L'ouragan sanitaire,comment sortir de la pandémie du Covid-19 et préparer l'avenir? - Odile Jacob
Émetteur du verbatim: François C.
Les épidémies, loin d’être à oublier, doivent aujourd’hui être considérées, à la fois, comme des catastrophes naturelles réclamant anticipation et préparation, pour ne pas trop subir, et comme des accidents technologiques invitant à réfléchir au développement des activités humaines et à les infléchir.
Première partie L’HOMME FACE AUX PANDEMIES : UN COMBAT DE SISYPHE Ch. 1 Brève histoire d’une longue lutte . Peste, marins et marchands
Mai 1720 : la peste se propagea, décimant la moitié de la populaion de Marseille, puis touchant toute la Provence, causant la mort de plusieurs dizaines de milliers de personnes.
. Choléra, machines à vapeur et politiques de santé publique
Trouvant leur origine dans le delta du Gange, les épidémies de choléra se succédèrent en Europe, en 1832-1834, 1848, 1853-1854, 1865, 1884, puis 1892.
. La lutte sanitaire, ciment des relations internationales
Le début du XXème siècle vit le couronnement des efforts de la diplomatie internationale face au risque épidémique…Les agents infectieux responsables de la peste et du choléra étaient reconnus comme tels. Les mécanismes de la contagion étaient identifiés et il devenait possible d’agir en conséquence.
. Le XXème siècle : mondialisation des crises et des remèdes
L’accomplissement international le plus spectaculaire sous l’égide de l’OMS (créée en 1948) fut sans conteste l’éradication de la variole grâce à la vaccination.
Ch. 2 La vague épidémique contemporaine : l’élaboration d’une réponse internationale systématique . Les ambitions contrariées de la fin du XXème siècle
Ces maladies (poliomyélite ; syndrome d’immunodéficience acquise (sida) ; encéphalopathie spongiforme bovine) ont des caractéristiques communes : l’absence de réservoir animal de l’agent infectieux ; un diagnostic aisé ; un moyen d’éradication (vaccin, médicament) simple et peu coûteux.
. Le renforcement de l’OMS et la crise du SRAS
. L’évolution du Règlement sanitaire international : réduction de la liste des maladies sous surveillance de six à quatre, puis trois : la peste, le choléra et la fièvre jaune.
. L’épidémie de SRAS de 2003 fut la démonstration éclatante de ce à quoi le monde devait mieux se préparer pour prévenir l’impact sanitaire, social et économique d’une pandémie liée à un agent infectieux émergent.
. La révision du règlement sanitaire international en mai 2005 par les 194 Etats membres.
Ch. 3 La concertation sanitaire internationale à l’épreuve des virus émergents . Le virus H5N1 : un accélérateur de la préparation aux risques pandémiques
. La grippe aviaire due au virus H5N1 (2004-2005)
. La prise de conscience du risque de pandémie grippale…(2006)
. Le monde se prépare à une pandémie…Le fait est que la chronique des années 2005 à 2009 fut dominée par l’effort d’élaboration d’un plan de préparation et de lutte contre une pandémie grippale.
. Un exemple de préparation : le plan « pandémie grippale » de la France…décrivant les actions à conduire aux phases d’émergence, d’installation, d’accentuation puis de régression d’une pandémie grippale, enfin d’éventuelles répliques (mai 2005).
. Les vicissitudes de la préparation mondiale au risque de pandémie grippale
. L’Indonésie fait le choix de l’unilatéralisme.
. Les Cassandre que nous n’avons pas crues…Il y aurait pourtant une place pour une génération de lanceurs d’alerte, dont la charge serait de préserver la mémoire de chaque type de catastrophe ? En effet, le travail d’usure, exercé par l’oubli, atténue peu à peu le signal fort du caractère récurrent de ces fléaux, qui perd alors sa valeur annonciatrice d’un malheur analogue et prochain.
. L’état de la préparation française en 2009…La France n’était pas fin prête, mais elle était préparée !
. Le piège du virus H1N1
. La pandémie de H1N1, mladie inattendue (début 2009)
. Heurs et malheurs de la vaccination…Le faible taux de couverture vaccinale n’était pas propre à la France.
. Le H1N1, épreuve du feu pour la concertation sanitaire internationale…La crise épidémique est un risque permanent et majeur, tout de soudaineté, d’effet de surprise, de contrainte temporelle, d’incertitude, de suspense, de débordement, d’effets multiples sanitaires, économiques et sociaux, et d’aptitude à faire peur.
. La vague des virus émergents des années 2010, un avertissement mal entendu
. L’épidémie de MERS au Proche-Orient (2012).
. L’émergence du virus Ebola en Afrique de l’Ouest (2013)…La diffusion du virus hors du continent africain se révéla limitée.
. L’épidémie du virus Zika en Amérique (2015).
. L’étrange abandon de la préparation française au risque pandémique…Interruption de la mise à jour du plan pandémie grippale à partir de 2011.
2ème partie UN DESASTRE ANNONCE : LA PANDEMIE DE COVID-19 Ch. 4 L’ouragan sanitaire . La genèse d’un cataclysme : un désordre soudain
. Le mystère des origines…Ces études génétiques ne permettent pas d’éliminer la possibilité qu’un SARS-CoV-2, qui serait apparu chez des animaux de laboratoire, ait pu être dispersé accidentellement dans l’environnement à partir d’un laboratoire de recherche.
. Les prémices de la pandémie…Non seulement une épidémie nouvelle était en train de naître, mais elle avait un potentiel d’extension et de dommage considérable.
. Branle-bas de combat à l’OMS…(22 janvier) L’avis consensuel trouvé fut qu’il était un peu tôt pour qualifier l’événement d’urgence de santé publique de portée internationale.
(30 janvier) L’avis consensuel du Comité fut qu’il s’agissait d’une urgence de santé publique de portée internationale.
. Un système de soins sous le choc
. Le Covid-19 : une maladie nouvelle…L’objectif du virus est clair : entrer pour utiliser les outils métaboliques de la cellule et s’y répliquer, avant de ressortir en grand nombre de cette cellule, puis, par exemple via la toux ou la contamination des mains, contaminer un autre être humain et pouvoir, là encore, s’y répliquer.
. Des hôpitaux submergés.
. La contagion, une désorganisation anthropologique…En vue de la maîtrise d’une épidémie, la remise en ordre passe par la prévention de la contagion. Elle est l’objectif clé. Elle impose des mesures contraignantes.
