Génération surdiplômée de Monique Dagnaud et Jean-Laurent Cassely - Odile Jacob
Émetteur du résumé: François C.
Introduction – Des 1% (les superriches) aux 20% (les superdiplômés). Changer de regard sur la société
Les 20%, épicentre des sociétés développées. La compétition scolaire, une compétition existentielle. Perspectives d’insertion professionnelle, d’aisance matérielle, de qualité de vie riment avec réussite scolaire. Les anywhere et les somewhere : le partage des sociétés entre les diplômés et les autres. Description d’une polarisation des parcours de vie, des comportements et des représentations.
Le niveau éducatif, maître étalon des disparités. Les 20% Le prolétariat culturel (13% de sans diplôme, 10% de CAP et formation professionnelle courte et 32% de juste bacheliers) ;
Les formations techniques dites courtes de niveau bac + 2 et les licences représentent 22% des nouvelles générations ;
Les masters universitaires ;
Les diplômés des « petites grandes écoles » et des écoles post-bac ;
Les diplômés des très grandes écoles post-prépa.
Les 20% : une société dans la société Postulat : les 20% forment une minisociété aux traits composites, avec ses gardiens du temple et ses contestataires
Pourquoi étudier les 20% ?
Les 1% au cœur des représentations politiques. Entre le 1% qui s’envole et la classe moyenne qui s’étiole : l’émergence des 20% Ces classes moyennes supérieures américaines sont plus riches, plus cultivées, plus compétitives, plus minces, plus sportives, plus décontractées que le reste de la société.
Elite dirigeante, sous-élite (impact socio-économique) et alter-élite (impact socioculturel) : l’archipel des 20% les plus diplômés.
1. Un jour, tu seras un « talent » Du bon élève au « talent »
Les 20%, le vivier des talents Les talents sont censés concilier une large palette de savoir-être, de savoir-faire et de savoir-paraître, de connaissances et d’aptitudes émotionnelles, de rapidité mentale et d’intuition et, last but not least, d’endurance à l’effort.
« Je savais que je voulais faire du conseil depuis l’âge de 11 ans » Maturation précoce, engagement passionné dans un secteur, talent stratégique pour progresser rapidement, pour construire une expertise, souci de se former continuellement et habileté à saisir toutes les occasions de sociabilité, de rebondissement et de prise de risques.
La méritocratie idéalisée, et sans illusions Le fait que le classement scolaire soit biaisé par l’appartenance sociale et surtout l’environnement culturel de l’enfant est un secret de polichinelle.
Le nouveau gagnant n’est plus nécessairement un premier de la classe Ces jeunes ambitionnent de tout mener de front, ou successivement, d’avoir plusieurs vies, et de conjuguer avec virtuosité réussite monétaire, bien-être personnel et participation au mieux-être de la société.
La consécration de l’étudiant globe-trotter En 2019, 10% des élèves des écoles françaises d’ingénieurs et 18% des étudiants des écoles de management débutent leur carrière à l’étranger, majoritairement dans un autre pays européen.
Un « talent » ou une qualité purement différentielle Le « talent » peut être défini comme ce gradient de qualité qui est attribué à un individu à travers des comparaisons dépourvues de repères externes absolus. La difficulté de définir le talent vient de ce qu’il est une qualité purement différentielle.
Les « talents », démiurges du capitalisme d’innovation En gros, trois filières professionnelles dominent aujourd’hui l’économie du software : les financiers/managers/commerciaux/communicants ; les technologues ; les artistes, notamment les designers.
La psyché du premier de la classe. Ethos des « talents » : une vie à se bonifier et à se choisir Ces itinéraires scolaires façonnés par l’effort, la réflexion stratégique et la capacité à saisir les opportunités forgent une mentalité particulière, « la capacité à être entrepreneur de soi-même » Celle-ci implique une impatience permanente à s’améliorer, à aller de l’avant.
L’exigence d’un retour sur investissement De ce marathon, le haut diplômé retire une conviction, celle d’être légitime où qu’il soit, et estime tout naturel de poser ses exigences en matière de contenu et de statut du travail.
L’homogamie des couples qui se forment au sein des surdiplômés Depuis le boom de l’enseignement supérieur et son ouverture aux femmes, plus le niveau de diplôme est élevé, plus on se marie, et plus on se marie entre niveaux universitaires équivalents.
L’incubation des « talents ». De la méritocratie à la parentocracy Selon Phillip Brown, l’ère de la parentocracy correspond à la privatisation familiale du système éducatif, et incarne une époque où l’éducation d’un enfant est essentiellement déterminée par le niveau de revenus et les projections de ses parents.
La douce matrice éducative des familles privilégiées à l’heure de la globalisation Dans ce système de sélection, le capital culturel de la famille d’origine compte davantage que ses ressources économiques : en témoigne la forte surreprésentation des enfants d’enseignants dans le microcosme des grandes écoles.
France/Etats-Unis : la fracture culturelle et la fracture de l’argent Les comportements familiaux de l’aspirational class américaine : parenting intensif dès le premier âge, construction de parcours dans les filières d’excellence, maturation d’un mental tendu vers la confiance en soi et l’éclosion de talents singuliers.
Les blessures de la distance culturelle face aux « talents » Ce vaste élan vers l’éducation supérieure accentue le sentiment d’angoisse de l’avenir quand les attentes (symboliques, sociales et financières) contenues dans l’idée de méritocratie scolaire ne sont pas remplies.
2. Les surdiplômés au travail, entre innovation et impact social Elite, sous-élite, alter-élite : une typologie de la classe diplômée
Trois jeunes actifs diplômés, trois salaires, trois choix de vie La plupart des salaires s’étalent entre 3000 et 6000 euros/mois pour ces trentenaires, en fonction de l’âge et de l’ancienneté. Ils figurent déjà dans les 10% les plus riches (on entre dans cette catégorie à partir d’un revenu mensuel de 3 767 euros bruts pour un individu seul).
Elite, sous-élite, alter-élite : trois nuances de surdiplômés Capitalisme d’innovation (« nouveaux métiers » et nouvelles structures) : professions du changement économique et technologique pour la sous-élite à impact techno-économique ; professions du changement socioculturel et environnemental pour l’alter-élite à impact socio-culturel.
Capitalisme d’organisation (métiers « traditionnels » et bureaucratie : (Petite) bourgeoisie économique traditionnelle pour la sous-élite à impact techno-économique ; (Petite) bourgeoisie culturelle traditionnelle pour l’alter-élite à impact socio-culturel.
Start-upeurs, consultants, écosystème de l’innovation : les nouveaux métiers de la sous-élite. Entrepreneur, le héros de notre temps ? « Ubérisation » et statut d’auto-entrepreneur, d’une part, et essor des petites entreprises innovantes et des consultants, de l’autre, sont les deux faces en miroir d’une même tendance, dont la dynamique séparée renforce les polarisations sociales.
Pourtant, l’image idyllique de la petite entreprise est à l’évidence surcotée, car la réalité est contrastée.
La start-up : le vertige du milliardaire ou le charme de l’esprit bohème ?
La start-up est fondée sur une technologie radicalement nouvelle ou un service innovant. Elle va faire bouger la société, produire de l’inédit, ce qui à sa manière rend à l’auteur du projet sa part de démiurge.
Elle est construite avec des valeurs qui sont en premier lieu le sens et le fun.
Start-upeurs artisans de solutions technologiques Un espace professionnel prospère autour des start-up, sous l’égide de l’échange d’expériences, des conseils, des études de cas, des préoccupations technologiques, des théories sur le management aux recettes des business models. Autour d’elles s’est organisé un marché fécond pour des experts en tous genres…, au point que l’on peut se demander s’il n’existe pas plus de consultants pour start-upeurs que de start-upeurs.
Le master Entrepreneuriat de HEC, fabrique de champions.
Parcours type du start-upeur français Ces trois start-upeurs, au moment de se lancer dans l’entrepreneuriat, ont négocié une rupture conventionnelle avec leur employeur précédent et ont bénéficié du dispositif Accre (Aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d’entreprise) dispensé par les Assedic aux chômeurs qui créent leur entreprise.
Mais pourquoi donc créer une start-up ? Pondération des motivations des créateurs d’entreprise : a) travailleur indépendant : travailler pour soi ; aller vite ; gagner de l’argent ou en avoir l’espoir. b) start-up : créer quelque chose de nouveau ; avoir un impact sur le monde ; se sentir fier de son image ; côtoyer les élites. c) PME : être maître de son destin ; construire dans la durée ; gagner de l’argent ou en avoir l’espoir ; croire en ce que l’on fait.
L’alter-élite : changer le monde en mode projet. Les nouveaux entrepreneurs sociaux, ou l’innovation solidaire en bandoulière
Ces nouveaux entrepreneurs se concentrent sur une finalité solidaire, sociale, environnementale à laquelle ils appliquent les méthodes de l’innovation, amenant dans l’ancien monde de la solidarité et de l’associatif un état d’esprit entrepreneurial.
Les alter-consultants et les nouveaux intermédiaires culturels
Ces « communautés », « plateformes », « réseaux », « collectifs » oeuvrent en mode projet, en petites équipes agiles et elles innovent autant par leurs positionnements que par leur fonctionnement interne. Leurs fondateurs sont des millenials, pour la plupart diplômés d’écoles d’ingénieurs et de commerce, tout comme l’écrasante majorité de leurs salariés.
Une génération en recherche de sens…et de process
Responsabilité sociale et environnementale, quête de sens des organisations, innovation produit, événementiel alternatif d’entreprise, méthodes innovantes de travail collaboratif… : domaines dans lesquels les alter-consultants et les nouveaux intermédiaires culturels exercent leurs talents.
Tiers-lieux, coworking, fablabs : les lieux de travail de l’alter-élite
En étudiant certains de ces nouveaux bureaux qui accueillent free-lances, consultants, petites structures, on découvre une autre branche de l’alter-élite, celle des créateurs de tiers-lieux.
Un cas d’étude : Yes We Camp, entrepreneur de vivre-ensemble
Depuis 2013, Yes We Camp met en place des processus de transformation d’espaces définis en microterritoires ouverts, généreux et créatifs. Selon le contexte, ces lieux empruntent les qualités de ce que peuvent être un parc, une école, un centre de soins, un fablab, une place publique ou une plage.
Derrière le succès de Yes We Camp, un entrepreneur de la solidarité.
3. Lieux, modes et styles de vie : les choix des 20% Le grand tri français : une géographie des 20%
Les anywhere de la société française sont principalement les enfants des baby-boomers des classes moyennes et supérieures de province.
Les nouveaux diplômés de la génération montante correspondent donc plutôt à la catégorie des anywhere, ces individus mobiles géographiquement et socialement selon la terminologie de David Goodhart.
136 000 ingénieurs français travaillent à l’étranger, dont près de 79 000 en Europe, près de 25 000 en Amérique du Nord et environ 17 000 en Asie.
Paris et les métropoles TGV : une géographie des 20%
Paris, la ville où les 20% pourraient devenir les 80% : une « ville superstar » qui concentre l’essentiel des entreprises innovantes, des compétences et des capitaux nécessaires à leur développement…L’agglomération parisienne regroupe 1,2 million d’emplois de l’économie de la connaissance (sur un total de 2,8 millions de salariés de celle-ci en France).
Le XIème arrondissement de Paris ou la vi(ll)e rêvée des diplômés : culture Fooding et tendance healthy, ainsi qu’innombrables espaces de coworking et coffee shops où chaque client est muni d’un MacBook.
Le XIème est une sorte de maître étalon de ces quartiers et arrondissements au cœur des richesses immatérielles : bons emplois, bonnes écoles, bons restaurants, haute qualité de vie.
Villes d’ »open space » ou villes « qualité de vie » : le dilemme des 20%.
Un modèle alternatif : la déconnexion entre le lieu de travail et le lieu de vie.
Culture, consommation et styles de vie : entre bien-vivre et alter-consommation
Un marché et une culture de premiers de la classe
L’humoriste qui passe à l’antenne est de nos jours plus fréquemment diplômé d’école de commerce ou agrégé ès lettres qu’ancien préposé à l’accueil ou standardiste de Radio France.
Humour, culture, alimentation, sport : il existe une version bac + 5 d’à peu près tout.
Les nouveaux yuppies ou les métamorphoses de la bourgeoisie française
The Socialite Family (site d’une boutique de décoration et de design parisienne) : éloge du bien-vivre et miroir des couches cultivées.
Entre bien-être et bien-vivre : le style de vie des nouveaux yuppies.
Bien-être : le sport et la discipline au centre de la vie des diplômés.
L’alimentation entre bien vivre et bien-être.
Décroissance, alter-consommation : l’alter-élite ou la politisation des modes de vie
L’alter-élite, une aristocratie de l’alter-consommation.
Du flexitarisme au « modèle amish » : jusqu’où va l’alter-consommation des diplômés ? Réduction de la consommation de viande ; utilisation de couches lavables ; achat de vêtements éthiques…Chez la nouvelle bourgeoisie, le confort et l’esthétique priment : le minimalisme chic l’emportera sur le dénuement, la mode éthique sur Emmaüs, le bio sur le jardin potager, le design DIY sur la récup’ et Naturalia sur l’Amap.
4. Les 20% et la politique : le changement sans le peuple ? La démocratie des surdiplômés
La politique, c’est notre affaire
L’intérêt pour la politique via les moyens d’information suit la courbe ascendante des diplômes et s’intensifie clairement à partir de bac + 5 (48%), connaissant même un net infléchissement à la hausse pour les individus passés par une classe préparatoire (54%).
Les hauts diplômés peuvent-ils à eux seuls gouverner un pays ?
Le diplôme n’apparaît pas comme le paramètre décisif de l’efficacité de l’action politique, alors que bien d’autres qualités demandent d’être mobilisées.
La sous-élite se pense-t-elle comme une élite ?
Un imaginaire élitaire les anime : le souhait d’avoir un impact sur la société, …le désir de participer à l’architecture de l’avenir, mais, pour presque tous, sans pénétrer dans la machinerie du pouvoir. Leur ambition concerne plutôt l’influence culturelle, par l’engagement associatif, par l’exemplarité des choix de mode de vie et par la participation à des innovations sociales ou technologiques.
Les couleurs politiques des 20% : du rose pâle aux mille nuances de vert
Ce qui frappe, c’est la force des corrélations : plus on a suivi des études longues, plus on est polarisé vers la gauche et vers le mouvement écologique.
Les 20% sont-ils (encore) l’avant-garde du changement culturel ?
Alliés des 1%, avant-garde des luttes ou échappée solitaire : les 20% au cœur des représentations politiques
Thèse de la convergence des élites : bloc élitaire (élite dirigeante et catégories supérieures) vs bloc populaire (classes moyennes et populaires) ;
Thèse de la convergence des luttes (élite dirigeante -les 1%-) vs catégories supérieures, classes moyennes et populaires ;
Thèse de l’archipel diplômé, soutenant l’hypothèse d’élites multiples et parfois opposées sur le plan politique (« double libéralisme » vs écologie et « populisme de gauche »).
Les 20% : quel ruissellement culturel ?
La superbe perdue de la Silicon Valley
Aux USA, l’image sémillante de la nouvelle élite à la fois milliardaire et anticonformiste, « riche et hip », s’est assombrie, tout comme l’évangélisme technologique émanant des mêmes milieux.
L’alter-élite et le peuple : la divergence des imaginaires
L’alter-élite semble de plus en plus acquise à l’idée d’une transition du modèle de production et de consommation de masse. Au même moment, les franges basses de la classe moyenne voient s’éloigner le compromis hérité des Trente Glorieuses, celui d’une intégration par le travail, la consommation et les loisirs. Le risque est que la divergence des imaginaires et des sens vers lesquels chacun se tourne aboutisse à une situation d’éclatement des socles de référence.
Changer le monde…ou changer son propre monde ?
La France ne peut se résumer à l’affrontement entre une minorité éclairée, même élargie à un cinquième de sa population, totalement enfermée dans sa propre version du monde, et la masse de celles et ceux qui sont distanciés par la rapidité des transformations à venir. Nous ne ressemblons pas encore au modèle américain. Mais la menace existe.
L’échappée belle des 20% sous la bannière de l’écologie
Pris entre l’opportunité de réinventer leur propre trajectoire, par choix ou par contrainte, et celle de s’engager professionnellement et personnellement dans les nouveaux territoires du développement durable et des questions sanitaires, les 20% sont destinés à donner la boussole de la transition écologique. Restant, une fois encore, les premiers ?
Le prophète et la pandémie de Gilles Kepel - Gallimard
Émetteur du résumé: François C.
Exorde L’an 2020 : la pandémie, le pétrole et le Prophète . La réislamisation de Sainte-Sophie
Ce geste hautement symbolique, enterrant la laïcité kémaliste et exhumant le califat ottoman, se déroule le jour du 97ème anniversaire du traité de Lausanne…Le coup de force de Sainte-Sophie, tout en pourfendant la laïcité, vise du même coup de yatagan à éradiquer la domination saoudienne sur l’islam sunnite, qu’avait assurée la richesse faramineuse de la plus puissante des dynasties de l’or noir.
La pandémie y porte au paroxysme les contradictions que le gouvernement nationalo-islamiste turc cherche à surmonter par la surenchère militaro-religieuse.
. Le processus d’Astana
L’expression désigne le partenariat régional créé entre la Russie, la Turquie et l’Iran (en associé mineur)…Ces trois puissances ont pour objectif commun de profiter du désengagement de Donald Trump du Moyen-Orient pour marginaliser les Etats occidentaux démocratiques, au premier chef l’Europe pourtant riveraine et mitoyenne.
. Le paradoxe libyen
Accord du 27/11/2019 entre le gouvernement libyen d’accord national dirigé par Fayez el-Sarraj et Erdogan : 1. Délimitation d’une zone économique exclusive turco-libyenne en Méditerranée ; 2. Soutien militaire d’Ankara à Tripoli (la troupe est faite de rebelles syriens islamistes, devenus les mercenaires d’Ankara en Libye).
Eté 2020 : allégeance de Malte à la Turquie, qui par sa présence militaire en Tripolitaine dispose désormais des moyens de contrôler les appareillages de boat people. En contrepartie, La Valette peut fournir à Ankara les pistes qui permettraient à ses avions de contrôler le ciel libyen.
. Apocalypse à Beyrouth
Ce cataclysme advient dans un contexte où le pays du Cèdre connaît les pires drames de son siècle d’existence…entre invasions israéliennes et implantations palestiniennes, guerre civile, occupation syrienne, pour finir en tutelle iranienne par Hezbollah interposé.
Une corruption endémique et la déliquescence de l’ensemble des services publics…un tiers des quatre millions de Libanais vivent avec moins de 4 dollars par jour…la livre s’effondre.
I. La fracturation du Golfe . Du Grand Jeu au Monopoly : axe fréro-chiite contre entente d’Abraham
Cette normalisation (accord entre les Emirats arabes unis et Israël) dessine le Grand Jeu en cours qui place en son centre le devenir des conflits syrien, libyen, voire yéménite, et s’emploie à en anticiper les conséquences en restructurant les rapports de force dans l’ensemble de la région Moyen-Orient Méditerranée.
L’ »accord d’Abraham » (13 août 2020) fait de l’Etat juif la charnière d’une entente opposée à l’axe tripartite fréro-chiite, qui s’est structuré durant la deuxième décennie du XXIème siècle entre Turquie, Qatar et Iran.
. Effets induits et effets pervers de l’entente d’Abraham
L’une des clefs de cette stratégie de bascule est l’Irak, libéré de Saddam Hussein à la suite de l’intervention militaire américaine déclenchée en mars 2003, et ultérieurement vassalisée par Téhéran.
Les engagements américains manifestent avec force la volonté d’aider l’Irak à s’émanciper de la suzeraineté iranienne – et de le positionner dans le sillage de l’entente d’Abraham.
Mais le basculement, après celui de l’Irak, de la Syrie et du Liban hors de l’emprise iranienne représenterait une débâcle géostratégique pour le régime de Téhéran qui verrait sapé son principal moyen de chantage sur le système international, à savoir sa capacité militaire de nuisance envers l’Etat juif.
. Les puissances globales au chevet de Mare Nostrum
Dans l’affrontement qui s’installe entre axe fréro-chiite d’un côté et accord d’Abraham de l’autre, deux alliances aux frontières évolutives et aux obligations mutuelles informelles, les puissances globales -les Etats-Unis, l’UE, la Russie et la Chine – s’efforcent plus ou moins de ménager la chèvre et le chou en fonction de leurs intérêts propres, évitant un engagement univoque qui pourrait déboucher par voie de suite sur un conflit mondial.
. Le grand bond en avant chinois
Pour Pékin, désormais engagé dans une compétition planétaire exacerbée contre Washington, la conclusion avec Téhéran en 2020 d‘accords léonins afin de faire de l’Iran une tête de pont des « nouvelles routes de la soie » au Moyen-Orient s’inscrit dans une logique similaire à son implantation à Djibouti – et en Ethiopie. Mais elle heurte de front également les ambitions d’un puissant acteur régional, Abou Dhabi, avec lequel le conflit dans la corne de l’Afrique joue de la sorte un rôle précurseur…Mohammed Ben Zayed dispose, après la conclusion de l’entente abrahamique, d’un très fort soutien d’Israël et des Etats-Unis.
. Le rancissement du croissant chiite
L’assassinat le 3 janvier 2020 de Qassem Solaymani…représente un important tournant, et a mis à mal la stratégie expansionniste de la République islamique jusqu’aux confins méditerranéens (Syrie et Liban).
Retraits tactiques de la République islamique dans deux relais cruciaux du croissant chiite (Irak et Liban).
Téhéran, aux abois, joue sur sa capacité de nuisance - et celle-ci ne saurait être sous-estimée.
. De l’énergie fossile à l’hydrogène vert : la voie étroite de l’Arabie saoudite
Le projet futuriste de la ville intelligente Neom -située aux frontières nord-ouest du territoire saoudien à proximité de la Jordanie, de l’Egypte et d’Israël, et bénéficiant de son propre statut juridique…D’une superficie d’environ 25 000 km2, elle a vocation, en tirant parti d’une exposition exceptionnelle au soleil et au vent, à transformer la pétromonarchie, grâce aux énergies combinées solaire et éolienne à très bas coût de revient, en géant mondial de l’hydrogène vert à l’horizon 2025.
. Yémen :la guerre sans issue
Au choléra et à la diphtérie s’est ajoutée la Covid-19, qui se répand à une vitesse rapide due à la promiscuité, l’absence d’infrastructures sanitaires et de masques, dans un pays où les hôpitaux ont été la cible de multiples bombardements. 80% environ de la population dépend d’une forme ou d’une autre d’aide humanitaire pour survivre.
Champ de bataille par procuration entre les champions des deux alliances régionales qui se sont cristallisées au Moyen-Orient et en Méditerranée, le Yémen a vocation à demeurer une zone de conflit à moyenne puis basse intensité entre celles-ci, jusqu’à ce que l’une d’entre elles fasse basculer en sa faveur le rapport de forces.
. Qatar : la résilience de l’émirat gazier
Le blocus du Qatar (juin 2017) -entraver par asphyxie économique le principal financier des Frères musulmans à travers la région et dans le monde- a constitué en rétrospective l’un des principaux signes annonciateurs de la ligne de faille qui courait entre ces deux camps au Moyen-Orient.
(Coupe du monde de football 2022) Le couronnement triomphal du Qatar attendu à l’occasion de cet événement mondialisé risque ainsi de se transformer en l’acmé de cette maladie caractéristique des pétromonarchies du Golfe, l’hubris.
II. Le Très-Proche-Orient L’expansionnisme de M. Erdogan a interpellé en direct le consensus au parfum munichois de Bruxelles…Les alliances et les ruptures sont soumises en cet automne 2020 à d’incessantes recompositions qui s’accélèrent au gré de la désagrégation du monde multilatéral.
. Populisme islamiste et splendide isolement d’Erdogan
En dépit des rodomontades populistes, le gouvernement turc ne peut se permettre un bras de fer contre une Europe qui serait unie et déterminée, dont il est tributaire infiniment plus qu’elle ne dépend de lui.
La coloration spécifique de la politique turque contemporaine qui adjoint cette touche « eurasiste », anti-occidentale et hostile à l’Union européenne à la teinte islamiste dominante, issue des Frères musulmans.
. L’eurasisme, d’Ankara à Moscou
(Poutine) D’un côté, son culte de la « terre » l’a rapproché de l’extrême droite européenne. De l’autre, elle a agrégé à sa souche panslaviste de manière croissante une composante « turco-islamique », très opportune pour offrir un cadre inclusif à celles des républiques musulmanes qui restaient dans le giron russe, du Tatarstan à la Tchétchénie, ou maintenir le lien avec celles qui étaient devenues indépendantes, comme l’Ouzbékistan ou l’Azerbaïdjan.
. Entre islamisme et irrédentisme
Mais l’équation turque se modifie dans la foulée du putsch manqué de juillet 2016 : l’augmentation de la dose de nationalisme « eurasien » dans la coalition gouvernementale, la méfiance envers Washington soupçonné d’avoir encouragé les conjurés, le rapprochement avec Moscou rebattent les cartes au sud de la frontière (Syrie).
. La réactivation de Hamas
Alors qu’en Syrie, Turcs et Iraniens parrainent deux camps ennemis, ils communient dans le patronage du mouvement palestinien au pouvoir dans la bande de Gaza.
La coordination entre Ankara, Doha et Téhéran par Hezbollah interposé, afin de mettre en orbite le chef du mouvement islamiste palestinien, s’inscrit au cœur de la stratégie de l’axe fréro-chiite face à l’entente abrahamique.
Gaza. Cette enclave côtière de 365 km2 où s’entassent deux millions d’habitants, dont la moitié est âgée de moins de quinze ans, où le taux de fécondité atteint 4,24 enfants par femme et celui du chômage moyen 53%.
L’indépendance de facto de Gaza a érigé ce quasi-Etat en relais par excellence de la stratégie iranienne du croissant chiite.
. Immixtion de Qatar et contradictions d’Israël
Ces contradictions qui paraissent défier la logique s’expliquent par le problème insoluble auquel l’Etat hébreu est confronté dans l’enclave côtière palestinienne, en instance permanente de déflagration sociale.
Il est remarquable que les deux rivaux qu’oppose le blocus de Qatar, Doha et Abou Dhabi, se retrouvent en partenaires respectifs de Gaza cerné par l’Etat juif et de ce dernier.
. L’Etat juif entre impasse palestinienne et boulevard arabe
La formalisation des relations diplomatiques et le développement des liens économiques entre Israël et les Emirats advient alors même que la situation politique intérieure israélienne connaît une double crise (perspective d’investigations policières contre M. Netanyahou et incapacité -septembre 2020- du gouvernement à faire face à la pandémie de la Covid-19).
. Le surpoids égyptien
L’an 2020 est celui où l’Egypte franchit le seuil des 100 millions d’habitants.
Cela a fait de l’Egypte sous la houlette du maréchal Sissi l’un des régimes les plus répressifs du Proche-Orient, en miroir de celui de M. Erdogan (si l’on exclut la Syrie en guerre civile).
. Le Caire dans l’entente d’Abraham
La rente militaire venant du Golfe, qui s’inscrit dans le réseau d’alliance de l’entente d’Abraham, permet à celle-ci de s’appuyer sur une armée d’un demi-million de soldats, beaucoup plus nombreuse que celle des pétromonarchies.
. Le contrôle du Nil
Ce n’est plus à l’embouchure du fleuve que se joue le conflit, mais à ses sources…L’Ethiopie a entrepris en juillet 2020 le remplissage de son « Grand Barrage de la Renaissance ». Avec un réservoir de 80 milliards de m3 localisé sur le Nil bleu, près de la frontière soudanaise, il est destiné à réguler les crues et à fournir le pays et ses voisins en électricité grâce à la plus grande centrale du continent noir.
III. De l’Afrique du Nord aux banlieues de l’Europe . La Libye entre marteau turc et enclume égyptienne
Le Gouvernement d’accord national basé à Tripoli et les Forces armées arabes libyennes de Benghazi (maréchal Haftar).
La ligne de front s’établit à la fin du printemps 2020 dans les environs de Syrte.
L’exploitation rationnelle des immenses réserves de pétrole aurait dû donner à la Libye la prospérité d’une pétromonarchie du golfe Persique. La logique rentière couplée à la dictature erratique de Kadhafi puis aux immenses appétits qu’a ouverts la guerre civile depuis 2011 en ont assuré au contraire la plongée dans une spirale infinie de malheur.
La stabilisation de la Libye et le départ de l’armée turque sont également un enjeu majeur pour l’Union européenne, confrontée à des flux migratoires récurrents en provenance des embarcadères de Tripolitaine.
. Le dilemme migratoire : entre humanitarisme et terrorisme
Le nouveau « pacte migratoire européen » (23 septembre 2020)…converge avec la proposition d’Amnesty International en faisant du sauvetage en mer une « obligation légale » et un « devoir moral » à la charge des Etats littoraux.
L’immigration a-t-elle pour aboutissement une intégration culturelle dans les pays d’accueil dont les nouveaux arrivants ont vocation à partager les valeurs, ou au contraire certains de ceux-ci font-ils peser le risque d’un « séparatisme islamiste » ?
. “La misère de la France est un paradis pour nous”
La Tunisie est louée à l’unisson pour constituer le seul Etat où le printemps arabe de 2011 a abouti à l’institution d’une véritable démocratie - alors que les cinq autres pays concernés ont basculé dans une guerre civile décennale (la Syrie, le Yémen et la Libye voisine) ou une restauration de l’autoritarisme (l’Egypte et Bahreïn)…L’indéniable progrès des libertés publiques est remis en question par une organisation socio-économique dysfonctionnelle marquée par un népotisme et une corruption qui en constituent le socle profond et dont la rémanence est facilitée par ces libertés mêmes.
. Yetnahawou ga’a ! (Qu’on les extirpe tous !)
La crise des hydrocarbures frappe en effet plus durement en Algérie que chez les autres producteurs à cause d’une population comptant 44 millions de bouches à nourrir, qui a quadruplé depuis l’indépendance en 1962…Le secteur représente 97% des exportations, 2/3 des revenus de l’Etat et 1/3 du produit national brut.
Dans cette situation très préoccupante, les privilèges de l’armée apparaissent d’autant plus exorbitants : avec 28% du budget, et 6% du PIB, elle se classe deuxième du monde en valeur relative, derrière l’Arabie saoudite et devant Israël.
Les jeunes algériens se filment souvent sur les embarcations en chantant Nrouhou ga’a (« nous partons tous ») – abandonnant le pays car, comme le dit cette autre rengaine dialectale : Blastak machi fi l’Algérie (tu n’as pas ta place en Algérie).
. Retour aux Banlieues de l’islam
L’usage du terme « islamophobie » a pour objet d’incriminer et de prohiber toute critique du dogme islamique en soi, et notamment de l’interprétation qu’en font les Frères musulmans, les salafistes voire les jihadistes.
La stratégie de victimisation a été notamment portée au paroxysme par le CCIF pour retourner la charge de la preuve contre la société française lorsque des crimes ou attaques jihadistes étaient commis.
. Le jihadisme d’atmosphère
On est passé du jihad réticulaire dont Daesh représentait l’aboutissement, à un jihadisme d’atmosphère, dont le crime de Conflans fournit le paradigme.
L’idéologie déchirant le tissu social afin de séparer « croyants » et « mécréants », « salafiste » d’un côté et « infidèle »…catégories figées qui commencent par fulminer l’anathème de l’exclusion, au moyen d’un « séparatisme » doctrinaire qui déshumanise l’ennemi désigné et interdit de faire société avec lui jusqu’à ce qu’il se soumette ou soit mis à mort.
Ce triple assassinat de Nice…établit un lien préoccupant entre les dynamiques issues de l’Afrique du Nord - pauvreté portée au paroxysme par la Covid-19 et effondrement des cours du baril, déréliction de l’ordre politique, émigration clandestine, prégnance d’une idéologie islamiste radicalisée par la doctrine salafiste de « l’alliance et la rupture » - et celles qui touchent la cohésion sociale et culturelle de l’Europe.
Epilogue Jihadisme d’atmosphère et séparatisme islamiste au miroir géopolitique . Le retour du jihad à Vienne
L’attentat de Vienne du 2 novembre. Cette ville joue plus globalement, dans la Weltanschauung islamiste, un rôle cardinal…Vienne constituait le verrou à l’invasion et l’islamisation du reste du continent, après les Balkans…Dans la mémoire islamique turque, le traumatisme de l’échec à Vienne est aussi tragique qu’est exaltée la prise de Constantinople en 1453.
