tous les aléas possibles. La décentralisation est indispensable. Or la bureaucratisation prospère à tout niveau et, avec elle, l’éclatement des sources de légitimité et un décalage culpabilisant entre les pratiques et les règles. Qualité Plus on en parle, moins elle progresse, car la « qualité » des soins est toujours évoquée de manière indéfinie ; elle ne veut donc rien dire. La recherche de la qualité par la judiciarisation des fautes n’est pas sans conséquence néfaste sur la qualité globale d’un hôpital. Il y a les fautes manifestes d’une équipe pour un malade déterminé, mais le plus souvent la non-qualité est organisationnelle. 

Egalité « Tout Français exige de bénéficier d’un ou plusieurs privilèges. C’est sa façon d’affirmer sa passion pour l’égalité. » Ch. de Gaulle Après des décennies de vaines tentatives, la France n’a pas réussi à répartir de manière à peu près équitable les médecins, les pharmaciens et les hôpitaux sur son territoire. Prétendre de surcroît réduire les inégalités de santé qui sont d’origine culturelle, économique et sociale semble pour le moins immodeste !L ’écart qui existe entre les rappels incantatoires des actuels programmes régionaux de santé et un plan de bataille opératoire où chaque acteur aurait sa feuille de route…C’est ainsi que procèdent les grands groupes industriels, mais ils ont pour cela des moyens, des femmes et des hommes capables de les concevoir, de les mettre en œuvre et de les contrôler, ce qui n’est pas le cas du ministère de la Santé ou de l’Assurance maladie qui investissent trop peu dans l’intelligence collective du système. 

Précaution Le principe de précaution était et est toujours dangereux parce qu’il peut être évoqué à tout moment par n’importe qui et conduire à des mesures coûteuses et inadaptées ou, à l’inverse, à un manque de prudence. En cas de catastrophe ou de manquement manifeste de la puissance publique, chacun n’a plus que le mot précaution à la bouche, alors qu’il s’agit le plus souvent de méconnaissance, d’erreur, de faute, d’imprudence ou d’incapacité.

Innover On invente en France, mais on innove ailleurs. Pour un chercheur, la raison première de quitter la France n’est jamais seulement sa rémunération, mais toujours les conditions de travail, l’équipe, l’entourage, la confiance en l’institution et donc les moyens de faire avancer ses projets.La France a tout fait pour bâtir un mur entre chercheurs publics et entreprises privées.

Réformer Les enjeux sont connus : . la demande de soins médicaux et leurs coûts vont croître plus rapidement que la richesse nationale sous l’effet cumulé de deux facteurs : le vieillissement de la population française et le progrès technique mondial, aussi extraordinaire qu’onéreux ;. les difficultés d’accès aux soignants en France, qui sont selon les endroits préoccupantes ou dramatiques ;. les inégalités de territoires en matière de santé se creusent ;. le paiement à l’acte, notamment des généralistes, est à la fois un mode de rémunération inadapté et scandaleusement bas ;. la coordination des soins entre la ville et l’hôpital n’est le plus souvent qu’un vœu pieux ;. l’hôpital public étouffe sous le poids d’une bureaucratie inutile, inefficace et coûteuse ;. la gestion des innovations, par le biais des nomenclatures, ne se fait pas ou mal, faute d’experts en nombre et en qualité ;. la recherche médicale française perd chaque année des places dans les classements mondiaux ;. l’industrie biomédicale française, à l’exception de quelques fleurons, est faible et fragile.

Pour tous ceux qui connaissent l’entreprise, celle-ci agit en définissant des objectifs, examinant l’état des lieux, élaborant des mesures correctrices, les mettant en œuvre, les contrôlant et …recommencant. Dans le secteur de la santé, ces objectifs sont révolutionnaires : on a laissé faire le temps et les pouvoirs établis, la situation s’est aggravée, d’où la crise actuelle. « Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes. » Bossuet

Vers la beauté par David Foenkinos - Folio

Vers la beautéCoup de cœur de Manon B.: Romain quitte tout. Spécialiste de Modigliani et instituteur aux Beaux-Arts de Lyon, il quitte tout. Du jour au lendemain, en prétextant s’isoler à Paris afin d’écrire un nouveau roman. Seulement, une fois là-bas, Romain se fait embaucher par Mathilde en tant que conservateur de Musée. Etonnée par ce changement radical de profession, et encore plus surprise du choix professionnel de son employé compte tenu de ses connaissances et de ses facultés, Mathilde ne tarde pas à savoir ce qu’il se cache derrière la personne de Romain Duris.