. Le poids socio-économique de la pandémie…Virus de la pandémie, mais aussi de la décroissance, de la baisse de la demande, de la faillite et du chômage, virus de la démondialisation et, dans de nombreux pays, de la pauvreté et de l’inégalité sociale…
. Raison gardée, malgré l’angoisse et les biais cognitifs…Le désordre pandémique est fait de peur et de mensonges, mais le couple ordre-désordre fait émerger des personnages originaux, tout de transgression, d’ambivalence, de marginalité, de recours au bricolage : les maîtres du désordre…Ils prospèrent aux confins du « rassurisme », du complotisme et du charlatanisme.
. Le scientifique, le sceptique et le chamane.
. Carambolage sur la scène internationale…Le virus SATS-CoV-2 causa une pandémie parce qu’il s’appuya sur tous les vecteurs propres à la mondialisation : l’attractivité d’une ville « au cœur des chaînes de valeur globale », telle que Wuhan, le pouvoir de déplacement international et de rassemblement que possèdent, notamment, le tourisme, le sport, la culture et la religion.
Dans ce carambolage international…l’OMS, leader, guide technique, source d’information et coordinateur de multiples actions face à la pandémie, se retrouva en position de cible, sinon de bouc émissaire.
Ch. 5 Au cœur de la tempête, garder le cap . L’adaptation dans l’urgence des soins hospitaliers
Parmi ces progrès dans la prise en charge des détresses respiratoires aiguës, certains sans doute comptèrent plus que d’autres : l’utilisation des corticoïdes chez les malades les plus graves ; le renoncement à des médicaments inefficaces et non dénués d’effets secondaires dangereux ; un recours mieux ajusté et plus restrictif à la ventilation artificielle, qui expose à ses complications propres…
. L’état d’urgence sanitaire au risque du désastre économique
Deux grands objectifs des gouvernements : limiter, autant que possible, la transmission du coronavirus entre les êtres humains ; réduire les conséquences économiques, sociales et humaines liées à la pandémie.
. Limiter la transmission du virus : au cœur de la stratégie de l’exécutif
. Les nouveaux gestes pour l’hygiène et le port du masque.
. La redécouverte du confinement…Dans l’ensemble, les décisions de confinement prises dans le monde firent appel à des réflexes anciens, propres à des sociétés démunies d’autres moyens d’actions, et au mimétisme. Elles furent facilitées par la circulation de l’information, qui fut plus rapide que la trajectoire de l’épidémie.
. La mission Castex sur le déconfinement…Le confinement ayant été une entreprise inédite, le déconfinement était donc une innovation, il était souhaitable de l’aborder avec méthode et circonspection.
. Les fluctuations du confinement…Deux spectres rôdaient autour des décideurs : celui de l’hécatombe observée en mars et avril 2020 ; celui de la justice qui avait été mise, dès mars, sur le sentier de la recherche de responsabilités.
. Le bouclier vaccinal, une stratégie globale d’immunisation
. Une concurrence mondiale dans le développement vaccinal…La vitesse observée en 2020 résulta d’importants autres facteurs d’accélération : les progrès des méthodes de génétique moléculaire ; les connaissances acquises sur les précédents coronavirus ; les travaux préparatoires déjà engagés sur de nouvelles façons de faire des vaccins ; l’argent public coulant à flots ; l’engagement des participants aux essais cliniques ; la disposition des agences de régulation à bien évaluer, mais vite ; les équipes fournies de chercheurs et techniciens, du secteur public comme du secteur privé ; le nombre inhabituellement élevé d’entreprises engagées dans le développement de vaccins ; enfin, une grande volonté collective.
. Variants : les feintes du virus…A chacune des innombrables réplications du coronavirus au sein des cellules humaines infectées, le génome du virus est traduit, puis synthétisé et utilisé pour la génération de nouvelles particules virales.
. Les défis du déploiement mondial de la vaccination…Au niveau mondial, trois caractéristiques propres à cette vaccination contre le SARS-CoV-2 dominaient : la mise à disposition progressive et en ordre dispersé de vaccins de différents types ; une feuille de route pour la priorisation de la vaccination mettant en avant, notamment, les personnes âgées ou à la santé fragilisée ; un esprit de justice distributive, largement affiché, mais aussi entamé par de fortes tensions géopolitiques…
3ème partie BATIR UN MONDE PLUS RESILIENT FACE A UN RISQUE PERMANENT Ch. 6 Evaluer les causes et les conséquences de la crise . Tristes anniversaires
En deux temps trois mouvements, cette pandémie est devenue l’événement qui aura dominé l’année 2020.
. Un lourd bilan sanitaire, économique et social
Aux conséquences sanitaires s’est ajouté un impact économique et social massif, dont les effets majeurs sont des faillites, des dettes, des arrêts d’activité, du chômage et le rejet de dizaines de millions de pesonnes dans la pauvreté.
. Regarder nos erreurs en face
(France) : une planification stratégique n’ayant pas été mise à jour depuis près de dix ans ; l’absence d’exercice récent sur ce thème, qui aurait permis de réunir et de souder les équipes interministérielles destinées à gérer la crise, en s’entraînant notamment à bien préparer et articuler les expertises sur l’évaluation du risque, et la communication sur le risque et sa gestion ; la pénurie de masques, interdisant de réduire le risque, notamment pour les soignants, et fragilisant la confiance en la communication des pouvoirs publics.
. L’évaluation indépendante de la crise
Ces commissions d’enquête, d’évaluation, de revue ou d’examen affichent en général deux intentions : celle d’évaluer de façon indépendante ; celle de ne pas se positionner, comme le fait un tribunal, en recherche de responsabilité.
Ch. 7 Sortir du désordre et rebâtir nos systèmes de préparation aux grands risques sanitaires Envisager le monde d’après…implique de se pencher sur les scénarios d’évolution possible de l’épidémie, sur les leçons que l’on aura su tirer du phénomène pandémique, et sur les conséquences qui en résulteront.
. La fin de la pandémie
. A quelle date ? Les épidémiologistes sont à la peine, car les hypothèses et les paramètres sont nombreux lorsque la question porte sur un horizon éloigné dans le temps et dont la portée est vaste puisque d’ampleur mondiale.
. Et sous quelle forme ? Pas de cessez-le-feu, ni d’armistice avec les épidémies !…Sauf à mettre au point un vaccin universel efficace contre de nombreuses, sinon toutes les formes de coronavirus, cette évolutivité génétique pourrait imposer une vaccination itérative avec un vaccin adapté au nouveau variant émergent, si celui-ci menaçait d’une évolution épidémique.