Des contenus explicites sont mis en ligne sur les réseaux sociaux par des « entrepreneurs de colère », selon l’expression de Bernard Rougier, et deviendront le déclencheur de comportements qui permettent le déport de l’univers virtuel dans le monde réel – sans que la frontière entre l’un et l’autre soit bien claire.
. Témérité et limitations de M. Erdogan
Le maître d’Ankara est en conflit, à la fin de 2020, avec presque tous ses voisins et partenaires, sa seule marge de manœuvre consistant à ne pas nourrir l’ensemble de ses inimitiés simultanément, mais à les utiliser les unes contre les autres à tour de rôle, dans une forme de fuite en avant d’autant plus malaisée à gérer que la situation économico-sociale de la Turquie, otage de ces multiples aventures, ne cesse de se dégrader.
. Faillite des études arabes et impéritie occidentale face à l’islamisme
La France a chèrement payé son incapacité à communiquer en arabe, et la politique à courte vue faisant vertu de l’ignorance de cet idiome dans la certitude qu’il fallait tenir éloignés les arabisants de toute contribution aux politiques publiques sur le sujet du « séparatisme islamiste ».
Le problème posé à nos sociétés par le terrorisme jihadiste et le terreau du séparatisme islamiste dont il se nourrit est assez grave et complexe pour que ni la sottise ni l’ignorance ne concourent à sa résolution. Tout au contraire, elles l’alimentent. Mais nul n’est prophète en son pays.
Petites victoires Et si la transformation du monde commençait par vous ? de Philippe Silberzahn - Diateino
Émetteur du résumé: François C.
Le changement est avant tout social, au sens où il se construit avec d’autres personnes. Les entrepreneurs créent de nouveaux marchés, de nouveaux produits et de nouvelles organisations qui changent le monde en partant de ce qu’ils ont sous la main, en misant seulement ce qu’ils peuvent perdre, en s’associant avec des parties prenantes, et en créant le monde qu’ils veulent, pas celui qui est prédit par d’autres.
Deux principes fondamentaux des petites victoires : elles doivent partir de la réalité qu’elles veulent changer, et donc l’accepter, et elles doivent être coconstruites avec des parties prenantes qui s’engagent en ce sens.
« Viser grand » : les limites d’un modèle mental dominant
. Les limites à « agir grand » : rationalité limitée et problèmes complexes
. Rationalité limitée : étant donné ces limites, que pouvons-nous faire ?
. Problèmes complexes : Un système complexe est constitué d’un grand nombre de sous-systèmes en interaction qui nous empêchent de prévoir son évolution et le comportement de ses acteurs par une analyse préalable.
. Les croyances erronées qui nous amènent à « viser grand »
- La taille des moyens mis en œuvre doit correspondre à l’ampleur des problèmes ;
- Il faut une vision pour résoudre un grand problème ;
- Résoudre un problème complexe est une question de volonté ;
- L’ampleur perçue d’un problème est facteur de mobilisation pour le résoudre ;
- La capacité de résolution d’un problème est liée à la position hiérarchique ;
- Le changement, c’est faire table rase du passé.
Petites victoires. Qu’est-ce qu’une petite victoire ?
- Elle constitue un résultat tangible. C’est une modification réelle d’une situation qui se traduit dans les faits.
- Elle constitue un résultat complet. Le résultat doit avoir une cohérence ; il doit être abouti.
- Elle constitue un résultat mis en œuvre de façon collective.
- Elle constitue un résultat d’importance modérée.
. Intérêt d’une petite victoireElle réduit l’importance de l’enjeu et le risque pris par son initiateur. Elle réduit les exigences nécessaires pour l’accomplir et elle augmente le niveau de compétence perçu.
Une petite victoire est une initiative miniature qui teste des théories implicites sur la résistance et les opportunités.
. Petite victoire et opposition
Après chaque victoire, vous avez plus d’ennemis, et toutes choses égales par ailleurs, plus la victoire est grande, plus vos ennemis sont puissants, nombreux et déterminés.
. Dynamique des petites victoires
Une petite victoire représente un acquis sur lequel on peut capitaliser pour préparer la petite victoire suivante. Les petites victoires sont comme des pierres qu’on empile pour construire un mur.
Partir de la réalité
. La matière première : les modèles mentaux
Le travail de transformation d’une organisation doit commencer par une remise en question des modèles mentaux qui président à son fonctionnement : croyances, hypothèses, bonnes pratiques, traditions, i.e. tout ce qui concourt à former la vision du monde ou de leur environnement qu’ont les collaborateurs et l’organisation dans son ensemble.
. Agir sur les conflits
Un conflit est simplement une rencontre d’éléments, de sentiments et d’objectifs contraires qui s’opposent. Les conflits peuvent être destructeurs, mais ils peuvent être aussi créatifs.
. Faire avec ce que vous avez
Trois ressources dont vous disposez : 1. Vous-même ; 2. Ce que vous connaissez ; 3. Les gens que vous connaissez et sur lesquels vous allez vous appuyer pour avancer.
. Du grand problème à la petite victoire
Il s’agit d’identifier une ligne où les choses se connectent puis d’agir par petites victoires le long de cette ligne. Celle-ci sera toujours propre au problème posé.
. Identifier des liens de propagation : quasi-décomposabilité
Ce qui caractérise un système quasi décomposable est donc que si tout interagit avec tout au sein du système, il est néanmoins possible d’isoler certaines parties homogènes qui interagissent faiblement avec le reste. Ainsi isolées, elles peuvent avoir une taille suffisamment réduite pour être l’objet d’une action humaine par petites victoires.
Coconstruire les petites victoires
Qu’on veuille changer une entreprise, une profession, une administration ou un pays, il s’agit toujours d’un processus social d’intéressement dans lequel ce qu’on développe est l’intérêt des acteurs concernés à faire de la transformation une réussite.
. Articuler l’action individuelle et l’action collective
Lorsque le réseau des parties prenantes intéressées à la réussite de notre projet se développe, on construit une coalition qui pèse de plus en plus, sur des bases solides, car résultant d’actions concrètes.
L’un des intérêts d’ »agir petit » est en effet que l’on obtient plus facilement l’accord des parties prenantes qui ne partagent pas nécessairement vos objectifs généraux : vous visez le plus grand dénominateur commun.
. Déjouer la rationalisation de l’impuissance
Comme activiste, votre premier travail est donc de redonner aux individus autour de vous le sentiment qu’ils peuvent vraiment faire quelque chose, et obtenir une petite victoire est le meilleur moyen pour y arriver.
Une petite victoire donne le sentiment que le progrès est possible, ce qui augmente la confiance et la motivation pour rechercher d’autres victoires, déplaçant le lieu de contrôle vers l’intérieur.
. Intéressement et conflits
C’est d’autant plus important que l’on fait plus attention à ce qu’on peut perdre qu’à ce qu’on peut gagner, pour une raison simple : la perte est certaine, massive, immédiate, tandis que le gain est incertain, faible et éloigné dans le temps.
. Identifier les parties prenantes
Il faut donc voir le réseau des parties prenantes comme un objet en évolution constante en fonction de vos résultats. Ce réseau, qui est votre matière première, doit faire l’objet d’un travail de gestion explicite : recrutement de nouvelles parties prenantes, renforcement des soutiens, neutralisation des oppositions.
Tactique : allumer le feu
. Critères à respecter pour les victoires visées
Quatre critères pour viser une petite victoire : il faut que le résultat visé soit spécifique, réalisable, immédiat et relié à l’intention générale.
Les occasions de petites victoires
La question est de prendre conscience qu’un modèle n’est jamais une vérité universelle. Cette prise de conscience permet alors de tester le modèle et de l’ajuster, et c’est là que se construit la petite victoire.
. Rester dans l’expérience des parties prenantes
Envisager des actions en dehors de l’expérience des parties prenantes est une source d’échec. Cela arrive très souvent lorsqu’un activiste impatient décide une action-choc.
En bref, quand il n’y a pas d’expérience commune, il faut la créer.
. Les petites victoires sont avant tout humaines
L’ampleur du résultat importe moins que le fait de l’atteindre à deux. En tant qu’activiste, votre stratégie est sociale. Votre véritable cible n’est pas tant le résultat que la création de la relation.
. Identifier les volontaires
Votre objectif : constituer une société semi-secrète de volontaires qui partagent les mêmes modèles mentaux, et de l’animer pour permettre son développement en dégageant les obstacles sur son passage.
. Conduire des Post Mortem
Toute initiative, qu’elle se solde en petite victoire ou petit échec, doit faire l’objet d’une analyse de retour d’expérience ou post mortem.
Stratégique : petite victoire deviendra grande
. Small is big
Le changement disruptif est donc non linéaire, i.e. qu’il commence par une période d’incubation parfois très longue sans effet visible suivie d’une période dans laquelle les effets se cumulent et ont un impact massif.
. On ne gagne pas forcément en misant gros
Ils deviennent grands par une série de petites victoires qu’ils consolident.
. Eviter le feu de paille : définir un principe directeur
Le principe directeur est discriminant : il sert à dire non à certaines initiatives, si intéressantes soient-elles par ailleurs. Il sert à économiser l’énergie de l’activiste, mais surtout à donner une cohérence aux initiatives, à les relier entre elles.
. De la petite victoire à la grande solution : interdépendances
Nous avons proposé qu’au lieu de penser « problème découpé en sous-problèmes de plus petite taille », comme le suggère la pensée analytique, un problème soit plutôt abordé sous l’angle des interdépendances entres ses différents composants, et que l’identification de ces interdépendances soit faite à la lumière des modèles mentaux sous-jacents.
Le système garde une identité globale, mais s’appuie sur un ensemble de sous-systèmes plus ou moins autonomes (aspect local), mais jamais totalement séparés (aspect global).
Vous comme activiste
. La tragédie d’Ignace Semmelweis
Son échec est aussi celui de son propre modèle mental, qui consiste à penser qu’il suffit d’avoir raison pour que les autres changent d’avis, et qu’il suffit d’avoir les preuves pour les convaincre. C’est la tragédie de la plupart des activistes.
. Qui êtes-vous ?
L’organisation a besoin d’acteurs qui exposent, testent et ajustent les modèles mentaux en s’incluant dans l’équation, avec humilité, mais aussi avec détermination.
Cinq principes qui peuvent vous guider :
- Ne divisez pas le monde en deux ;
- Pariez sur la sincérité des autres ;
- Examinez le contexte ;
- Intégrez-vous à l’équation ; prenez vos responsabilités et demandez-vous ce que vous pouvez faire au lieu d’attribuer la faute à une personne absente ;
- Refuser de choisir un camp est le premier pas de l’activiste pour reformuler la question et donner une chance au compromis.
. La posture de l’activiste : colibri ou sanglier ?En tant qu’activiste, ne soyez pas un colibri ; ne faites pas votre part : inventez-la en fonction de qui vous êtes.
La question de fond pour tout activiste : que puis-je faire à mon niveau, avec ce que j’ai sous la main, susceptible d’avoir un vrai impact ?
. Deux points de posture
- Le choix des actions, qui doivent avoir un impact.
- Il s’agit, pour un activiste qui ne veut pas être toxique pour son environnement, d’être au clair sur ses motivations et ses valeurs.
. Quelle équipe ?L’apport de l’équipe est de relier la petite victoire à l’ensemble, car sinon celle-ci resterait locale et sans effet réel. L’ensemble est défini par un ou plusieurs principes directeurs, ainsi que par les modèles mentaux de l’organisation : les modèles actuels et les modèles cibles.
Petites victoires et transformation : conflits et modèles mentaux
. Modèles mentaux et prise de décision
Une façon très efficace d’aborder la transformation est de voir qu’une collectivité, quelle qu’elle soit, est définie par un ensemble de modèles mentaux et que ce sont ces modèles qui constituent le blocage.
. Priorités
Plus précisément, les modèles mentaux déterminent ce qui va être important et ce qui va être moins important, i.e. qu’ils vont déterminer les priorités des collaborateurs…Voir le management comme une définition de priorités permet d’expliquer des phénomènes difficilement compréhensibles tels que l’échec face à l’innovation de rupture ou la difficulté de se transformer malgré un objectif très clair.
. Immunité au changement
En fait le comportement le plus général est de se satisfaire d’une situation acceptable, même si elle n’est pas optimale.
Il faut toujours commencer par identifier et par célébrer ce qui a fait la réussite de votre organisation. Une fois cela fait, on pourra identifier les cas où les modes de fonctionnement peuvent être un obstacle à l’innovation…C’est une approche que nous appelons META : Modèles mentaux – Exposer – Tester – Ajuster. C’est l’essence même de l’idée de petite victoire.
Gérez votre risque
. Ne célébrez pas l’échec
Les entrepreneurs ne célèbrent pas l’échec pour la simple raison qu’ils ont réduit le risque et le coût de celui-ci au point qu’il n’ait plus grande importance. Ce qu’il faut célébrer n’est donc pas l’échec, mais l’action mesurée et prudente ; c’est le principe même des petites victoires.
N’adoptez pas une vision romantique
Les principes de contrôle de risque évoqués ici peuvent se résumer ainsi : ne faire que des choses que vous savez faire avec les moyens dont vous disposez, réduire l’ambition de chaque initiative jusqu’au point où la réussite est très probable et où le coût de l’échec est acceptable, et cocréer celle-ci avec une ou plusieurs parties prenantes, chacune misant de façon à ce que la perte soit acceptable pour elle-même, afin de pouvoir recommencer en cas d’échec.
. Petite victoire ne doit pas forcément devenir grande
Réfléchissez bien à l’intérêt de pousser votre série de petites victoires à un niveau plus élevé.
. Risque d’impatience des dirigeants
Avoir un plan permet de leur donner le change, a minima. Le rôle politique de l’équipe est d’acheter du temps par tous les moyens pour laisser les petites victoires commencer à produire leurs effets.
Le « monde d’après » ou la bataille des modèles mentaux
. Changement et identité
Le changement disruptif remet en question l’identité des individus et du collectif…Plus le changement est important, plus cette remise en cause est profonde, et plus les individus vont essayer de s’en protéger.
. L’enjeu : échapper aux modèles tout faits
Chacun avance dans « l’après » en restant bien au pied de son propre lampadaire intellectuel. Alors qu’une crise devrait être l’occasion de revoir ses modèles mentaux, elle est souvent plutôt l’occasion pour chacun de les renforcer et de compter ses troupes.
. Renforcement des modèles mentaux face à la crise
Dans cette situation, l’approche par petites victoires permet de faire naître des alternatives locales qui seront prêtes à devenir globales lorsque les actuels modèles dominants ne seront plus défendables.
. Contrôler la narration avec les modèles mentaux
Outre la gestion de l’événement lui-même, la clé dans une période de rupture va donc consister à gagner la bataille de la narration, celle des modèles mentaux, pour faire accepter le sens que l’on va donner à l’événement.
Petites victoires et grands changements
. Trois critiques de l’approche par petites victoires
- Une approche limitée dans son impact ?
L’approche incrémentale peut conduire à un grand changement à deux conditions : d’une part, elle doit reposer sur le changement des modèles mentaux ; d’autre part, elle doit être guidée par un principe directeur (modèle mental cible, qui permet de relier les petites victoires à une intention générale).- Une approche contre-indiquée en situation de rupture ?
Le principe même de l’approche par petites victoires est de produire des résultats tangibles dès sa mise en œuvre. L’approche est donc beaucoup plus robuste.- Un biais d’action hostile à l’analyse ?
L’essence de l’approche par petites victoires est l’interaction, i.e. une action avec des parties prenantes engagées, et non l’analyse…Procéder par petites victoires est le meilleur moyen de vraiment résoudre ces problèmes. . Les petites victoires permettent de résoudre le dilemme de l’innovateur
Le choix de l’innovateur est entre compromettre son activité actuelle, un risque certain, massif et de court terme, et compromettre son futur marché, un risque moins certain, de moindre importance et d’horizon plus éloigné.
En substance, la rupture correspond à des modèles mentaux alternatifs qui sont toujours considérés comme mineurs au début. D’où l’intérêt de loger l’activité de rupture dans une petite structure et de lui laisser le temps de grandir.
. Les petites victoires, une stratégie complémentaire à d’autres approches
La stratégie des petites victoires est une stratégie additive ou complémentaire. Elle n’empêche pas les grands projets par ailleurs.
Conclusion
Le changement est coconstruit. Il vient du pouvoir, et le pouvoir vient de l’organisation. En tant qu’activiste, vous devez vous organiser pour créer une coalition autour de vos modèles mentaux alternatifs, et vous le faites par une série de petites victoires que vous déterminez en cours de route selon l’évolution de la situation.
C’est une petite victoire, mais elle est à votre portée, et c’est par elle qu’il faut commencer.
Tout est calme, seules les imaginations travaillent, Chroniques d'histoire de Emmanuel de Waresquiel - Tallandier
Émetteur du résumé: François C.
L’Histoire ne se répète pas et pourtant elle est toute remplie d’échos, de reflets, de réminiscences et de rumeurs.
« M. Gide, où en sommes-nous avec le temps? » Les réseaux, l’Internet, le téléphone portable, la réalité virtuelle, bientôt l’intelligence artificielle et les objets connectés renforcent et renforceront encore un peu plus ces nouveaux rapports au temps dans lesquels nous vivons.
Deux siècles de laïcité Notre laïcité, faute de se sentir assez forte ou faute d’être comprise, n’existe plus que dans les invectives et les interdits…C’est bien grâce à sa diversité et jusque dans ses contradictions que l’Histoire peut parfois nous éclairer.
Coquillages et crustacés A force de ne pas aimer nos représentants, on en oublie qu’en France, la politique et la gastronomie ont toujours fait bon ménage.
Je préférerai toujours la bonne cuisine aux arrière-cuisines nauséeuses de la délation et de l’envie.
La guerre d’Algérie : un drame français La conscience, c’est ce qui reste lorsque le drame est consommé. Personne ne peut nous la ravir. Certains préfèrent celle des vainqueurs, d’autres celle des vaincus.
Parlez! Parlez! La propension propre aux régimes démocratiques à se muer en machines administratives et à produire, comme on aurait la courante, autant de décrets, de directives, de circulaires au nom de l’utilité sociale quand ce n’est pas par calcul politique.
A la vérité, nous sommes mauvais perdants. La gloire et le panache des mots nous font merveilleusement oublier nos erreurs et tout simplement notre incapacité à agir. Nous avons la défaite glorieuse.
Mon bureau des légendes A force de miroirs, nos vies en viennent à disparaître. Après tout, Narcisse n’y a pas survécu. C’est peut-être à cause de cela que le secret nous fascine tant. Comme si nous voulions nous sauver de l’universelle transparence par l’ombre et les mystères, des vies à double fond, la peau des masques et des légendes.
Le ministère de la Morale Nous voilà à l’ère du révisionnisme à tous les étages, comme autrefois le gaz. Cela ne s’appelle pas officiellement de la censure, cela relève d’un absurde principe moral qu’on voudrait appliquer au nom des « minorités humiliées » jusqu’à notre aptitude à comprendre, jusqu’à notre droit à connaître le passé.
Bonaparte et Monsieur Macron Mais ce qui les sépare sans doute le plus radicalement, c’est le jeu et le poids des opinions, celui des institutions, des administrations, des procédures et des lois, sans même parler de la place de la France dans le monde.
Ecrire une vie La recherche, les questions et l’analyse d’un côté, l’écriture et le récit de l’autre avec ce que cela comporte de choix, d’arbitraire, d’effets de surprise, de vitesse et de lenteur.
Le pari biographique passe autant par l’apprentissage du temps que par le plaisir d’écrire. Il constitue pour l’historien et son lecteur le plus beau des paradoxes.
Une foule de morts La guerre de 1914, elle, aura enseveli avec ses morts une société paysanne et bourgeoise séculaire, aristocratique aussi par certains aspects, et qui n’allait pas lui survivre. Un monde d’avant.
« Comment respirer au milieu de tant de haines? » s’interroge déjà Zweig en 1914. Toute l’histoire du XXème siècle se résume presque à cette question, comme si l’on avait dessiné à l’aveugle et pour plus d’un demi-siècle une vertigineuse diagonale du fou.
Solitude du pouvoir On ne comprend plus rien d’un président qui tour à tour se dérobe et s’expose. On lui prête des pouvoirs d’essence quasi monarchique et, en même temps, puisque, par le suffrage universel, il émane de la souveraineté du peuple, on répugne à le voir exercer le pouvoir en solitaire.
C’est peut-être dans ces moments-là que l’un et l’autre ont su que leur fonction les dépassait absolument, au point qu’ils ne s’appartenaient plus. La transparence et les médias n’y changeront rien. Le style et la manière des uns comme des autres non plus. La solitude demeure.
L’ère du soupçon C’était oublier un peu vite qu’il n’est pas d’Etat, fût-il démocratique, sans ombres et sans silence.
C’est que le soupçon a trouvé de nouvelles raisons de s’épanouir grâce à la multiplication des réseaux sociaux et à la tyrannie grandissante de l’émotion, qui sont autant de pièges auxquels nos démocraties se font prendre.
Mélancolie des ronds-points Il y en a près de 50 000 en France…Six fois plus qu’en Allemagne, dix fois plus qu’aux Etats-Unis.
Tout cela respire la mélancolie du vide et de l’inanité. Après tout, les ronds-points sont des no man’s land contrariants où l’on ne fait que passer.
Bref, à eux seuls, les ronds-points dont on a beaucoup entendu parler ces temps-ci sont un symptôme de notre schizophrénie. Ils coûtent cher, ils défigurent le pays et on se surprendrait presque à y voir une métaphore de la France qui tourne en rond.
Du jaune et de quelques autres couleurs A chaque époque, à chaque régime, à chaque révolte ses couleurs. Très bien. Seulement, depuis deux cents ans, la liberté, l’égalité et la fraternité ont bon dos. Je ne sais pas quelle est la couleur de la patience mais on devrait en trouver une. La République a des airs de vieille dame grise. C’est Apollinaire qui a raison : « Comme la vie est lente / Et comme l’Espérance est violente. »
Nos princes ont un visage Des portraits qui nous en disent aussi beaucoup sur la nature du pouvoir monarchique et sur ses légitimités. C’est moins l’homme que sa fonction qui est représentée ici. Les regalia -le sceptre, la main de justice et la couronne- représentent les trois pouvoirs : l’exécutif, le législatif et le judiciaire, confiés par Dieu au roi, qui caractérisent l’unicité de son commandement mais aussi son pouvoir thaumaturgique, son devoir de guide et de protecteur.
En grève ! Il n’y a pas d’autres pays que le nôtre où la politique s’est faite aussi souvent dans la rue et se mesure encore aujourd’hui à la longueur de ses cortèges.
Ce « pays-ci », comme on le disait de la cour sous l’Ancien Régime, demeurera longtemps le pays des songes. Exaltés, contradictoires, meurtris. Et, parfois, ce sont les songes qui l’emportent.
Les extrêmes se touchent En tout cas les deux côtés ont un ennemi commun : le centre modéré, progressiste, social libéral et européen. Décidément, « les extrêmes se touchent ».
En 1783 déjà, la noblesse d’un côté, la bourgeoisie de l’autre, tout à leur haine de ce qu’on appelait alors le « despotisme ministériel », avaient été jusqu’à oublier leurs différences en une improbable alliance qui avait conduit tout droit à la révolution.
Délit de fuite Il y aura désormais le Ghosn de la vie et celui de la légende.
Si Le Comte de Monte-Cristo est si réussi, c’est parce que Alexandre Dumas a su inventer Edmond Dantès quelque part entre le sommeil éternel de la prison et le rêve éveillé de la liberté, entre l’ombre et la lumière, le complot et sa résolution.
Les « mots de la tribu » A force de nous complaire en groupe dans les mêmes idées, les mêmes certitudes, nous finirons par perdre le sens de l’altérité et le goût de la contradiction. Les autres, c’est nous-même, dans une spirale sans fin d’autisme et d’enfermement.
Le rire est toujours salutaire. Il est notre politesse du désespoir. Ceux qui le pratiquent savent dire le pire pour mieux conjurer nos peurs. Nous en aurions bien besoin en ce moment. Ionesco le remarquait déjà après la guerre : « Où il n’y a pas d’humour, il y a des camps de concentration. »
Voir et rêver le monde Il n’y a pas de peur ni de morts dans les atlas, seulement du silence et des signes. J’ai toujours été fasciné par les cartes. Elles racontent une histoire et disent des choses oubliées. Ce sont des objets magiques qui permettent en quelques centimètres carrés de voir le monde et de le posséder.
La forêt, la gauche, la droite On ne dit pas assez que les forêts françaises ont doublé de surface depuis cent cinquante ans.
La France comptait 15 000 scieries en 1960, 1500 aujourd’hui. Il nous faut donc mieux produire. C’est là que le bât blesse.
Ce qui reste est toujours ce qui nous échappe, la forêt des songes, des présages et des sortilèges, celle du temps aboli, « la cité des arbres », « le grand large des bois », comme dirait Gracq. La seule chose qui compte vraiment.
Un voyage en Provence Je donnerais bien la moitié de ma vie pour voyager comme autrefois. L’excitation des départs, le plaisir de l’arrachement, les chemins de traverse, les hasards et la surprise ne font plus partie de nos vies.
La lenteur des voyages, les hasards, l’étrangeté ont toujours été pour moi synonymes de sensualité et d’heures abandonnées.
Les plus beaux voyages sont les voyages imaginaires.
Le juge, le censeur et les indics Ce qui différencie le signalement de la dénonciation et la dénonciation de la délation n’a bien souvent que l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette et cette épaisseur-là tient tout entière dans notre jugement.
Le problème c’est que toutes nos grandes crises politiques ont charrié avec elles leur lot de haines, d’idéologies, de rancunes et de jalousies.
J’ai toujours eu de l’affection pour ceux qui aux plus détestables moments de notre histoire ont eu le courage de se lever contre la « vertu » surveillante.
Vous avez dit Brexit? Je comprends pourtant les Anglais et je me surprendrais presque à devenir proche d’eux lorsque j’observe de l’autre côté de la Manche, mon pays des gilets jaunes, des normes, de la peur, des blocages et des râleries, tout ce à quoi ils échappent en partie.
Deux cathédrales Notre capitale est pleine de monuments qui nous rappellent nos guerres et nos divisions…Notre-Dame de Paris est le contraire de tout cela. Tout s’est passé dans notre histoire comme si nous avions voulu déposer à ses portes nos haines et nos rancunes.
La bêtise et la négligence ordinaire font parfois plus de ravages que toutes les haines du monde.
Une paix pour rien? Et de Gaulle d’évoquer lui-même « cette flamme d’ambition nationale, ranimée sous la cendre au souffle de la tempête », avant d’interroger sans transition, en visionnaire inspiré, la tragédie de la paix : « Comment la maintenir ardente quand le vent sera tombé? »
Vieux papiers, vieilles affiches Aujourd’hui, nous avons le verre, l’acier, les panneaux JCDecaux et l’affichage électronique sans invention ni superflu. Toutes ces choses anciennes du siècle passé n’existent plus. Elles ont le charme fragile des traces et du temps. Peut-être les aimons-nous parce qu’elles tapissent encore le fond de nos souvenirs.
Le plaisir de l’archive inédite Ouvrir un carton d’archives, défaire le lien de soie ou la ficelle qui tient ensemble la liasse des documents que l’on va lire, tout cela a quelque chose à la fois du rite d’initiation et de l’opération alchimique.
La séparation d’avec le temps, l’amnésie, l’oubli ont des allures de morgue et de charnier.
Champion du monde Heureusement, il nous reste en France les parfums, les vins et la cuisine. Ah! La cuisine! Elle survivra, j’en suis sûr, à tous les virus. Depuis que la gastronomie française a été inscrite par l’Unesco (en 2010) au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, nous ne nous sentons plus d’aise, comme disait La Fontaine de son corbeau.
La France des angles morts Ce genre de moments tient à peu de chose : une porte qu’on ouvre, la pénombre, l’inattention, le choc et la surprise. Quand parfois l’Histoire rencontre la vie, dans la confusion de ses traces et la conviction que dès lors nos questions ne seront plus les mêmes.
Nos « 18 juin » Il y a des dates comme cela, où les événements se télescopent et se bousculent comme s’ils avaient choisi d’advenir le même jour. Le 18 juin est de celles-là, tel un aimant qui attirerait à lui depuis des siècles le meilleur et le pire de nos vieilles querelles.
« L’Histoire, c’est la rencontre d’une volonté et d’un événement », disait encore de Gaulle. Nous savons bien qu’elle est beaucoup plus que cela, mais parfois, à certaines dates, en faisant de nous les héritiers de ce que nous avons de plus précieux et dont nous nous souvenons à peine : la résistance et la liberté, elle prend des allures de parabole : « Qu’as-tu fait de tes talents? »
L’adieu au cavalier Il y aura toujours des « dernières fois ». Il y aura toujours des écuyers noirs à cheval pour hanter nos souvenirs. Je les salue en cavalier. « Calme, en avant, droit. »
La dette et nous (Italie et France) Nous ne partageons pas seulement avec nos amis italiens ce que nous avons de bien : la littérature, les arts et la peinture. Nous sommes si proches que nous avons aussi les mêmes défauts : une certaine désinvolture vis-à-vis de l’argent public et une capacité non moins certaine à nous endetter sans nous en soucier plus que de raison.
Molière parmi nous Les Tartuffe, les Harpagon, les Alceste, les Jourdain sont toujours là. On les croise matin et soir.
Molière est certainement un bon sujet de biographie, mais c’est surtout lui le biographe, et parmi le meilleurs.
Les îles de mon enfance Les métamorphoses ont leurs lieux et ces lieux ont une histoire. L’eau entoure à nouveau le Mont, mais qui se souvient encore des treize longs siècles de résistance de ce rocher héraldique posé tout droit sur la mer? Le temps, comme nos démons, change si souvent de visage!
La République, le pardon et l’oubli Nos démocraties essoufflées, mal protégées des nouveaux pouvoirs théocratiques, de plus en plus interrogées et malmenées par les réseaux sociaux, sont en crise…Nous avons oublié que si, depuis deux cents ans, nous sommes arrivés à résoudre certains de nos conflits, c’est par les voies difficiles et délicates de l’oubli. L’amnistie nous a longtemps tenu lieu d’absolution.
Nos cousins italiens Les Italiens nous doivent peut-être un peu, nous leur devons infiniment plus. Cela tient à l’air qu’ils respirent, à leur facilité d’être avec les autres, au besoin qu’ils ont de vous rendre heureux, au phrasé et au son de leurs voix. Sans eux, nous ne serions pas tout à fait ce que nous sommes. Cela n’a pas d’âge. C’est peut-être cela, la civilisation.
Qui sont les traîtres? Voyez Talleyrand On n’a pas compris que, toute sa vie, Talleyrand a essayé de faire en sorte que la machine de l’Etat verse le plus doucement possible. On n’a pas compris non plus qu’il a œuvré pour sa grandeur une fois passées les crises, mais avec des méthodes et un état d’esprit hérités de l’Ancien Régime, parfaitement étrangers aux hommes du XIXème siècle et, ce faisant, du XXème siècle. La modération, le compromis, la négociation en lieu et place de l’affrontement, la temporisation et, au bout du compte, si cela se révèle vraiment nécessaire, le double jeu.
Virus Quand la mort approche, la littérature n’est jamais loin. Nous n’en sommes plus là, nos victimes sont moins nombreuses, et pourtant les épidémies sont aux hommes ce que l’Histoire est à la folie. La médecine n’y peut rien et la raison s’en fiche. On avait peur en 1348. On aura peur quand cela recommencera.
Une épidémie de mots Avec ça, vous êtes prévenus, nous sommes en guerre. Bref, lavez-vous les mains de toute cette bouillie pour les chats si vous le voulez. Mais franchement, si vous n’avez pas envie de vomir, c’est que vous êtes contaminés.
C’est la rentrée! Notre ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, a des airs de général en chef obsédé par le vertige de la défaite et du déclassement. Il n’est plus question que de plans « ultra-volontaristes » contre le décrochage scolaire, d’« aides personnalisées » et « d’évaluations » obligatoires.
Un roi sans divertissement Mais après quarante ans de règne et une abdication (en 2014, en faveur de son fils), le vieux monarque « émérite » Juan Carlos est nu, terrassé par son inconstance et sa cupidité. Peut-être, au fond, avait-il fini par s’ennuyer d’être roi. Les démocraties veulent bien qu’on les sauve. Elles ne tolèrent plus les écarts.