Et ce qui se cache derrière lui, c’est Camille Perrotin, 18 ans pour toujours, ancienne élève de Romain à l’école des Beaux-Arts de Lyon. Jeune fille torturée par la dépression, elle se révèle être également une élève particulièrement intelligente et particulièrement habitée par une seule et unique passion : la peinture. Jour et nuit, nuit et jour, Camille peint. Elle ne s’arrête jamais. Du moins, elle ne s’arrêtait jamais jusqu’à ce fameux jour où sa vie bascule dans un tourbillon de souffrance et de culpabilité.

À priori, rien ne les relie plus que ça, et toutes les hypothèses se forgent sur le mystère du départ précipité de Romain.

Encore une fois, Foenkinos nous tient en haleine. Véritable roman émouvant et touchant, nous y rencontrons deux personnages happés par une même passion : la beauté de l’art, et ce que ceci dévoile implicitement de nous. Seulement, cette passion a ses propres limites et, rapidement, elle se révèlera fatale pour Romain et Camille.

Démocraties contre empires autoritaires par Nicolas Baverez - L'Observatoire

La liberté est un combat : démocraties contre empires autoritairesÉmetteur du résumé : François C.

Introduction LE DOULOUREUX REVEIL DES SOMNAMBULES

L’attaque de l’Ukraine…marque un changement de monde avec le retour de la guerre de haute intensité en Europe, accompagné d’un cortège d’atrocités.L’Europe replonge dans les pires heures de la guerre froide, avec un nouveau rideau de fer qui la sépare, courant de la Baltique à la Grèce. Le conflit ukrainien…libère la violence sur tous les continents. Il est ainsi à prévoir que de nombreux affrontements gelés se transforment en confrontation armée directe, en Afrique, au Moyen-Orient, au Maghreb, mais aussi au Caucase, en Asie centrale ou en Méditerranée. L’aveuglement volontaire des démocraties sur la montée des menaces visant la liberté, en dépit de la multiplication des alertes…Le pouvoir illimité du totalitarisme russe est allé de pair avec l’institutionnalisation de la guerre, devenue le socle du régime avec l’enchaînement des interventions en Géorgie (2008), en Syrie (2013), en Crimée et au Donbass (2014), en Libye (2016), en Centrafrique (2018) et au Mali (depuis 2016). L’apparente unité des démocraties masque un grand écart : les Etats-Unis voient leurs secteurs de l’énergie, de l’armement et de l’agriculture confortés par le conflit, quand l’Europe se montre économiquement fragilisée, mais aussi politiquement et moralement. La liberté politique est un enjeu central du XXIème siècle, sachant que les nouveaux autoritarismes reposent sur la concentration de toute l’autorité entre les mains d’hommes forts, sur l’institutionnalisation de la violence et du mensonge, sur le contrôle par l’Etat de l’économie, de la société et des médias…Leur influence a considérablement progressé dans les pays du Sud à travers l’exportation de leur modèle conjuguant pouvoir personnel, fusion de l’Etat et des services de sécurité, économie de prédation contrôlée par des oligarques proches du pouvoir, contrôle et manipulation de l’information. 

LA GRANDE CONFRONTATION

L’histoire n’est pas linéaire. Elle stagne, puis elle accélère brutalement autour de moments nœuds, caractérisés par la multiplication et l’enchevêtrement des crises. Cette grande confrontation est le fruit du durcissement militaire, idéologique et politique des empires autoritaires…pour assouvir leur volonté d’expansion et construire un ordre international post-occidental autour de vastes sphères d’influence.

Les surprises de la guerre d’Ukraine. Le PIB de l’Ukraine a été amputé de moitié et les territoires conquis par la Russie quasiment rasés, à l’image de Marioupol et des villes du Donbass. La guerre d’Ukraine s’est ainsi transformée en un affrontement de longue durée entre la Russie et les démocraties occidentales, sans le soutien desquelles l’Ukraine ne pourrait résister.

Derrière l’Ukraine, l’Europe et la démocratie. La Russie est plus que jamais enfermée dans l’autocratie…Elle se définit comme puissance face aux Etats-Unis et comme ennemie de l’Europe, considérée comme une menace politique, intellectuelle et morale. La stratégie russe est limpide : créer le désordre et entretenir la peur dans la population européenne, tout en divisant l’Union, en la coupant des Etats-Unis et du Royaume-Uni, en lui aliénant les pays d’Afrique et du Moyen-Orient. La paralysie, l’éclatement et l’isolement de l’Europe sont en effet les conditions requises pour l’extension de l’empire russe sur le continent.

De Kiev à Taïpei La Chine a préparé la conquête militaire de Taïwan par la montée en puissance de sa marine, portée au premier rang mondial avec 350 bâtiments de combat contre 293 pour les Etats-Unis, ainsi que par l’annexion et la militarisation des îlots de la mer de Chine du Sud. Taïwan constitue une pièce essentielle des échanges internationaux et est interconnectée au monde entier, produisant 52% des semi-conducteurs et 61% des puces les plus avancées en 16 nanomètres. L’invasion de l’Ukraine a avivé les tensions autour de Taïwan et accru les risques d’attaque de l’île par la Chine. 