. Coordonner nos efforts à l’échelle mondiale, européenne et française
. Les premières analyses menées par l’OMS Messages clés : le constat d’une insuffisante préparation du monde au risque pandémique et des moyens limités mis à la disposition de l’OMS ; la suggestion que la digitalisation de l’information serve à améliorer le système d’alerte pandémique ; la nécessité que l’accès mondial aux vaccins ne soit pas handicapé par d’étroits intérêts nationaux ou économiques ; et l’espoir que la pandémie de Covid 19 serve de leçon pour catalyser une réelle prise de conscience vis-à-vis du risque pandémique.
. La coopération sanitaire européenne ranimée…Il fallut attendre le 11 février 2021 pour que soit créée la Health Emergency Preparedness and Response Authority (HERA).
. La France au défi de la préparation au risque pandémique…Le défaut d’anticipation, de préparation et de gestion fut manifeste. Notre pays était mal préparé et mal équipé face à une telle pandémie…La planification stratégique, le développement et la disponibilité des moyens d’action, la gestion de crise et la coordination de la recherche clinique étaient les faiblesses les plus critiques.
.Quelques préconisations à l’échelle nationale
Dans le monde entier, les chercheurs déplorent que leur travail de recherche soit handicapé par la lourdeur croissante des tâches administratives. En France, cette lourdeur est aggravée de façon massive par la complexité institutionnelle, qui s’est installée au fil des décennies.
. Et des écueils à connaître pour ne pas s’y échouer
A ce jour, trois pièges sont identifiables : l’oubli, qui fut à l’œuvre au décours de la pandémie grippale due au virus H1N1 en 2009 ; le détournement idéologique ; et la compétition internationale qui, appuyée sur le nationalisme, met en péril la lutte contre des agents infectieux, qui ne connaissent pas les frontières.
Si l’accès aux vaccins contre SARS-C est d’une inégalité criante entre les pays développés et les pays à faible revenu, il sera difficile de plaider plus tard pour que ces pays démunis se dotent des capacités d’épidémiologie et des laboratoires de biologie permettant de mettre en place, pour le bien du monde entier, un système d’alerte sanitaire plus performant.
Conclusion Seul l’esprit d’anticipation et de préparation, appuyé sur le développement des sciences, des techniques et des nouvelles organisations, pouvait permettre d’atténuer cette brutalité et d’adoucir l’impact de l’événement.
En ce début avril 2021, le mot conclusion est sans doute prématuré, s’il n’est pas déplacé.
Le désert des couleurs d'Aurélie Wellenstein - Scrineo
Coup de cœur de notre ancienne collègue Élodie, qui travaille à la librairie de fil en page:
Depuis des siècles, le monde est recouvert d’un immense désert multicolore qui vole les souvenirs de quiconque s’y aventure. Réfugiés au cœur d’un ancien volcan, les hommes sont menacés par la progression des dunes et envoient deux des leurs en quête d’un paradis légendaire. Kabalrai accompagne sa demi-sœur, chargé de veiller sur ses souvenirs et de les recueillir quand le désert les lui arrachera, dépositaire de ses souvenirs, de ses joies comme de ses plus sombres secrets.
Une aventure qui les conduit à dépasser leurs limites aussi bien dans leur lutte contre les éléments que dans celle, plus retorse, contre l’amnésie: qu’est-ce qui constitue notre identité et que sommes-nous sans nos souvenirs?
Apocalypse cognitive de Gérald Bronner - Puf
Émetteur du verbatim: François C.
La situation inédite dont nous sommes les témoins est donc celle de la rencontre de notre cerveau ancestral avec la concurrence généralisée des objets de contemplation mentale, associée à une libération inconnue jusqu’alors du temps de cerveau disponible… Ce temps de cerveau libéré, qu’allons-nous en faire?
Première partie: LE PLUS PRÉCIEUX DE TOUS LES TRÉSORS
. Les êtres humains libérés
Aujourd’hui, en France, le temps de travail représente 11% du temps éveillé sur toute une vie alors qu’il représentait 48% de ce temps en 1800!
Chaque Français bénéficierait ainsi de l’équivalent de près de quatre cents esclaves énergétiques tandis qu’en moyenne, chaque humain aurait l’équivalent de deux cents de ces esclaves à son service!
. Une autre histoire de l’humanité
Homo sapiens, i.e. l’être humain tel que nous le connaissons aujourd’hui, est apparu il y a environ 300 000 ans.
Au cours des trois derniers siècles, toutes les étapes ont été franchies qui ont conduit l’humanité du stade de la soumission à son environnement à celui de la domination.
. 11 mai 1997
L’attention pour cette revanche entre Kasparov et Deep Blue fut mondiale… La bataille s’acheva sur la défaite historique du champion des humains contre celui des machines.
. La guerre éclair des ordinateurs
(loi de Moore) En raison du caractère géométrique du développement de cette technologie, nous avons du mal à anticiper mentalement l’étendue de son arborescence. Une chose est certaine: elle prolonge le grand mouvement d’externalisation de tous nos gestes par les machines entamé par la première révolution industrielle.
. Externalisation
Ce ne sont d’ailleurs pas tant des métiers qui vont disparaître qu’un type de tâches exécutées par les humains. Quelles sont-elles? Endurance, précision, mémoire, gestion de ressources financières, maintenance des technologies, lecture, calcul, contrôle qualité, coordination, monitoring, etc. En somme, toutes les tâches qui ont un caractère répétitif et peuvent être algorithmisées.
Les intelligences artificielles sont des prothèses pour l’humanité, des prothèses essentielles compte tenu des handicaps physiques et cognitifs qui caractérisent notre espèce, mais pas beaucoup plus.
. Un trésor inestimable
Il y a de plus en plus de temps de cerveau disponible… il représente environ cinq heures quotidiennes.
Les sociétés modernes sont caractérisées par une augmentation géométrique du temps de cerveau disponible.
. Jusqu’ici, tout va bien
Entre 1881 et aujourd’hui, l’espérance de scolarisation a plus que doublé, passant de huit ans à plus de dix-huit ans de nos jours.
. A dormir debout
Les Français adultes dorment désormais 6 h 42 par nuit les jours de semaine, soit moins que les 7 heures préconisées pour une bonne récupération.
Les perturbations du sommeil entraînent celles des capacités d’apprentissage et d’une façon générale de nos compétences et de nos potentialités intellectuelles dans notre vie de tous les jours.