Rêverie dans une librairie Je poussais la porte d’une librairie comme d’autres seraient entrés dans une chapelle. C’était pour moi un acte de foi et presque une communion. Ce l’est encore aujourd’hui.
Fractures françaises Il faut passer par l’histoire si l’on veut saisir toute la complexité des fractures qui nous habitent, jusqu’à nous traverser individuellement de part en part.
Les paradoxes de 1789 sont innombrables : entre les intérêts et la vertu, l’ombre et la lumière, la transparence et le secret, le centre et la périphérie, la rue et la représentation. Ce qui n’est pas visible nous atteint souvent plus que ce qui l’est. Et ce qui est invisible appartient à l’Histoire. Un préfet de la Restauration a tout dit de cela dans l’un de ses rapports en 1821, alors qu’il évoquait Napoléon et sa légende : « Tout est calme. Seules les imaginations travaillent. »
Où sont nos années folles? Les grandes crises ont toujours été suivies de bouleversements sociaux. Elles font des perdants et des gagnants, des pauvres et des riches, ceux qui rattrapent le temps perdu et ceux qui restent au bord du chemin. Elles changent les mœurs et les mentalités.
Le grand vide des périodes d’après-guerre, leur absence de sens, le malaise d’une génération entière ont toujours senti le soufre et le fagot.
L’automne, ma saison mentale Si les saisons avaient une couleur politique, je mettrais volontiers le printemps à gauche et l’automne à droite. Pas la droite du progrès, celle des écrivains, des minutes de sable et des souvenirs. L’automne a toujours eu pour eux des airs d’apocalypse et de fin du monde.
Les héros romantiques meurent presque toujours en automne. C’est la saison des défaites, le chant du cygne des vaincus.
S’il restait aujourd’hui un lieu pour les poètes, ce serait en automne.
L'économie de demain, les 25 grandes tendances du XXIe siècle de Bastien Drut-De Boeck Supérieur (Actualités)
Émetteur du résumé: François C.
1- La population vieillit
42 ans et demi : âge médian des Européens en 2020.
2- La population mondiale croît de moins en moins vite
Elle pourrait atteindre son pic en 2064.
3- La croissance économique est plus faible
La croissance et quatre « vents contraires » : la démographie, l’éducation, les inégalités et la dette publique.
4- Les taux d’intérêt sont durablement bas
5- Le coût du changement climatique augmente rapidement
En 2100, le PIB par habitant sera in fine inférieur de 23% à ce qu’il aurait été sans changement climatique.
6- La transition énergétique commence
26,9% : part des énergies renouvelables dans la génération d’électricité au niveau mondial en 2019.
7- La biodiversité est en danger
25% : part des espèces animales et végétales connues qui sont menacées.
8- Le plastique envahit la Terre
9% : part des 8300 millions de tonnes de plastique vierge produit sur la période 1950 – 2015 qui a été recyclée.
9- La mondialisation s’essouffle
2008 : année où le commerce international a atteint son plus haut niveau.
10- La mondialisation est contestée
Cela amène et amènera de plus en plus au rejet d’accords commerciaux, ou à leur renégociation.
11- Les migrations sont plus nombreuses
272 millions ; nombre de migrants internationaux dans le monde en 2019.
12- L’urbanisation se poursuit
55,7% : part de la population mondiale vivant dans les zones urbaines en 2019 (39,3% en 1980).
13- Les inégalités ont augmenté dans les pays riches
Fin 2019, la moitié de la population américaine la plus pauvre ne détenait que 1,4% du patrimoine total des Américain. Les 1% les plus riches détenaient à eux seuls 32,7% du patrimoine total.
14- Les inégalités ont reculé au niveau mondial
9,2% : part de la population mondiale vivant avec moins de 1,90 dollar par jour en 2017. Elle était de 43% en 1980.
15- Le concept de revenu universel émerge lentement
16- Les employés ont perdu de leur pouvoir de négociation
9% : taux de syndicalisation en France en 2018 ; il était de 23% en 1975.
17- Les compétences recherchées changent rapidement
80 millions d’Européens dont les compétences ne sont pas en phase avec leurs emplois (OCDE)/la formation tout au long de la vie pour remédier à l’obsolescence des compétences.
18- La dette est de plus en plus élevée
124% : ratio dette sur PIB des pays développés pris dans leur ensemble en 2020.
19- Les banques centrales « monétisent » la dette publique
1850 milliards d’euros : montant de titres que l’Eurosystème a annoncé qu’il pourrait acheter d’ici mars 2022.
20- La monnaie se digitalise
L’ “euro numérique” pour la zone euro.
21- Le dollar, hégémonique, est sans concurrent
61% : part des réserves de change mondiales libellées en dollars en 2019, alors que les USA ne représentaient que 15% du PIB mondial.
22- La digitalisation s’accélère
2 heures et 12 minutes : temps moyen passé chaque jour par les Français sur Internet en 2019.
23- Les géants du numérique sont en position de quasi-monopole
Les systèmes d’exploitation Android et iOS sont présents, à eux deux, sur plus de 99% des smartphones dans le monde.
24- La lutte contre l’évasion fiscale se met en place
500 à 600 milliards de dollars : manque à gagner pour les gouvernements chaque année.
25- La finance responsable prend son essor
258 milliards de dollars : montant d’obligations vertes émises au niveau mondial en 2019.
Le serpent majuscule de Pierre Lemaître - Albim Michel (roman noir)
Coup de cœur de notre ancienne collègue Élodie, qui travaille à la librairie de fil en page:
Mathilde, la soixantaine, est une petite dame qui se fond dans la masse. Pourtant, sous ses airs de mamie un peu bougonne se cache une tueuse redoutable qui exécute ses missions sans un accro. Mais voilà qu’avec l’âge sa mémoire lui joue des tours, ce qui, combiné à une gâchette un peu facile, n’est pas sans faire d’innocentes victimes…
Un roman noir drôle et savoureux sur les traces d’une vieille dame aussi attachante que déjantée.
LA TECHNIQUE DES ÉTINCELLES - 80 clés pour rebondir en période de changement de Vanessa CAHIERRE et Nadège FOUGERAS - Ed. de La Martinière
Émetteur du résumé: François C.
Ch. 1 FAIRE CONFIANCE À NOS ÉMOTIONS ET NOS BESOINS POUR GUIDER NOS ACTIONS
- Mettre des mots sur ce que nous ressentons
- Apprendre à décrypter nos besoins derrière nos émotions
- Doper nos émotions positives
- Accepter de vivre nos émotions négatives
- Veiller à équilibrer nos émotions positives et nos émotions négatives
Ma bulle d’énergies positives: Le pouvoir incroyable des odeurs
Ch. 2 DÉBRANCHER! ALTERNER CONNEXION ET DÉCONNEXION
- L’importance d’alterner connexion et déconnexion
- Pourquoi est-ce si important de privilégier des phases de récupération?
- La méthode Vittoz: émissivité et réceptivité
- Comment développer sa réceptivité, se connecter à ses cinq sens?
Ma bulle sensorielle: Comment la créer?
Ch. 3 BOOSTER SON ÉNERGIE PHYSIQUE
- Notre corps est notre meilleur allié
- Notre corps nous parle et nous envoie des signaux
- Booster notre D.O.S.E. ou comment stimuler les hormones du bonheur
- Trouver la bonne activité physique.
- Bien se nourrir : un esprit sain dans un corps sain
- Capitaliser sur le sommeil
Ma bulle d’énergie corporelle: Se créer des routines
Ch. 4 GOÛTER À LA SÉRÉNITE DE VIVRE LE MOMENT PRÉSENT
- Être dans le moment présent
- Les bienfaits de la méditation
- Les pratiques formelles
- Les pratiques informelles
- Le pouvoir magique des synchronicités
Ma bulle de rituels zen: Vivre l’instant présent
Ch. 5 L’ART DE CULTIVER DES RELATIONS POSITIVES
- Comment cultiver les relations positives?
- Communiquer avec authenticité
- S’inspirer des expériences des autres
- Puiser de l’énergie dans les émotions partagées
Ma bulle de partage: Planifier et créer de bons moments avec notre entourage
Ch. 6 S’EXERCER A LA GRATITUDE ET CONTRIBUER À UN MONDE MEILLEUR
- Qu’est-ce que la gratitude ?
- Que se passe-t-il dans notre cerveau quand on pratique la gratitude?
- Comment pratiquer la gratitude dans notre quotidien?
- Retrouver la joie d’être généreux. L’acte gratuit
- Simplifier son espace. Être plutôt qu’avoir
Ma bulle de gratitude: Envers moi, envers les autres, envers le monde
Ch. 7 ET SI LE CHANGEMENT NOUS PERMETTAIT DE NOUS RÉALISER?
- Donner du sens à nos actions
- Démultiplier son énergie avec le flow
- Goûter aux bienfaits de «l’optimalisme»
- Concentrer son énergie sur l’essentiel
- Ouvrir le champ des possibles grâce à la créativité
- Se fixer des objectifs pour soutenir nos efforts
- Célébrer tous ses succès, même les plus petits
Ma bulle d’étincelles
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CITATIONS :
Ben-Shahar La différence essentielle entre le perfectionniste et l’optimaliste est que le premier refuse essentiellement la réalité tandis que le second l’accepte.
Cabral Bienheureux est celui qui sait que partager une douleur revient à la diviser et que partager une joie revient à la multiplier.
Chopra Au centre du mouvement et du chaos, restez calme intérieurement.
Dürkheim Il y a deux façons de grandir, la souffrance et l’émerveillement.
Goethe Voyage avec deux sacs. L’un pour donner, l’autre pour recevoir.
Harrus-Révidi Avant d’être pensé, le monde qui nous entoure est vu, senti, entendu, charnellement vécu.
St. Jobs La créativité, c’est seulement mettre les choses en connexion. Quand vous demandez à des gens créatifs comment ils ont fait telle ou telle chose, ils se sentent un peu coupables parce qu’ils n’ont pas vraiment fait quelque chose. Ils ont juste vu quelque chose. ça leur a semblé évident après-coup. C’est parce qu’ils ont été capables de connecter des expériences et de les synthétiser sous une nouvelle forme.
CG Jung L’homme mérite qu’il se soucie de lui-même car il porte dans son âme les germes de son devenir.
Lacroix La vie est une alternance de mouvements et de repos. Tantôt nous tendons le ressort de notre être. Tantôt, au contraire, nous sommes dans la détente de notre être. Cette pulsation de l’activité et du lâcher-prise, la vita activa et la vita contemplativa, rythme le cours de l’existence.
Je suis responsable de mes paroles, de l’impact psychologique de mes paroles.
Le Breton Être à l’écoute de soi tout court, sentir sa présence au monde et s’en émerveiller. Voilà qui nourrit le sentiment que vivre est une chance.
Fr. Lenoir L’une des clés essentielles d’une « vie bonne » réside dans le non-attachement aux objets.
Monbourquette Si on ne pardonne pas, on ne peut pas être dans l’instant présent. On s’accroche au passé et on se condamne à rater son présent. Et en plus, on bloque son avenir.
Odoul Le langage du corps est un langage qui ne ment pas, qui est précis et direct.
Pivot La rêverie vagabonde est nécessaire à une bonne hygiène de vie, à l’équilibre de l’homme dans la bourrasque quotidienne.
Ricard Plus je ressens, dans la journée, dans la vie, des émotions positives, de l’affection, de l’admiration, de la compassion, du bien-être, de la joie, de l’élévation, moins il y aura de l’espace pour l’apparition, l’expansion et la flambée des émotions douloureuses, destructrices et négatives.
Salomé Sachant que tout ce qui ne s’exprime pas s’imprime, il est souhaitable de favoriser l’expression au-delà de l’émotion ou du retentissement. Cette pratique permettra d’éviter quelques somatisations, du stress et de l’angoisse.
Sénèque Être heureux, c’est apprendre à choisir. (…) Bien vivre, c’est apprendre à ne pas répondre à toutes les sollicitations, à hiérarchiser ses priorités.
Soulages Si l’on sait qu’on ne sait pas, si l’on est attentif à ce que l’on ne connaît pas, si l’on guette ce qui apparaît comme inconnu, c’est alors qu’une découverte est possible.
Thich Nhat Hanh Vivre en pleine conscience, ralentir son pas et goûter chaque seconde et chaque respiration, cela suffit.
Vittoz La concentration est la faculté de pouvoir fixer sa pensée sur un point donné, de suivre le développement d’une idée sans se laisser distraire, simplement de pouvoir s’abstraire dans un travail quelconque.
St. Zweig La pause, elle aussi, fait partie de la musique.
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Leçon d'un siècle de vie d'Edgar Morin - Denoël
Émetteur du verbatim: François.C
1. L’IDENTITE UNE ET MULTIPLE Je suis un Tout pour moi, tout en n’étant quasi rien pour le Tout. Je suis un humain parmi huit milliards, je suis un individu singulier et quelconque, différent et semblable aux autres. Je suis le produit d’événements et de rencontres improbables, aléatoires, ambivalentes, surprenantes, inattendues. Et en même temps je suis Moi, individu concret, doté d’une machine hypercomplexe auto-éco-organisatrice qu’est mon organisme, machine non triviale, capable de répondre à l’inattendu et de créer de l’inattendu. Le cerveau donne à chacun l’esprit et l’âme, invisibles au neuroscientifique qui analyse le cerveau, mais émergeant en chaque humain dans sa relation avec autrui et le monde.
Chacun d’entre nous est un microcosme, portant à l’intérieur de l’unité irréductible de son Moi-Je, souvent inconsciemment, les multiples Touts dont il fait partie au sein du grand Tout. Ces multiples Touts sont constitués de la diversité de nos ascendances familiales et de nos appartenances sociales.
Le refus d’une identité monolithique ou réductrice, la conscience de l’unité/multiplicité (unitas multiplex) de l’identité sont des nécessités d’hygiène mentale pour améliorer les relations humaines.
2. L’IMPREVU ET L’INCERTAIN De ma chance de vivre est venue la suprême malchance, le malheur de perdre ma mère à l’âge de dix ans…Et du malheur initial, qui n’a cessé d’être malheur, sont venus les grands bonheurs de ma vie.
Le hasard, c’est évidemment l’imprévisible… L’imprévisibilité demeure dans l’irruption de l’inattendu, accident ou création. Bref, je crois qu’on ne saura jamais si le hasard est vraiment du hasard.
Chance et malchance vont ainsi se succéder, liées à l’imprévu, pour ne pas dire au hasard.
Je pourrais continuer avec chance et malchance, malheur et bonheur, puisque le malheur de la mort de mon épouse Edwige a été suivi un an plus tard de la rencontre très improbable, par un extrême hasard, avec Sabah, qui me donne la vie.
La vie, pour tout être humain, est dès la naissance imprévisible, nul ne sachant ce qu’il adviendra de sa vie affective, de sa santé, de son travail, de ses choix politiques, de sa durée de vie, de l’heure de sa mort.
Nous avons beau nous croire armés de certitudes et de programmes, nous devons apprendre que toute vie est une navigation dans un océan d’incertitudes à travers quelques îles ou archipels de certitudes où nous ravitailler.
Ici je veux souligner qu’une des grandes leçons de ma vie est de cesser de croire en la pérennité du présent, en la continuité du devenir, en la prévisibilité du futur. Sans cesse, tout en étant discontinues, les irruptions soudaines de l’imprévu viennent bousculer ou transformer, parfois de façon heureuse parfois de façon malheureuse, notre vie individuelle, notre vie de citoyen, la vie de notre nation, la vie de l’humanité.
Toute vie est incertaine, elle rencontre sans cesse l’imprévu. La malchance peut devenir chance et la chance peut devenir malchance. L’adversité peut apporter des bienfaits ; le malheur peut susciter du bonheur.
3. SAVOIR VIVRE De fait, l’aspiration à se réaliser incividuellement tout en étant lié à une communauté et/ou à autrui présente un antagonisme interne potentiel et peut créer de difficiles problèmes, mais elle demeure une aspiration humaine fondamentale.
L’état poétique donne le sentiment du bonheur, le bonheur a en lui-même la qualité poétique. Et, pour moi, l’état poétique est sous-jacent à tout bonheur, il est au cœur de tous les bonheurs, fugitifs ou durables.
Cela pour dire que la poésie commence avec la vie ; elle éclot dès qu’apparaît ce que nous nommons « joie de vivre »…
Je veux surtout évoquer ce que j’ai appelé les extases de l’histoire, moments extraordinaires, rares et fugitifs, d’émancipation, de liberté, de fraternité, comme le fut pour moi et tant d’autres la libération de Paris.
C’est dire que l’état véritablement poétique, celui qui s’épanouit, ne saurait être fermé. Il nourrit sa poésie de l’ouverture, ouverture à autrui, ouverture au monde, ouverture à la vie, ouverture à l’humanité.
Le Savoir Vivre associe l’aspration à la « vraie vie », le besoin de réaliser ses aspirations personnelles dans la relation permanente entre le Je et le Nous, la qualité poétique de la vie, la satisfaction du désir de reconnaissance.
4. LA COMPLEXITE HUMAINE Je découvrais que le mythe, la religion, les idéologies, constituent une réalité humaine et sociale aussi importante que les processus économiques et les conflits de classes, ce qui me fit abandonner la conception marxiste rationalisant l’histoire humaine à partir de l’infrastructure économique.
Aussi vivre est-il un art incertain et difficile où tout ce qui est passion, pour ne pas succomber à l’égarement, doit être surveillé par la raison, où toute raison doit être animée par une passion, à commencer par la passion de connaître.
Les relations entre sapiens, demens, faber, mythologicus, oeconomicus, ludens et liber peuvent être en chaque individu flexibles et changeantes…Les relations entre rationalité/passion/délire/foi/mythe/religion sont en chacun permutables, instables et modifiables. L’humain n’est ni bon ni mauvais, il est complexe et versatile.
Cette complexité individuelle est un des trois termes de la trinité complexe individu/société/espèce qui définit l’humain…Dans cette trinité humaine comme dans la Sainte Trinité, chacun des termes est à la fois générateur des autres et généré par les autres.
5. MES EXPERIENCES POLITIQUES : DANS LE TORRENT DU SIECLE Sans doute la conscience d’être issu d’un peuple maudit durant un millénaire, entretenue par la virulence de l’antisémitisme des années 1930 – 1940 fortifia en moi la compassion pour tous les maudits, vaincus, asservis, colonisés. Mais j’ai toujours voulu me situer au niveau universaliste de l’humanisme.
Quelles leçons tirer de cette expérience? Celle de l’inconscience somnambulique propre aux époques précédant et préparant les désastres historiques. Celle des conséquences énormes des erreurs, aveuglements, illusions des dirigeants et des populations. Celle de l’incapacité générale de saisir le caractère nouveau des totalitarismes…
Au XXIème siècle, il est d’autant plus important de comprendre la capacité d’Etats à esclavagiser et à domestiquer les esprits qu’il se forme actuellement tous les éléments d’un néototalitarisme dont le premier modèle s’est installé dans l’immense Chine.
Je tire de ces années la leçon qu’une progression économique et technique peut comporter une régression politique et civilisationnelle, ce qui à mes yeux est de plus en plus patent au XXIème siècle.
Enfin la pandémie du Covid, suscitant une crise planétaire multidimensionnelle, devient un élément nouveau de précarité, d’incertitude et d’angoisse.
6. MES EXPERIENCES POLITIQUES : LES NOUVEAUX PERILS Dès mon livre Terre-Patrie, j’étais conscient du fait que la mondialisation techno-économique avait créé une communauté de destin entre tous les humains dans le déferlement économique planétaire, la dégradation de la biosphère, les périls dus à la multiplication des armes nucléaires.
Une des plus grandes leçons de mes expériences, c’est que le retour de la barbarie est toujours possible. Aucun acquis historique n’est irréversible.
Je prévois la possibilité du pire, voire sa probabilité, mais le pire n’est pas sûr, l’improbable est lui aussi possible, tout comme l’imprévisible.
L’humanisme régénéré se fonde sur la reconnaissance de la complexité humaine et la plénitude des droits à tous les humains quels que soient leur origine, sexe ou âge. Il puise aux sources de l’éthique qui sont solidarité et responsabilité.
Ce qui m’est apparu de plus en plus nettement avec le temps, c’est que dans l’univers physique et biologique, les forces d’association et d’union se combinent avec celles de dispersion et de destruction…Cette dialectique peut être symbolisée dans l’histoire humaine par la relation indissoluble entre Eros, Polémos et Thanatos. Il me semble bien que Thanatos soit le vainqueur final, mais il est évident pour moi que, quoi qu’il arrive, notre vie ne peut avoir de sens qu’en prenant le parti d’Eros.
7. L’ERREUR DE SOUS-ESTIMER L’ERREUR Le risque d’erreur et d’illusion est permanent dans toute vie humaine, personnelle, sociale, historique, dans toute décision et action, voire dans toute abstention, et il peut conduire à des désastres.
Je regrette donc mes erreurs et ne les regrette pas, car elles m’ont donné l’expérience de vivre dans un univers religieux absolutiste qui, comme toute religion, a eu ses saints, ses martyrs et ses bourreaux. Un monde qui rend halluciné, dégrade et détruit les meilleurs. Mon séjour de six ans en Stalinie m’a éduqué sur les puissances de l’illusion, de l’erreur et du mensonge historique.
La connaissance ne se construit pas sans un risque d’erreur. Mais l’erreur joue un rôle positif quand elle est reconnue, analysée et dépassée. « L’esprit scientifique se constitue sur un ensemble d’erreurs rectifiées », écrivait Bachelard.
Des millions de personnes crurent que la révolution culturelle chinoise était une grande étape du progrès communiste, alors que c’était une folle hécatombe, faisant des millions de victimes.
L’expérience m’a démontré que le danger d’être mal informé est très grand quand on ne dispose ni de plusieurs sources ni d’avis différents sur un même événement. Ce sont ces deux pluralités qui peuvent nous permettre de nous faire une opinion, et souvent -pas toujours- d’éviter des erreurs.
Il est important, dans un monde en constante transformation, de faire tous les dix ans une révision de sa vision du monde…L’histoire humaine est relativement intelligible a posteriori mais toujours imprévisible a priori.
Il faut savoir plus généralement que l’occultation des complexités, i.e. des relations indissolubles entre des composants différents relevant de disciplines compartimentées, conduit à l’erreur.
Chaque vie est une aventure incertaine. On peut se tromper dans ses choix : amicaux, amoureux, professionnels, médicaux, politiques. Le spectre de l’erreur nous suit pas à pas.
CREDO Chacun porte en soi le double impératif complémentaire du Je et du Nous, de l’individualisme et du communautarisme, de l’égoïsme et de l’altruisme. La conscience de ce double impératif s’est profondément enracinée dans mon esprit au fil des années. Elle m’a toujours poussé à entretenir et à fortifier la capacité d’amour et d’émerveillement en même temps que la résistance obstinée à la cruauté du monde.
Ma leçon ultime, fruit conjoint de toutes mes expériences, est dans ce cercle vertueux où coopèrent la raison ouverte et la bienveillance aimante.
*
L'ouragan sanitaire,comment sortir de la pandémie du Covid-19 et préparer l'avenir? - Odile Jacob
Émetteur du verbatim: François C.
Les épidémies, loin d’être à oublier, doivent aujourd’hui être considérées, à la fois, comme des catastrophes naturelles réclamant anticipation et préparation, pour ne pas trop subir, et comme des accidents technologiques invitant à réfléchir au développement des activités humaines et à les infléchir.
Première partie L’HOMME FACE AUX PANDEMIES : UN COMBAT DE SISYPHE Ch. 1 Brève histoire d’une longue lutte . Peste, marins et marchands
Mai 1720 : la peste se propagea, décimant la moitié de la populaion de Marseille, puis touchant toute la Provence, causant la mort de plusieurs dizaines de milliers de personnes.
. Choléra, machines à vapeur et politiques de santé publique
Trouvant leur origine dans le delta du Gange, les épidémies de choléra se succédèrent en Europe, en 1832-1834, 1848, 1853-1854, 1865, 1884, puis 1892.
. La lutte sanitaire, ciment des relations internationales
Le début du XXème siècle vit le couronnement des efforts de la diplomatie internationale face au risque épidémique…Les agents infectieux responsables de la peste et du choléra étaient reconnus comme tels. Les mécanismes de la contagion étaient identifiés et il devenait possible d’agir en conséquence.
. Le XXème siècle : mondialisation des crises et des remèdes
L’accomplissement international le plus spectaculaire sous l’égide de l’OMS (créée en 1948) fut sans conteste l’éradication de la variole grâce à la vaccination.
Ch. 2 La vague épidémique contemporaine : l’élaboration d’une réponse internationale systématique . Les ambitions contrariées de la fin du XXème siècle
Ces maladies (poliomyélite ; syndrome d’immunodéficience acquise (sida) ; encéphalopathie spongiforme bovine) ont des caractéristiques communes : l’absence de réservoir animal de l’agent infectieux ; un diagnostic aisé ; un moyen d’éradication (vaccin, médicament) simple et peu coûteux.
. Le renforcement de l’OMS et la crise du SRAS
. L’évolution du Règlement sanitaire international : réduction de la liste des maladies sous surveillance de six à quatre, puis trois : la peste, le choléra et la fièvre jaune.
. L’épidémie de SRAS de 2003 fut la démonstration éclatante de ce à quoi le monde devait mieux se préparer pour prévenir l’impact sanitaire, social et économique d’une pandémie liée à un agent infectieux émergent.
. La révision du règlement sanitaire international en mai 2005 par les 194 Etats membres.
Ch. 3 La concertation sanitaire internationale à l’épreuve des virus émergents . Le virus H5N1 : un accélérateur de la préparation aux risques pandémiques
. La grippe aviaire due au virus H5N1 (2004-2005)
. La prise de conscience du risque de pandémie grippale…(2006)
. Le monde se prépare à une pandémie…Le fait est que la chronique des années 2005 à 2009 fut dominée par l’effort d’élaboration d’un plan de préparation et de lutte contre une pandémie grippale.
. Un exemple de préparation : le plan « pandémie grippale » de la France…décrivant les actions à conduire aux phases d’émergence, d’installation, d’accentuation puis de régression d’une pandémie grippale, enfin d’éventuelles répliques (mai 2005).
. Les vicissitudes de la préparation mondiale au risque de pandémie grippale
. L’Indonésie fait le choix de l’unilatéralisme.
. Les Cassandre que nous n’avons pas crues…Il y aurait pourtant une place pour une génération de lanceurs d’alerte, dont la charge serait de préserver la mémoire de chaque type de catastrophe ? En effet, le travail d’usure, exercé par l’oubli, atténue peu à peu le signal fort du caractère récurrent de ces fléaux, qui perd alors sa valeur annonciatrice d’un malheur analogue et prochain.
. L’état de la préparation française en 2009…La France n’était pas fin prête, mais elle était préparée !
. Le piège du virus H1N1
. La pandémie de H1N1, mladie inattendue (début 2009)
. Heurs et malheurs de la vaccination…Le faible taux de couverture vaccinale n’était pas propre à la France.
. Le H1N1, épreuve du feu pour la concertation sanitaire internationale…La crise épidémique est un risque permanent et majeur, tout de soudaineté, d’effet de surprise, de contrainte temporelle, d’incertitude, de suspense, de débordement, d’effets multiples sanitaires, économiques et sociaux, et d’aptitude à faire peur.
. La vague des virus émergents des années 2010, un avertissement mal entendu
. L’épidémie de MERS au Proche-Orient (2012).
. L’émergence du virus Ebola en Afrique de l’Ouest (2013)…La diffusion du virus hors du continent africain se révéla limitée.
. L’épidémie du virus Zika en Amérique (2015).
. L’étrange abandon de la préparation française au risque pandémique…Interruption de la mise à jour du plan pandémie grippale à partir de 2011.
2ème partie UN DESASTRE ANNONCE : LA PANDEMIE DE COVID-19 Ch. 4 L’ouragan sanitaire . La genèse d’un cataclysme : un désordre soudain
. Le mystère des origines…Ces études génétiques ne permettent pas d’éliminer la possibilité qu’un SARS-CoV-2, qui serait apparu chez des animaux de laboratoire, ait pu être dispersé accidentellement dans l’environnement à partir d’un laboratoire de recherche.
. Les prémices de la pandémie…Non seulement une épidémie nouvelle était en train de naître, mais elle avait un potentiel d’extension et de dommage considérable.
. Branle-bas de combat à l’OMS…(22 janvier) L’avis consensuel trouvé fut qu’il était un peu tôt pour qualifier l’événement d’urgence de santé publique de portée internationale.
(30 janvier) L’avis consensuel du Comité fut qu’il s’agissait d’une urgence de santé publique de portée internationale.
. Un système de soins sous le choc
. Le Covid-19 : une maladie nouvelle…L’objectif du virus est clair : entrer pour utiliser les outils métaboliques de la cellule et s’y répliquer, avant de ressortir en grand nombre de cette cellule, puis, par exemple via la toux ou la contamination des mains, contaminer un autre être humain et pouvoir, là encore, s’y répliquer.
. Des hôpitaux submergés.
. La contagion, une désorganisation anthropologique…En vue de la maîtrise d’une épidémie, la remise en ordre passe par la prévention de la contagion. Elle est l’objectif clé. Elle impose des mesures contraignantes.
. Le poids socio-économique de la pandémie…Virus de la pandémie, mais aussi de la décroissance, de la baisse de la demande, de la faillite et du chômage, virus de la démondialisation et, dans de nombreux pays, de la pauvreté et de l’inégalité sociale…
. Raison gardée, malgré l’angoisse et les biais cognitifs…Le désordre pandémique est fait de peur et de mensonges, mais le couple ordre-désordre fait émerger des personnages originaux, tout de transgression, d’ambivalence, de marginalité, de recours au bricolage : les maîtres du désordre…Ils prospèrent aux confins du « rassurisme », du complotisme et du charlatanisme.
. Le scientifique, le sceptique et le chamane.
. Carambolage sur la scène internationale…Le virus SATS-CoV-2 causa une pandémie parce qu’il s’appuya sur tous les vecteurs propres à la mondialisation : l’attractivité d’une ville « au cœur des chaînes de valeur globale », telle que Wuhan, le pouvoir de déplacement international et de rassemblement que possèdent, notamment, le tourisme, le sport, la culture et la religion.
Dans ce carambolage international…l’OMS, leader, guide technique, source d’information et coordinateur de multiples actions face à la pandémie, se retrouva en position de cible, sinon de bouc émissaire.
Ch. 5 Au cœur de la tempête, garder le cap . L’adaptation dans l’urgence des soins hospitaliers
Parmi ces progrès dans la prise en charge des détresses respiratoires aiguës, certains sans doute comptèrent plus que d’autres : l’utilisation des corticoïdes chez les malades les plus graves ; le renoncement à des médicaments inefficaces et non dénués d’effets secondaires dangereux ; un recours mieux ajusté et plus restrictif à la ventilation artificielle, qui expose à ses complications propres…
. L’état d’urgence sanitaire au risque du désastre économique
Deux grands objectifs des gouvernements : limiter, autant que possible, la transmission du coronavirus entre les êtres humains ; réduire les conséquences économiques, sociales et humaines liées à la pandémie.
. Limiter la transmission du virus : au cœur de la stratégie de l’exécutif
. Les nouveaux gestes pour l’hygiène et le port du masque.
. La redécouverte du confinement…Dans l’ensemble, les décisions de confinement prises dans le monde firent appel à des réflexes anciens, propres à des sociétés démunies d’autres moyens d’actions, et au mimétisme. Elles furent facilitées par la circulation de l’information, qui fut plus rapide que la trajectoire de l’épidémie.
. La mission Castex sur le déconfinement…Le confinement ayant été une entreprise inédite, le déconfinement était donc une innovation, il était souhaitable de l’aborder avec méthode et circonspection.
. Les fluctuations du confinement…Deux spectres rôdaient autour des décideurs : celui de l’hécatombe observée en mars et avril 2020 ; celui de la justice qui avait été mise, dès mars, sur le sentier de la recherche de responsabilités.
. Le bouclier vaccinal, une stratégie globale d’immunisation
. Une concurrence mondiale dans le développement vaccinal…La vitesse observée en 2020 résulta d’importants autres facteurs d’accélération : les progrès des méthodes de génétique moléculaire ; les connaissances acquises sur les précédents coronavirus ; les travaux préparatoires déjà engagés sur de nouvelles façons de faire des vaccins ; l’argent public coulant à flots ; l’engagement des participants aux essais cliniques ; la disposition des agences de régulation à bien évaluer, mais vite ; les équipes fournies de chercheurs et techniciens, du secteur public comme du secteur privé ; le nombre inhabituellement élevé d’entreprises engagées dans le développement de vaccins ; enfin, une grande volonté collective.