Logique de blocs en guerres de moins en moins froides La guerre d’Ukraine…fait émerger trois blocs, non seulement d’un point de vue idéologique et militaire, mais aussi d’un point de vue économique et technologique : les empires autoritaires ; les démocraties rangées sous la garantie de sécurité américaine ; les pays du Sud…avec une inclination vers la position russe en raison du ressentiment contre l’Occident lié au passé colonial. La crise existentielle des démocraties, prises en étau entre la logique de guerre civile et les populismes qui les corrompent à l’intérieur, la menace des empires autoritaires et du djihadisme qui entendent les annihiler. Dans cet environnement, la guerre revient au premier plan de l’horizon des nations, y compris dans sa dimension nucléaire qui s’étend avec la prolifération et la banalisation de la menace. La conflictualité ne cesse de progresser. Le monde s’ensauvage. Et rien ne permet de penser que la guerre entre les grandes puissances du XXIème siècle restera froide. 

LA PAIX PERDUE DE 1989

La paix de 1945 stabilisa le système international et permit aux démocraties de résister à la pression soviétique tout en évitant un troisième conflit mondial malgré les multiples crises et conflits périphériques de la guerre froide…Elle fonda un remarquable cycle de développement économique et de progrès social dans les démocraties développées. Force est de constater que 1989 fut comme 1918 une paix manquée…Il n’y a pas eu de négociation pour construire un ordre mondial adapté aux défis planétaires du XXIème siècle : le vieillissement d’une grande partie du monde et la reprise des migrations ; la mondialisation ; la révolution numérique ; la transition écologique ; la prévention des conflits alors qu’une nouvelle course aux armements s’enclenchait. 

Après-guerre froide et désordre mondial Les années 1990, comme le début du XXème siècle, virent avorter la transition de la Russie vers la démocratie et l’économie de marché. La libéralisation des institutions dériva vers l’effondrement de l’Etat, la montée de la violence et la généralisation de la corruption. Dans la crise ukrainienne, les Européens, notamment l’Allemagne et la France, ont joué un rôle clé dans la signature des accords de Minsk I en 2014 et de Minsk II en 2015, très favorables à la Russie, puis sont restés silencieux devant leur inapplication. L’Union européenne est restée inerte devant l’effondrement du cadre de sécurité du continent. Elle s’est concentrée sur la construction d’un grand marché…quitte à créer une dépendance dangereuse envers la Russie pour l’énergie, la Chine pour les biens essentiels, les Etats-Unis pour la technologie. 

La régression de la Russie vers la dictature Vladimir Poutine a transformé la volonté initiale de restaurer l’Etat russe en un projet politique qui mêle l’autocratie avec l’instauration d’une présidence à vie, la colonisation de l’Etat par les services de sécurité, l’appropriation des monopoles de l’énergie et des matières premières par des oligarques, la conduite d’un réarmement massif, la reconstitution de l’Empire soviétique à partir de l’intervention en Géorgie en 2008. Sur le plan idéologique, la propagande se déploie autour de la victimisation de la Russie, de son encerclement par l’OTAN, de la haine de la démocratie et de l’Occident, du projet impérial et de la négation de l’Ukraine en tant qu’Etat et nation. 

Quand la Chine se referme La Chine est restée un Etat totalitaire et n’a renoncé ni à l’idéologie marxiste ni au pouvoir absolu du parti communiste. Sous l’influence de Xi, les autorités de Pékin ont également institué un contrôle du capitalisme dans trois domaines clés : la finance, la technologie et l’enseignement. Le temps joue en effet désormais contre la Chine, en raison de son déclin démographique, du freinage de son économie, de sa dépendance pour l’énergie, les matières premières et la technologie. 

L’ère des autocrates Le constat est sans appel : les libertés régressent sur tous les continents. Sur 167 Etats, la planète ne compte plus que 21 démocraties à part entière, qui regroupent 6,4% de la population mondiale, et 53 démocraties imparfaites. Les régimes autoritaire (59) ou hybrides (34) sont largement majoritaires et gouvernent plus de la moitié de l’humanité. Tous ces autocrates communient dans la détestation de la démocratie, dans la volonté de faire émerger un ordre post-occidental et dans le culte de la force. 

Le désarroi de l’Occident En moins de trente ans, l’Occident a perdu le contrôle du XXIème siècle, s’engageant dans un cycle de guerres enlisées et de défaites après les attentats de 2001, engendrant le pire krach du capitalisme depuis 1929, frôlant l’implosion de la monnaie unique européenne, se révélant désorganisé et paniqué lors de la première vague de l’épidémie de Covid-19, ignorant la montée de la menace existentielle provenant des empires autoritaires. Les démocraties sont coupables de s’être abandonnées à la démagogie et d’avoir donné la priorité aux intérêts de très court terme sur les enjeux stratégiques, qu’il s’agisse de santé et d’éducation, de souveraineté industrielle, alimentaire ou énergétique, de transition climatique ou de sécurité. Le véritable antidote aux autocrates, c’est la reconstruction des démocraties et la foi retrouvée dans les valeurs qui firent le succès de l’Occident : l’égalité et la solidarité ; le risque et l’innovation ; l’ouverture et le choix du grand large ; le pari de la responsabilité et de la liberté politiques.