L’omniprésence des équipements de loisirs: télévision, tablette, smartphone, ordinateur, sollicite de façon de plus en plus envahissante et addictive notre temps de cerveau disponible, et en particulier celui des adolescents.
L’empire de ces sollicitations cognitives s’est progressivement étendu, au point qu’on a créé un néologisme pour désigner cette peur de rater quelque chose : la Fomo (fear of missing out).
. Lorsque tu regardes ton écran, ton écran te regarde
Les écrans… sont devenus des monstres attentionnels. Ils dévorent notre temps de cerveau disponible plus que n’importe quel autre objet présent dans notre univers.
La citadelle de notre disponibilité mentale est donc poreuse, elle fuit même de toute part.
Ces limites de notre cerveau permettent d’évaluer la valeur de ce trésor si précieux pour l’humanité mais aussi la façon dont nous risquons d’en user… Allons-nous… flamber ce capital attentionnel au casino de l’attention?
Deuxième partie : TANT DE CERVEAUX DISPONIBLES!
. Un « effet cocktail » mondial
Depuis 2013, la masse d’informations disponibles double tous les deux ans… Autre proportion frappante: 90% des informations disponibles dans le monde ont été rédigées dans les deux dernières années.
. Cacher ce sein…
Entre toutes les informations capables de capturer notre attention dans le brouhaha informationnel qu’est devenu notre monde contemporain, la sexualité est une très bonne candidate.
Ces vidéos pornographiques sont celles qui sont le plus consommées sur Internet. On dénombre des dizaines de milliers de sites qui diffusent massivement ce type de films. Plus d’un tiers de vidéos regardées chaque jour sont des produits pornographiques.
. La peur au ventre
L’information qui prétend nous alerter d’un danger nous attire irrésistiblement. Or, celle-ci est produite en quantité industrielle dans le monde contemporain.
Les arguments de la peur sont beaucup plus aisés à produire et rapides à diffuser que ceux qui permettent de renouer les fils d’une confiance si nécessaire à la vie démocratique.
Cette cacophonie cognitive nous fait prendre encore un autre risque : celui de la paralysie de l’action… La peur s’est donc emparée d’une partie de ce précieux trésor qu’est notre disponibilité mentale. Elle nous tient au ventre et plonge notre esprit dans des ensembles de données partielles et trompeuses qui font de nous des hypocondriaques permanents et nous font regarder vers l’avenir avec, comme seul horizon parfois, la terreur et la crainte d’une fin du monde prochaine.
. La lutte des clashs
Les coalitions sociales et les mécanismes affiliatifs sont profondément inscrits dans notre nature.
De même que le sexe et la peur, la colère sera donc un bon support émotionnel pour conférer une certaine vitalité à un produit cognitif.
(Anonymat) Un sondage réalisé aux USA indique qu’un quart des internautes intervient sur des forums ou sur les réseaux sociaux sous une fausse identité.
L’indignation est un feu et les réseaux sociaux sont comme de l’essence.
L’hyper-conséquentialisme nous met en examen de façon permanente.
Cette sensibilité exacerbée du marché cognitif à la conflictualité crée des attitudes opportunistes, i.e. une tentation pour certains acteurs de jouer de la culture du conflit pour se faire remarquer.
Cette lutte des clashs est donc surtout celle des rendez-vous manqués. De longs moments de vide, mais qui offrent l’avantage, pour chacun des protagonistes, de raconter sa propre histoire.
Dans les espaces sociaux que sont les forums, la demande de conflictualité peut devenir hyperbolique par accoutumance, conduire ainsi à une perte de sens moral ordinaire, accentuant l’intensité des agressions numériques.
. Self sévices
Le destin d’un grand nombre de lieux de la planète a été modifié parce que le paysage qu’ils offrent est devenu viral sur les réseaux sociaux.
Il y a dans notre nature profonde une disposition à la compétition généralisée pour attirer l’attention de nos congénères… Notre niveau de satisfaction est donc directement dépendant de processus de comparaison ininterrompue dans notre vie sociale.
La passion pour la micro-notoriété s’est répandue le long des canaux des réseaux sociaux et, avec elle, son cortège de frustrations.
Révélation
59% des personnes qui partagent des articles sur les réseaux sociaux n’ont lu que les titres et rien de leurs contenus.
Le monde contemporain, tel qu’il se dévoile par la dérégulation du marché cognitif, offre une révélation fondamentale -i.e. une apocalypsis- pour comprendre notre situation et ce qu’il risque de nous arriver.
Cette appétence, dont nous avons vu certains des aspects les plus saillants: sexualité, conflictualité, peur, incomplétude cognitive, informations égocentrées, est comme du sucre pour notre cerveau.
Prendre ou ne pas prendre conscience que l’utilisation de notre trésor attentionnel est la question la plus politique et la plus déterminante qui soit.
Éditorialiser le monde
Editorialiser le monde, i.e. focaliser son attention sur tel élément du réel plutôt que tel autre, proposer un ordre d’importance entre ces éléments: lier ces éléments en leur donnant un sens narratif et éventuellement les interpréter en fonction de la catégorie du bien et du mal, est une dimension incontournable de tout discours sur le monde.
Le fait est que les médias conventionnels ont développé massivement une culture du clic pour survivre… On constate que le marché cognitif est animé par des effets de concentration d’attention brefs, soudains et gigantesques.
La vérité ne se défend pas toute seule
La crédulité propose une éditorialisation du monde permettant de relier les faits par des récits favorisant les pentes intuitives et parfois douteuses de notre esprit… le faux se diffuse plus vite, plus largement et plus profondément que le vrai.
L’affirmation envahissante de la crédulité parachève l’apocalypse cognitive que nous connaissons et qui est, encore une fois, la révélation simple et fondamentale de ce que nous sommes et que nous avons souvent cherché à nier.
Troisième partie: L’AVENIR NE DURE PAS SI LONGTEMPS
Prendre ses désirs pour des réalités est compréhensible, il s’agit précisément d’un invariant cognitif de l’espèce mais cela ne nous protège que provisoirement de la sanction du réel.
. Le goût des nôtres
L’offre télévisuelle a ainsi longtemps été drastiquement régulée. Dès lors que la pression étatique s’est relâchée, on a observé ce que l’on observe toujours: un dévoilement de nos appétits les plus immédiats.