. Variants : les feintes du virus…A chacune des innombrables réplications du coronavirus au sein des cellules humaines infectées, le génome du virus est traduit, puis synthétisé et utilisé pour la génération de nouvelles particules virales.
. Les défis du déploiement mondial de la vaccination…Au niveau mondial, trois caractéristiques propres à cette vaccination contre le SARS-CoV-2 dominaient : la mise à disposition progressive et en ordre dispersé de vaccins de différents types ; une feuille de route pour la priorisation de la vaccination mettant en avant, notamment, les personnes âgées ou à la santé fragilisée ; un esprit de justice distributive, largement affiché, mais aussi entamé par de fortes tensions géopolitiques…
3ème partie BATIR UN MONDE PLUS RESILIENT FACE A UN RISQUE PERMANENT Ch. 6 Evaluer les causes et les conséquences de la crise . Tristes anniversaires
En deux temps trois mouvements, cette pandémie est devenue l’événement qui aura dominé l’année 2020.
. Un lourd bilan sanitaire, économique et social
Aux conséquences sanitaires s’est ajouté un impact économique et social massif, dont les effets majeurs sont des faillites, des dettes, des arrêts d’activité, du chômage et le rejet de dizaines de millions de pesonnes dans la pauvreté.
. Regarder nos erreurs en face
(France) : une planification stratégique n’ayant pas été mise à jour depuis près de dix ans ; l’absence d’exercice récent sur ce thème, qui aurait permis de réunir et de souder les équipes interministérielles destinées à gérer la crise, en s’entraînant notamment à bien préparer et articuler les expertises sur l’évaluation du risque, et la communication sur le risque et sa gestion ; la pénurie de masques, interdisant de réduire le risque, notamment pour les soignants, et fragilisant la confiance en la communication des pouvoirs publics.
. L’évaluation indépendante de la crise
Ces commissions d’enquête, d’évaluation, de revue ou d’examen affichent en général deux intentions : celle d’évaluer de façon indépendante ; celle de ne pas se positionner, comme le fait un tribunal, en recherche de responsabilité.
Ch. 7 Sortir du désordre et rebâtir nos systèmes de préparation aux grands risques sanitaires Envisager le monde d’après…implique de se pencher sur les scénarios d’évolution possible de l’épidémie, sur les leçons que l’on aura su tirer du phénomène pandémique, et sur les conséquences qui en résulteront.
. La fin de la pandémie
. A quelle date ? Les épidémiologistes sont à la peine, car les hypothèses et les paramètres sont nombreux lorsque la question porte sur un horizon éloigné dans le temps et dont la portée est vaste puisque d’ampleur mondiale.
. Et sous quelle forme ? Pas de cessez-le-feu, ni d’armistice avec les épidémies !…Sauf à mettre au point un vaccin universel efficace contre de nombreuses, sinon toutes les formes de coronavirus, cette évolutivité génétique pourrait imposer une vaccination itérative avec un vaccin adapté au nouveau variant émergent, si celui-ci menaçait d’une évolution épidémique.
. Coordonner nos efforts à l’échelle mondiale, européenne et française
. Les premières analyses menées par l’OMS Messages clés : le constat d’une insuffisante préparation du monde au risque pandémique et des moyens limités mis à la disposition de l’OMS ; la suggestion que la digitalisation de l’information serve à améliorer le système d’alerte pandémique ; la nécessité que l’accès mondial aux vaccins ne soit pas handicapé par d’étroits intérêts nationaux ou économiques ; et l’espoir que la pandémie de Covid 19 serve de leçon pour catalyser une réelle prise de conscience vis-à-vis du risque pandémique.
. La coopération sanitaire européenne ranimée…Il fallut attendre le 11 février 2021 pour que soit créée la Health Emergency Preparedness and Response Authority (HERA).
. La France au défi de la préparation au risque pandémique…Le défaut d’anticipation, de préparation et de gestion fut manifeste. Notre pays était mal préparé et mal équipé face à une telle pandémie…La planification stratégique, le développement et la disponibilité des moyens d’action, la gestion de crise et la coordination de la recherche clinique étaient les faiblesses les plus critiques.
.Quelques préconisations à l’échelle nationale
Dans le monde entier, les chercheurs déplorent que leur travail de recherche soit handicapé par la lourdeur croissante des tâches administratives. En France, cette lourdeur est aggravée de façon massive par la complexité institutionnelle, qui s’est installée au fil des décennies.
. Et des écueils à connaître pour ne pas s’y échouer
A ce jour, trois pièges sont identifiables : l’oubli, qui fut à l’œuvre au décours de la pandémie grippale due au virus H1N1 en 2009 ; le détournement idéologique ; et la compétition internationale qui, appuyée sur le nationalisme, met en péril la lutte contre des agents infectieux, qui ne connaissent pas les frontières.
Si l’accès aux vaccins contre SARS-C est d’une inégalité criante entre les pays développés et les pays à faible revenu, il sera difficile de plaider plus tard pour que ces pays démunis se dotent des capacités d’épidémiologie et des laboratoires de biologie permettant de mettre en place, pour le bien du monde entier, un système d’alerte sanitaire plus performant.
Conclusion Seul l’esprit d’anticipation et de préparation, appuyé sur le développement des sciences, des techniques et des nouvelles organisations, pouvait permettre d’atténuer cette brutalité et d’adoucir l’impact de l’événement.
En ce début avril 2021, le mot conclusion est sans doute prématuré, s’il n’est pas déplacé.
Le désert des couleurs d'Aurélie Wellenstein - Scrineo
Coup de cœur de notre ancienne collègue Élodie, qui travaille à la librairie de fil en page:
Depuis des siècles, le monde est recouvert d’un immense désert multicolore qui vole les souvenirs de quiconque s’y aventure. Réfugiés au cœur d’un ancien volcan, les hommes sont menacés par la progression des dunes et envoient deux des leurs en quête d’un paradis légendaire. Kabalrai accompagne sa demi-sœur, chargé de veiller sur ses souvenirs et de les recueillir quand le désert les lui arrachera, dépositaire de ses souvenirs, de ses joies comme de ses plus sombres secrets.
Une aventure qui les conduit à dépasser leurs limites aussi bien dans leur lutte contre les éléments que dans celle, plus retorse, contre l’amnésie: qu’est-ce qui constitue notre identité et que sommes-nous sans nos souvenirs?
Apocalypse cognitive de Gérald Bronner - Puf
Émetteur du verbatim: François C.
La situation inédite dont nous sommes les témoins est donc celle de la rencontre de notre cerveau ancestral avec la concurrence généralisée des objets de contemplation mentale, associée à une libération inconnue jusqu’alors du temps de cerveau disponible… Ce temps de cerveau libéré, qu’allons-nous en faire?
Première partie: LE PLUS PRÉCIEUX DE TOUS LES TRÉSORS
. Les êtres humains libérés
Aujourd’hui, en France, le temps de travail représente 11% du temps éveillé sur toute une vie alors qu’il représentait 48% de ce temps en 1800!
Chaque Français bénéficierait ainsi de l’équivalent de près de quatre cents esclaves énergétiques tandis qu’en moyenne, chaque humain aurait l’équivalent de deux cents de ces esclaves à son service!
. Une autre histoire de l’humanité
Homo sapiens, i.e. l’être humain tel que nous le connaissons aujourd’hui, est apparu il y a environ 300 000 ans.
Au cours des trois derniers siècles, toutes les étapes ont été franchies qui ont conduit l’humanité du stade de la soumission à son environnement à celui de la domination.
. 11 mai 1997
L’attention pour cette revanche entre Kasparov et Deep Blue fut mondiale… La bataille s’acheva sur la défaite historique du champion des humains contre celui des machines.
. La guerre éclair des ordinateurs
(loi de Moore) En raison du caractère géométrique du développement de cette technologie, nous avons du mal à anticiper mentalement l’étendue de son arborescence. Une chose est certaine: elle prolonge le grand mouvement d’externalisation de tous nos gestes par les machines entamé par la première révolution industrielle.
. Externalisation
Ce ne sont d’ailleurs pas tant des métiers qui vont disparaître qu’un type de tâches exécutées par les humains. Quelles sont-elles? Endurance, précision, mémoire, gestion de ressources financières, maintenance des technologies, lecture, calcul, contrôle qualité, coordination, monitoring, etc. En somme, toutes les tâches qui ont un caractère répétitif et peuvent être algorithmisées.
Les intelligences artificielles sont des prothèses pour l’humanité, des prothèses essentielles compte tenu des handicaps physiques et cognitifs qui caractérisent notre espèce, mais pas beaucoup plus.
. Un trésor inestimable
Il y a de plus en plus de temps de cerveau disponible… il représente environ cinq heures quotidiennes.
Les sociétés modernes sont caractérisées par une augmentation géométrique du temps de cerveau disponible.
. Jusqu’ici, tout va bien
Entre 1881 et aujourd’hui, l’espérance de scolarisation a plus que doublé, passant de huit ans à plus de dix-huit ans de nos jours.
. A dormir debout
Les Français adultes dorment désormais 6 h 42 par nuit les jours de semaine, soit moins que les 7 heures préconisées pour une bonne récupération.
Les perturbations du sommeil entraînent celles des capacités d’apprentissage et d’une façon générale de nos compétences et de nos potentialités intellectuelles dans notre vie de tous les jours.
L’omniprésence des équipements de loisirs: télévision, tablette, smartphone, ordinateur, sollicite de façon de plus en plus envahissante et addictive notre temps de cerveau disponible, et en particulier celui des adolescents.
L’empire de ces sollicitations cognitives s’est progressivement étendu, au point qu’on a créé un néologisme pour désigner cette peur de rater quelque chose : la Fomo (fear of missing out).
. Lorsque tu regardes ton écran, ton écran te regarde
Les écrans… sont devenus des monstres attentionnels. Ils dévorent notre temps de cerveau disponible plus que n’importe quel autre objet présent dans notre univers.
La citadelle de notre disponibilité mentale est donc poreuse, elle fuit même de toute part.
Ces limites de notre cerveau permettent d’évaluer la valeur de ce trésor si précieux pour l’humanité mais aussi la façon dont nous risquons d’en user… Allons-nous… flamber ce capital attentionnel au casino de l’attention?
Deuxième partie : TANT DE CERVEAUX DISPONIBLES!
. Un « effet cocktail » mondial
Depuis 2013, la masse d’informations disponibles double tous les deux ans… Autre proportion frappante: 90% des informations disponibles dans le monde ont été rédigées dans les deux dernières années.
. Cacher ce sein…
Entre toutes les informations capables de capturer notre attention dans le brouhaha informationnel qu’est devenu notre monde contemporain, la sexualité est une très bonne candidate.
Ces vidéos pornographiques sont celles qui sont le plus consommées sur Internet. On dénombre des dizaines de milliers de sites qui diffusent massivement ce type de films. Plus d’un tiers de vidéos regardées chaque jour sont des produits pornographiques.
. La peur au ventre
L’information qui prétend nous alerter d’un danger nous attire irrésistiblement. Or, celle-ci est produite en quantité industrielle dans le monde contemporain.
Les arguments de la peur sont beaucup plus aisés à produire et rapides à diffuser que ceux qui permettent de renouer les fils d’une confiance si nécessaire à la vie démocratique.
Cette cacophonie cognitive nous fait prendre encore un autre risque : celui de la paralysie de l’action… La peur s’est donc emparée d’une partie de ce précieux trésor qu’est notre disponibilité mentale. Elle nous tient au ventre et plonge notre esprit dans des ensembles de données partielles et trompeuses qui font de nous des hypocondriaques permanents et nous font regarder vers l’avenir avec, comme seul horizon parfois, la terreur et la crainte d’une fin du monde prochaine.
. La lutte des clashs
Les coalitions sociales et les mécanismes affiliatifs sont profondément inscrits dans notre nature.
De même que le sexe et la peur, la colère sera donc un bon support émotionnel pour conférer une certaine vitalité à un produit cognitif.
(Anonymat) Un sondage réalisé aux USA indique qu’un quart des internautes intervient sur des forums ou sur les réseaux sociaux sous une fausse identité.
L’indignation est un feu et les réseaux sociaux sont comme de l’essence.
L’hyper-conséquentialisme nous met en examen de façon permanente.
Cette sensibilité exacerbée du marché cognitif à la conflictualité crée des attitudes opportunistes, i.e. une tentation pour certains acteurs de jouer de la culture du conflit pour se faire remarquer.
Cette lutte des clashs est donc surtout celle des rendez-vous manqués. De longs moments de vide, mais qui offrent l’avantage, pour chacun des protagonistes, de raconter sa propre histoire.
Dans les espaces sociaux que sont les forums, la demande de conflictualité peut devenir hyperbolique par accoutumance, conduire ainsi à une perte de sens moral ordinaire, accentuant l’intensité des agressions numériques.
. Self sévices
Le destin d’un grand nombre de lieux de la planète a été modifié parce que le paysage qu’ils offrent est devenu viral sur les réseaux sociaux.
Il y a dans notre nature profonde une disposition à la compétition généralisée pour attirer l’attention de nos congénères… Notre niveau de satisfaction est donc directement dépendant de processus de comparaison ininterrompue dans notre vie sociale.
La passion pour la micro-notoriété s’est répandue le long des canaux des réseaux sociaux et, avec elle, son cortège de frustrations.
Révélation
59% des personnes qui partagent des articles sur les réseaux sociaux n’ont lu que les titres et rien de leurs contenus.
Le monde contemporain, tel qu’il se dévoile par la dérégulation du marché cognitif, offre une révélation fondamentale -i.e. une apocalypsis- pour comprendre notre situation et ce qu’il risque de nous arriver.
Cette appétence, dont nous avons vu certains des aspects les plus saillants: sexualité, conflictualité, peur, incomplétude cognitive, informations égocentrées, est comme du sucre pour notre cerveau.
Prendre ou ne pas prendre conscience que l’utilisation de notre trésor attentionnel est la question la plus politique et la plus déterminante qui soit.
Éditorialiser le monde
Editorialiser le monde, i.e. focaliser son attention sur tel élément du réel plutôt que tel autre, proposer un ordre d’importance entre ces éléments: lier ces éléments en leur donnant un sens narratif et éventuellement les interpréter en fonction de la catégorie du bien et du mal, est une dimension incontournable de tout discours sur le monde.
Le fait est que les médias conventionnels ont développé massivement une culture du clic pour survivre… On constate que le marché cognitif est animé par des effets de concentration d’attention brefs, soudains et gigantesques.
La vérité ne se défend pas toute seule
La crédulité propose une éditorialisation du monde permettant de relier les faits par des récits favorisant les pentes intuitives et parfois douteuses de notre esprit… le faux se diffuse plus vite, plus largement et plus profondément que le vrai.
L’affirmation envahissante de la crédulité parachève l’apocalypse cognitive que nous connaissons et qui est, encore une fois, la révélation simple et fondamentale de ce que nous sommes et que nous avons souvent cherché à nier.
Troisième partie: L’AVENIR NE DURE PAS SI LONGTEMPS
Prendre ses désirs pour des réalités est compréhensible, il s’agit précisément d’un invariant cognitif de l’espèce mais cela ne nous protège que provisoirement de la sanction du réel.
. Le goût des nôtres
L’offre télévisuelle a ainsi longtemps été drastiquement régulée. Dès lors que la pression étatique s’est relâchée, on a observé ce que l’on observe toujours: un dévoilement de nos appétits les plus immédiats.
Partout, l’éditorialisation de l’information est contaminée par l’anticipation de la demande dès lors que la pression concurrentielle augmente: moins de traitement de fond, plus de divertissements, mise en scène de conflit de personnalités avec la convocation d’éditorialistes aux positions tranchées et opposées.
La peopolisation du monde politique constitue bien l’une des facettes de l’apocalypse cognitive.
Ce qui impose un produit cognitif… ce n’est pas la qualité de son contenu, c’est qu’il réponde à un certain nombre d’attentes constantes et immédiates de notre esprit… Ce n’est pas la qualité de l’information qui lui assure une bonne diffusion mais plutôt la satisfaction cognitive qu’elle procure.
. L’homme dénaturé
La sphère économique s’est emparée des biens culturels pour en faire des produits de marché.
L’idée selon laquelle la concentration capitalistique qui caractérise le milieu médiatique serait la preuve de la subordination des journalistes à ceux qui possèdent les entreprises dans lesquelles ils travaillent est séduisante, mais faible.
. Le prix à payer
Cette sanction du réel, toutes les utopies en ont fait les frais.
Les échecs de ces utopies concrètes sont très nombreux et lorsqu’on examine sereinement les arguments de ceux qui les ont vécues, ils se ressemblent toujours.
. Mensonge privé, vérité publique
Les individus sont souvent des acteurs stratégiques qui tentent de concilier leurs intérêts matériels et symboliques. Ils affichent parfois dans le discours une vertu qu’ils malmènent au jour le jour…pour le dire plus crûment : en France, les gens affirment adorer Arte mais regardent TF1.
. Les néo-populismes
La démagogie cognitive est le processus intellectuel idéal pour conduire un individu de la frustration au populisme.
L’idée est de se servir des réseaux sociaux pour parler directement au « peuple » et enjamber les intermédiaires traditionnels qu’étaient les partis, les syndicats ou encore les médias… Cette volonté de faire disparaître les intermédiaires et la régulation donne sa toute-puissance à la démagogie cognitive.
. La bataille des récits
De la nature des récits qui s’imposeront à nos esprits dépendra la façon dont nous userons du plus précieux de tous les trésors, notre temps de cerveau disponible.
Conclusion: LA LUTTE FINALE
En fluidifiant les relations entre l’offre et la demande, la dérégulation du marché cognitif nous abandonne à des boucles addictives profondément enracinées dans notre nature. Et nous ne sommes peut-être qu’au début du processus.
Devrons-nous nous satisfaire de ce que le temps de cerveau libéré par l’externalisation des tâches algorithmiques soit préempté par les plaisirs offerts d’un monde alternatif et chimérique?
La situation d’apocalypse cognitive correspond logiquement au moment où les systèmes sociaux les plus libres promeuvent la désintermédiation sociale.. Ce faisant, elle voit se reporter par un simple effet de transition les carences individuelles au niveau collectif. La tentation du court-termisme, par exemple, qui pèse si bien sur notre cerveau, peut facilement devenir une caractéristique de la décision collective. Plus symptomatique encore est l’aveuglement fréquent aux conséquences secondaires de nos actions.
Seules les institutions qui savent capitaliser sur leurs erreurs parviennent à survivre et à progresser. C’est vrai aussi pour les entreprises, puisque celles qui se montrent obnubilées par leurs résultats trimestriels connaissent un taux de croissance à long terme beaucoup plus faible que celles qui ont des stratégies de plus long terme.
Nous sommes cependant la seule espèce à être capable de penser notre destin avec une telle profondeur temporelle, la seule à pouvoir prendre en compte les conséquences primaires et secondaires de nos actions. Il nous reste seulement à réaliser toute notre potentialité.
*
L'île de tous les vices de Jean-Gabriel Fredet - Albin Michel
Émetteur du verbatim: François C.
Epstein est l’archétype glaçant du prédateur des temps modernes : un homme, des appuis, un réseau.
Dans le grand branle-bas libéral-libertaire de la fin du XXème siècle, nous découvrons une Amérique duale: entreprenante, dynamique, mais aussi élitiste, prédatrice, travaillée par des passions mauvaises qui vont bientôt faire le lit d’une ploutocratie sans foi ni loi.
Chapitre 1 L’île du diable
Sur Little Saint James (confetti des îles Vierges américaines acheté par Jeffrey Epstein en 1998), le sexe est partout.
Qu’ils soient financiers, scientifiques, politiques, grands patrons ou avocats, l’île aux nymphettes n’accueille que des hommes d’influence.
C’est plutôt la version hard du jardin d’Eden, doté, derrière les apparences BCBG et le vernis des jeux érotiques, d’un gigantesque lupanar avec pornographie soft ou hard selon les moments.
Après un séjour sur Saint Jeff, l’invité devient complice, débiteur du maître des lieux. Chacun «doit» quelque chose à cet homme charmant, prévenant, qui a su flatter son vice caché et en conserve une trace.
Chapitre 2 Trente ans d’impunité
Comment ce prédateur a-t-il pu monter et organiser pendant trente ans un trafic sexuel quasi industriel de jeunes femmes, sans être jamais sérieusement inquiété par la justice?
L’ascension et la chute de Jeffrey Epstein racontent la fin d’une utopie, celle de l’Amérique que nous fantasmions : ouverte, généreuse, bienveillante, à l’écoute des victimes. Justice à deux vitesses et triomphe de l’argent, violence des rapports humains, puritanisme de façade mais laisser-faire pour les criminels sexuels, mécénat en sautoir mais obligation de retour sur investissement quand bien même il est philanthropique, presse paresseuse ou indifférente, dévoiement des élites, persuadées d’être au-dessus des lois et ne respectant que la leur : c’est à la lumière de cette nouvelle donne que se lit le scandale XXL.
Chapitre 3 Un suicide…assisté?
A 7 h 36, ce 10 août 2019, le financier Jeffrey Epstein (66 ans), accusé de trafic sexuel et de viols sur mineures et incarcéré dans un centre fédéral de haute sécurité, est déclaré mort.
Le scénario du meurtre suppose des complicités et des collusions au plus haut niveau. Entre le personnel de la prison et le milieu du crime. Entre le milieu et le monde politico-financier. Une double alliance dont la révélation pourrait ébranler les bases de la société.
Chapitre 4 Crimes sans châtiment
Deux poids, deux mesures. Quatre ans : c’est la durée de l’instruction des crimes sexuels imputés à Jeffrey Epstein entre 2003 et 2005. Soixante-huit minutes: c’est le temps qu’il a fallu au tribunal de Palm Beach pour débouter la trentaine d’adolescentes, la plupart mineures au moment des faits, séduites puis violées, brutalisées, parfois esclavagisées, et les renvoyer à une détresse superbement ignorée par la justice.
C’est oublier aussi la philosophie sous-jacente, dans un pays où l’argent est roi. Pas de délit, pas de crime même, que l’argent ne puisse finalement étouffer, voire effacer. Le pretium doloris, le prix de la douleur, la réparation financière sont évalués et calculés au trébuchet des actions et des demandes reconventionnelles.
Influencer, dissuader, déstabiliser : de ce point de vue, la défense mise sur pied par le prédateur aux poches profondes est un modèle… Avec Epstein, rarement instruction aura donné lieu à autant de coups bas, coups tordus, coups fourrés.
Selon Kessler, ces sextapes montrent les ébats de « quelques-unes des personnalités les plus riches et les plus puissantes du monde », avec parfois des viols. S’il dit vrai, ces documents peuvent donner une des clés de la fortune d’Epstein : un chantage à grande échelle sur des V.I.P. des affaires, de la science, de la politique et même d’une cour royale.
Chapitre 5 Un p’tit gars de Brooklyn
Qui est-il? Sans aucun doute un criminel sexuel, trafiquant de chair humaine au goût prononcé pour les filles à peine pubères. Un sociopathe, dénué de tout sentiment de culpabilité, indifférent aux autres, aux normes sociales comme aux normes culturelles. Mais en même temps, enfoui sous les (multiples) marottes d’un jouisseur compulsif, un austère, un spartiate.
Dans une époque de libéralisme extrême, darwinienne, où la loi du plus fort -présumé le meilleur parce que devenu le plus riche- s’impose, Epstein le libertaire, renard dans un poulailler, vit comme il l’entend, fait ce qui lui plaît et ne rend de comptes à personne… l’homme s’est installé dans une marginalité de luxe.
Jeffrey Epstein est un homme de son temps. Gonflés à la testostérone d’un culot sans bornes, ses succès racontent la financiarisation de l’Amérique et l’irrésistible ascension de la ploutocratie.
Chapitre 6 High society
Observer, influencer, racketter : le schéma de la conquête reste immuable.
Riche, doté d’un incroyable réseau d’amis, d’obligés ou de relations d’affaires, Epstein va devenir, pendant les deux décennies suivantes, une figure de cette élite new-yorkaise qui ne croit qu’à ses propres valeurs et ne respecte que ses propres règles.
Une lecture attentive des noms du carnet noir permet de distinguer trois catégories: les personnes d’influence, à séduire et à choyer ; les vieux complices, et, famille à part, les personnalités scientifiques, dont la proximité doit conférer à Epstein respectabilité et légitimité.
En l’espace de trois décennies, la « nation indispensable » dont parlait Madeleine Albright a basculé dans une ploutocratie où les déviances sexuelles n’ont plus rien à voir avec la « luxure » mise en scène par Hugh Hefner, le fondateur de Playboy… La pornographie n’est plus représentée : elle se vit en direct.
Chapitre 7 Le mécène introuvable
On connaît le prédateur. On oublie l’illusionniste. Comment, sans aucune formation, a-t-il pu tromper des sommités scientifiques, détourner leurs recherches au profit de ses lubies personnelles et abuser Harvard, l’université la plus célèbre du monde?
Mensonge, usurpation, imposture, comment expliquer cette triple violation des règles d’une des plus prestigieuses institutions des Etats-Unis?
Du côté des bénéficiaires, comme du côté du « donateur », le scandale Epstein projette une ombre sur le fonctionnement d’institutions et de procédures réputées exemplaires.
Passager clandestin de l’Ivy League, voyageur sans bagage du monde de la science, faux savant des sciences cognitives mais vrai faussaire et virtuose du contournement, Epstein n’a jamais cessé de cultiver des vies parallèles.
Chapitre 8 Le grand chantage
L’origine de son implication active dans la cause d’Israël est confuse. On sait seulement que c’est Shimon Peres qui a présenté Epstein à Ehud Barak au début des années 1980. Bonne recrue. Goût du secret, opérant toujours à la limite de la légalité, l’ami américain a tout pour devenir compagnon de route, supplétif puis auxiliaire actif du renseignement, une communauté brassant intérêts publics et privés, idéal et trafic d’influence, ventes d’armes et règlements de comptes.
Marginal, audacieux au-delà de tout, funambule de l’extrême, habité de ce sentiment d’invulnérabilité que confèrent de puissants protecteurs, l’homme a toutes les qualités d’un agent double ou triple.
Chapitre 9 Lady Ghislaine
Pendant plus de quinze ans, la fille du propriétaire du Mirror et du New York Daily News, passée de girlfriend à exécutrice des basses œuvres, a partagé la vie, les dérives, les chantages, les secrets du prédateur. Son mauvais génie? Peut-être en partie. Gardienne en tout cas des secrets d’un des pires scandales que l’Amérique ait connus.
Ghislaine ou l’amour fou, compulsif, addictif, autorisant tous les excès, toutes les débauches? ou seulement surintendante des plaisirs? Probablement les deux, au moins au début… Cumulant les rôles de rabatteuse, d’instructrice et de dresseuse des recrues, elle aurait été la pierre angulaire du système organisé sur deux continents.
Chapitre 10 Duo infernal
Leslie Wexner et Jean-Luc Brunel sont, chacun à leur façon, associés à ce qui fera la sinistre réputation de leur ami avant de signer sa perte… L’un et l’autre sont des subversifs, on dit aujourd’hui des «disrupteurs». Ils comprennent avant les autres. Et, captant les courants, savent les chevaucher, quitte à casser les codes. Avec l’obsession de devenir riches.
Entre en scène Jean-Luc Brunel, le sulfureux agent de mannequins… Sexe, drogue, fric et rock’n’roll: le business devient «un repaire de maquereaux et de prostituées».
Une machine bien huilée, capable de repérer, transférer, «distribuer» des adolescentes vers les Etats-Unis, sans éveiller les soupçons des autorités.
Chapitre 11 Expédition africaine
C’est tout le paradoxe de ce voyage en Afrique avec Bill Clinton: ni sexe ni orgie. Pourtant, sa large médiatisation servira de révélateur, non seulement des penchants d’Epstein, mais aussi du «deep state apparatus» - cet appareil d’Etat «profond» auquel appartient Clinton – qui prône une morale dont il lui arrive de s’affranchir allègrement.
Cette vision noire d’une haute société débauchée trouve d’autant plus d’échos que plusieurs responsables démocrates figuraient dans le petit carnet noir. Tous pouvaient donc avoir intérêt à son silence. L’accusation renforce l’idée d’un establishment corrompu, convaincu de pouvoir s’adonner à ses vices en toute impunité.
Chapitre 12 A terrific guy
Dans une caste qui ignore la division entre démocrates et républicains, se croit supérieure, pratique l’entre-soi, s’adonne impunément à ses vices secrets et cultive la défense de ses pairs, un autre satrape, Donald Trump, figure en bonne place.
La liste des «contacts sexuels non désirés» et des «comportements inappropriés» est longue comme un jour sans pain. Soixante-dix femmes, pas moins, l’accusent de les avoir tripotées, agressées, et parfois violées, selon l’enquête «Les femmes du président et la fabrication d’un prédateur», des journalistes américaines Barry Levine et Monique El-Faizy.
Puérile, sordide, obscène, cette macabre comptabilité? Sauf qu’elle témoigne de la capacité de nuisance d’Epstein, plus dangereux encore mort que vivant. Le spectre du prédateur, adulé puis redouté par la haute société américaine, hante le pays, menaçant notamment la réputation de deux de ses présidents.
Chapitre 13 Andrew, prince déchu
Son «trophée», Son Altesse Royale le prince Andrew Albert Christian Edward, duc d’York, deuxième fils de la reine Elizabeth II, est à terre. Face aux caméras de la BBC, finies, les parties fines et l’amitié partagées: le troisième personnage dans l’ordre de succession au trône britannique a l’air d’un lapin pris dans les phares d’une voiture… En novembre 2019, à 59 ans, Andrew, père de deux filles de 31 et 29 ans, est carbonisé. Premier membre de la famille royale à subir un tel déshonneur, il est formellement déchargé de toute fonction officielle.
Il sera protégé par la reine Elizabeth II pendant neuf ans, jusqu’au 16 novembre 2019 où il sera finalement dénoncé pour sa vie dissolue, ses liens avec des potentats étrangers peu recommandables et, surtout, son amitié avec un milliardaire américain dépravé et expert en trafic d’influence…Sa chute finale ? Il ne la devra qu’à lui-même. A sa volonté de « laver son honneur » face à l’acharnement de Virginia Roberts Giuffre et aux convocations de la justice américaine, actionnée par le FBI.
Chapitre 14 La poursuite impitoyable
Le message d’Edwards, l’avocat des premières victimes, aux défenseurs du prédateur est clair : la guerre sera totale. Ni compromis, ni armistice.
Avocats d’Epstein trop sûrs d’eux, victimes regroupées en associations et décidées à aller jusqu’au bout, opinion mobilisée par le mouvement MeToo: à sa façon, chacun des acteurs du drame va obliger finalement le FBI, l’agence de police judiciaire à l’échelon fédéral, à arrêter Epstein. Et à le déférer devant le tribunal de New York, en juillet 2019.
En s’imposant à lui-même la peine capitale, Epstein va finalement échapper à la justice, et emporter ses secrets… dans la tombe?
Saurons-nous un jour ce qui lui est arrivé? Comme un soleil noir, son fantôme continue à planer sur cette Amérique duale, écartelée entre son aspiration à la sagesse et à la décence et sa propension au chaos, au drame et à la violence.
*
Sur la route des hommes sans nom de Bernard-Henri Lévy - Grasset
Émetteur du verbatim: François C.
L’entreprise qui consiste à aller saisir, à leur pointe de flamme, les guerres quand elles sont confuses, les souffrances quand elles sont impardonnables et les fugitifs détails témoignant d’un destin promis à l’insignifiance…
CE QUE JE CROIS
Ch. 1. Qu’est-ce que c’est, dégueulasse?
J’ai eu la chance, en effet, de naître d’un père deux fois héroïque.
Je n’aurais rien fait de cela si je n’avais eu, vivant au-dedans de moi, ce sentiment, ce point de lumière, cette conscience intime et transcendantale, ce réflexe dont je viens d’esquisser la généalogie.
Mais avec une dose d’espérance, une nostalgie de la fraternité et une foi dans la capacité des hommes, sinon à changer le monde, du moins à l’empêcher de se défaire, qui me viennent de cette intime et ancienne alchimie.
Ch. 2. S’il n’en reste qu’un
Je pense au cosmopolitisme -mais à condition d’inclure dans le « cosmos » les bannis de la « polis », ses étrangers, ses laissés-pour-compte, les incomptés, les infréquentables et infréquentés, les hors enceinte sacrée de la ville et, depuis qu’elle a supplanté la ville, de la nation et de l’Etat.