LES DEMOCRATIES ENTRE GUERRE ET POPULISME

Toutes les démocraties sont donc vulnérables et exposées sur deux fronts : la paralysie de leurs institutions et la corruption de leurs principes et de leurs mœurs ; les menaces des puissances qui récusent la liberté politique.

La démocratie et la guerre Le premier risque qui pèse sur la démocratie provient de la prise en tenaille entre une guerre longue et la corruption par la démagogie. Le demos, peuple organisé de citoyens libres et responsables, tend à se décomposer en laos, coalition inflammable d’individus atomisés.

La multiplication des fronts La guerre d’Ukraine…jette une lumière crue sur les tensions qui traversent l’Etat dans les démocraties et qui le condamnent à l’effondrement s’il n’entreprend pas des réformes radicales. Il doit se repenser et se réorganiser autour de la gestion des risques, ce qui suppose d’anticiper au lieu de réagir, de planifier au lieu de mettre en place des mesures d’urgence, d’élaborer des stratégies complexes au lieu de juxtaposer des politiques sectorielles qui se contredisent.

Entre résilience et lassitude Les démocraties ont dilapidé en quelques décennies l’héritage de la seconde moitié du XXème siècle qui les vit conjuguer développement économique, progrès social, stabilité politique organisée autour du salariat et des classes moyennes, résistance efficace au soviétisme enfin. Au fil des crises, elles ont basculé dans une triple crise de légitimité, d’efficacité et de leadership. Le paradoxe tragique veut que les populistes, quand ils arrivent au pouvoir et qu’ils sont confrontés au principe de réalité, aggravent tous les maux qu’ils prétendent guérir.

Le réveil tardif et douloureux des démocraties L’issue de la guerre en Ukraine se joue sur une double ligne de front : celle de l’avant dans le Donbass et sur les côtes de la mer Noire ; celle de l’arrière dans les sociétés démocratiques. Il est impératif de maintenir alignées les démocraties autour de principes clairs : la défense de la souveraineté de l’Ukraine ; le refus de toute normalisation avec la Russie tant qu’elle ne renonce pas à ses projets impériaux ; le rééquilibrage de l’OTAN par la construction d’un projet européen. La menace existentielle que font peser les empires autoritaires sur la survie des démocraties, et particulièrement de la Russie sur l’Europe, fournit le levier pour imaginer un nouveau contrat économique et social, réduire les inégalités…réaffirmer la dimension universelle des droits de l’homme.

UN MONDE FRAGMENTé ET DECHIRé 

L’espace mondial éclate et se restructure autour de blocs en fonction de la nature des régimes politiques et de leur idéologie.

L’implosion de la mondialisation (ruptures d’approvisionnement) Au total, 800 millions de personnes, soit 10% de la population mondiale, souffrent désormais de la faim et plus de 100 millions de personnes ont basculé dans la famine. (Allemagne) Sa triple dépendance énergétique à la Russie, économique à la Chine, technologique et sécuritaire aux Etats-Unis, se révèle aujourd’hui insoutenable. 

Le grand découplage de la Chine La Chine est désormais une source d’instabilité et d’insécurité pour l’économie comme pour la géopolitique mondiale. Ses problèmes intérieurs comme son durcissement idéologique ne peuvent que renforcer son tournant nationaliste et ses ambitions impériales.

Le retour de la stagflation Le télescopage entre, d’un côté, la remontée des taux et la réduction du bilan des banques centrales et, de l’autre, le surendettement des Etats, alors que des investissements publics massifs sont requis en matière de santé, d’éducation, de réarmement ou de transition écologique, mais aussi l’amoncellement des dettes privées, crée un risque élevé de crise financière.

Le Sud contre l’Ouest Les pays émergents…pratiquent une diplomatie transactionnelle en fonction de leurs intérêts…Ils penchent en faveur de l’axe constitué par Moscou et Pékin, et reprennent à leur compte le narratif russe qui, contre les faits, explique le recours à la guerre par l’expansion de l’OTAN et attribue la crise humanitaire aux sanctions occidentales. 

Vers l’économie de guerre Force est de constater que la mondialisation s’efface devant les structures d’une économie de guerre…Les empires autoritaires mettent explicitement l’économie au service de la guerre, comme le montrent la Russie avec le gaz ou la Chine…pour préparer la population à supporter des sanctions occidentales en cas d’attaque de Taïwan. 