Partout, l’éditorialisation de l’information est contaminée par l’anticipation de la demande dès lors que la pression concurrentielle augmente: moins de traitement de fond, plus de divertissements, mise en scène de conflit de personnalités avec la convocation d’éditorialistes aux positions tranchées et opposées.
La peopolisation du monde politique constitue bien l’une des facettes de l’apocalypse cognitive.
Ce qui impose un produit cognitif… ce n’est pas la qualité de son contenu, c’est qu’il réponde à un certain nombre d’attentes constantes et immédiates de notre esprit… Ce n’est pas la qualité de l’information qui lui assure une bonne diffusion mais plutôt la satisfaction cognitive qu’elle procure.
. L’homme dénaturé
La sphère économique s’est emparée des biens culturels pour en faire des produits de marché.
L’idée selon laquelle la concentration capitalistique qui caractérise le milieu médiatique serait la preuve de la subordination des journalistes à ceux qui possèdent les entreprises dans lesquelles ils travaillent est séduisante, mais faible.
. Le prix à payer
Cette sanction du réel, toutes les utopies en ont fait les frais.
Les échecs de ces utopies concrètes sont très nombreux et lorsqu’on examine sereinement les arguments de ceux qui les ont vécues, ils se ressemblent toujours.
. Mensonge privé, vérité publique
Les individus sont souvent des acteurs stratégiques qui tentent de concilier leurs intérêts matériels et symboliques. Ils affichent parfois dans le discours une vertu qu’ils malmènent au jour le jour…pour le dire plus crûment : en France, les gens affirment adorer Arte mais regardent TF1.
. Les néo-populismes
La démagogie cognitive est le processus intellectuel idéal pour conduire un individu de la frustration au populisme.
L’idée est de se servir des réseaux sociaux pour parler directement au « peuple » et enjamber les intermédiaires traditionnels qu’étaient les partis, les syndicats ou encore les médias… Cette volonté de faire disparaître les intermédiaires et la régulation donne sa toute-puissance à la démagogie cognitive.
. La bataille des récits
De la nature des récits qui s’imposeront à nos esprits dépendra la façon dont nous userons du plus précieux de tous les trésors, notre temps de cerveau disponible.
Conclusion: LA LUTTE FINALE
En fluidifiant les relations entre l’offre et la demande, la dérégulation du marché cognitif nous abandonne à des boucles addictives profondément enracinées dans notre nature. Et nous ne sommes peut-être qu’au début du processus.
Devrons-nous nous satisfaire de ce que le temps de cerveau libéré par l’externalisation des tâches algorithmiques soit préempté par les plaisirs offerts d’un monde alternatif et chimérique?
La situation d’apocalypse cognitive correspond logiquement au moment où les systèmes sociaux les plus libres promeuvent la désintermédiation sociale.. Ce faisant, elle voit se reporter par un simple effet de transition les carences individuelles au niveau collectif. La tentation du court-termisme, par exemple, qui pèse si bien sur notre cerveau, peut facilement devenir une caractéristique de la décision collective. Plus symptomatique encore est l’aveuglement fréquent aux conséquences secondaires de nos actions.
Seules les institutions qui savent capitaliser sur leurs erreurs parviennent à survivre et à progresser. C’est vrai aussi pour les entreprises, puisque celles qui se montrent obnubilées par leurs résultats trimestriels connaissent un taux de croissance à long terme beaucoup plus faible que celles qui ont des stratégies de plus long terme.
Nous sommes cependant la seule espèce à être capable de penser notre destin avec une telle profondeur temporelle, la seule à pouvoir prendre en compte les conséquences primaires et secondaires de nos actions. Il nous reste seulement à réaliser toute notre potentialité.
*
L'île de tous les vices de Jean-Gabriel Fredet - Albin Michel
Émetteur du verbatim: François C.
Epstein est l’archétype glaçant du prédateur des temps modernes : un homme, des appuis, un réseau.
Dans le grand branle-bas libéral-libertaire de la fin du XXème siècle, nous découvrons une Amérique duale: entreprenante, dynamique, mais aussi élitiste, prédatrice, travaillée par des passions mauvaises qui vont bientôt faire le lit d’une ploutocratie sans foi ni loi.
Chapitre 1 L’île du diable
Sur Little Saint James (confetti des îles Vierges américaines acheté par Jeffrey Epstein en 1998), le sexe est partout.
Qu’ils soient financiers, scientifiques, politiques, grands patrons ou avocats, l’île aux nymphettes n’accueille que des hommes d’influence.
C’est plutôt la version hard du jardin d’Eden, doté, derrière les apparences BCBG et le vernis des jeux érotiques, d’un gigantesque lupanar avec pornographie soft ou hard selon les moments.
Après un séjour sur Saint Jeff, l’invité devient complice, débiteur du maître des lieux. Chacun «doit» quelque chose à cet homme charmant, prévenant, qui a su flatter son vice caché et en conserve une trace.
Chapitre 2 Trente ans d’impunité
Comment ce prédateur a-t-il pu monter et organiser pendant trente ans un trafic sexuel quasi industriel de jeunes femmes, sans être jamais sérieusement inquiété par la justice?
L’ascension et la chute de Jeffrey Epstein racontent la fin d’une utopie, celle de l’Amérique que nous fantasmions : ouverte, généreuse, bienveillante, à l’écoute des victimes. Justice à deux vitesses et triomphe de l’argent, violence des rapports humains, puritanisme de façade mais laisser-faire pour les criminels sexuels, mécénat en sautoir mais obligation de retour sur investissement quand bien même il est philanthropique, presse paresseuse ou indifférente, dévoiement des élites, persuadées d’être au-dessus des lois et ne respectant que la leur : c’est à la lumière de cette nouvelle donne que se lit le scandale XXL.
Chapitre 3 Un suicide…assisté?
A 7 h 36, ce 10 août 2019, le financier Jeffrey Epstein (66 ans), accusé de trafic sexuel et de viols sur mineures et incarcéré dans un centre fédéral de haute sécurité, est déclaré mort.
Le scénario du meurtre suppose des complicités et des collusions au plus haut niveau. Entre le personnel de la prison et le milieu du crime. Entre le milieu et le monde politico-financier. Une double alliance dont la révélation pourrait ébranler les bases de la société.
Chapitre 4 Crimes sans châtiment
Deux poids, deux mesures. Quatre ans : c’est la durée de l’instruction des crimes sexuels imputés à Jeffrey Epstein entre 2003 et 2005. Soixante-huit minutes: c’est le temps qu’il a fallu au tribunal de Palm Beach pour débouter la trentaine d’adolescentes, la plupart mineures au moment des faits, séduites puis violées, brutalisées, parfois esclavagisées, et les renvoyer à une détresse superbement ignorée par la justice.