J’observe que la plus injuste des injustices, la mère de toutes les autres, c’est, plus que jamais, la contingence d’une naissance sous une latitude plutôt que sous une autre, dans un lieu clément de la planète plutôt que dans une de ses zones de malédiction.
Ch. 3. L’art de la fugue
(voyages) C’est la circonstance, par excellence, où l’on se déprend de soi, où l’on s’allège de son importance et où l’on a une chance, une petite chance, de s’étrangéiser et de devenir un peu un autre.
C’est cette puissance du voyage comme art du décentrement de soi, du déclassement et de la transformation du monde en un espace offert, non seulement au travail de la pensée, mais aux gestes et aux actes du corps.
Ch. 4. Autoportrait de l’aventurier
Je ne suis pas journaliste puisque mon parti pris est inverse et que je ne pars jamais en reportage sans avoir la ferme intention d’intervenir dans ce que je verrai et de toucher à ce que je montrerai.
Mais je suis assez juif pour savoir que, même si le cœur des rois est entre les mains de Dieu, l’homme est dit associé dans l’œuvre de la Création et que cette dimension de participation fait qu’un Juif ne se sent jamais délesté du monde, mais au contraire, investi de lui.
Ch. 5. La mort, comme le soleil ?
Je sais, oui, qu’il arrive que la Bête déclare la guerre à l’Esprit, la barbarie à la beauté du monde, et il n’y a pas d’autre choix, alors, que de relever le défi et, de toutes ses forces, d’arracher leur couronne aux Héliogabale à front bas.
Je vois dans cette répudiation du courage un mépris des vies minuscules, les vraies, celles qui sont trop petites pour avoir une histoire, une archive, un visage sur nos écrans de smartphone ou une place dans un roman de Louis Guilloux.
Et puis je crois enfin qu’une vie n’est une vie et ne fait de nous des humains accomplis que si elle est un peu plus que la vie et s’ordonne à une idée, un idéal, un principe, des valeurs qui la transcendent et la hissent au-dessus de soi.
J’ai aussi trouvé, il y a cinquante ans, il y a vingt ans, il y a cent jours, peu importe, de belles histoires de résistance, de lutte, de bonté, d’abnégation, dont je ne me suis pas remis non plus et d’internationalisme.
CE QUE J’AI VU
Ch. 1. SOS Chrétiens, au Nigeria
Les Fulanis, c’est la sauvagerie de Boko Haram étendue à tous les mécréants -chrétiens et musulmans- du Nigeria et au-delà, du Tchad, du Niger et du Cameroun…
Et ce rêve d’un Etat islamique ressuscité sur les cadavres des animistes, des chrétiens et des musulmans qui résistent à la radicalisation a fait des émules jusqu’ici.
Ch. 2. Justice pour les Kurdes!
Ces guerrières sont mariées avec le Rojava comme des moniales avec le Christ. Ni séduction ni passion : le puritanisme laïque d’un peuple d’Antigones qui veille sur ses 11 000 morts de la guerre contre Daech et, désormais, contre Erdogan.
Et ce mélange d’horizontalité et de génie spartiate, d’esprit libertaire et de discipline révolutionnaire, de communalisme écologique et d’internationalisme, c’est, insiste-t-elle, le pilier du Rojava et l’âme de sa résistance.
La nation kurde a payé trop cher son endurance et son rêve invaincu d’un Kurdistan indépendant, libre et sans frontières. Rendons-lui justice. Il est temps.
Ch. 3. Dans les tranchées de la guerre en Ukraine
(Marioupol) Eh bien les séparatistes, faute de la soumettre, l’ont mise sous blocus et sont en train de l’asphyxier.
Et, quant à nous, Occidentaux insoucieux, cette guerre oubliée d’Ukraine, sa tragédie au goutte-à-goutte et, de ce côté-ci des 500 kilomètres du front, ces braves qui, deux heures avant minuit, continuent de monter la garde, devraient être notre remords.
Ch. 4. Fin du monde à Mogadiscio
La ville, cannibale, mangeuse de morts et de vivants, est rendue, comme si de rien n’était, à son halètement comateux.
Et j’arrive au bout de cette enquête avec le sentiment que c’est l’ordre chebab qui, après vingt ans d’une guerre inutile, règne toujours sur la Somalie.
Ch. 5. Les damnés du Bangladesh
Leçon de courage de ces Rohingyas qui ont tout perdu, fors leur dignité. Mais leçon d’humanité des Bengalais qui n’ont rien mais trouvent la force de le partager, ce rien, avec les 900 000 hôtes de ce purgatoire de vivants.
S’il y a bien un endroit au monde où menace la catastrophe climatique, c’est ici. Le Bangladesh est un pays delta. C’est une terre aux sept cents rivières dont certaines sont nées, comme le Gange et le Brahmapoutre, dans tout le sous-continent et se sont donné rendez-vous ici, comme pour mieux se jeter dans le golfe du Bengale.
Et puis ce valeureux Bangladesh, qui est en première ligne de la bataille planétaire contre l’islamisme, la pauvreté, le chaos migratoire et les cataclysmes écologiques, a, comme si cela ne suffisait pas, une dernière guerre à livrer -sanitaire. Il est, depuis toujours, une terre de fièvres, diarrhées, maladies respiratoires et cutanées, causées par la destruction de l’air et des sols.
Ch. 6. Retour à Lesbos
L’une des îles grecques les plus belles, les plus chargées d’histoire et de légende -et, aujourd’hui, capitale européenne de la douleur.
A l’heure où le reste de l’Europe fait assaut d’hygiénisme, Moria est ce lieu d’infection, de corruption, de fétidité. Anus mundi.
Et c’est que, malgré le dénuement, malgré la peur, malgré le sentiment d’être abandonnés des dieux, des Grecs et du monde, malgré les graffitis si tristes où l’on peut lire « nous ne sommes pas des animaux » ou « Europe, pourquoi nous as-tu abandonnés ? », il reste, entre ces frères humains que rien ni personne n’est parvenu à déshumaniser, les gestes de solidarité qui font que la vie continue.
Ch. 7. Une embuscade en Libye
J’ai vu des villes martyres en Libye.
Je n’ai même vu que cela, à l’époque de cette guerre de libération dans laquelle j’ai placé tant d’espoir et où chaque jour, ou presque, amenait la découverte d’un charnier insoupçonné.
La Libye est à la croisée de ses chemins. Nous aussi. Mais prenons-y garde. C’est ici, sur ces rivages, que se joue, pour partie, le futur de la Méditerranée et de l’Europe.
Ch. 8. En Afghanistan, avec le dernier des Massoud
Massoud le Second serait-il un nouveau Cavalier décidé à mettre en échec des seigneurs de la guerre qui ne sont plus, face au péril taliban, que les épaves d’eux-mêmes ? Se pourrait-il que, dans ce dernier affrontement où se joue notre destin, il y ait là un protagoniste, au moins un, pour dire non à l’obscurantisme, à la loi des massacres et à l’esprit de démission ? Je l’espère.
*
Le livre des deux chemins de Jodi Picoult - Actes Sud
Coup de cœur d’Élodie, notre amie libraire: Rescapée d’un accident d’avion, Dawn part sur un coup de tête en Égypte, sur le lieu de fouilles où elle avait travaillé, étudiante. De retour à Boston, elle essaie de reprendre le cours de son ancienne vie, retrouve son mari, sa fille, son travail d’accompagnatrice de fin de vie. Rien n’a changé, c’est toujours la même routine. Vraiment?
Un roman passionnant qui distille égyptologie et physique quantique en interrogeant sur les choix qui orientent notre vie et les différents destins que nous aurions pu connaître.
“Les anciens égyptiens pensaient que le chaos était le premier ingrédient indispensable de l’univers. Il pouvait tout balayer sur son passage, mais c’était aussi l’endroit où l’on pouvait repartir de zéro.”
L’ECONOMIE DE LA VIE de Jacques ATTALI - Fayard
Émetteur du verbatim: François C.
Comme les précédentes pandémies majeures de l’histoire, celle d’aujourd’hui est d’abord un accélérateur d’évolutions déjà en germe. D’évolutions désastreuses. D’évolutions positives.
Comme pendant une guerre, les vainqueurs seront ceux qui auront eu les premiers le courage et les armes. Et pour avoir l’un et les autres, il faudra une mobilisation sans faille autour d’un projet nouveau, radical ; que je nommerai ici « l’économie de la vie ».
Ch. 1 QUAND LA VIE NE COMPTAIT PAS
Plus généralement, une épidémie, laisse entendre la Loi juive, vise à pousser les hommes à sortir de leur confort, pour accélérer l’avènement de l’ère messianique. L’épidémie porte donc à la fois l’idée de culpabilité, de rédemption et d’espérance.
La peste (1347 à 1352) s’éloigne…elle renverse donc le monde féodal, concentre la fortune entre les mains d’une poignée de survivant, fait surgir une bourgeoisie marchande, et rend possible l’ascension de nouvelle élites, dont la famille Médicis.
(Grippe espagnole) Au total, cette épidémie fait entre 50 et 120 millions de morts, soit entre 3% et 6% des 1,8 milliards d’habitants de la planète.
Les pandémies se multiplient : 40 épidémies de choléra sont signalées chaque année à l’OMS. La fièvre jaune tue encore jusqu’à 30 000 personnes par an ; 450 000 meurent de la malaria. Depuis 1970, plus de 1500 nouveaux agents infectieux pathogènes ont été découverts, dont 70% d’origine animale.
Ch. 2 UNE PANDEMIE PAS COMME LES AUTRES
Quand la mort reste intime, prévisible, on la tolère ; quand elle rôde dans les rues, et peut atteindre tout le monde, à des moments imprévisibles, elle devient intolérable.
Le malheur a donc voulu que ce soit dans une dictature, la Chine, que tout commence ; une dictature qui camoufle la réalité, à elle-même d’abord, puis aux autres.
(Chine) Un pouvoir qui n’a pas su organiser à temps, i.e. depuis début décembre, la distribution de masques, les tests et l’isolement des contaminés et de leurs proches.
Depuis vingt ans déjà, l’égoïsme, la courte vue, la fermeture aux autres l’emportaient ; le monde était en excès de tout ; trop de futilité ; trop d’égoïsme ; trop de déloyauté ; trop de précarité. Trop de fortunes. Trop de misère. Des bulles insupportables. Une situation climatique de plus en plus catastrophique. Des gaspillages infinis…Trop peu de sens de l’essentiel. Trop peu de prise en compte de l’intérêt des générations futures.
Enfin, et peut-être surtout, ce qui explique tout le reste, des sociétés qui ne se respectent pas : plus de 45% de la population mondiale n’a pas accès à des services d’hygiène efficaces ; plus de 40% des gens n’ont pas de moyens de se laver les mains chez eux ; plus de 2 milliards de personnes n’ont pas accès à des toilettes.
La bonne décision en Europe, jusqu’à fin février ou encore tout début mars, eût été de se lancer dans la production massive de masques, de tests et de moyens de suivre les relations des contaminés, comme on l’a fait en Corée.
Choix lamentable. Erreur tragique : le coût de la production, à temps, de masques et de tests aurait été le dix millième de ce que va coûter la dépression provoquée dans le monde par le confinement.
Derrière ce chaos se joue une formidable bataille planétaire, où chacun tente d’avoir pour soi le maximum de personnel, d’équipements, de respirateurs, de masques et de tests. Or la production mondiale est très insuffisante.
Ch. 3 UNE ECONOMIE MONDIALE EN SUSPENS
Une crise d’une ampleur incommensurable, dont peu de gens ont encore compris l’extrême gravité et les multiples facettes…Si on ne prépare pas en même temps les changements radicaux que cette crise exige, cela ne fera que maintenir un instant le réel en suspens. Avant un grand plongeon. Un très grand plongeon.
Une société de la solitude s’installe ; une société où beaucoup de gens sont comme en prison volontairement ; une société où les jeunes sont contraints de ne pas travailler pour que les vieux, qui ne travaillent pas, survivent. Une société de décroissance dans la solitude, dont les conséquences sociales, économiques, culturelles, politiques et écologiques sont et seront gigantesques.
En Europe, 60 millions d’emplois sont menacés, soit un emploi sur quatre…Au total, selon l’OIT, la gestion catastrophique de l’épidémie va détruire 200 millions d’emplois et réduire le revenu d’au moins deux milliards de personnes.
Dans l’ensemble, en trois mois –mars à mai-, près de 10 000 milliards de dollars, soit au total environ 10% du PIB mondial, sont engagés dans cette bataille. En conséquence, les déficits des Etats vont dépasser 10% du PIB dans de très nombreux pays, dont la France, l’Espagne et l’Italie. Et atteindre même 20% aux Etats-Unis.
Dans ce contexte, la dette publique est soutenable, aussi longtemps que le taux de croissance nominal, en tenant compte de l’inflation, est supérieur au taux d’intérêt. Or, la croissance n’est plus là…
Si on continue comme ça, à un moment encore indécidable, cela entraînera une crise financière d’une ampleur infinie, qui emportera d’abord les petites entreprises, puis certaines grandes entreprises que les financiers et les Etats ne pourront plus tenir à bout de bras. Aucun Etat ne pourra nationaliser toutes ses entreprises.
S’aggravera aussi la précarité de ceux qui ne sont protégés par aucun statut et qui dépendent, pour vivre, de leurs clients ou de leurs employeurs. Le chômage, la faillite personnelle, la perte du logement, la faim même, toucheront partout dans le monde, même en Europe, d’innombrables familles, y compris dans la classe moyenne, dont la plupart ne sont absolument pas conscientes des menaces qui les guettent.
Ch. 4 LA POLITIQUE, A LA VIE, A LA MORT
Avec cette pandémie s’amorce une très grave crise politique, sociale, morale et idéologique, plus encore qu’économique.
Je pense que la crise va accélérer une évolution dans laquelle les Etats-Unis et la Chine seront tous deux affaiblis, vers un monde sans maître…Un monde où l’Europe retrouve toute sa chance d’être libre, puissante et prospère.
Le modèle politique chinois, autoritaire et censuré, n’est pas tenable à terme…aucune nation n’a jamais été une superpuissance durable sans laisser s’exprimer des points de vue dissidents à l’intérieur de son élite.
Ces deux superpuissances affaiblies –USA et Chine- seront particulièrement dangereuses. Un conflit très vif, pas seulement économique, peut les opposer. Une guerre est même possible. Pas nécessairement volontaire. Pas nécessairement directement entre elles. Le moindre incident en mer de Chine ou dans le golfe Persique pourrait la déclencher.
Cet affaiblissement des nations, même des plus puissantes, devrait accélérer le processus de prise de pouvoir des très grandes entreprises…L’équivalent chinois des GAFAM se dote des mêmes pouvoirs. Avec plus encore de puissance de calcul, de connaissance en intelligence artificielle et en champ d’action, en raison de la taille du marché chinois. Pour l’instant, il reste au service du parti communiste et de l’Etat.
Et pourtant, les défis qui viennent devant nous sont justement liés à ce que produisent ces firmes : l’artificialisation du monde.
La décroissance n’est donc pas la solution à la maîtrise du réchauffement climatique. Il faut non pas décroître, mais produire autrement. Et autre chose.
D’autres dangers menacent la planète : la destruction de la mer, l’agriculture intensive, la remise en cause de la biodiversité, la misère, la faim, l’absence d’éducation, en particulier pour les filles, les violences faites aux plus fragiles. Et tant d’autres.
Ch. 5 TIRER LE MEILLEUR PARTI DU PIRE
La pandémie nous apprend l’interdépendance de toutes les vies.
Aux Etats-Unis, on a calculé que 60% des emplois pourront être exercés à domicile. L’essentiel des services, dans les pays disposant d’un bon réseau numérique, pourront être rendus à distance. Une grande partie des réunions, conférences, colloques, se tiendront de façon virtuelle.
L’entreprise devra justifier qu’elle protège ses collaborateurs, ses clients, son environnement, qu’elle se prépare aux crises futures, au moins autant qu’elle veille aux intérêts de ses actionnaires ; plus généralement, que ses activités sont conformes aux intérêts des générations futures. Elle devra donc devenir ce qu’on commence à nommer une « entreprise positive ».
En France, un petit nombre d’associations (moins de 15%, surtout dans le domaine social) ont des salariés ; plus précisément, 163 400 d’entre elles emploient 1,8 million de salariés, soit presque 10% des employés du secteur privé ; et il faut y ajouter les 80 000 jeunes en service civique et les 12 millions de bénévoles.
La crise a conduit à un développement gigantesque du commerce en ligne…on a vu, et on verra se développer des moyens d’achat virtuel très personnalisés, avec un vendeur virtuel attitré pour chaque client dans chaque magasin.
L’essentiel est d’être protégé : chacun voudra l’être de plus en plus, comme personne, consommateur, producteur, citoyen.
La surveillance a toujours été au cœur du pouvoir. La surveillance digitale de l’état de santé de chacun peut être un outil de dictature ou de liberté.
Ch. 6 L’ECONOMIE DE LA VIE
Vient une évidence : il faut remettre en cause très profondément nos modes d’organisation, de consommation et de production.
La moitié de la population mondiale n’a toujours pas accès à des services de santé essentiels. Plus encore n’ont pas accès à une protection sociale adéquate pour la financer. De très nombreuses pandémies ne sont pas sous contrôle ; de très nombreuses maladies sont encore mal comprises et incurables.
Un programme mondial de développement de l’hygiène devrait également être mis en place. Il faudra améliorer les marchés de gros, les réseaux de gestion des eaux usées et le recyclage des produits d’hygiène, aujourd’hui trop souvent en plastique à usage unique.
L’élevage industriel, le confinement des animaux et l’absence d’hygiène dans les abattoirs et les marchés favorisent le développement de bactéries multirésistantes.
En particulier, en Europe, une nouvelle politique agricole commune devrait faire de la santé des sols, du partage de la valeur ajoutée et de la fin du gaspillage alimentaire des priorités absolues.
Les très grands magasins et les centres commerciaux perdront beaucoup de leur raison d’être ; ils devront, pour certains, se reconvertir. C’est un des plus grands défis des années à venir.
On aura besoin partout de beaucoup plus de professeurs, mieux formés tout au long de leur vie, et mieux rémunérés…L’éducation devra être permanente, pratique, concrète. Plus personne ne devra ignorer le digital, l’écologie, le social.
Cette économie regroupe toutes les entreprises qui, d’une façon ou d’une autre, de près ou de loin, se donnent pour mission de permettre à chacun de vivre bien.
Les secteurs concernés sont très nombreux : la santé, la prévention, l’hygiène, le sport, la culture, les infrastructures urbaines, le logement, l’alimentation, l’agriculture, la protection des territoires, mais aussi : le fonctionnement de la démocratie, la sécurité, la défense, la gestion des déchets, le recyclage, la distribution d’eau, l’énergie propre, l’écologie et la protection de la biodiversité, l’éducation, la recherche, l’innovation, le numérique, le commerce, la logistique, les transports de marchandises, les transports publics, l’information et les médias, l’assurance, l’épargne et le crédit.
C’est aussi vers cette économie de la vie qu’il faut réorienter les entreprises des autres secteurs, qui, aujourd’hui, attendent, en vain à mon sens, le retour chimérique de leurs marchés à l’identique : les entreprises automobiles, aéronautiques, de la machine-outil, celles de la mode, de la chimie, du plastique, de l’énergie carbonée, du luxe, du tourisme, ne reverront pas leurs marchés antérieurs.
Le tourisme représente plus de 330 millions d’emplois au niveau mondial et pèse plus de 10% du PIB mondial…Il faudra admettre qu’une destination touristique n’est viable et durable économiquement que si elle l’est écologiquement, culturellement et socialement.
En particulier, la protection de la diversité fait partie de l’économie de la vie. Elle est essentielle pour endiguer la propagation des épidémies : la déforestation et la réduction du territoire des espèces sauvages augmentent en effet les risques de propagation des maladies. Des mécanismes juridiques, liés à l’aménagement des territoires, devront permettre la préservation de la biodiversité, un traitement digne des animaux, le développement concret de l’agriculture biologique et la lutte contre l’artificialisation des sols.
Ch. 7 ET APRES ?
Bien des métiers n’auront plus de raison d’être et des dizaines de millions de gens, brutalement jetés au chômage, devront se réinventer.
Il faudra non seulement tirer les leçons du passé et être prêt au retour du même, mais aussi être prêt à l’inattendu, à l’inconnu.
Chaque nouveau confinement serait un nouveau choc économique, social et politique qui viendrait ajouter de nouveaux malheurs aux tragédies actuelles.
Il faut se préparer à de futurs désastres écologiques…On sait tout de la croissance à craindre des déchets, du recul des récifs de coraux, de la disparition de la diversité ; on sait que, au rythme actuel, en 2050, il y aura plus de plastique que de poissons dans l’eau.
Bien des analystes montrent que le seul réchauffement climatique pourrait conduire à une baisse de 3% du PIB mondial dès 2030.
De la même manière que la température augmente lentement, sans qu’on s’en rende compte, le totalitarisme avancera continûment, parfois sans dictateur, sans rupture de régime, sans annonce particulière, servi par des hommes politiques qui se croiront encore des démocrates et qui ne le seront plus.
Conclusion POUR UNE DEMOCRATIE DE COMBAT
Continuer comme ça, c’est faire le jeu des dictatures, qui se préparent à l’avenir : la Chine vient d’annoncer le lancement d’un programme centré sur sept secteurs habilement choisis : la 5G, Internet, les transports rapides entre villes, les centres de données, l’intelligence artificielle, l’énergie de haut voltage, les stations de recharge des véhicules électriques. Des secteurs permettant de renforcer la surveillance du peuple et de se passer du pétrole importé.
Il faut comprendre qu’il serait intolérable de faire subir, par notre faute, aux enfants d’aujourd’hui, une pandémie à 10 ans, une dictature à 20 ans et un désastre climatique à 30 ans.
Soixante-dix ans de drogue ultralibérale ont tué toute volonté et tout moyen pour l’Etat d’agir fermement et de vouloir un projet…Et pourtant, il est temps de passer de l’économie de la survie à l’économie de la vie. Il est temps de passer d’une démocratie à l’abandon à une démocratie de combat.
Penser après, c’est penser large, c’est penser à la vie et à la condition humaine. C’est penser vraiment à ce que nous voulons faire de notre vie, si brève, si fragile, si pleine de surprises. Si rare aussi.
C’est penser à la vie des autres, à celle de l’humanité et du vivant.
Y penser, non dans la peur de mourir, mais dans la jubilation de vivre. De vivre chaque instant, gaîment…Dans la gratitude à l’égard de ceux qui rendent possible l’avenir et la volonté de créer un monde où ces catastrophes, sans doute inévitables, seraient si bien préparées qu’on n’aurait pas à s’en inquiéter, ni avant, ni pendant. Pour nous. Pour nos enfants, nos petits-enfants ; et les petits-enfants de nos petits-enfants.
Tant de belles choses, des choses exaltantes, les attendent, si, aujourd’hui, nous prenons soin d’eux.
*
COMMENT JE SUIS DEVENU MOI-MÊME d'Irvin D. YALOM - Livre de Poche
Émetteur du florilège: François C.
La naissance de l’empathie
L’explosion soudaine de cet abcès primitif, cette poche scellée de culpabilité, vieille de soixante-treize ans.
En quête d’un mentor
Ce fantasme de reconnaissance et de délivrance traîne en moi sous différentes formes.
Je veux qu’elle parte
Cette nuit-là, j’ai vu mon père frôler la mort, subi comme jamais encore auparavant la rage de ma mère, et pris la décision auto-protectrice de fermer la porte sur elle. Je devais quitter cette famille. Pendant les deux ou trois années qui suivirent, je lui ai à peine parlé : nous vivions comme des étrangers sous le même toit.
Je vois son visage : jamais apaisé, jamais souriant, jamais heureux.
Retour au point de départ
Il y a eu tant de non-dits entre mes parents et moi. Des faits dont nous n’avons jamais discuté concernant notre vie commune, la tension et la tristesse de notre famille, leur monde et le mien.
Je me rappelle lui avoir demandé s’il croyait en Dieu. « Après la Shoah, m’a-t-il répondu, comment peut-on croire en Dieu ? »
La bibliothèque de A à Z
Avec le recul, j’éprouve de la tendresse pour ce gamin solitaire, effrayé et résolu, une sorte d’admiration respectueuse pour la façon dont il a tracé sa route, en se formant souvent au hasard, sans encouragements, modèles ni guides.
La guerre de religion
Tu es pris entre deux mondes : tu ne connais ni ne respectes l’ancien monde, et tu n’aperçois pas la porte qui t’ouvrira l’accès au nouveau. Ce qui suscite beaucoup d’angoisse. Tu auras besoin d’une longue psychothérapie pour t’aider à en sortir.
Un garçon joueur
Renoncer au tennis, au jogging et à la plongée sous-marine est une chose, renoncer au poker en est une autre. Les trois premiers sont des exercices plutôt solitaires, le poker est une activité sociale : mes partenaires, des types charmants, me manquent beaucoup.
Une brève histoire de colère
Je persiste à croire que ma difficulté à traiter des crises ouvertes de colère, mon refus de la confrontation, même de débats un peu chauds, ma répugnance à accepter des postes administratifs impliquant confrontations et disputes, tout cela aurait été différent si mon père et William ne m’avaient extirpé de la bagarre cette nuit-là, il y a si longtemps.
La table rouge
Et puis un jour, j’avais quatorze ans, ma mère m’a appris, presque par inadvertance, qu’elle avait acheté une maison et que nous allions déménager très prochainement.
Le regard de ma mère est tombé sur une table de jeu néo-baroque, avec dessus de cuir rouge criard et quatre sièges assortis.
Marilyn
Ce fut elle, mon mentor ! Mon inconscient a saisi que cette jeune personne était l’être unique susceptible d’assumer la tâche de me civiliser et de m’élever au-dessus de moi-même.
J’ai toujours eu conscience de la formidable chance qu’a constitué la présence de Marilyn à mes côtés depuis ma quinzième année. Elle a élevé mon esprit, soutenu mon ambition, elle m’a offert un modèle de grâce, de générosité, entraîné dans une vie dédiée à la réflexion.
A l’université
J’habitais chez mes parents et m’imposais une routine féroce : apprentissage, mémorisation, expériences en laboratoire, des nuits passées à préparer les examens, le tout sept jours sur sept.
J’épouse Marilyn
J’avais épousé la femme que j’aimais, j’avais été admis en fac de médecine où tout marchait bien ; mais, en réalité, je n’étais jamais à mon aise, doutant toujours de moi, sans arriver à saisir l’origine de cette anxiété, soupçonnant une blessure profonde remontant à mes jeunes années, et avec l’impression de ne pas être à ma place, de ne pas être aussi méritant que les autres.
Mon premier patient
L’internat : le mystérieux docteur Blackwood
A la fin de mon année d’internat, j’avais endossé l’identité d’un médecin et me sentais maintenant suffisamment à l’aise pour affronter la majorité des cas. L’année n’en avait pas moins été rude, avec de longues heures de travail, peu de sommeil et de nombreuses nuits blanches.
Les années John Hopkins
Comme un adolescent, j’étais grisé par la vitesse, je me sentais absolument invulnérable. Ce n’est que bien plus tard que l’étendue de mon insouciance et de ma stupidité m’est apparue.
Je me suis dit à plusieurs reprises, ce qui n’est pas très aimable, que la chose principale que j’ai apprise de mon analyse, c’est ce qu’un psychanalyste ne doit pas faire.
Dès le départ, je me suis enthousiasmé pour cette méthode de thérapie de groupe : elle offre aux participants une formidable opportunité de donner et de recevoir des informations sur leur moi social. Elle leur permet d’explorer et d’exprimer des parties de leur personnalité, un comportement dont leurs pairs leur renvoient le reflet.
Les travaux de Sullivan m’ont néanmoins aidé à comprendre que la plupart de nos patients tombent dans le désespoir parce qu’ils sont incapables d’établir et de maintenir des relations personnelles enrichissantes. J’en ai conclu que la thérapie de groupe constituait l’arène idéale où pouvoir explorer et corriger des modes inadaptés de relations aux autres.
Maintenant, je crois comprendre pourquoi John Whitehorn m’a fait venir alors qu’il était à l’article de la mort. Il devait voir en moi celui qui poursuivrait son œuvre. Je contemple sa photo accrochée au mur au-dessus de mon bureau, et j’essaie de saisir son regard. J’espère qu’il a été réconforté à la pensée que, à travers moi, il continuera de marquer l’avenir.
Affecté au paradis
En 1960, Hawaï était encore d’une beauté étonnante et authentique.
Impressionné par la personnalité de David Hamburg, je voulais participer à son entreprise. Je comprenais enfin que ce que je désirais vraiment, c’était une vie d’enseignant et de chercheur.
Toucher terre
Durant les quinze années suivantes à Stanford, j’ai continué de prospecter le domaine de la thérapie de groupe, comme clinicien, enseignant, chercheur et auteur de manuels scolaires.
Bien que des confrères aient critiqué cette méthode, je n’ai pas d’exemple en tête qui prouverait que le fait de partager mes pensées et mes sentiments avec mes patients ne les ait pas aidés.
Encore aujourd’hui, après un demi-siècle de pratique, j’attends avec impatience chaque nouvelle séance, qu’elle soit individuelle ou en groupe, et les résultats qui s’ensuivront. Si cet appétit me manque, si l’approche de la séance me laisse indifférent, j’imagine que le patient doit éprouver les mêmes sentiments et je m’efforce d’en comprendre la raison et de la corriger.
Mon père mourut comme il avait vécu, sans bruit et discrètement. Et je n’ai pas cessé de regretter de l’avoir si mal connu.
Une année à Londres
J’ai dû inventer ma méthode, qui consista à puiser autant que possible dans mes trois sources principales : mes notes de lecture des cours que j’avais donnés aux résidents l’année précédente, les centaines de résumés de mes thérapies que j’avais rédigés et offert aux membres des groupes, et la littérature sur la recherche en thérapie de groupe.
Je me sentais émancipé, libre d’écrire pour un public totalement différent : des praticiens s’efforçant d’apprendre comment venir en aide à leurs patients.
La vie brève et agitée des groupes de parole
Théorie et pratique de la psychothérapie de groupe a connu aussitôt un grand succès et figura bientôt comme manuel d’enseignement dans la majorité des programmes de formation en psychothérapie, aux Etats-Unis, puis dans d’autres pays.
Séjour à Vienne
Quand j’ai entrepris d’écrire Psychologie existentielle, j’ai relu de bout en bout Découvrir un sens à sa vie, et compris plus que jamais l’importance des contributions de Frankl, originales et fondamentales, à notre domaine.
Chaque jour on s’en rapproche ou Dans le secret des miroirs
Cela me serre toujours le cœur de retrouver d’anciens carnets de rendez-vous pleins de noms à moitié oubliés de patients avec qui j’ai vécu des expériences si profondes. Tant de gens, tant de moments précieux ! Que leur est-il arrivé ? Mes nombreux classeurs, mes montagnes de cassettes m’évoquent souvent un vaste cimetière : des vies compressées dans des dossiers bien nets, des voix piégées sur bandes magnétiques qui rejouent éternellement leur tragédie. Vivre avec ces monuments m’emplit d’un sentiment aigu d’éphémère.
Oxford et les monnaies enchantées de M. Sfica
« Je ne veux rien. Je ne crains rien. Je suis libre. » Ces mots de Kazantzakis m’ont fait frissonner quand je les ai lus sur sa tombe.
Une semaine plus tard, nous avons reçu le verdict : toutes les pièces étaient fausses sauf les monnaies romaines achetées chez le vieux juif dans son sous-sol ! Ainsi a commencé une vie d’aventures en Grèce.
Thérapie existentielle
Comme le disait un membre du groupe : « Quel dommage d’avoir dû attendre que mon corps soit rongé par le cancer pour apprendre l’art de vivre. » Cette phrase, inscrite à jamais dans mon esprit, m’aida à façonner ma pratique de la thérapie existentielle que j’exprime souvent ainsi : « Si la réalité de la mort peut nous détruire, l’idée de la mort peut nous sauver. » Ainsi parvenons-nous à la prise de conscience que, puisque nous n’avons qu’une seule fois la chance de vivre, nous devrions vivre pleinement et finir avec le moins de regrets possible.
La confrontation avec la mort aux côtés de Rollo May
Adolescent, j’avais appliqué cette tirade de Macbeth à tous les grands personnages qui peuplaient ma vie, qui s’agitaient et se pavanaient et avaient fait l’histoire de mon monde, et qui depuis étaient tous retombés en poussière. Tout disparaît, vraiment tout. Nous ne disposons que d’un instant de soleil, un instant précieux et béni.