Gagnants et perdants La grande perdante est sans nul doute la Russie…elle sortira du conflit exsangue, en ayant ruiné la partie moderne de son économie et de sa société. Elle sera vassalisée par la Chine. Pour l’Union, la guerre d’Ukraine additionne une crise économique majeure, un choc énergétique, une crise de gouvernance avec le basculement des équilibres de l’Ouest et du Sud vers l’Est et le Nord, une crise stratégique, une crise existentielle avec la nécessité de se réinventer autour de la souveraineté et de la sécurité. Au sein du monde émergent, les pays qui cumulent dépendance aux importations d’énergie et d’alimentation, séquelles de l’épidémie, risques climatiques et insécurité sont très vulnérables, à l’image des Etats du Sahel, de la Corne de l’Afrique, du Maghreb ou encore de Madagascar, du Pakistan ou du Bangladesh. La situation de la Chine est contrastée…Tout dépendra de l’évolution de la crise autour de Taïwan et de l’éventuel recours de Xi Jinping à la force armée. Les Etats-Unis disposent de tous les leviers de la puissance et de la souveraineté…L’Amérique est ainsi aux prises avec une course de vitesse entre la désintégration de la cohésion sociale et du système politique d’une part, le renforcement de la puissance et de l’influence extérieures d’autre part. Alors que se met en place à l’occasion du conflit ukrainien et de la crise de Taïwan, une double guerre froide entre les Etats-Unis d’un côté, la Russie et la Chine de l’autre, s’accumulent les risques planétaires, qu’il s’agisse du dérèglement climatique, des pandémies, des chocs financiers, des écarts de développement, du djihadisme ou de la course aux armements.

LA DEFENSE DE LA LIBERTé EN QUÊTE D’UNE STRATEGIE

Les empires autoritaires représentent pour les démocraties une menace existentielle et globale, militaire et idéologique, mais aussi économique et technologique, politique et diplomatique. Le défi des empires autoritaires…repose sur la volonté d’éradiquer la démocratie, et sur la détestation de l’Occident…La confrontation est totale. Elle ne porte pas seulement sur des territoires ou des ressources, mais sur des principes. Dès lors, il ne peut y avoir ni compromis ni solution négociée…Pour autant, il n’existe pas de fatalité à une nouvelle guerre mondiale. L’heure n’est donc pas à l’escalade militaire mais à la restauration de la dissuasion et de l’avance technologique, au renforcement de la résilience des nations, à la réinvention de l’alliance entre les démocraties, au développement de la coopération avec les grands pays émergents. 

La dissuasion des empires autoritaires Au-delà de l’Ukraine, tout le pourtour de la Russie se trouve soumis à une forte pression militaire, de la Transnistrie aux pays baltes en passant par l’Asie centrale et jusqu’à l’Arctique. L’agression de l’Ukraine par la Russie se traduit ainsi par l’otanisation de l’Europe et par un renforcement majeur de la présence militaire des Etats-Unis sur le continent, avec le déploiement permanent de 120 000 hommes et la création d’un quartier général du 5ème corps d’armée en Pologne. Alors qu’elle importe les deux tiers de ses équipements militaires, l’Europe doit conforter son industrie et combler ses lacunes dans l’aviation, les drones, l’espace ou le cyber.

La nouvelle alliance des démocraties Les démocraties…affrontent la situation la plus dangereuse depuis le début des années 1930. Elles reculent partout dans le monde face aux autocraties et au retour en force des dictatures et des coups d’Etat. Les Etats-Unis n’ont plus les moyens de réassurer seuls la paix et la liberté à l’âge de l’histoire universelle. Ils sont profondément fragilisés et instables, du fait de la crise politique qui les mine. 

Le pouvoir absolu, talon d’Achille des empires autoritaires Pour la Russie, quelle que soit l’issue du conflit, l’invasion de l’Ukraine constitue une lourde défaite stratégique. En guise de reconstitution de son empire, la Russie sortira donc du conflit appauvrie et affaiblie, au moins pour une génération, mais aussi très dangereuse et avide de revanche. (Chine) Comme durant le Grand Bond en avant ou la Révolution culturelle, le déni de la réalité se traduit par une fuite en avant dans l’idéologie et la violence…La Chine ne fait rêver nulle part, mais fait peur partout. Il n’est pas d’exemple d’expérience de pouvoir absolu qui s’achève autrement que dans la tragédie. Mais la chute peut prendre beaucoup de temps, faire un très grand nombre de victimes et laisser derrière elle des champs de ruines. 

Le dialogue avec les Etats et les sociétés civiles Le dialogue doit tout d’abord être maintenu entre les Etats pour la gestion des risques planétaires. Il est tout aussi important de maintenir le lien avec les élites ouvertes et connectées ainsi que les sociétés civiles de Chine et plus encore de Russie.