C’est oublier aussi la philosophie sous-jacente, dans un pays où l’argent est roi. Pas de délit, pas de crime même, que l’argent ne puisse finalement étouffer, voire effacer. Le pretium doloris, le prix de la douleur, la réparation financière sont évalués et calculés au trébuchet des actions et des demandes reconventionnelles.
Influencer, dissuader, déstabiliser : de ce point de vue, la défense mise sur pied par le prédateur aux poches profondes est un modèle… Avec Epstein, rarement instruction aura donné lieu à autant de coups bas, coups tordus, coups fourrés.
Selon Kessler, ces sextapes montrent les ébats de « quelques-unes des personnalités les plus riches et les plus puissantes du monde », avec parfois des viols. S’il dit vrai, ces documents peuvent donner une des clés de la fortune d’Epstein : un chantage à grande échelle sur des V.I.P. des affaires, de la science, de la politique et même d’une cour royale.
Chapitre 5 Un p’tit gars de Brooklyn
Qui est-il? Sans aucun doute un criminel sexuel, trafiquant de chair humaine au goût prononcé pour les filles à peine pubères. Un sociopathe, dénué de tout sentiment de culpabilité, indifférent aux autres, aux normes sociales comme aux normes culturelles. Mais en même temps, enfoui sous les (multiples) marottes d’un jouisseur compulsif, un austère, un spartiate.
Dans une époque de libéralisme extrême, darwinienne, où la loi du plus fort -présumé le meilleur parce que devenu le plus riche- s’impose, Epstein le libertaire, renard dans un poulailler, vit comme il l’entend, fait ce qui lui plaît et ne rend de comptes à personne… l’homme s’est installé dans une marginalité de luxe.
Jeffrey Epstein est un homme de son temps. Gonflés à la testostérone d’un culot sans bornes, ses succès racontent la financiarisation de l’Amérique et l’irrésistible ascension de la ploutocratie.
Chapitre 6 High society
Observer, influencer, racketter : le schéma de la conquête reste immuable.
Riche, doté d’un incroyable réseau d’amis, d’obligés ou de relations d’affaires, Epstein va devenir, pendant les deux décennies suivantes, une figure de cette élite new-yorkaise qui ne croit qu’à ses propres valeurs et ne respecte que ses propres règles.
Une lecture attentive des noms du carnet noir permet de distinguer trois catégories: les personnes d’influence, à séduire et à choyer ; les vieux complices, et, famille à part, les personnalités scientifiques, dont la proximité doit conférer à Epstein respectabilité et légitimité.
En l’espace de trois décennies, la « nation indispensable » dont parlait Madeleine Albright a basculé dans une ploutocratie où les déviances sexuelles n’ont plus rien à voir avec la « luxure » mise en scène par Hugh Hefner, le fondateur de Playboy… La pornographie n’est plus représentée : elle se vit en direct.
Chapitre 7 Le mécène introuvable
On connaît le prédateur. On oublie l’illusionniste. Comment, sans aucune formation, a-t-il pu tromper des sommités scientifiques, détourner leurs recherches au profit de ses lubies personnelles et abuser Harvard, l’université la plus célèbre du monde?
Mensonge, usurpation, imposture, comment expliquer cette triple violation des règles d’une des plus prestigieuses institutions des Etats-Unis?
Du côté des bénéficiaires, comme du côté du « donateur », le scandale Epstein projette une ombre sur le fonctionnement d’institutions et de procédures réputées exemplaires.
Passager clandestin de l’Ivy League, voyageur sans bagage du monde de la science, faux savant des sciences cognitives mais vrai faussaire et virtuose du contournement, Epstein n’a jamais cessé de cultiver des vies parallèles.
Chapitre 8 Le grand chantage
L’origine de son implication active dans la cause d’Israël est confuse. On sait seulement que c’est Shimon Peres qui a présenté Epstein à Ehud Barak au début des années 1980. Bonne recrue. Goût du secret, opérant toujours à la limite de la légalité, l’ami américain a tout pour devenir compagnon de route, supplétif puis auxiliaire actif du renseignement, une communauté brassant intérêts publics et privés, idéal et trafic d’influence, ventes d’armes et règlements de comptes.
Marginal, audacieux au-delà de tout, funambule de l’extrême, habité de ce sentiment d’invulnérabilité que confèrent de puissants protecteurs, l’homme a toutes les qualités d’un agent double ou triple.
Chapitre 9 Lady Ghislaine
Pendant plus de quinze ans, la fille du propriétaire du Mirror et du New York Daily News, passée de girlfriend à exécutrice des basses œuvres, a partagé la vie, les dérives, les chantages, les secrets du prédateur. Son mauvais génie? Peut-être en partie. Gardienne en tout cas des secrets d’un des pires scandales que l’Amérique ait connus.
Ghislaine ou l’amour fou, compulsif, addictif, autorisant tous les excès, toutes les débauches? ou seulement surintendante des plaisirs? Probablement les deux, au moins au début… Cumulant les rôles de rabatteuse, d’instructrice et de dresseuse des recrues, elle aurait été la pierre angulaire du système organisé sur deux continents.
Chapitre 10 Duo infernal
Leslie Wexner et Jean-Luc Brunel sont, chacun à leur façon, associés à ce qui fera la sinistre réputation de leur ami avant de signer sa perte… L’un et l’autre sont des subversifs, on dit aujourd’hui des «disrupteurs». Ils comprennent avant les autres. Et, captant les courants, savent les chevaucher, quitte à casser les codes. Avec l’obsession de devenir riches.
Entre en scène Jean-Luc Brunel, le sulfureux agent de mannequins… Sexe, drogue, fric et rock’n’roll: le business devient «un repaire de maquereaux et de prostituées».
Une machine bien huilée, capable de repérer, transférer, «distribuer» des adolescentes vers les Etats-Unis, sans éveiller les soupçons des autorités.
Chapitre 11 Expédition africaine
C’est tout le paradoxe de ce voyage en Afrique avec Bill Clinton: ni sexe ni orgie. Pourtant, sa large médiatisation servira de révélateur, non seulement des penchants d’Epstein, mais aussi du «deep state apparatus» - cet appareil d’Etat «profond» auquel appartient Clinton – qui prône une morale dont il lui arrive de s’affranchir allègrement.