Mort, liberté, isolement et absence de sens
Dans chacune des quatre parties du livre -mort, liberté, isolement, absence de sens- j’ai cité mes sources, décrit mes observations cliniques, nommé les philosophes et les écrivains dont je me suis inspiré.
De la thérapie de groupe en milieu hospitalier à la vie parisienne
J’ai choisi d’approfondir ma connaissance de la pensée existentielle et de poursuivre mon éducation philosophique en étudiant la pensée orientale, sur laquelle j’étais d’une ignorance incommensurable.
La route des Indes
Regardez bien la tête de Ganesh, dit-elle. Chaque trait porte un message. La grosse tête nous dit de penser en grand, les longues oreilles nous disent de bien écouter, les petits yeux de bien se concentrer. Et puis, encore une chose, la petite bouche nous dit de moins parler, ce qui fait que je me demande si je ne suis pas en train de trop parler.
Le voyage en Inde m’offrit ma première initiation en profondeur à la culture asiatique. Il ne devait pas être le dernier.
Japon, Chine, Bali et le Bourreau de l’amour
Presque imperceptiblement, une histoire prenait corps et se développait à une telle vitesse qu’il fallait que je l’écrive toutes affaires cessantes. Sans savoir, au début, où elle allait me mener. Un peu comme un spectateur, je la regardais s’enraciner puis faire des pousses qui bientôt s’entrecroiseraient.
Et Nietzsche a pleuré
A la parution, un court article dans le New York Times qualifia Et Nietzsche a pleuré de « petit roman soporifique ». Ce fut la critique la plus négative. Elle fut suivie d’une quantité d’articles, très élogieux, dans divers journaux et magazines, quelques mois plus tard.
Mensonges sur le divan</p
En matière de littérature psychiatrique professionnelle, j’ai beaucoup écrit sur l’importance de l’interrelation en thérapie. La force agissante n’est pas d’origine intellectuelle, ce n’est ni de l’interprétation ni de la catharsis, c’est la rencontre authentique entre deux personnes.
Momma et le sens de la vie ou La Malédiction du chat hongrois
Toute ma vie j’ai cherché à m’échapper de mon passé -le ghetto, l’épicerie- mais se pourrait-il que je n’aie échappé ni à mon passé ni à ma mère ?
J’ai choisi de travailler avec des patients en train de mourir, dans l’espoir qu’ils me rapprochent de l’essence tragique de la vie. Cela s’est effectivement produit et je suis retourné trois ans en thérapie.
Devenir grec
Je ne cesserai de m’émerveiller de m’être vu attribuer le statut de Grec d’honneur.
L’art de la thérapie
Ce livre, je l’ai conçu comme une opposition à la pratique cognitivo-comportementale, rapide, obéissant à des protocoles, obéissant aux pressions d’ordre économique, et un moyen de combattre la confiance excessive des psychiatres en l’efficacité des médicaments. Ce combat se poursuit encore maintenant, malgré les preuves indéniables fournies par la recherche que la réussite d’une psychothérapie repose sur la qualité de la relation entre le patient et son thérapeute, son intensité, sa chaleur, sa sincérité.
Deux ans avec Schopenhauer
Je confesse avoir été si fasciné par l’œuvre, la vie et la psyché de Schopenhauer que je ne pouvais laisser passer l’occasion de spéculer sur ce qui avait forgé un tel caractère. Ni résister à l’envie d’explorer les voies qui avaient fait de lui un ancêtre de Freud et préparé le terrain de la psychothérapie.
Le jardin d’Epicure : Regarder le soleil en face
J’imaginais un livre de huit ou neuf chapitres, chacun commençant par le même paragraphe : le cauchemar, le réveil, la quête du soulagement. Pourtant, chaque chapitre se situerait dans un siècle différent !
Imaginez un rayon lumineux aussi fin qu’un rayon laser se mouvant inexorablement le long de l’immense règle du temps. Tout ce que le rayon a dépassé disparaît dans les ténèbres du passé ; tout ce qu’il devra éclairer se cache dans les ténèbres de ce qui n’est pas encore. Seul ce qu’il illumine est vivant et conscient. La chance fait que je suis vivant ici et maintenant : cette pensée me réconforte en permanence.
Dernières œuvres
J’ai emprunté le titre à l’une des méditations de Marc Aurèle : « Nous sommes tous les créatures d’un jour : que l’on soit celui qui se souvient ou celui dont on se souvient. »
Beurk ! La textothérapie
Récemment, j’ai tellement insisté sur la nécessité pour le thérapeute de respecter la relation empathique entre lui et son patient que j’ai constaté un résultat paradoxal : pratiquée par des analystes bien formés, la méthode de la textothérapie peut offrir une relation plus personnelle que le face-à-face avec un praticien appliquant à la lettre un manuel.
Ma vie en groupes
J’ai découvert le pouvoir fortifiant de réunions régulières entre intimes ; nous y trouvons la camaraderie, une supervision, un apprentissage postdoctoral, de l’enrichissement personnel et une médiation en cas de crise.
De l’idéalisation
Je ne prends donc pas cette adulation au sérieux. Tout ce que je peux faire, c’est être le meilleur thérapeute possible. Me rappeler que je suis un personnage idéalisé et que nous tous, les êtres humains, nous avons besoin d’un aîné, un savant, un sage aux cheveux blancs. Si j’ai été choisi pour occuper cette place, je l’accepte avec bonheur. Il faut bien que quelqu’un le fasse.
L’apprenti vieillard
Chacun d’entre nous crée, souvent sans le savoir, des cercles concentriques d’influence qui peuvent toucher les gens pendant des années, voire des générations. L’effet agit à la manière dont se propagent les ondulations d’un étang qui, devenues invisibles, continuent néanmoins d’exister à un niveau nanométrique.
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CE SERA MIEUX APRES… Sauf si on est trop cons! de Philippe BLOCH - Ed Ventana
Émetteur du verbatim: François C.
L’Histoire avec un grand H s’écrit souvent sans que personne n’ait rien vu venir. Et c’est pourtant dans ces moments-là que se révèlent les vrais leaders qui y inscrivent leur nom pour l’éternité.
Afin que tout ce que nous venons de vivre ne l’ait pas été pour rien, il nous faut réfléchir et réévaluer la relation que nous entretenons avec plusieurs thèmes majeurs. La mort en premier lieu. Mais aussi le principe de précaution. Le temps. L’ennui. La consommation. Notre cadre de vie. L’adaptabilité. La mondialisation. L’Europe. L’information. La liberté. Le profit. La volonté. L’unité.
L’essentiel sera à chaque fois de parvenir au meilleur équilibre possible entre des solutions souvent opposées.
1. Mortalité ordinaire vs Mortalité extraordinaire
A partir de combien de décès par jour redevient-il acceptable de privilégier l’économie plutôt que la santé ? Aurait-il mieux valu choisir la sélection naturelle via l’immunité collective, seule réelle solution en l’absence de vaccins ou de traitements, plutôt que la surprotection de tous ?
2. Peur et Précaution vs Raison et Audace
S’il ne doit rester qu’un seul principe, ce doit être celui de la raison et de l’action plutôt que celui de l’inertie et de la peur. Les risques sont inhérents à la recherche scientifique, comme à toute activité humaine. Mais ne trahissons pas la mémoire de celles et ceux qui en ont pris pour nous depuis des siècles, et ont ainsi rendu notre vie infiniment plus supportable. Réapprenons le plaisir qu’il y a à plonger dans l’inconnu, et remplaçons dans notre Constitution l’obsession sécuritaire par la poursuite du bonheur figurant dans la Déclaration d’indépendance américaine.
3. Courir après le temps vs Le temps retrouvé
Quel sera l’impact de ce ralentissement sur notre société de l’immédiateté et du presse-bouton ? Sommes-nous pour autant devenus plus sages en quelques semaines, et serons-nous guéris durablement de nos excès post-confinement ? Rien ne le garantit. Et pourtant, n’est-il pas temps de ralentir pour de bon ? Avons-nous suffisamment réfléchi à la façon dont nous voulons occuper dorénavant le temps de vie trop court qui nous est offert sur cette planète, afin d’en faire le meilleur usage possible ?…La lenteur pourrait-elle devenir un art de vivre ? Avons-nous choisi l’essentiel sur quoi nous voulons désormais nous concentrer ?…Savoir privilégier les sujets qui méritent vraiment que nous y passions du temps utile pourrait bien devenir l’une des clés de notre renouveau.
4. Ennui vs Projet
L’ennui use, alors que les rêves, les projets, les passions n’ont jamais fatigué personne.
Quiconque est incapable de faire des projets, ou arrête de les croire réalisables, se condamne à vivre sans passion. Une vie sans eux, petits ou grands, ne mérite pas d’être vécue.
Quand l’environnement est contraignant et l’avenir incertain, ce qui compte est bien de se lancer, de se fixer un cap puis de faire preuve d’audace, cette attitude qui peut tout changer.
Dans ce monde instable et sans destination que vient de révéler cette crise, quel sera notre projet partagé ? Serons-nous capables d’en imaginer un ou plusieurs susceptibles de tous nous réunir autour de valeurs communes redécouvertes ou renforcées à cette occasion ?
5. Décroissance vs Une autre croissance
Plus que de décroissance et ses inévitables dommages collatéraux sur l’économie, c’est bien d’une autre croissance dont nous avons besoin, et que le « monde d’après » pourrait inventer. Une croissance plus réfléchie, plus raisonnable, plus redistributive et moins consommatrice de ressources.
Nous demander si l’essentiel ne pourrait pas être l’attention que l’on porte aux autres et le temps qu’on leur consacre…Apprendre à reconnaître ce qui est rare et précieux, à savoir le temps et la santé, et à les distinguer de ce qui ne l’est pas, sera assurément l’une des leçons essentielles de cette expérience salutaire.
6. Vie d’avant vs Vie d’après
Ce repos forcé va en outre nous obliger à réfléchir à l’intérêt de l’ubiquité et du mouvement permanent qui rythme nos vies et nous contraint à d’innombrables déplacements, sans que leur utilité soit toujours démontrée.
Mais pourquoi n’arrêterions-nous pas notre bougeotte permanente, et ne réapprendrions-nous pas à nous poser un peu là où nous nous sentons bien ? A la campagne ou ailleurs. Accélérer vs ralentir ? That is the new question.
7. Anticiper vs S’adapter
Il faut réfléchir dès maintenant à la façon dont nous pourrions gérer autrement tous les risques qu’entraînera une nouvelle catastrophe, et utiliser au maximum les possibilités qu’offrent le numérique et la data. Et quand j’écris catastrophe, je pense naturellement aux risques de toute nature, qu’ils soient environnementaux, alimentaires, terroristes ou de type NRBC (Nucléaires, Radiologiques, Biologiques et Chimiques). Les oublier aujourd’hui, au prétexte que nous venons de vivre une crise d’origine purement sanitaire, serait une erreur tragique.
Partons du principe que si l’on n’a pas conscience que le pire est vraisemblable, alors il deviendra certain. Imaginons très vite tous les scénarios les plus sombres et les plus probables, et réunissons des groupes de personnalités aux visions différentes pour confronter leurs idées et imaginer des solutions de rupture.
8. Mondialisation vs Proximité
Il va falloir dessiner une nouvelle géographie de la mondialisation financière, industrielle et numérique en tenant compte de l’intérêt croisé du citoyen client, salarié et contribuable que nous sommes tous devenus.
Pour survivre à son armée de détracteurs et éviter le retour à l’âge de pierre, la mondialisation va désormais devoir être celle de l’intelligence, et être essentiellement mesurée à notre capacité à agir de façon globale, concertée et redistributive. En matière économique, bien sûr, mais aussi sanitaire, alimentaire et environnementale.
9. Moins d’Europe vs Une autre Europe
Santé, migrations, environnement, terrorisme, cyberdélinquance, etc. dans une économie post-Corona qui restera mondialisée qu’on le veuille ou non, un grand nombre de problèmes globaux ne peuvent plus trouver de solutions à l’intérieur des seules frontières nationales.
Commençons par fixer comme priorité à nos voisins de construire une souveraineté sanitaire, incluant l’augmentation de nos capacités industrielles locales à la pointe de la technologie et du digital.
Espérons que l’U.E. rejettera le repli nationaliste, autoritaire et populiste et qu’elle fera le choix de la responsabilité, de la solidarité et d’une nouvelle espérance collective…C’est un projet formidable pour elle, et pour nous une chance à ne pas laisser passer.
10. Fake news vs Real news
Le risque de se tourner vers une consultation plus massive encore des réseaux sociaux de toutes sortes, et leur infini réservoir d’infox, de rumeurs, de deep fakes (hypertrucage, ou synthèse d’images basées sur l’intelligence artificielle), de théories complotistes et de justice expéditive.
En alimentant la défiance à l’égard de tous ceux qui incarnent l’autorité, le pouvoir ou la richesse, ceux qui propagent volontairement de fausses informations sèment la confusion et ajoutent à l’anxiété ambiante.
11. Orwell et Etat de droit vs Vie privée et Liberté
« Notre liberté se bâtit sur ce qu’autrui ignore de nos propres existences », disait Alexandre Soljenitsyne. Sur ce sujet comme sur tant d’autres qui nous attendent, les choix seront difficiles et demanderont du courage. Nous ne pouvons pas renoncer a priori à bénéficier des possibilités qu’offre la data pour éviter qu’une prochaine épidémie entraîne le même désastre humain et économique. Mais nous ne pouvons pas non plus laisser entre les mains de dirigeants peu scrupuleux la possibilité de mettre en place une société de surveillance totalitaire et d’agir en toute liberté dans tous les domaines.
12. Profit vs People
Il est temps de repenser la place des Seniors dans notre société et de remettre l’altruisme, l’empathie et la bienveillance au cœur de nos valeurs.
Roosevelt « Le bonheur se trouve dans la joie de l’accomplissement, dans l’excitation de l’effort créateur. La joie, stimulation morale du travail, ne doit plus être oubliée dans la folle course aux profits évanescents. Ces jours sombres, mes amis, vaudront tout ce qu’ils nous coûtent s’ils nous enseignent que notre véritable destinée n’est pas d’être secourus, mais de nous secourir nous-mêmes, de secourir nos semblables. »
13. Découragement vs Réinvention
Ce cataclysme a aussi révélé l’ingéniosité des entrepreneurs pour trouver des solutions inédites et leur permettre de poursuivre leurs activités pendant le confinement, malgré l’adversité et la multiplication des obstacles. Mise en réseaux, basculement vers le télétravail, digitalisation accélérée des métiers, adaptation immédiate de leur organisation et de leur process à des contraintes inhabituelles, protection de leurs salariés, communication rassurante auprès de leurs clients et de leurs partenaires, ajustement rapide de leurs offres, ajout éclair de nouvelles fonctionnalités sur leurs outils numériques, création d’applications en mode hackathon, etc.
Je suis convaincu que l’époque qui s’ouvre est idéale pour lancer des projets innovants de toute nature. L’essentiel sera que tous ceux qui auront eu la force de surmonter l’épreuve de cette reconstruction n’oublient pas ceux qui seront restés sur le bord de la route, et mettent tout en œuvre pour les aider à remonter sur le bateau dès qu’ils le pourront.
14. Ressentiment vs Unité
L’After Corona ne sera qu’un champ de ruines, si l’unité ne l’emporte pas sur la défiance. Et si nous oublions le moment venu de rendre un véritable hommage à ces héros d’un combat que nous aurions perdu sans eux.
Pour réussir l’After Corona, jamais l’esprit d’unité et la cohésion sociale n’auront été aussi nécessaires. Sans confiance, rien ne sera possible. Il va donc falloir retrouver rapidement le sens du collectif, si nous voulons faire disparaître les séquelles de ces traumatismes qui vont durer longtemps.
Conclusion Mieux avant vs Mieux après si…
Comme sur bien d’autres sujets à trancher, la difficulté va être de trouver le moins mauvais équilibre possible entre centralisation inefficace et néolibéralisme mondialiste destructeur. Entre liberté et sécurité. Entre responsabilité et contrainte.
Parce que nous sommes tous les entrepreneurs de nos vies, tout est désormais entre nos mains. Nous avons le pouvoir de changer. De revoir la hiérarchie de nos valeurs. Dans un climat de suspicion général, nous avons avant tout besoin de tolérance, d’empathie et de confiance. En l’avenir. Envers les autres. En l’Etat. Mais surtout envers nous-mêmes.
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La sirène, le marchand et la courtisane de Imogen Hermes Gowar - Belfond
Coup de cœur de Stéphanie, une amie libraire: Un soir de septembre 1785, on frappe à la porte du logis du marchand Hancock. Sur le seuil, le capitaine d’un de ses navires. L’homme dit avoir vendu son bateau pour un trésor : une créature fabuleuse, pêchée en mer de Chine. Une sirène. Entre effroi et fascination, le Tout-Londres se presse pour voir la chimère. Et ce trésor va permettre à Mr Hancock d’entrer dans un monde de faste et de mondanités qui lui était jusqu’ici inaccessible. Lors d’une de ces fêtes somptueuses, il fait la connaissance d’Angelica Neal, la femme la plus désirable qu’il ait jamais vue… et courtisane de grand talent. Entre le timide marchand et la belle scandaleuse se noue une relation complexe, qui va les précipiter l’un et l’autre dans une spirale dangereuse. Car les pouvoirs de la sirène ne sont pas que légende. Aveuglés par l’orgueil et la convoitise, tous ceux qui s’en approchent pourraient bien basculer dans la folie…
J’ai beaucoup aimé découvrir ce roman. Le Londres du XVIIIème siècle et les différentes classes de la société sont subtilement misent en lumière : domestiques, marchand, nobles, courtisanes… Chacun a une voix propre et des combats différents. La question de la liberté des femmes (quelque soit leur condition) est très présente et j’ai beaucoup aimé. À travers l’apparition de cette sirène c’est le destin de chacun des personnages qui va évoluer entre admiration qui vire à l’obsession, l’envie de s’élever et de sortir de sa condition tout cela jusqu’au drame. En bref un très bon roman historique, bien documenté et passionnant !
GEOPOLITIQUE DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE de Pascal BONIFACE - Ed. Eyrolles
Émetteur du verbatim: François C.
Ch. 1. Intelligence artificielle, histoire et définition
Ch. 2. Corne d’abondance ou machine à exclure ?
Cette formidable avancée technologique menace fortement de se traduire par un désastre social et sociétal, surtout si on laisse les forces du marché agir « naturellement ».
Selon la société de conseil Mc Kinsey, entre 400 et 800 millions de personnes pourraient être remplacées dans leur travail d’ici 2030 et devraient se reconvertir pour trouver un nouvel emploi.
La société se polariserait donc entre d’un côté quelques activités à très haute valeur ajoutée, assumées par un petit nombre de personnes, et de l’autre des activités à très faible valeur ajoutée, notamment dans la sphère domestique, effectuées par le reste de la population.
Pour le moment, les gains générés par les technologies de l’information et de la communication (TIC) ont été empochés par le 1% les plus riches et plus encore par le 1% du 1%, tout en provoquant une stagnation de la classe moyenne et une baisse des revenus des plus pauvres.
A l’avenir, de véritables écarts d’aptitude physique et cognitive risquent de se creuser entre les classes supérieures et le reste de la société.
Les enjeux pour notre société sont aussi importants que ceux relevant de la protection de l’environnement. Ils n’ont pas encore touché les opinions publiques dans leur profondeur, comme la problématique climatique. Il faut accélérer cette prise de conscience. Lancer le débat. Construire un rapport de force avec les géants de l’IA, rapport de force qui aujourd’hui n’a été exclusivement bâti que par eux et pour eux.
Ch. 3. Les GAFAM vont-ils tuer l’Etat ?
Les GAFAM pourraient-elles être les vecteurs de la déterritorialisation des relations internationales ?.Fournir les services de base indispensables aux citoyens de façon plus efficace que les Etats ? Bref, bousculer, ringardiser et rendre obsolètes des structures vieillottes et vermoulues grâce à leur dynamisme, leur réactivité immédiate et leur modernité ?
Les GAFAM sont les championnes olympiques de l’évasion fiscale…Les avoirs des entreprises de la Silicon Valley détenus dans des zones offshore sont estimés à 500 milliards de dollars…L’évasion fiscale au sein de l’U.E. est estimée entre 500 et 1000 milliards d’euros par an.
Le monde entier s’est longtemps préoccupé de la domination de Washington sur le complexe militaro-industriel. Aujourd’hui, personne ne se soucie d’un complexe digitalo-politique infiniment plus puissant.
En fait, l’importance grandissante de ces milliardaires capricieux est problématique, car cela pose la question de savoir qui les contrôle. A l’inverse des Etats.
Ce serait là un monde où l’on pourrait vite passer du rêve digital au cauchemar de l’exclusion et de l’étouffement des libertés. Il est encore temps d’agir.
Ch. 4. Printemps des libertés ou hiver totalitaire ?
Le risque existe de transformer le citoyen en consommateur passif en tuant son libre arbitre et en l’emprisonnant à son insu, ou avec son acceptation non consciente, en une machine à accepter et consommer sans réflexion ni recul. Il sera robotisé et lobotomisé – plus de risque de révolte…
En Chine, au Viernam ou à Cuba, les médias sont étatiques. Bien sûr, les rédactions des pays européens tentent de dresser des barrières d’indépendance vis-à-vis de leur propriétaire. Cela peut fonctionner, mais l’autocensure est parfois plus forte que la censure.
Le contrôle social en Chine.
N’est-il pas urgent de lancer un débat sur l’ensemble des enjeux de l’IA pour la société ? Est-il normal que la quasi-totalité des candidats aux élections présidentielles de 2017 n’ont pratiquement jamais abordé ce sujet, pourtant essentiel, dans leur campagne électorale ?
Ch. 5. Le duel Chine/Etats-Unis
La Chine a décidé de suivre et de dépasser les Etats-Unis dans la course à l’intelligence artificielle parce que c’est ce qui lui permettra d’obtenir une suprématie stratégique vis-à-vis de Washington et en même temps de satisfaire les besoins de la population chinoise.
En 2000, la Chine ne comptait que 22 millions d’internautes, contre près de 850 millions en 2020. En 2017, le Forum économique mondial établissait que la Chine avait 4,6 millions de diplômés en sciences, technologie, mathématiques ingénierie. Les Etats-Unis, dont la population représente le quart de celle de la Chine, atteignaient un huitième de ce chiffre.
Les atouts de la Chine sont une profusion de données, des entrepreneurs insatiables, des chercheurs en intelligence artificielle et un environnement politique favorable à ce secteur.
En Chine, il n’est presque plus possible de payer en liquide, et de moins en moins facile de le faire avec une carte bancaire. Le paiement par smartphone y est en plein essor.
L’UE, la Russie, le Japon, la Corée du Sud, le Canada, l’Australie et d’autres réussiront-ils à s’extraire du piège sino-américain ? Leur retard est-il irrattrapable ou peut-il -à condition d’avoir une solide détermination à le faire- encore être comblé ? Tout peut se jouer très vite avant que la fenêtre d’opportunité ne se referme. On peut encore agir, mais pour combien de temps?
Ch. 6. Quo vadis Europa ?
Si L’Europe rate le virage de l’IA, elle pourrait vivre au XXIème siècle le sort que la Chine a subi au XIXème. Elle deviendrait la colonie digitale d’une autre puissance.
Il y a un déficit de plusieurs centaines de milliers d’experts en numérique. L’Europe n’offre pas assez de cursus spécialisés sur l’IA. Selon Gilles Babinet : « Il faut une coordination sur quatre points : la régulation de toutes les données souveraines hébergées en Europe ; susciter un marché sur les données européennes ; un plan Marshall de la formation numérique, en créant un LMD numérique ; un système d’armes -il faut une coordination européenne intégrée. »
L’Europe peut créer un modèle s’écartant de l’approche verticale chinoise et du laisser-faire américain, concilier performance et respect des droits des individus, mettre le progrès technologique au service de la protection du climat et de la réduction des inégalités. Il est encore temps d’agir.
GALILEO, l’exemple d’un (finalement) succès européen.
Ch. 7. La France dépassée ?
L’objectif assumé de la France est d’être le leader européen en termes d’IA, et d’être dans le top 5 des pays experts en IA.
Sera-t-il réellement question de l’IA, de ses conséquences sociétales, économiques et géopolitiques dans la campagne pour les élections présidentielles de 2022 ? N’est-ce pas un enjeu dont l’impact sur la France sera sans commune mesure, y compris pour sa sécurité, avec nos débats enflammés sur le voile ? La façon dont la question sera abordée constituera un bon test pour marquer la diférence entre une femme ou un homme d’Etat et une femme ou un homme politique.
Conclusion
La révolution numérique et les développements de l’intelligence artificielle…doivent être de bonnes servantes et non de mauvais maîtres. Une régulation est indispensable sauf à déboucher sur un scénario extrême d’une société la plus injuste à l’échelle historique. Les Etats, les sociétés civiles doivent imposer cette régulation. Les débats sur la révolution qui vient ne sont pas à la hauteur des enjeux. Il est encore temps de mettre les conséquences futures de la révolution numérique pour nos sociétés et pour l’Etat du monde en tête de liste de nos préoccupations.
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L’INCONNU DE LA POSTE de Florence AUBENAS - Ed. de l’Olivier
Émetteur du florilège : François C.
LE CRIME
Une bulle de silence a envahi la pièce. Le mariage a été la grande aventure de leurs vingt ans. Le divorce sera celle de leurs quarante ans. Presque toutes en sont là : le faire ou pas.
L’image lui restera : une scène de crime d’une grande violence, mais sans trace autour. « ç’a été bien fait », dit le pompier aux gendarmes. Il n’habite pas Montréal, mais en connaît la réputation, un village si tranquille, pas le genre d’endroit où se commettent les crimes crapuleux. Lui, en tout cas, n’y croit pas.
Le 26 décembre 2008, on enterre Catherine Burgod.
LA CHASSE
Une instruction judiciaire ressemble à une dévastation.
Au moindre fil, les gendarmes lancent des vérifications, convocations, auditions, écoutes, contrôles qui s’accumulent en dossiers et sous-dossiers.
Une fois le jour tombé, les villages se vident. Les femmes ne veulent plus assurer seules la fermeture des magasins. Elles ne veulent plus recevoir de clients en tête à tête dans leur bureau. Elles ne veulent plus faire leurs courses à Carrefour passé une certaine heure. Elles veulent quitter le travail au plus tôt, rentrer chez elle et fermer la porte à clé.
Maître Nounours ne manie pas l’éloquence raffinée et le revendique. Ce genre de choses, c’est bon pour les grandes villes, Paris ou Lille. Ici, ça ne plaît pas. Pire, ça ne paie pas.
Le Futur Ex sait gré à son beau-père de n’avoir jamais cru en sa culpabilité, même quand il était traité de suspect numéro 1 au début de l’enquête. L’histoire a emporté sa vie comme une boule de feu, brûlant tout sur son passage, y compris lui-même. Il s’est retrouvé seul avec ses enfants, à faire face aux accusations et aux remords.
Le fils se penche pour l’embrasser. Elle est morte. « Une crise cardiaque », ont diagnostiqué les médecins. Thomassin voulait une épitaphe digne d’elle. Il l’a intronisée passeuse internationale de cocaïne pour des millions de dollars, abattue par la Mafia. Il n’en démord jamais. Quand il veut la pleurer, ce n’est pas sur sa tombe qu’il s’agenouille, mais devant celle de Simone Signoret et Yves Montand au Père-Lachaise.
LES LARRONS
Sitôt assis, Burgod commence : « Je vais mourir sans connaître la vérité. » En réalité, il n’y a pas grand-chose à dire sur l’avancée des investigations, c’est bien tout le drame. Le dossier s’est transformé en un chaudron infernal où bouillonnent une multitude de pistes, d’expertises, les vérifications aux bornes d’autoroute, dans les centres pour migrants d’Hauteville ou ceux pour les sans-abris, les hôpitaux, les services psychiatriques, les associations de désintoxication, les déjà condamnés de la région et ceux qui pourraient l’être.
Burgod a fêté ses soixante-dix ans et lui, le dandy de la mairie, ressemble à un vieillard perdu, les traits gonflés, les lunettes de guingois. Son regard seul demeure vivant, noir, tourné vers le dedans, défiant ceux qui le croisent : son malheur jeté à la gueule du monde.
Cette nouvelle piste ne tient pas, ils le savent. Certains enquêteurs y voient pourtant la confirmation d’une ambiance, ou d’un malaise plutôt, l’impression d’être embourbé dans un petit marécage local, imbibé d’alcool, de drogue et d’embrouilles, où tout le monde paraît en savoir long, mais d’où rien ne sort finalement. Si ça se trouve, la solution est là, au bord du lac, à leur portée. Il suffirait qu’un seul d’entre eux se mette à table pour que l’affaire éclate.
Même si les mentalités changent, un verdict d’innocence reste souvent perçu comme un désaveu de toute la machine judiciaire, le juge d’instruction qui a fait l’enquête et renvoyé l’accusé devant la cour, le procureur qui a suivi le dossier, l’avocat général qui a requis devant les assises, le président qui a conduit l’audience. Au moment des mutations et des promotions dans la magistrature, ce sont des choses qui comptent.
A Nantua, tous les gendarmes connaissent Nain, un petit bonhomme aux paupières tombantes, la trentaine, une larme tatouée sur la joue droite et un casier judiciaire haut comme lui, une sorte de bric-à-brac de prétoire : stups, bagarres, outrages, vols de vélos, cambriolages.
LE CHOC
Dix ans d’enquête, des centaines de personnes entendues, deux hommes mis en examen, près de quatre cents prélèvements ADN, la vallée ratissée dans tous les sens : jamais le nom de l’ambulancier n’était apparu dans le dossier. Les gendarmes auraient pu passer à côté définitivement sans un incident dérisoire, au regard du crime de la poste. Les avancées de la police scientifique ont fini par nous habituer à ces accusés, soudain jaillis d’une éprouvette au fond d’un laboratoire, des années parfois après les faits. Il n’empêche. L’effet de vertige reste le même, à tous les coups, face à ces experts-sorciers.
Raymond Burgod a l’impression que sa tête le trahit, des pans de sa mémoire se floutent. Il passe la main dans ses cheveux que le coiffeur à laissés un peu plus longs sur les oreilles, un doigt à peine. « Comme quand j’étais jeune. »
Il a du mal à penser que sa fille a pu être tuée par quelqu’un sans rapport avec elle. Un parfait inconnu.
*
VIVRE AVEC NOS MORTS de Delphine HORVILLEUR - Grasset
Émetteur du florilège: François C.
Tout au long de notre existence, sans que nous en ayons conscience, la vie et la mort se tiennent continuellement la main et dansent.
J’ai dit à la fille d’Elsa Cayat qu’elle ne reviendrait pas, en ajoutant qu’elle était tout autour de nous.
Ce rite (placer près du corps du disparu une bougie qui symbolise la présence de son âme) énonce une vérité profonde : quelque chose de la vie de celui ou celle qui nous quitte est incandescent pendant ces quelques jours.
Ne jamais raconter la vie par sa fin mais par tout ce qui, en elle, s’est cru «sans fin». Savoir dire tout ce qui a été et aurait pu être, avant de dire ce qui ne sera plus.
Pourvu qu’à nos enterrements, il nous soit permis de ne pas nous résumer à nos morts, et de faire sentir combien dans la vie, nous avons été en vie.
Des revenants. C’est comme cela qu’on appelle souvent les fantômes, car c’est exactement ce qu’ils s’acharnent à faire : revenir. Revenir jusqu’à ce qu’on accepte de les voir, et de parler enfin d’eux.
À nouveau, il n’est pas besoin de croire littéralement à une vie après la mort, ou à la présence d’âmes errant dans nos vieilles maisons pour reconnaître très rationnellement que nous vivons tous avec des fantômes.
Impossible de me souvenir du contenu précis des engagements solennels que je pris cette nuit de mes dix ans. Je me souviens simplement avoir eu le sentiment de sceller un pacte avec plus grand que moi. J’ai prié, pleuré et prié encore.
J’écoute ce fils m’évoquer sa mère et je me demande comment je vais pouvoir raconter cette histoire le lendemain au cimetière à ses proches réunis. Que dois-je y faire résonner?
La Shoah a fait dans le panier de Sarah, dans celui de toute sa famille, de la mienne et de tant d’autres, des béances «intissables». Tous ces deuils ont produit des «détricotages» qui se sont raccrochés comme ils pouvaient aux fils arrachés, pour laisser à la corbeille un semblant de forme.