Renouer avec le Sud La stratégie d’endiguement des empires autoritaires doit donc intégrer une action déterminée des démocraties afin de relancer la coopération avec les pays émergents, y compris lorsqu’ils sont dirigés par des leaders populistes et nationaliste comme l’Inde ou la Turquie, voire par des autocrates comme l’Arabie saoudite. Cela suppose de réformer la gouvernance mondiale pour confier aux pays émergents au sein de l’ONU et des institutions multilatérales comme le FMI et la Banque mondiale, une place cohérente avec leur poids démographique, économique et politique.

AUX ARMES, CITOYENS !

Si la France et l’Europe ne sont pas en guerre avec la Russie, la Russie est bel et bien en guerre avec la France et l’Europe. Et ce depuis 2008. Elle constitue une menace militaire existentielle pour leur sécurité et leur indépendance, y compris à travers le péril chimique et nucléaire. Simultanément, elle mobilise tous les moyens de la guerre hybride contre l’Union, transformant l’approvisionnement en gaz, l’alimentation, les migrants, l’information, les partis populistes en armes de déstabilisation massive. La crédibilité de la France dans le domaine stratégique est minée par le décrochage de l’économie, l’accumulation des retards technologiques, l’archipellisation de la nation. La France et l’Europe sont devant une heure de vérité. Elles se trouvent sur la ligne de front face à l’impérialisme russe, mais aussi face au djihadisme, à la crise énergétique et alimentaire ou à la stagflation. 

Paix impossible, guerre plausible La guerre mute à nouveau…Elle gagne de nouvelles dimensions avec l’espace et le cybermonde. Elle se fait hybride, tout à la fois intérieure et extérieure, civile et militaire, régulière et irrégulière. Elle cesse d’être le monopole des militaires en s’étendant à de nouveaux domaine tels que l’énergie, l’eau, l’alimentation, les approvisionnements, l’information, les migrations ou le dérèglement climatique. Elle voit se multiplier les acteurs de la violence, des sociétés de mercenaires aux organisations criminelles en passant par les militants des partis extrémistes. La France et l’Europe ne doivent pas seulement réarmer, mais se préparer à répondre à tous les leviers de la guerre hybride, à l’élargissement du spectre et des moyens de la violence. Au terme de quarante ans d’un interminable décrochage, la France a perdu en grande partie la maitrise de sa souveraineté sur les plans industriel, alimentaire, technologique ou financier. Elle se trouve ainsi menacée d’un effondrement brutal et d’un choc financier majeur au cours des années 2020. 

Premiers enseignements de la guerre d’Ukraine Elle marque également le renouveau des conflits de haute intensité entre puissances majeures…Ce dernier se caractérise par un affrontement de grande ampleur, très violent et soutenu, qui se déploie dans tous les milieux -terre, air, mer, espace et cybermonde- et entraîne des pertes humaines, matérielles, économiques considérables. 

Une doctrine et un modèle d’armée obsolètes Notre pays…a sacrifié l’Etat régalien à son Etat-providence qui absorbe 34% du PIB, jusqu’à compromettre sa capacité à assurer sa sécurité intérieure et extérieure. Par ailleurs, les lacunes capacitaires se sont accumulées dans des secteurs clés comme la gestion intégrée du champ de bataille, les drones, les frappes en profondeur, le transport aérien, le cyber ou la guerre de l’information.

Repenser la défense de la France La France doit s’engager dans la définition et le déploiement rapides d’un nouveau modèle d’armée. Et ce autour de quatre piliers : la dissuasion nucléaire ; la transformation d’une armée de corps expéditionnaire en une armée apte au combat de haute intensité ; la défense du territoire ; la nécessaire maîtrise de la guerre de l’information. La redéfinition de la politique de défense de la France est donc indissociable de son redressement. Et ce à travers quatre pactes : 1. Pacte productif ; 2. Pacte inclusif ; 3. Pacte de modernisation de l’Etat ; 4. Pacte républicain.

Vers une Europe souveraine ? L’Europe ne dispose ni des moyens de sa défense, ni de son autonomie dans les secteurs clés de l’énergie, des technologies, de l’armement, voire de l’alimentation…Elle joue aujourd’hui sa survie. La décennie 2020 décidera largement du destin de l’Union, qui peut se déliter ou se transformer en acteur à part entière du système multipolaire du XXIème siècle. Pour cela, le sursaut provoqué par l’agression russe doit être converti en une stratégie à long terme de construction d’un ensemble souverain. Pour la France et l’Europe, le réarmement ne peut donc être seulement militaire ; il doit être politique, intellectuel et moral.