Cette vision noire d’une haute société débauchée trouve d’autant plus d’échos que plusieurs responsables démocrates figuraient dans le petit carnet noir. Tous pouvaient donc avoir intérêt à son silence. L’accusation renforce l’idée d’un establishment corrompu, convaincu de pouvoir s’adonner à ses vices en toute impunité.
Chapitre 12 A terrific guy
Dans une caste qui ignore la division entre démocrates et républicains, se croit supérieure, pratique l’entre-soi, s’adonne impunément à ses vices secrets et cultive la défense de ses pairs, un autre satrape, Donald Trump, figure en bonne place.
La liste des «contacts sexuels non désirés» et des «comportements inappropriés» est longue comme un jour sans pain. Soixante-dix femmes, pas moins, l’accusent de les avoir tripotées, agressées, et parfois violées, selon l’enquête «Les femmes du président et la fabrication d’un prédateur», des journalistes américaines Barry Levine et Monique El-Faizy.
Puérile, sordide, obscène, cette macabre comptabilité? Sauf qu’elle témoigne de la capacité de nuisance d’Epstein, plus dangereux encore mort que vivant. Le spectre du prédateur, adulé puis redouté par la haute société américaine, hante le pays, menaçant notamment la réputation de deux de ses présidents.
Chapitre 13 Andrew, prince déchu
Son «trophée», Son Altesse Royale le prince Andrew Albert Christian Edward, duc d’York, deuxième fils de la reine Elizabeth II, est à terre. Face aux caméras de la BBC, finies, les parties fines et l’amitié partagées: le troisième personnage dans l’ordre de succession au trône britannique a l’air d’un lapin pris dans les phares d’une voiture… En novembre 2019, à 59 ans, Andrew, père de deux filles de 31 et 29 ans, est carbonisé. Premier membre de la famille royale à subir un tel déshonneur, il est formellement déchargé de toute fonction officielle.
Il sera protégé par la reine Elizabeth II pendant neuf ans, jusqu’au 16 novembre 2019 où il sera finalement dénoncé pour sa vie dissolue, ses liens avec des potentats étrangers peu recommandables et, surtout, son amitié avec un milliardaire américain dépravé et expert en trafic d’influence…Sa chute finale ? Il ne la devra qu’à lui-même. A sa volonté de « laver son honneur » face à l’acharnement de Virginia Roberts Giuffre et aux convocations de la justice américaine, actionnée par le FBI.
Chapitre 14 La poursuite impitoyable
Le message d’Edwards, l’avocat des premières victimes, aux défenseurs du prédateur est clair : la guerre sera totale. Ni compromis, ni armistice.
Avocats d’Epstein trop sûrs d’eux, victimes regroupées en associations et décidées à aller jusqu’au bout, opinion mobilisée par le mouvement MeToo: à sa façon, chacun des acteurs du drame va obliger finalement le FBI, l’agence de police judiciaire à l’échelon fédéral, à arrêter Epstein. Et à le déférer devant le tribunal de New York, en juillet 2019.
En s’imposant à lui-même la peine capitale, Epstein va finalement échapper à la justice, et emporter ses secrets… dans la tombe?
Saurons-nous un jour ce qui lui est arrivé? Comme un soleil noir, son fantôme continue à planer sur cette Amérique duale, écartelée entre son aspiration à la sagesse et à la décence et sa propension au chaos, au drame et à la violence.
*
Sur la route des hommes sans nom de Bernard-Henri Lévy - Grasset
Émetteur du verbatim: François C.
L’entreprise qui consiste à aller saisir, à leur pointe de flamme, les guerres quand elles sont confuses, les souffrances quand elles sont impardonnables et les fugitifs détails témoignant d’un destin promis à l’insignifiance…
CE QUE JE CROIS
Ch. 1. Qu’est-ce que c’est, dégueulasse?
J’ai eu la chance, en effet, de naître d’un père deux fois héroïque.
Je n’aurais rien fait de cela si je n’avais eu, vivant au-dedans de moi, ce sentiment, ce point de lumière, cette conscience intime et transcendantale, ce réflexe dont je viens d’esquisser la généalogie.
Mais avec une dose d’espérance, une nostalgie de la fraternité et une foi dans la capacité des hommes, sinon à changer le monde, du moins à l’empêcher de se défaire, qui me viennent de cette intime et ancienne alchimie.
Ch. 2. S’il n’en reste qu’un
Je pense au cosmopolitisme -mais à condition d’inclure dans le « cosmos » les bannis de la « polis », ses étrangers, ses laissés-pour-compte, les incomptés, les infréquentables et infréquentés, les hors enceinte sacrée de la ville et, depuis qu’elle a supplanté la ville, de la nation et de l’Etat.
J’observe que la plus injuste des injustices, la mère de toutes les autres, c’est, plus que jamais, la contingence d’une naissance sous une latitude plutôt que sous une autre, dans un lieu clément de la planète plutôt que dans une de ses zones de malédiction.
Ch. 3. L’art de la fugue
(voyages) C’est la circonstance, par excellence, où l’on se déprend de soi, où l’on s’allège de son importance et où l’on a une chance, une petite chance, de s’étrangéiser et de devenir un peu un autre.
C’est cette puissance du voyage comme art du décentrement de soi, du déclassement et de la transformation du monde en un espace offert, non seulement au travail de la pensée, mais aux gestes et aux actes du corps.
Ch. 4. Autoportrait de l’aventurier
Je ne suis pas journaliste puisque mon parti pris est inverse et que je ne pars jamais en reportage sans avoir la ferme intention d’intervenir dans ce que je verrai et de toucher à ce que je montrerai.
Mais je suis assez juif pour savoir que, même si le cœur des rois est entre les mains de Dieu, l’homme est dit associé dans l’œuvre de la Création et que cette dimension de participation fait qu’un Juif ne se sent jamais délesté du monde, mais au contraire, investi de lui.
Ch. 5. La mort, comme le soleil ?
Je sais, oui, qu’il arrive que la Bête déclare la guerre à l’Esprit, la barbarie à la beauté du monde, et il n’y a pas d’autre choix, alors, que de relever le défi et, de toutes ses forces, d’arracher leur couronne aux Héliogabale à front bas.
Je vois dans cette répudiation du courage un mépris des vies minuscules, les vraies, celles qui sont trop petites pour avoir une histoire, une archive, un visage sur nos écrans de smartphone ou une place dans un roman de Louis Guilloux.