Pour moi, Simone Veil et Marceline sont les visages de ce qu’on désigne aujourd’hui sous le terme un peu galvaudé de «résilience». Pour la petite-fille de survivants mutiques que j’étais, elles incarnaient la possibilité de reprendre la parole, de dire sans gêne non seulement ce qu’elles avaient vécu, mais ce que chacune d’elles avait choisi d’en faire.
(kaddish) D’autres légendes talmudiques lui prêtent d’étranges pouvoirs et affirment qu’elle constitue la plus puissante des liturgies ascensionnelles. Réciter le kaddish à la mémoire d’un disparu contribuerait à l’élévation rapide de son âme, propulsée vers les hauteurs sublimes de sa réunification avec son Créateur.
Dans cette langue, «Abracadabra» signifie littéralement abra «il a fait» cadabra «comme il l’a dit». «Faire comme on a dit» est le propre de la parole performative. Le verbe crée une réalité qui ne lui préexistait pas. Par un mot, le monde change.
J’ai pensé à tous ces récits de la mystique juive qui racontent qu’au jour de la mort, quelqu’un vient nous chercher. Des proches surgiraient pour nous guider vers un ailleurs, des «anges» ou des êtres aimés qui accompagneraient notre sortie de ce monde.
Partout où il surgit, le prophète Elie observe la façon dont malgré tout, et surtout malgré la mort qui a tant rôdé autour d’eux, les juifs continuent de choisir la vie. Il vient en témoigner depuis le siège d’honneur qu’on lui réserve, et où qu’il s’installe, il devient le premier spectateur d’une transmission sacrée.
Un parent endeuillé est raconté en hébreu par une image, celle d’une branche amputée de ses grains, ou d’une grappe dont on a arraché le fruit. La sève coule en elle mais n’a plus où aller, et le bourgeon s’assèche car un bout de sa vie l’a quitté.
L’histoire biblique est un récit de vies et d’engendrements. D’ailleurs, le mot «histoire» en hébreu, toledot, se dit «engendrement». Votre vie se raconte avant tout par ce que vous avez fait naître.
Dans la Thora, l’existence est définie par cette jonction entre la matière terrestre et le souffle divin. Lorsque ce dernier s’évapore, la poussière redevient simplement poussière.
A chaque génération qui part, ces mots résonnent encore. Ils disent que malgré tous les combats qu’il a fallu mener, toutes ces «gémellités qui luttent en nous», tout ce qui nous fait passer à côté les uns des autres ou de nous-mêmes, il existe une possibilité de faire Un. Tel est l’engagement solennel que les juifs prennent à l’heure du passage, faire que quelque chose de celui qui part intègre leur vie pour s’unir à ce qu’ils deviendront.
«Je me suis passionnée pour mes funérailles.» Myriam
Notre mort ne nous appartient pas complètement, pas plus que notre corps après la mort.
Et tel est à mon sens le plus grand respect dû au mort, se soucier de sa volonté mais plus encore de la possibilité pour ceux qui l’ont aimé de lui survivre et d’honorer dignement sa mémoire.
Moïse, l’homme qui ne voulait pas mourir.
Déni, Colère, Négociation, Dépression et Résignation. Pour le dire autrement, la plupart des mourants diraient tout à tour et dans cet ordre : «il doit y avoir une erreur», «c’est tellement injuste», «laissez-moi au moins vivre jusque tel ou tel événement», «à quoi bon?» et «je suis enfin prêt».
Moïse a reçu la Thora au mont Sinaï mais, bien après lui, surgirent des hommes capables d’interpréter ce que lui ignorait.
Dans cette légende, se tient presque tout ce que le judaïsme pourrait enseigner sur la mort. Est-il possible d’apprendre à mourir ? Oui, à condition de ne pas refuser la peur, d’être prêt, comme Moïse, à se retourner pour voir l’avenir.
Les juifs affirment qu’ils ne savent pas ce qu’il y a après notre mort. Mais ils pourraient le formuler autrement: après notre mort, il y a ce que nous ne savons pas. Il y a ce qui ne nous a pas encore été révélé, ce que d’autres en feront, en diront et raconteront mieux que nous, parce que nous avons été.
Peut-être qu’un spécialiste de la pensée juive aurait pu nous avertir. Après tout, dans la Bible, les rois ne font jamais de vieux os, et les royaumes se disloquent. Ils s’effondrent toujours dans la violence et laissent place au chaos. L’un d’entre eux a un jour déclaré, dans un des livres sacrés: «Vanité des Vanités, tout n’est que vanité» et dans ce même texte, il nous a mis en garde: rien ne dure, ni les rêves, ni les empires, ni les amours.
L’affrontement de Caïn et Abel dans la Genèse n’est donc pas simplement celui de deux frères. A travers eux, il oppose toujours et à chaque génération, ce qui dure et ce qui passe, ce que l’on voudrait permanent à ce que l’on sait éphémère, le «il est» au «il aurait pu être».
La tradition juive veut qu’on laisse toujours une petite fissure dans le mur, un pan de cloison non peint, ou un petit carrelage manquant dans un coin du sol. Il s’agit de laisser dans nos vies la trace de l’incomplétude, de savoir habiter un lieu où le manque a sa place.
Tout ce que nous construisons solidement finit par s’user ou par disparaître, tandis que ce qui est fragile, éphémère et faillible, laisse paradoxalement des traces indélébiles dans le monde. La buée des existences passées ne s’évapore pas : elle souffle dans nos vies et nous mène là où nous ne pensions jamais aller.
*
Ces orages-là de Sandrine Collette - JC Lattès
Coup de cœur d’Élodie, libraire de Fil en page:
«Elle a beau être partie, avoir coupé tous les ponts, elle a beau avoir un regard neuf – effrayé, horrifié, écœuré – sur ce qu’a été leur histoire, elle est en permanence au bord de revenir. Cela ne la quitte pas. Il y a des moments où tout lui paraît préférable à l’insupportable transparence, à la solitude et à la tristesse.»
«Aux autres moments, elle s’épouvante elle même, sa fragilité, sa lâcheté, elle ferait n’importe quoi et personne ne peut la retenir. Au fond, il faudrait quelque chose de total : que l’un d’eux disparaisse. Aucun retour possible. Aucune hésitation, aucune tentation insensée de retourner s’empêtrer dans des filets trop serrés.»
Un roman qui tient en haleine, nous plonge dans la complexité et l’horreur d’une femme qui ose mettre fin a une relation toxique, et lutte pour s’en libérer.
L'Afrique en 100 questions de Stephen Smith & Jean de la Guerivière - Tallandier
Émetteur du verbatim: François C.
L’AFRIQUE DES ORIGINES
L’Afrique est-elle le berceau de l’humanité ?
L’Afrique est la terre natale de l’Homo sapiens, l’espèce humaine qui y est apparue il y a 200 000 ans et qui est sortie du continent pour se répandre à travers le monde, il y a environ 70 000 ans.Quel est le passé géologique du continent ?
Sur le plan géologique, la partie la plus intéressante du continent est le Rift est-africain, une fracture longue de 2900 km et d’une largeur qui varie entre 60 et 100 km. Elle s’étend de l’Ethiopie jusqu’au Mozambique en une succession de hauts plateaux, de dépressions, de lacs et de volcans.
Quelles sont les plus anciennes civilisations africaines ?
Celle de l’Egypte antique (trois millénaires) est la mieux documentée.
A son apogée, au IIème siècle avant J.-C., le royaume d’Aksoum s’étendait jusqu’en Arabie et au Yémen, constituant ce que nous appellerions aujourd’hui une puissance mondiale, avec l’Empire romain, la Perse et la Chine.
Ne vaudrait-il pas mieux parler « des Afriques » ?
La diversité de l’Afrique se décline selon des registres si variés -étatique, linguistique, ethnique, religieux, socio-économique…- qu’aucune monographie ne saurait prétendre en faire le tour.
Notons que l’Afrique compte 54 Etats…plus de 3 000 groupes ethniques…et autour de 2 000 langues parlées.
Qu’ont tous les Africains en commun ?
Stricto sensu, l’adjectif « africain » ne renvoie qu’à une réalité géographique, un accident tectonique comme il y en eut d’autres ayant produit l’Europe, l’Asie ou l’Amérique…Cependant, « africain » est aussi un terme de mobilisation collective…En ce sens, le mot est peut-être d’autant plus courant et efficace qu’il est flou et protéiforme.
Les « migrations bantoues » ont-elles changé la face du continent ?
A partie d’un foyer d’origine, situé dans le nord-ouest de l’actuel Cameroun, les bantouphones -trois millénaires avant notre ère- ont progressivement occupé une large partie de l’Afrique au sud du Sahara.
Pourquoi l’Afrique subsaharienne est-elle restée relativement isolée pendant longtemps ?
Trois obstacles majeurs ont longtemps rendu les échanges avec l’Afrique relativement difficiles : 1. Le désert du Sahara ; 2. L’invention du bateau à voile qui a permis, à partir de 1440, de fréquenter les côtes ouest-africaines : 3. Vaincre le paludisme, « tombeau de l’homme blanc ».
Qui étaient les premiers explorateurs européens ?
Au XVème siècle, les Portugais règnent en maîtres sur les mers.
Lancés eux aussi dans l’exploration du littoral africain, des Hollandais, bientôt rejoints par les huguenots français, sont les premiers à s’enfoncer à l’intérieur de ce qu’ils appellent l’Hottentotie (XVIIème siècle).
Combien d’Africains furent déportés du fait des traites négrières ?
Environ 28 millions : nombre des Africains arrachés à leur continent entre le IXème et le XIXème siècle.
Nombre d’africains déportés aux Amériques entre 1519 et 1867 : 11 millions.
Nombre de déportés par les traites transsaharienne et orientale : 17 millions.
A quoi ressemblait l’Afrique précoloniale ?
Les « siècles obscurs » mériteraient plutôt le nom de « siècles d’or »…L’Afrique de cet âge intermédiaire a connu de puissantes et prospères formations politiques…Elle a été l’actrice de l’exploitation de ses propres ressources, parmi lesquelles l’or tenait une place de choix.
Pourquoi l’exploration de l’Afrique a-t-elle tellement passionné l’Europe ?
Théodore Mollien ; René Caillié ; Heinrich Barth ; Stanley ; Livingstone ; Savorgnan de Brazza…
Comment des Africains se sont-ils retrouvés dans des « zoos humains » ?
L’affiche du musée du Quai Branly, qui leur a consacré une exposition en 2011, disait plus subtilement : « Exhibitions. L’invention du sauvage ».
COLONISATION ET DECOLONISATION
Quel était le but de la conférence de Berlin en 1885 ?
En somme, et sans juger de la sincérité de leur « mission civilisatrice », les puissances européennes édictaient des règles de compétition entre elles et cherchaient à éviter que leur rivalité en Afrique ne provoque de guerres. A leurs yeux, du moins jusqu’à preuve du contraire, ce continent périphérique à la marche du monde ne justifiait pas un conflit armé.Comment l’Afrique a-t-elle été colonisée ?
Sur le plan collectif, leur mainmise sur l’Afrique compensait souvent une faiblesse : la perte de l’Amérique dans le cas britannique, l’annexion par l’Allemagne de l’Alsace et de la Lorraine après la guerre de 1870-1871 dans le cas français, sans parler des « petites » puissances européennes, comme le Portugal et la Belgique.
Tous les régimes coloniaux se ressemblaient-ils ?
En vertu de cette feuille de route (L’indirect rule), le Colonial Office, à Londres, laissait ses agents œuvrer avec empirisme pour le plus grand bien du commerce britannique.
(France) Le ministre des Colonies était le chef hiérarchique d’une administration spécialisée mais calquée sur celle de la métropole.
Que s’est-il passé à Fachoda pour en faire un « complexe » ?
Kitchener est très correct avec son adversaire Marchand (1898). Cependant, les passions nationalistes s’enflamment en Europe…Les deux pays (Angleterre et France) sont au bord de la guerre.
Quelle a été la contribution de l’Afrique aux deux guerres mondiales ?
La « force noire » a joué un rôle important dans les deux guerres mondiales, voire un rôle clé dans la libération de la France. Pendant la Grande Guerre, la France et le Grande-Bretagne ont massivement recruté dans leurs empires : 614 000 et 2,8 millions de soldats, respectivement.
Pourquoi l’entre-deux-guerres a-t-il été un « temps de bascule » ?
Le continent -avec quelque 150 millions d’habitants dans les années 1930- entame alors la plus fulgurante croissance dans l’histoire humaine : il passera à environ 300 millions d’habitants en 1960, l’année des indépendances, et aura de nouveau doublé sa population en 1990 avant d’entrer dans le XXIème siècle comme « milliardaire géographique ».
Dans quelles conditions l’Afrique a-t-elle accédé à l’indépendance ?
(1960) Pour le meilleur et pour le pire, l’indépendance de l’Afrique interviendra ainsi dans les conditions très particulières de la guerre froide. Si les jeunes Etats africains peuvent tirer avantage de l’ordre géopolitique bipolaire en négociant au mieux leur soutien au « bloc de l’Est » ou au « monde libre », ils sont en même temps minés par la rivalité des grandes puissances.
La décolonisation française se résume-t-elle à « l’indépendance du drapeau » ?
Cependant, s’il est incontestable que la décolonisation française revint largement à « partir pour mieux rester », selon sa devise officieuse, la thèse du néocolonialisme français fait l’impasse sur la capacité africaine à codéterminer son destin.
Pourquoi le Portugal s’est-il accroché à ses colonies jusqu’en 1975 ?
Dès septembre 1974, le Portugal révolutionnaire reconnaît l’indépendance de la Guinée-Bissau que le PAIVG a unilatéralement proclamée un an plus tôt. Puis, en 1975, Lisbonne accorde la souveraineté internationale au Cap-Vert, à l’Angola et au Mozambique. Quelque 700 000 retornados -rapatriés d’outre-mer- regagnent alors le Portugal.
La colonisation était-elle un crime contre l’humanité ?
Ce crime, parmi bien d’autres imputables à plusieurs nations européennes, est répertorié dans Le livre noir du colonialisme. XVIème-XXIème siècle : de l’extermination à la repentance (Coordinateur de cet ouvrage collectif : Marc Ferro).
L’AFRIQUE INDEPENDANTE
Pourquoi l’Afrique a-t-elle accepté les frontières héritées de la colonisation ?
Les 83 500 km de frontières terrestres que compte l’Afrique ont été tracés pour plus de 70% par les colonisateurs, entre 1885 et 1909.
Plus que de l’arbitraire de ses frontières, l’Afrique souffre des longs délais imposés à ses points de passage. D’où un commerce régional représentant seulement le dixième du commerce total, si l’on ne prend pas en compte l’économie informelle.L’apartheid était-il le « stade suprême du colonialisme » ?
L’apartheid en Afrique du Sud peut paraître la forme jusqu’au-boutiste de l’ordre colonial, notamment du fait de sa hiérarchisation des « races supérieures » et « inférieures », de sa ségrégation résidentielle entre la ville blanche et des cités indigènes…sans parler d’une sorte de droit naturel à l’exploitation économique des premiers sur les derniers.
La guerre froide a-t-elle nui ou bénéficié à l’Afrique ?
(Guerre froide entre 1945 et 1989) L’Afrique a payé le prix de cet affrontement géopolitique (« monde libre » vs « bloc de l’Est ») par pions interposés. Mais elle a aussi pu instrumentaliser les superpuissances en s’inscrivant dans la bipolarité Est-Ouest comme alliés des Soviétiques ou, pour la plupart des Etats africains, comme alliés des Occidentaux, sinon en « non-alignés » plus ou moins crédibles. Si bien qu’il n’est pas aisé de déterminer qui, dans le jeu à somme nulle de la guerre froide, a été gagnant ou perdant.
L’aide au développement a-t-elle été efficace en Afrique ?
Principaux bénéficiaires de l’aide publique, les gouvernements africains sont régulièrement mis en cause : hier, ils l’ont été pour les « éléphants blancs », ces projets surdimensionnés sans rentabilité qu’ils firent construire ; aujourd’hui, ils le sont pour leur accusation de jouer le rôle de garde-frontières de l’Europe ; et de tout temps on leur a reproché de détourner ou de gaspiller l’APD.
Le « vent de l’Est » a-t-il apporté la démocratie en Afrique ?
Sept mois après la chute du mur de Berlin, pour la première fois depuis les indépendances, un président français parle de démocratie en Afrique et, en particulier, dans les anciennes colonies restées sous la tutelle de son pays pendant la guerre froide…Une prime à la démocratie remplace ainsi la prime à la stabilité que Paris avait accordée, du temps de la guerre froide, à « ses » hommes forts au pouvoir en Afrique.
Comment le régime d’apartheid est-il tombé ?
La conjugaison de six facteurs aboutit à la fin de l’apartheid sans bain de sang : la décolonisation de l’Afrique subsaharienne ; la lutte des mouvements anti-apartheid en Afrique du Sud ; des sanctions internationales ; la fin de la guerre froide ; des leaders sud-africains hors pair ; enfin, en basse continue, une démographie qui rend intenable la domination d’une minorité blanche toujours plus minoritaire et, de surcroît, divisée.
Pourquoi tant de guerres civiles dans les années 1990 ?
Au cours de la décennie 1990, 24 des 54 Etats africains connaîtront une guerre, la plupart du temps une guerre civile -de l’Algérie et de ses années de plomb à la RDC, dont la partie orientale devient une terre à butins, en passant par le Libéria, la Sierra Leone ou la Somalie.
Trois hypothèses explicatives : 1. Le réveil de vieilles haines ; 2. La rapacité de warlords qui guerroient pour le contrôle des matières premières contre des Etats trop faibles pour défendre leur monopole de la violence légitime ; 3. La croissance démographique combinée avec le bradage des stocks soviétiques de kalachnikovs (l’enfant soldat devenu la désolante icône des années 1990 en Afrique).
Qu’a été, ou qu’est toujours le Françafrique ?
Tour à tour laudateur et péjoratif, le terme marque ainsi le début en fanfare et la fin dans l’opprobre de… » L’Etat franco-africain » issu d’une décolonisation inachevée.
L’Etat franco-africain est mort. Les multiples accords de coopération civile et militaire, qui constituaient sa base légale, ont été dénoncés ou sont devenus, de facto, caducs.
Quels sont les enjeux d’une nouvelle politique africaine de la France ?
La volonté politique d’assainissement fait naufrage sur le problème qu’est la relève de la France en Afrique : celle-ci est prise, ou n’est pas prise, mais toujours au détriment de Paris.
La France est ainsi blâmée qu’elle s’arroge un magistère démocratique ou qu’elle manque de défendre les droits de l’homme, qu’elle agisse ou qu’elle n’agisse pas. Elle est aujourd’hui l’anti-Chine. Pour elle, l’Afrique est une proposition « lose-lose ».
LA POLITIQUE
Quel est aujourd’hui le poids des chefferies traditionnelles ?
En particulier au sein des communautés rurales, le rôle des chef traditionnels demeure souvent important dans la vie quotidienne des populations. Cependant, sur le plan juridique et institutionnel, il n’est ni reconnu ni concilié avec les attributions de l’Etat moderne, hérité de la colonisation.L’Afrique est-elle affligée du syndrome des « hommes forts » ?
Le droit d’aînesse et le patriarcat traditionnel sont également invoqués pour expliquer la gérontocratie en Afrique. Nulle part ailleurs dans le monde, la différence entre la moyenne d’âge des gouvernés et celle des gouvernants n’est aussi grande : cette différence est de 43 ans en Afrique, contre 32 en Amérique latine, 30 ans en Asie et 16 ans en Europe et en Amérique du Nord.
L’Etat moderne en Afrique est-il « failli » ?
Ces Etats ressemblent à des pavillons de complaisance sur la scène internationale…Ils n’existent que grâce à leur reconnaissance par la communauté internationale. Ils dépendent de l’aide extérieure et de la souveraineté que leur confère l’attribution d’une capacité étatique, dans leur cas, purement théorique.
Pourquoi tant de corruption ?
La corruption en Afrique, pourtant omniprésente, est longtemps restée sous-étudiée…D’autant que la corruption pénalise surtout les Africains démunis -un pauvre a deux fois plus de risque de se faire extorquer de l’argent qu’un riche.
Quel est le rôle de la franc-maçonnerie ?
Très prisée par les dirigeants africains, la franc-maçonnerie a pour rival l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix (AMORC)…La Conférence épiscopale du Cameroun l’a condamné en juillet 2019 en le mettant sur le même plan que la sorcellerie.
L’Afrique est-elle acquise à la démocratie ?
Selon l’institut de sondage Afrobarometer, une grande majorité des habitants du continent -68%- sont « en principe » acquis à la démocratie, mais seulement 16% des interrogés se déclarent « démocrates convaincus », prêts à agir pour enrayer la régression démocratique dans leur pays, sans se contenter de la déplorer.
Quels sont les obstacles à une « démocratie durable » ?
Toutefois, le principal handicap démocratique de l’Afrique subsaharienne est sa forte croissance démographique en conjonction avec le traditionnel droit d’aînesse ou principe de séniorité qui confère aux vieux -surtout aux hommes- une prime d’autorité du seul fait de leur âge et, donc, un droit de cité plus conséquent que celui des jeunes (et, souvent, des femmes).
Comment expliquer le génocide au Rwanda ?
La mort en cent jours de quelque 800 000 Rwandais, dans leur grande majorité des Tutsis, n’était pas une fatalité.
Comprendre le génocide rwandais comme un enchaînement de décisions prises et d’actes posés par les parties locales en conflit et, au titre de sa non-assistance à population en danger, par la communauté internationale.
La nouvelle Afrique du Sud tient-elle la promesse d’une « nation arc-en-ciel » ?
Depuis 1994, au moins 1,6 million de Sud-Africains, dont une grande majorité de Blancs, ont émigré…Ils ont tourné le dos au pays de l’apartheid économique, le plus inégalitaire du monde. En 2019, les 10% des Sud-Africains les plus fortunés, aujourd’hui des Blancs et des Noirs, concentraient entre leurs mains 93% de la richesse su pays, contre 7% pour les neuf dixièmes de la population.
Le panafricanisme devient-il une réalité ?
Mais l’existence d’un vrai marché commun en Afrique présuppose la libre circulation des personnes. On en était loin en 2016 (besoin de 38 visas pour se déplacer sur le continent avec un passeport nigérian).
Pourquoi les coups d’Etat en Afrique sont-ils si nombreux ?
Les Etats africains à n’avoir jamais connu de coup de force se comptent sur les doigts d’une main…Le mythe de l’armée comme arbitre impartial, force d’ordre et garant de l’unité nationale s’est singulièrement émoussé en Afrique. Son taux de réussite devrait rester orienté à la baisse malgré des rechutes comme au Mali.
Est-il vrai qu’il y a plus de guerres et de massacres en Afrique qu’ailleurs ?
A l’évidence, plus il y a de frontières, plus grande est la probabilité de conflits frontaliers ; et le ratio « nombre de guerres par tête d’habitant » permet des comparaisons plus objectives.
Quels sont les principaux mouvements djihadistes en Afrique ?
AQMI Al-Qaïda au Maghreb islamique.
GSPC Groupe salafiste pour la prédication et le combat.
MUJAO Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest.
LA SOCIETE
Les langues coloniales restent-elles importantes ?
La coupure entre le peuple et une élite arrachée à la langue héritée de la colonisation pour tenir son rang dans sa société et sa place dans la mondialisation, entre le pays officiel et le pays réel, est problématique.L’Afrique est-elle l’avenir de la francophonie ?
Le français est la cinquième langue la plus parlée dans le monde après le chinois, l’anglais, l’espagnol et l’arabe. Si elle le reste, ce sera grâce à l’Afrique noire en pleine croissance démographique.
Quelles sont aujourd’hui les grandes inégalités en Afrique ?
De nouvelles formes d’esclavage tels le trafic de jeunes femmes comme prostituées ou le travail d’enfants dans les plantations agricoles.
Autre inégalité taboue : les castes au sein d’une dizaine d’ethnies dans le Sahel.
L’inégalité peut-être désormais la plus structurante, celle des revenus, est insuffisamment prise en compte. Pourtant, parmi les dix pays les plus inégalitaires au monde, sept sont des pays africains.
L’immense majorité de la population, en Afrique de l’Ouest, se voit privée des éléments les plus essentiels à une vie digne, tels qu’une éducation de qualité, des soins de santé et un emploi décent.
Quel rôle jouent encore les croyances traditionnelles ?
Si bien qu’on en revient souvent au résumé du « fond religieux africain » que l’ethnologue français Marcel Griaule a caractérisé, au début du XXème siècle, comme un « système de relations entre le monde visible des hommes et le monde invisible régi par un Créateur, en général bienveillant, et des puissances qui, sous des noms divers et tout en étant des manifestations de ce Dieu unique, sont spécialisées dans des fonctions de toutes sortes »- une référence aux ancêtres, génies et, plus largement, aux esprits dont l’intermédiation crée la trame et la chaîne de l’univers.
Quelle est la place des grandes religions monothéistes ?
L’islam et le christianisme sont à égalité en nombre de fidèles en Afrique, prise dans sa totalité, chacun avec environ 45% de la population…On ne tient pas compte de leur acculturation, côté musulman, à travers des confréries maraboutiques et, côté chrétien, des églises indépendantes africaines, i.e. les nombreux cultes nés du mélange -fait de reprise et de rejet- entre des liturgies chrétiennes et des pratiques religieuses locales. Cette terra incognita n’est quasiment connue que de ses adeptes.
L’Afrique est-elle la terre bénie du prosélytisme religieux ?
Oui, pour deux raisons majeures. D’abord, compte tenu de la démographie de l’Afrique, toutes les confessions y sont gagnantes en chiffres absolus. Ensuite, les religions y trouvent un meilleur terreau que dans des pays occidentaux gagnés par l’agnosticisme, au point qu’elles structurent encore profondément les sociétés.
Outre la Covid-19, quels sont les grands défis pour la santé publique ?
En Afrique, les grands tueurs reconnus sont le sida, le paludisme, la tuberculose et les hépatites virales.
L’urbanisation de l’Afrique à une vitesse sans précédent dans l’histoire humaine aggrave les risques de diarrhées virales et de fièvres typhoïdes.
« Produits médicaux de qualité inférieure », tel est l’euphémisme de l’OMS au sujet des pilules, comprimés et sachets douteux qui arrivent clandestinement par bateau en Afrique, ou qui y sont exportés légalement parce que les normes africaines restent moins sévères que sur le marché intérieur des pays fabricants.
Les tradipraticiens et la médecine occidentale rivalisent-ils ou cohabitent-ils ?
Le tradipraticien soigne avec des plantes et, parfois, des substances animales ou minérales…Quelque 80% des Africains s’adressent aux tradipraticiens, selon l’OMS.
L’obstacle à la médecine moderne vient moins des tradipraticiens que de rumeurs conspirationnistes.
Y a-t-il des politiques de contrôle des naissances ?
La réponse à cette question est clairement négative si elle concerne l’action des gouvernements subsahariens depuis les indépendances.
En Afrique subsaharienne, le taux de fécondité est actuellement de 5,2 enfants par femme. L’emploi de moyens modernes de contraception n’y atteint pas 20% (par rapport à plus de 70% en Asie). En Afrique de l’Ouest, 40% des jeunes filles sont mariées avant 15 ans.
L’Afrique gagne-t-elle la bataille de l’éducation ?
La population, en raison de sa rapide croissance, sera encore pendant plusieurs générations la moins bien formée du monde.
Les universités africaines sont peu nombreuses, surpeuplées et mal équipées…Il faut ajouter à ce tableau déjà sombre une pénurie d’enseignants à tous les niveaux.
Au sud du Sahara, ceux qui en ont les moyens envoient leurs enfants faire leurs études à l’étranger : dans un pays voisin un peu mieux loti, sinon au Maroc, en Europe ou en Amérique du Nord.
Quels sont les sports les plus populaires en Afrique ?
Le foot africain en est désormais à sa troisième génération de rayonnement international.
Le basketball.
Au total, en 2019, tous les records du monde en 5000, 10 000 et 20 000 mètres masculins et féminins, ainsi que ceux du marathon féminin et masculin, étaient détenus par des Ethiopiens et des Kenyans.
L’Afrique urbaine et l’Afrique rurale sont-elles deux mondes séparés ?
Oui, toujours, mais de moins en moins. Car le tissu urbain en Afrique ne cesse de se distendre alors que le monde rural n’y est plus un monde à part du fait qu’il se trouve en conversation constante avec les citadins, grâce à la téléphonie mobile.
En raison de l’exode rural, les villes croissent bien plus vite que la population dans son ensemble…Aujourd’hui, une quarantaine de villes subsahariennes comptent un million, voire plusieurs millions d’habitants.
Qu’en est-il aujourd’hui de l’égalité des sexes ?
La liste des inégalités est longue et engage aussi la responsabilité des bailleurs de fonds, pourtant les champions déclarés de la cause des femmes en Afrique. Or, ils n’ont jamais mobilisé des financements comparables à ceux consacrés à la lutte contre le sida pour la lutte contre la mortalité maternelle. Pourtant, le risque de mourir en couches reste 500 fois plus élevé au sud du Sahara qu’en Europe de l’Ouest.
L’Afrique est-elle homophobe ?
38 sur 54 des Etats africains criminalisent les relations homosexuelles. Ils les punissent de peines allant de trois mois à deux ans de prison au Burundi et jusqu’à quatorze ans au Kenya et en Angola.
Mais d’un bout à l’autre du continent, le jugement porté sur l’homosexualité est devenu un marqueur politique : pour ou contre le pouvoir en place, pour ou contre l’Occident, une certaine forme de modernité ou de tradition.
Quelles sont les principales communautés étrangères en Afrique subsaharienne ?
140 000 Français au sud du Sahara.
900 000 Portugais établis surtout en Angola, au Mozambique et en Afrique du Sud.
Présents dans de nombreux pays, tant anglophones que francophones, les Libanais seraient aujourd’hui en Afrique entre 400 000 et 500 000.
Aujourd’hui, il y a environ 1,3 million d’Indiens en Afrique du Sud…Ils seraient au total 2,77 millions à l’échelle du continent.
Les Chinois seraient aujourd’hui près d’un million en Afrique.
L’Internet et la téléphonie mobile révolutionnent-ils la vie quotidienne ?
La proportion des smartphones monte en flèche, de 3% en 2010 à 37% en 2018 (et, selon les prévisions, à 66% en 2025).
Malgré toute une série de bémols, la téléphonie mobile et l’Internet changent la face du continent de mille façons.
Statistiquement, l’usager africain consacre désormais 10% de ses revenus à la téléphonie, ce qui correspondrait en France à une facture mensuelle de plus de 200 euros.
L’Afrique est-elle devenue une plaque tournante du trafic international de drogues ?
La Guinée-Bissau est le premier narco-Etat africain.
C’est seulement dans les années 1990 que le trafic de drogues dures a explosé en Afrique. L’Afrique de l’Est est alors devenue le principal carrefour pour le transit de l’héroïne en provenance d’Afghanistan et du Pakistan, et l’Afrique de l’Ouest pour le trafic de la cocaïne venant de l’Amérique du Sud.
L’ECONOMIE
Pourquoi l’Afrique est-elle le continent le plus pauvre du monde ?
Il s’agit de deux points de vue poussés à l’extrême mais, en vérité, complémentaires. L’un s’enferme dans une vision de l’Histoire réduite à une martyrologie avec des Africains en éternelles victimes. L‘autre reconnaît à ceux-ci leur capacité à agir et, donc, à peser sur leur destin mais seulement pour mieux leur faire porter la responsabilité de leur sort.L’Afrique est-elle maintenue dans la dépendance économique ?
La théorie de l’échange inégal…réapparaît périodiquement dans quelques domaines bien concrets tels que la soumission de l’Afrique aux injonctions des institutions de Bretton Woods (la Banque mondiale et le FMI), son appartenance à des zones monétaires étrangères, sa domination par des multinationales.
Quel est l’état des infrastructures ?
Pour pouvoir satisfaire les besoins grandissants en infrastructures -sans compter les écoles, universités, hôpitaux et logements à construire-, il faudrait actuellement investir environ 160 milliards de dollars par an…Le pari semble perdu d’avance mais la marge par laquelle il sera manqué fera toute la différence pour les prochaines générations d’Africains.
Pourquoi l’électrification est-elle un si grand problème ?