Conclusion L’AVENIR DE LA LIBERTé

Notre temps reste bien celui de l’histoire universelle, caractérisée par les risques planétaires liés au dérèglement climatique, aux chocs financiers, aux crises énergétiques ou alimentaires, à la révolution numérique, aux grandes migrations. Les chocs qui se sont accumulés ont non seulement fait exploser la mondialisation mais fracassé les démocraties, qui se sont trouvées en première ligne face au krach de 2008, au terrorisme islamiste, aux vagues migratoires, à la pandémie, au choc énergétique et à la résurgence de la guerre en Europe. Les démocraties sont divisées et minées par les populismes. Elles conjuguent une crise de leadership, la délégitimation de leurs institutions, les ravages de la stagflation, la déstabilisation des classes moyennes et le discrédit moral. Le Sud voit le retour en force des dictatures, à l’image du Bénin en Afrique, et la multiplication des coups d’Etat militaires, du Myanmar au Sahel. La fascination pour les hommes forts et la violence s’est répandue partout dans le monde, des Philippines à l’Arabie saoudite en passant par l’Asie centrale. L’Occident doit viser à endiguer l’expansion des empires autoritaires tout en empêchant la guerre, à réconcilier le capitalisme avec la stabilité des classes moyennes et la transition écologique, à rétablir la confiance dans les institutions et les valeurs des démocraties, à renouer avec des stratégies de long terme. Le paradoxe veut qu’une majorité de citoyens remettent aujourd’hui en cause la liberté politique aux Etats-Unis et en Europe, au moment ou des femmes et des hommes meurent tous les jours pour tenter de la défendre, comme en Ukraine, ou d’y accéder. La survie de la liberté se joue en chacun d’entre nous. Elle est indissociable de la réhabilitation de la raison, y compris dans le respect de la vérité scientifique contre l’obscurantisme, ainsi que de la responsabilité. Il n’est pas de citoyen d’une démocratie…qui puisse s’exonérer de sa part d’implication dans la déliquescence des institutions et dans l’effondrement de sa nation. Il n’est pas de citoyen d’une démocratie en crise existentielle qui puisse échapper au devoir de s’engager dans sa reconstruction. Réinventons la démocratie au XXIème siècle, engageons-nous pour la faire vivre et la défendre. La liberté est moins que jamais une rente ; elle est plus que jamais un combat.

Circé - Madeline Miller - Pocket

CircéCoup de cœur de Manon B.: Connue pour être l’une des sorcières les plus puissantes et les plus terrifiantes de son époque, Circé est généralement vue comme une déesse impitoyable ayant changé l’équipe du brave Ulysse en de pauvres pourceaux pour son bon plaisir, ayant hérité du naturel cruel et sans pitié de son père, le titan Hélios.

Afin de déconstruire ce mythe anti-féministe et de comprendre les réelles intentions de Circé, et les raisons derrière ses actions, Madeline Miller nous fait ici une méticuleuse réécriture de ce mythe. Fille ainée et mal-aimée du titan Hélios et de la nymphe Persé, Circé trouve d’abord le réconfort dans les bras de son frère cadet, puis dans ceux de Glaucos, un humain duquel elle s’éprend éperdument.

Après avoir entendu parler de ces fleurs enchantées sur lesquelles a coulé le sang des titans, Circé part à leur recherche dans le but de commettre l’irréparable: changer Glaucos en Dieu et transformer sa cousine Scylla, de laquelle l’aimé de Circé s’est lui-même épris, en un monstre abominable cachée dans les gouffres de l’océan.

Après Le Chant d’Achille, Madeline Miller nous surprend une nouvelle fois avec cette réécriture mythologique de la personnalité de Circé que nous apprenons à connaître au fil des pages qui défilent plus vite que nous ne le pensons entre nos mains. Alors que le mythe la décrit comme cruelle, nous découvrons ici une facette de cette déesse que nous n’aurions jamais pu imaginer. Maltraitée, mal-aimée, répudiée, violée, Circé enchaîne les malheurs avant de découvrir la force qui brûle en elle. Circé passe alors de prédatrice à victime.

S'informer, à quoi bon? par Bruno Patino - La Martinière Jeunesse

S'informer, à quoi bon?Émetteur du résumé : François C.

Chaque instant nous apprend quelque chose. Tout nous arrive, via Tik Tok, Instagram, Reddit, YouTube, Facebook, Snapchat, Twitch, Brut, Konbini. On nous divertit, on nous scandalise, on nous interroge, on nous bouleverse, on nous alerte, on nous raconte, on nous explique. L’information, désormais, nous atteint sans que nous l’ayons demandée. Nous n’avons plus besoin d’aller la chercher. La « fatigue informationnelle » n’est pas une vue de l’esprit, elle touche, en France, une personne sur deux, d’après la fondation Jean-Jaurès.

Nous n’avons jamais eu autant d’informations, mais « trop, c’est trop ». Certains analystes appellent cela « l’infobésité ». Dans le domaine de l’information, tous les messages ne se valent pas, et tous les émetteurs n’ont pas le même statut…L’information est le résultat d’une transformation, d’une action humaine. Elle doit mettre en jeu un processus de vérification, par un individu ou une organisation désintéressée et responsable. Ce que les Anglo-Saxons résument en trois lettres : VIA (verified, independent, accountable). En premier lieu, informer permet de contrôler la façon dont les pouvoirs se comportent.

C’est en cela que la liberté de l’information est à la racine des autres libertés : elle permet, par la dénonciation de ce qui les menace, de les protéger. En second lieu, l’information organise quelque chose que le philosophe allemand Jürgen Habermas appelle « l’espace public », i.e. un ensemble de personnes rassemblées pour discuter des questions d’intérêt commun. La qualité et la fiabilité de l’information sont des données essentielles à la qualité du débat public…Contrôler l’action des pouvoirs et organiser l’espace public : ces deux fonctions de l’information contribuent à permettre au « public » d’agir en citoyen. L’information n’est pas un don du ciel. Elle n’a pas toujours existé.

En quelques siècles, nous sommes passés de son invention à son accélération, pour aujourd’hui constater son engloutissement. D’un monde où l’information était rare, nous sommes passés à un monde où elle est surabondante, multiple, protéiforme et présente en permanence. Comme le dit le slogan du Washington Post (adopté en 2017) « la démocratie meurt dans les ténèbres », et la presse est là pour apporter la lumière. En matière d’information, il n’existe ni âge d’or ni période maudite, et toutes les époques charrient leurs propagandistes et leurs enquêteurs. L’industrie s’invite dans le domaine de l’information par l’invention des mass media : des médias qui ont les moyens de toucher un très grand nombre de personnes…Le développement des journaux à grand tirage accompagne celui de l’industrie. L’essor économique des médias audiovisuels va de pair avec celui de la société de consommation.

Le BIG BANG numérique va faire exploser ce système de diffusion de masse pour promouvoir la multiplication des canaux et, pour l’information, cela va tout changer. C’est l’écran total qui absorbe une partie croissante de nos existences via des applications qui entrent en concurrence les unes avec les autres…Tous les messages sont en concurrence pour capter notre attention à tous moments de la journée, alors même que notre temps d’attention ne cesse de diminuer (8 secondes pour les poissons rouges, 9 pour nous)…Un monde riche en messages est un monde pauvre en attention disponible. Le mélange des messages, la confusion des rôles et la viralisation nourrissent le doute sur l’identité de celui qui parle et une incertitude sur la nature de ses propos. C’est désormais le règne de l’émotion et de la croyance…Plus un message engage nos émotions, nos réactions « tripales », plus vite nous le regardons et plus nous le « viralisons ». Or, ce n’est pas parce que les réseaux n’ont pas d’idéologie qu’ils sont neutres.

Nous sommes les victimes de ce système, bien sûr, mais des victimes consentantes. Nous ne sommes pas les objets des algorithmes, nous dansons le tango avec eux. Notre cerveau adore modifier notre comportement pour que nos croyances ne soient pas remises en cause…Nous produisons nous-mêmes des arguments pour contrer les faits qui bousculent nos certitudes. Festinger appela cela la « dissonance cognitive ». Nous sommes entrés dans l’époque où la structure des réseaux (liés à leur modèle économique) et la nature humaine se font la courte échelle pour imposer, dans tous les domaines, la domination de l’émotion, de la croyance et des pulsions. Un espace public où tout le monde se croit prophète et, dans le même temps, doute de tous et de tout, nourrit un affrontement d’un nouveau genre : la guerre des récits.

A l’intérieur de chaque territoire, c’est le combat des arguments de tous contre tous, de toutes les opinions contre toutes les opinions, le combat qui remplace le débat. Cette polarisation produit une démocratie émotionnelle, une « émocratie », qui tend vers l’ingouvernabilité. Ne pas s’informer, c’est laisser entrer la guerre des récits en nous, être son objet et son sujet…L’absence d’information nourrit la défiance envers tout interlocuteur qui ne partage pas notre opinion et notre croyance, et elle nous laisse comme ballottés au rythme des buzz et des controverses. S’informer quotidiennement, c’est un peu comme les cinq fruits et légumes par jour : quelque chose qui nécessite une action de notre part, ce que les Anglo-Saxons appellent notre régime informationnel (news diet).

Ce n’est pas une contrainte, mais un outil d’émancipation individuelle, cela nourrit notre capacité d’agir. C’est pourquoi il faut, individuellement, se forcer à s’informer auprès de sources qui respectent les règles de la vérification, de l’indépendance et de la responsabilité. L’engagement pour une cause n’est pas forcément contraire à l’information. Ce qui compte, c’est de savoir si ce qui est transmis respecte la rigoureuse exactitude des faits et ne ment ni par action ni par omission.