Le continent…que les barrages, les parcs solaires et les éoliennes dotent potentiellement de toute l’énergie électrique nécessaire à son développement, reste handicapé par l’immensité des territoires à couvrir d’infrastructures pour transporter et distribuer cette énergie.
Que faut-il entendre par « économie informelle » ?
Est informel tout ce qui échappe à la régulation et à l’imposition mais contribue au PIB d’un pays…Ce n’est pas pour autant la jungle…Toutefois, le lien civique et le droit de regard sur les affaires de la cité, qui passent par l’argent du contribuable et sa bonne ou mauvaise gestion par l’Etat, font les frais de cette « socialisation » de l’économie.
Pourquoi l’Afrique subit-elle des crises de surendettement à répétition ?
En 2010, le service de cette dette des 39 Etats bénéficiaires (Pays pauvres très endettés) avait ainsi été ramené à moins de 5% de leurs exportations de biens et de services. Or, à la fin de 2019, il était revenu à 32,4% -et cette moyenne pour toute l’Afrique subsaharienne masque des disparités flagrantes.
L’Afrique subsaharienne est rentrée dans la nuit du surendettement.
Pourquoi, avec un sous-sol aussi riche, l’Afrique n’est-elle pas sortie de la pauvreté ?
La richesse du sous-sol coexiste avec la misère sur terre, surtout quand elle nourrit des convoitises.
La corrélation entre un Etat rentier vivant de son pétrole et l’accroissement de la pauvreté est solidement établie. Depuis les indépendances des années 1960, les pays africains dépourvus de gisements d’hydrocarbures ont augmenté leur PIB par tête d’habitant plus de deux fois plus vite que ceux exportateurs de pétrole et de gaz.
L’Afrique a-t-elle atteint l’autosuffisance alimentaire ?
Non, et elle n’est pas près d’y parvenir. L’Afrique représente près de 16% de la population mondiale, dispose de 24% des terres arables sur la planète, voire d’environ 60% des terres cultivables pas encore mises en exploitation, mais ne génère que 9% des produits agricoles.
Y a-t-il des pôles de développement en Afrique, des modèles pour le reste du continent ?
Ce n’est pas pour dire qu’il n’y ait pas de bons exemples à suivre sur le continent. Seulement, avant d’ériger un pays en modèle, quelques garde-fous doivent être installés pour délimiter le périmètre de sa validité exemplaire (exemples de l’île Maurice et du Botswana).
L’intégration économique et l’intensification des échanges intra-africains sont-elles l’avenir ?
Ce que les économies du continent peuvent faire ensemble n’est pas évident. En l’absence d’industries de transformation, se renvoyer des matières premières ne crée pas de la valeur ajoutée.
Sauf exception -le Rwanda, le Sénégal et le Soudan-, la diversification des économies africaines a stagné depuis 1990, voire reculé en Afrique du Sud. L’intégration régionale et continentale va être d’autant plus difficile.
Le tourisme est-il un atout pour l’Afrique ?
Mais la rencontre touristique reste à inventer en Afrique, du moins à grande échelle. Jusqu’à présent, la plupart des touristes viennent pour la faune, la flore ou le folklore local, au sens large, et les Africains leur rendent bien cette cote mal taillée entre indifférence et préjugés.
Quelles sont les principales menaces pour la faune et la flore africaines ?
Plusieurs exemples illustrant la mise en danger de la faune et de la flore africaines -les deux menaces étant souvent liées.
Quelles sont les causes du « stress écologique » en Afrique ?
D’ores et déjà, l’Afrique est le continent le plus exposé aux dangers, et non pas seulement pour ce qui est du réchauffement climatique. Les pays riverains du golfe de Guinée se trouvent aussi en première ligne pour subir les effets de la montée des eaux.
LA CULTURE
Quelle était la fonction des objets d’art en Afrique ?
Aujourd’hui, une dichotomie plus théorique oppose une interprétation formaliste, qui fait des objets cultuels africains des œuvres d’art à part entière, à une interprétation fonctionnaliste, qui ne les différencie guère de simples objets ethnologiques.Faut-il restituer son patrimoine artistique à l’Afrique ?
Sur les 98 000 objets d’Afrique contenus dans les collections publiques françaises, 70 000 se trouvent quai Branly. Chiffre à comparer avec les 69 000 du British Museum et les 180 000 du musée royal de l’Afrique centrale, près de Bruxelles, rebaptisé AfricaMuseum en 2018.
Comment la tradition orale a-t-elle inspiré les débuts de la littérature africaine ?
« En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ».
« L’incendie d’un fonds culturel non exploité » : la disparition des conteurs de la tradition orale africaine. Ce fonds n’a été que très partiellement fixé par l’imprimerie mais il imprègne la production littéraire des Africains, du moins à ses débuts.
Quel est l’état actuel de l’édition et de la littérature africaines ?
C’est comme si, en passant par Paris et Londres, la littérature africaine avait quitté son continent en réussissant partout, sauf chez elle.
Quels sont les écrivains non africains qui doivent leur renom au continent ?
Céline ; Romain Gary ; Karen Blixen ; Ernest Hemingway ; Jean Christophe Rufin ; Antonio Lobo Antunes ; Joseph Kessel ; Doris Lessing…
Quelle est l’importance des arts de la scène en Afrique ?
Aujourd’hui, les artistes circulent davantage en gardant, pour la plupart d’entre eux, leur pied d’appui en Afrique.
Quelle image de l’Afrique a véhiculée Hollywood, de Tarzan à Black Panther ?
Hollywood part de ce que son public croit savoir de l’Afrique pour lui vendre une distraction -de l’entertainment- sans exigence éducative, certes, mais aussi sans mépris qui pourrait choquer. Au fil du temps, l’Afrique subsaharienne a ainsi cessé d’être cet ailleurs radicalement différent, exotique et souvent inquiétant. Elle est aujourd’hui représentée, de façon moins uniforme, en accord avec les idées contradictoires que le reste du monde se fait d’elle.
Le cinéma africain est-il parvenu à « décoloniser » le regard sur le continent ?
Autant dire que la décolonisation du cinéma africain est largement acquise. Pour l’indépendance, c’est moins sûr.
Comment s’explique le succès de Nollywood, l’usine à rêves nigériane ?
L’usine à rêves du Nigeria produit désormais, bon an mal an, quelque 1500 nouveaux titres. Elle a ses stars, immensément populaires, mais guère d’autres prétentions artistiques que le « métier bien fait ».
Quel est l’apport africain à la peinture moderne et à la photo ?
Des photographes africains figurent maintenant au catalogue de grandes maisons de vente aux enchères.
Quelles sont les grandes tendances de la musique africaine contemporaine ?
La tendance commune des musiques d’Afrique étant depuis le milieu du XXème siècle leur ouverture sur l’extérieur -d’abord à l’échelle régionale, puis à celle du continent et, enfin, à l’échelle mondiale-, le meilleur repérage consiste-t-il à retracer les étapes de ce voyage vers de nouveaux publics en y associant les noms d’artistes pionniers.
Existe-t-il une cuisine typiquement africaine ?
Il n’y a pas plus de cuisine « africaine » que de cuisine « européenne », eu égard à la variété des mets et à la différence des traditions culinaires sur les deux continents. En revanche, les multiples cuisines africaines ont en commun d’avoir été d’abord conçues pour une consommation collective, sans « parts » individuelles à l’européenne.
Comment la télévision par satellite et le numérique ont-ils changé le paysage audiovisuel africain ?
Désormais, la concurrence sur le marché africain est féroce. Il n’y a pas seulement les grandes chaînes d’information internationales…Il y a aussi la Chine, qui a fait de l’Afrique et de ses 1,3 milliards d’habitants la nouvelle frontière de sa géopolitique audiovisuelle.
Qui sont les grands stylistes de la mode africaine ?
La plupart des stylistes du continent puisent librement dans des motifs, coupes et formes qui sont « africains » au même titre que, par exemple, la mode « japonaise » l’est en puisant dans sa propre symbolique. Dans les deux cas, cela n’empêche ni des inspirations contemporaines, voire futuristes, ni des moyens de fabrication modernes.
GEOPOLITIQUE
Les anciennes puissances coloniales restent-elles influentes ?
Les ex-métropoles continuent-elles de damer le pion aux autres puissances en Afrique et de dicter leur loi au continent ? Sans doute pas. Car même l’ex-métropole la plus engagée au sud du Sahara, la France, est aujourd’hui distancée par la Chine et les Etats-Unis comme partenaire commercial de l’Afrique et son intervention au Mali ne fait peut-être que confirmer son impuissance face aux grands enjeux subsahariens. Au point de nourrir l’idée que la Françafrique se serait muée en une « AfricaFrance » où les dirigeants du continent seraient les maîtres du jeu.Quels sont les intérêts américains en Afrique ?
Relativement peu engagés dans la lutte antiterroriste en Afrique, les Etats-Unis ne sont pas près, non plus, de relever le défi que leur lance la Chine sur le continent – au plan commercial ou en matière d’investissements, notamment dans des infrastructures- pour favoriser l’intégration de l’Afrique dans l’économie mondiale.
Comment la Chine est-elle devenue le premier partenaire commercial de l’Afrique ?
La Chine a réussi à faire de l’Afrique son « deuxième continent » en investissant d’abord dans des pays riches en ressources pétrolières et minières, comme le Nigeria, l’Angola ou la Zambie. En exportant ensuite son modèle des zones économiques spéciales, par exemple en Ethiopie et en Sierra Leone. En se dotant, enfin, d’un dispositif bancaire capable de border son implantation en Afrique, à travers la China Development Bank et l’Exim Bank.
Aujourd’hui, quelque 10 000 entreprises chinoises sont implantées en Afrique et elles concourent à environ 12% de la production industrielle du continent.
Face aux Occidentaux, la Chine constitue-t-elle une alternative pour l’Afrique ?
Mais au fil du temps, la Chine en Afrique s’est banalisée, des frictions entre ses ressortissants et des Africains se sont multipliées et, de manière générale, le clair-obscur de son action a diminué le contraste par rapport à d’autres intervenants extérieurs sur le continent.
L’Union européenne a-t-elle une politique africaine ?
Engagée dans plusieurs opérations militaires pour un retour à la stabilité au sud du Sahara, l’UE est surtout devenue l’instrument de ses pays membres pour mieux sécuriser et, de fait, externaliser leurs frontières afin de freiner l’afflux migratoire en provenance de l’Afrique.
L’Afrique et les autres pays du « Sud global », l’ex-tiers-monde, sont-ils solidaires ?
Bien qu’elle se pare volontiers de solidarité tiers-mondiste, la coopération économique Sud-Sud échappe rarement à la logique comptable des affaires. La percée des nouveaux acteurs sur la scène africaine depuis la fin de la guerre froide, tels le Brésil, la Turquie ou les pays du Golfe, est commerciale avant d’être charitable.
Quel est le bilan des opérations de maintien de la paix en Afrique ?
Depuis 1960, les Nations Unies ont monté une soixantaine d’opérations soit de maintien soit d’imposition de la paix…Plus de la moitié de ces opérations ont été déployées en Afrique…Ces opérations ont aussi été les plus lourdes, les plus coûteuses et les plus meurtrières.
L’Afrique est-elle la cible privilégiée de la justice internationale ?
Il est vrai que la première enquête de la CPI (Cour pénale internationale de La Haye) en dehors du continent africain n’a été ouverte qu’en janvier 2016 (crimes contre l’humanité perpétrés en Ossétie du Sud en août 2008). Mais il est vrai aussi que la plupart des poursuites engagées contre des prévenus africains l’ont été à la demande des autorités de leur propre pays.
Quel est le rôle des ONG et des grandes fondations en Afrique ?
L’ »ONG-isation » de l’Afrique est un fait ; tout comme est un fait que le continent le plus pauvre est devenu le principal marché de la « philanthropie-risque » (venture philanthropy) pratiquée par de grandes fondations.
Quelques constantes : la capacité opérationnelle et financière des organisations caritatives dépasse souvent celle des pouvoirs publics en Afrique ; leur rôle revendiqué de « témoin » contribue à façonner l’image du continent à l’extérieur ; l’un dans l’autre, la souveraineté des Etats africains -notamment leur souveraineté thérapeutique- s’en trouve affectée.
La France peut-elle gagner la guerre au Sahel ?
Récemment, les violences déchaînées par ce populisme théocratique ont débordé du Mali au Burkina Faso et au Niger. Elles risquent de gagner toute la région…Si la régionalisation de la menace se confirmait, l’armée française devrait se battre dans un espace en expansion rapide. D’ores et déjà, à l’échelle du G5 Sahel, son théâtre d’opérations est quatre vingt fois grand comme la France métropolitaine.
Quelle est l’importance des migrations intra-africaines ?
Pour le moment, la grande majorité des migrations africaines -70%- est intra-africaine.
L’exode rural et l’urbanisation de l’Afrique -l’un comme l’autre sans précédent dans l’Histoire- sont les deux faces d’une même réalité migratoire.
Quelle est l’importance des migrations extra-africaines ?
Cette proportion (quatre ou cinq ou six africains sur dix migrants en 2050) s’appliquera à un total qui, entre-temps, aura lui-même presque doublé. En effet, dans trente ans, l’Afrique comptera 2,5 milliards d’habitants, soit cinq fois plus que l’UE.
La France peut-elle tenir encore longtemps? d'Agnès Verdier-Molinie - Albin Michel
Émetteur du verbatim: François C.
Tout cela car gouvernements, Etat et administrations n’ont pas fait les réformes nécessaires ces dernières années.
Devrions-nous foncer dans le mur de la dette en chantant ?
Une autre voie est possible : désendettement en période de croissance en baissant les dépenses publiques, allongement de la durée du travail, baisse des impôts sur le capital et sur les entreprises pour de la croissance bénéficiant à tous.
1ère partie AUX PORTES DE L’ENFER
1. Le vrai secret : l’Agence France Trésor a notre avenir en main
Une montagne de dettes…En 1978, la dette représentait moins de 10% du PIB, en 2002 moins de 50%, en 2007, 64,5% du PIB avant de s’envoler progressivement pour atteindre 98,1% en 2019 et finalement 120% en 2020.
Avant la crise de 2008, l’Etat plaçait 90 milliards de dettes par an, 180 par an après la crise et maintenant plus de 300 milliards ! la France fait désormais partie des maillons faibles (Italie, Espagne, Grèce…). Qu’on le veuille ou non.
La dette de la France n’est déjà plus que AA. L’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche, le Luxembourg sont toujours classés AAA.
2. BCE, la fuite en avant
Toutes les mesures prises par la BCE ces derniers mois ont pour vocation d’éviter qu’une banque italienne ne vienne entraîner la faillite de la zone euro. Derrière la façade lisse qui veut donner l’impression que l’on maîtrise le cours de l’histoire, c’est l’angoisse qui domine et le court terme qui dicte sa loi.
C’est la première fois que l’Europe émet de la dette…Un endettement qui pourrait à terme enclencher le divorce entre les pays du Nord et ceux du Sud. Tout cela à cause du laxisme des pays du Sud, largement passagers clandestins du nouvel Empire, faute de réformes structurelles suffisantes.
3. Les Français ont peur…de leur gouvernement
Plus la dette française monte, plus on comprend collectivement que nul ne sait où on va, plus les Français épargnent…Car chacun a peur de l’avenir et anticipe une hausse…des impôts.
4. Riche au-dessus de 3 470 euros par mois
Les 17 familles les plus riches représentent déjà, à elles seules, plus de 1,1 million de salariés. Imaginez combien d’emplois représentent les 379 000 foyers que constituent les 1% les plus riches !
5. Combien de milliards sous le tapis ?
Avant la crise de la Covid, nous étions déjà à 124% de dette et nous voguons aujourd’hui vers les 150% de dette publique !
Le chiffre officiel de la dette cache donc en fait un véritable trou noir. Si on fait l’addition, entre la dette et les engagements hors bilan de l’Etat, on est bien à 7000 milliards. C’est trois fois le PIB de la France mais, paraît-il, il ne faut pas le dire !
6. L’enfer fiscal et sa litanie des 483 taxes
La France est championne du poids des impôts dans la richesse nationale mais elle est aussi championne du monde du nombre des impôts, taxes et cotisations. Il y a, en France, en 2019, 483 impôts, taxes et cotisations, dont 376 impôts et taxes et plus de 100 cotisations.
(« Elephant Man juridique ») En 20 ans, entre le Code général des impôts lui-même et ses annexes, on est passé de 463 314 mots à 967 927 mots, soit presque 1 million de mots, donc, pour réglementer notre fiscalité.
L’inflation de ce Code est moins visible que celle du Code du travail car le nombre d’articles est resté à peu près stable avec environ 2 400 articles quand le Code du travail est passé, lui, de 4 900 à 11 000 articles. Mais cette « stabilité » est un leurre. Les articles n’ont pas été augmentés en nombre mais se sont boursouflés de l’intérieur.
2ème partie DANS LE MUR…DE LA DETTE
1. Le prix à payer de la relance
C’est plus de 85 milliards que l’Etat a dépensés en plus avec la crise. Et cela va continuer en 2021.
En vérité, nos caisses sont vides et nous ne disposons d’aucune marge de manœuvre. A défaut de réformer et de viser une gestion saine des finances publiques, nos gouvernants préfèrent compter (comme d’habitude) sur la planche à billets.
2. Le mur de la dette
Nous entrons dans le club fermé des pays dont la dette dépasse les 100% du PIB, mais qui pour la plupart y sont déjà depuis longtemps : la Belgique (113,8%), l’Espagne (115,6%), l’Italie (158,9%), la Grèce (196,4%).
3. La drogue dure des déficits
Crise ou pas crise, la France a un déficit structurel qui frôle les 50 milliards par an.
Près de 912 milliards d’euros de dette pour le fonctionnement ont été accumulés entre 1995 et 2019 contre 689,6 milliards de dette pour l’investissement. Ce qui peut faire dire que si nous n’étions pas accros aux déficits pour financer les salaires publics, les frais de bouche et l’entretien des bâtiments, nous serions non pas à plus de 120% de dette aujourd’hui mais à 80%…Au même niveau que les Allemands.
4. Nos entreprises sont en danger
Depuis 2008, le taux d’endettement des entreprises françaises n’a pas cessé de progresser chez nous, passant de 117,5% à 143,2% du PIB. C’est près du triple du niveau observé chez nos vertueux voisins allemands (57,2%).
Sur le total des taxes, impôts et cotisations, on décompte 120 milliards d’impôts en plus par rapport à l’Allemagne ; nos entreprises croulent sous les prélèvements de toutes sortes.
La vague des faillites et des délocalisations est donc devant nous !
5. Comment font les autres ?
Première caractéristique récurrente chez nos voisins européens « vertueux » : la mise en place avant tout d’une gestion des finances publiques sans faille…Cela veut dire que l’Etat doit progressivement arrêter, comme il le fait actuellement, de « garantir » les autres administrations publiques par des recettes ou des subventions dédiées.
Anticiper le mur de la dette. On le sait, un mur de 599 milliards d’euros de refinancement va arriver d’ici à 2023 tandis que 706 autres milliards arriveront à échéance entre 2024 et 2030 – et ce, sans même tenir compte du financement des déficits publics liés à la crise actuelle.
3ème partie CE QUI NOUS PLOMBE
1. Les services publics ne sont pas à notre service
Une autorisation spéciale d’absence (ASA) difficile à arrêter.
L’école sans les profs…
Pendant ce temps-là, les obligations de sortie du territoire ne sont pas respectées.
Malgré tous les impôts que nous payons, nos services publics sont-ils toujours à notre service ? A l’évidence, non.
2. 84 milliards d’euros de trop
La France a un coût de production des services publics en parts de PIB qui est très élevé : 27% en 2018…quand la moyenne des pays européens (21 pays) est de 23,6%. L’écart est donc de 3,6 points de PIB, ce qui représente nos fameux 84 milliards d’euros…Ce surcoût de production de nos services publics montre à quel point nos n’avons pas transformé notre modèle public et combien nous sommes suradministrés.
En parallèle d’une sur-dépense, étonnamment, beaucoup de missions régaliennes se retrouvent sous-dotées ces dernières années : en particulier la sécurité intérieure (et sa police sous-équipée) ; la défense (et son armée aux matériels de plus en plus vétustes), le pénitentiaire (et ses prisons insalubres et surpeuplées) et la justice.
Avec nos 35 000 communes et 1258 intercommunalités, 101 départements, 18 régions, autant de préfectures que de départements et encore 233 sous-préfectures, on comprend que la France est le pays leader en termes de doublons.
Ce qui nous coûte cher en fonctionnement, c’est avant tout notre système de protection sociale (on compte près de 330 caisses différentes qui sont autant de guichets).
La santé est mal gérée, trop administrée, trop rigide, trop centralisée, les statuts trop corsetés…mais on continue en dépensant plus et mal, en opposant public et privé, médecine de ville et hôpital…
3. Les absurdités administratives nous tirent vers le bas
Alors que nos administrations ont montré leur manque d’agilité dans la crise sanitaire, on croit halluciner en considérant le nombre d’absurdités qu’elles inventent malgré la situation économique dramatique de la France.
Les patrons, forcément fraudeurs…Pour dénicher les fraudeurs, 50 000 contrôles ont été lancés pendant l’été 2020. Les inspecteurs du travail sont à la fête, ils ont pu contrôler tous azimuts ! Nombre d’heures, salaires gonflés, employés fictifs, soupçons de télétravail…
4. L’Etat numérique inexistant
La très lente numérisation à la française…On constate en pratique que le déploiement des outils numériques a été très inégal suivant les ministères.
Cette crise sanitaire est révélatrice du manque de maturité des solutions numériques proposées par la puissance publique. Un retard qu’il faudra d’urgence combler.
4ème partie SAUVONS L’ETAT MALGRE LUI
1. Sortir le Parlement de l’aveuglement
C’est maintenant qu’on aurait le plus besoin de parlementaires qui font leur travail d’évaluation des politiques publiques.
C’est le Parlement allemand qui tient de facto les cordons de sa bourse. Alors que chez nous, c’est clairement Bercy.
(Haut-Commissariat au plan) Le risque est grand qu’il s’agisse d’une administration de plus pour penser l’Etat à l’intérieur de l’Etat, et cela dans une France déjà suradministrée…Penser la France de 2030 sans mobiliser le Parlement pour la baisse des dépenses et des impôts et le contrôle de la dette n’a aucun sens.
2. Baisser enfin les impôts et les dépenses
. Libérer les entreprises (de leur boulet fiscal) ;
. Libérer le patrimoine (et les successions) ;
. Reculer l’âge de départ à la retraite (report de l’âge d’un quadrimestre par an pour tous à partir du 01/01/2021, soit 65 ans en 2028) ;
. Faire respecter les 35 heures dans la fonction publique (et réduire le nombre d’agents) ;
. Rationaliser le « pognon de dingue » des prestations sociales (plus de 200 aides et prestations différents, versées par 330 caisses différentes qui sont présentes sur le territoire via 5 000 guichets) ;
. Réduire le train de vie de l’Etat.
3. Réhabiliter le travail ?
Se rapprocher du modèle allemand impliquerait un changement complet de mentalité de nos syndicats qui ne devraient plus voir les employeurs comme l’ennemi à coincer, mais comme le partenaire principal pour créer des emplois.
Adoptons enfin le pragmatisme qui prime dans le reste de l’Europe ! Sauvons nos emplois, même si cela doit passer par un désaveu pour nos syndicats réfractaires.
4. Sauver ce qui reste de notre industrie
La crise sanitaire a mis en évidence notre dépendance stratégique dans des domaines essentiels de la santé comme les médicaments ou les dispositifs médicaux, mais aussi la fragilité de nos chaînes de production.
D’après l’Insee, de 1970 à 2016, la part de la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière a baissé dans la richesse nationale de 22,3 à 10,2%.
De 2,2 milliards en 2001, notre déficit commercial est passé à 68 milliards attendus en 2021.
Créer une usine en France ou le parcours du combattant.
Augmenter le temps de travail, baisser le nombre de jours de congé et de RTT, baisser les charges employeurs à tous les niveaux de rémunération, baisser les taxes de production pour une trentaine de milliards. Simplifier les autorisations pour créer des usines. C’est la seule manière de réindustrialiser.
5. Désendetter la France, c’est possible !
Nous sommes tombés en France dans notre propre piège : distribuer de l’argent gratuit tout en dévalorisant l’effort et le travail, tout en dégoûtant les entrepreneurs et les investisseurs.
Chez les pays frugaux (Danemark, Suède, Pays-Bas…), point de statut public.
Déléguer au privé.
Décentraliser, déléguer pour désendetter.
(France) Tout est fait pour dépenser plus et s’endetter plus. Suivons les bons exemples autour de nous : suppression du statut public, délégations de services publics, décentralisation, mise en concurrence et suppression des statuts, tout cela reposant sur la valeur « travail » (temps de travail annuel élevé, âge de départ à la retraite à 65 ans ou plus).
Conclusion
L’avancée gouvernementale en crabe, sans explication, sans pédagogie, assenant des milliards auxquels plus personne ne comprend rien tout en niant un quelconque danger sur la soutenabilité de la dette est devenue insupportable.
Les Français méritent la vérité : la dette est devenue infinançable et il va falloir travailler plus, réformer notre modèle social, dépenser moins pour éviter le naufrage. Nous ne pourrons pas éternellement tenir ce rythme d’emprunt à 1 milliard d’euros par jour. L’argent magique et gratuit n’existe pas. On finit toujours par payer la note. Et là, dans le piège de la dette, ce ne sera pas juste des impôts supplémentaires mais la misère et la ruine pour tous si nous ne réagissons pas très vite.
Dictionnaire humaniste et pacifiste de Théodore Monod - Arthaud Poche
Émetteur du verbatim: François C.
« Pour mes frères les animaux victimes trop souvent de la stupidité et de la cruauté des hommes »
Je ne suis pas un aventurier, je suis un chercheur.
Naître dans une famille comme la mienne, être le fils de deux parents de grande culture, élevé de la façon dont j’ai été élevé, j’en suis très reconnaissant. C’est une chance incroyable.
Bien souvent, dans l’existence, vous découvrez que vous avez fait des choix fondamentaux…après les avoir faits. Ce n’est qu’au-delà de la bifurcation que vous découvrez que vous étiez à la croisée des chemins.
L’inventaire de la planète est loin d’être achevé…Il y en a pour des siècles.
« La tauromachie est l’art scélérat et vénal de torturer et de mettre à mort des animaux selon des règles, dans la légalité et en public. »
Croire, c’est nécessairement agir. La foi chrétienne…est d’abord une volonté d’agir pour faire advenir concrètement en ce monde le royaume de Dieu. Prière et action, lutte et contemplation : il faut tenir ensemble ces deux appels, en apparence contradictoires.
Dans le désert, le squelette de la Terre est directement visible. C’est un spectacle presque indécent, et vraiment émouvant. Qui exige un certain état d’esprit, une approche au ras du sol, humaine et intelligente.
Nous agissons avec la nature comme si elle était notre propriété. En réalité, c’est un capital dont nous sommes seulement usufruitiers, et que nous devons transmettre aux générations future.
« Croire quand même, espérer quand même, aimer quand même ».
L’Afrique est littéralement pourrie de vestiges préhistoriques et certains se demandent même depuis peu si elle n’aurait pas, contrairement à l’opinion courante, vu naître l’homme proprement dit.
La nature existait avant l’homme, elle existera après. Il faudra recommencer beaucoup de choses à zéro, mais la nature n’est pas pressée. Pour elle, 10, 50, 100 millions d’années, ce n’est rien du tout. Il faudra recommencer, et on recommencera. Il y aura des relais.
Je ne pense pas à mon temps, mais à l’origine de la vie venue il y a trois milliards d’années sous une forme très modeste dans une soupe primordiale, la mer.
Ce que nous pouvons faire, il faut le faire, si peu que ce soit, c’est indispensable, sinon les choses continueront comme elles sont.
Nous savons qu’on s’achemine vers l’asphyxie et l’empoisonnement irréversible des océans.
Dès que l’intérêt, le préjugé ou la tradition sont en cause, on découvre que le plus beau texte juridique risque de demeurer très partiellement appliqué, s’il dépasse le niveau moral moyen d’une société.
Chaque jour, je récite les Béatitudes, comme on rêve à une utopie, si on définit l’utopie non pas comme « l’irréalisable » mais comme ce qui n’est pas encore advenu.
Dans nos structures sociales actuelles, fondées sur la primauté du profit, dans un système politique enlisé au stade de nations faisant encore passer prestige et intérêt avant la justice et la fraternité, peut-on faire mieux ?
(Fourrure) Elle est belle sur la bête, elle est bête sur la belle.
Le massacre d’Hiroshima est une date dont il faut d’autant plus se souvenir que ce déluge de sang, de feu et de larmes représente une coupure majeure dans l’histoire de l’espèce humaine. Avant ce bombardement, nous vivions dans « l’ère chrétienne ». Depuis le 6 août 1945, nous avons basculé dans « l’ère nucléaire ».
Hiroshima était un jeu d’enfant à côté de ce que nous préparent nos stratèges…Est-ce que l’homme saura renoncer à la barbarie et devenir sage avant de céder à la folie, à l’imprévoyance, à la stupidité ? Saura-t-il renoncer à courir à sa perte ?
On ne peut pas grand-chose, individuellement, mais le très peu qu’on peut faire, il faut le faire.
Le drame est que l’homme a acquis la puissance matérielle et technique sans acquérir simultanément la sagesse qui lui permettrait d’adapter ses technologies à des buts qui servent son développement au lieu de servir la guerre et la mort.
Je crois que l’homme, dans ses profondeurs psychologiques, ressent certainement une sorte d’attirance pour tout ce qui peut l’unir à l’infini, l’unir au cosmos.
Eh bien, que se passerait-il s’il n’y avait pas de Gulf Stream ? Paris aurait un climat sibérien, il ferait moins quarante en hiver.
Tant que nous vivrons dans une société qui repose directement sur le profit et l’argent, la nature sera saccagée. Puisqu’une chose rapporte, elle est tolérée. Cela va loin parce que c’est la société qu’il faut changer, la structure de la société.
Le désert, c’est ma paroisse…C’est la nuit bleue piquée d’étoiles. C’est le silence, cette denrée devenue si rare en notre siècle de vitesse et de bruit. On a parlé de sacrement du silence, car le désert porte à la contemplation.
Il faut très peu de choses pour vivre, matériellement. Le désert donne cette leçon. Et nous possédons trop de choses aussi. Mon père disait ; « Nous sommes possédés par nos possessions. »
Dieu n’est ni homme ni femme. C’est une force d’amour, un esprit qui échappe totalement à notre compréhension. Ce n’est qu’après notre mort que nous saurons enfin. Sans doute ne suis-je plus, à 94 ans, très loin de connaître la réponse.
Je demande à ce que l’on calcule le bonheur national brut. C’est très difficile en chiffres, mais ça aurait un sens !
Oui, je suis pour le progrès, mais pour moi, il n’y a pas de progrès là où il y a délire technique et sacrifice des valeurs essentielles de la vie. La sauvegarde de la nature me paraît centrale parmi ces valeurs.
La civilisation est dépassée par ses excrétions, les déchets que nous accumulons.
Ce saccage de la planète, je crois que c’est une très grande imprudence…parce que nous ne connaissons pas les incidences à long terme des erreurs ou des bêtises que nous commettons actuellement.
Une civilisation qui est une civilisation du bruit, du gadget bien entendu, du gaspillage et du déchet, ça n’est pas viable indéfiniment.
S’opposer à l’inacceptable, c’est toujours se libérer des préjugés de la tradition et de la coutume, c’est être capable d’une attitude novatrice.
L’homme moderne a peur du silence car, confusément, il pressent que le silence est une terre d’appel, de confrontation avec l’essentiel, avec ce qui fait -ou devrait faire- notre vocation d’homme. Il faut plonger dans le silence comme on s’aventure dans le désert…
Mais les hommes politiques !...Cinq cents ans pour eux, c’est une éternité ! Pour la nature, c’est demain matin, c’est ce soir.
L’unité du cosmos, cette idée que tout, à l’intérieur de l’univers, se tient : il n’y a que les poètes qui savent ça, et qui l’ont dit d’ailleurs…C’est une idée merveilleuse, magnifique, cette idée que, à l’intérieur de notre système cosmique, tout agit sur tout.
La mer, c’est l’espoir parce que même si la vie disparaissait des continents, la mer resterait probablement un réservoir quasi inépuisable.
(Vieillesse) Je reste en tout cas dévoré de curiosité. Je n’ai pas fini d’essayer de rassasier mon désir d’apprendre, de comprendre, et d’explorer au sens large du mot.