Et puis je crois enfin qu’une vie n’est une vie et ne fait de nous des humains accomplis que si elle est un peu plus que la vie et s’ordonne à une idée, un idéal, un principe, des valeurs qui la transcendent et la hissent au-dessus de soi.
J’ai aussi trouvé, il y a cinquante ans, il y a vingt ans, il y a cent jours, peu importe, de belles histoires de résistance, de lutte, de bonté, d’abnégation, dont je ne me suis pas remis non plus et d’internationalisme.
CE QUE J’AI VU
Ch. 1. SOS Chrétiens, au Nigeria
Les Fulanis, c’est la sauvagerie de Boko Haram étendue à tous les mécréants -chrétiens et musulmans- du Nigeria et au-delà, du Tchad, du Niger et du Cameroun…
Et ce rêve d’un Etat islamique ressuscité sur les cadavres des animistes, des chrétiens et des musulmans qui résistent à la radicalisation a fait des émules jusqu’ici.
Ch. 2. Justice pour les Kurdes!
Ces guerrières sont mariées avec le Rojava comme des moniales avec le Christ. Ni séduction ni passion : le puritanisme laïque d’un peuple d’Antigones qui veille sur ses 11 000 morts de la guerre contre Daech et, désormais, contre Erdogan.
Et ce mélange d’horizontalité et de génie spartiate, d’esprit libertaire et de discipline révolutionnaire, de communalisme écologique et d’internationalisme, c’est, insiste-t-elle, le pilier du Rojava et l’âme de sa résistance.
La nation kurde a payé trop cher son endurance et son rêve invaincu d’un Kurdistan indépendant, libre et sans frontières. Rendons-lui justice. Il est temps.
Ch. 3. Dans les tranchées de la guerre en Ukraine
(Marioupol) Eh bien les séparatistes, faute de la soumettre, l’ont mise sous blocus et sont en train de l’asphyxier.
Et, quant à nous, Occidentaux insoucieux, cette guerre oubliée d’Ukraine, sa tragédie au goutte-à-goutte et, de ce côté-ci des 500 kilomètres du front, ces braves qui, deux heures avant minuit, continuent de monter la garde, devraient être notre remords.
Ch. 4. Fin du monde à Mogadiscio
La ville, cannibale, mangeuse de morts et de vivants, est rendue, comme si de rien n’était, à son halètement comateux.
Et j’arrive au bout de cette enquête avec le sentiment que c’est l’ordre chebab qui, après vingt ans d’une guerre inutile, règne toujours sur la Somalie.
Ch. 5. Les damnés du Bangladesh
Leçon de courage de ces Rohingyas qui ont tout perdu, fors leur dignité. Mais leçon d’humanité des Bengalais qui n’ont rien mais trouvent la force de le partager, ce rien, avec les 900 000 hôtes de ce purgatoire de vivants.
S’il y a bien un endroit au monde où menace la catastrophe climatique, c’est ici. Le Bangladesh est un pays delta. C’est une terre aux sept cents rivières dont certaines sont nées, comme le Gange et le Brahmapoutre, dans tout le sous-continent et se sont donné rendez-vous ici, comme pour mieux se jeter dans le golfe du Bengale.
Et puis ce valeureux Bangladesh, qui est en première ligne de la bataille planétaire contre l’islamisme, la pauvreté, le chaos migratoire et les cataclysmes écologiques, a, comme si cela ne suffisait pas, une dernière guerre à livrer -sanitaire. Il est, depuis toujours, une terre de fièvres, diarrhées, maladies respiratoires et cutanées, causées par la destruction de l’air et des sols.
Ch. 6. Retour à Lesbos
L’une des îles grecques les plus belles, les plus chargées d’histoire et de légende -et, aujourd’hui, capitale européenne de la douleur.
A l’heure où le reste de l’Europe fait assaut d’hygiénisme, Moria est ce lieu d’infection, de corruption, de fétidité. Anus mundi.
Et c’est que, malgré le dénuement, malgré la peur, malgré le sentiment d’être abandonnés des dieux, des Grecs et du monde, malgré les graffitis si tristes où l’on peut lire « nous ne sommes pas des animaux » ou « Europe, pourquoi nous as-tu abandonnés ? », il reste, entre ces frères humains que rien ni personne n’est parvenu à déshumaniser, les gestes de solidarité qui font que la vie continue.
Ch. 7. Une embuscade en Libye
J’ai vu des villes martyres en Libye.
Je n’ai même vu que cela, à l’époque de cette guerre de libération dans laquelle j’ai placé tant d’espoir et où chaque jour, ou presque, amenait la découverte d’un charnier insoupçonné.
La Libye est à la croisée de ses chemins. Nous aussi. Mais prenons-y garde. C’est ici, sur ces rivages, que se joue, pour partie, le futur de la Méditerranée et de l’Europe.
Ch. 8. En Afghanistan, avec le dernier des Massoud
Massoud le Second serait-il un nouveau Cavalier décidé à mettre en échec des seigneurs de la guerre qui ne sont plus, face au péril taliban, que les épaves d’eux-mêmes ? Se pourrait-il que, dans ce dernier affrontement où se joue notre destin, il y ait là un protagoniste, au moins un, pour dire non à l’obscurantisme, à la loi des massacres et à l’esprit de démission ? Je l’espère.
*
Le livre des deux chemins de Jodi Picoult - Actes Sud
Coup de cœur d’Élodie, notre amie libraire: Rescapée d’un accident d’avion, Dawn part sur un coup de tête en Égypte, sur le lieu de fouilles où elle avait travaillé, étudiante. De retour à Boston, elle essaie de reprendre le cours de son ancienne vie, retrouve son mari, sa fille, son travail d’accompagnatrice de fin de vie. Rien n’a changé, c’est toujours la même routine. Vraiment?
Un roman passionnant qui distille égyptologie et physique quantique en interrogeant sur les choix qui orientent notre vie et les différents destins que nous aurions pu connaître.
“Les anciens égyptiens pensaient que le chaos était le premier ingrédient indispensable de l’univers. Il pouvait tout balayer sur son passage, mais c’était aussi l’endroit où l’on pouvait repartir de zéro.”
L’ECONOMIE DE LA VIE de Jacques ATTALI - Fayard
Émetteur du verbatim: François C.
Comme les précédentes pandémies majeures de l’histoire, celle d’aujourd’hui est d’abord un accélérateur d’évolutions déjà en germe. D’évolutions désastreuses. D’évolutions positives.
Comme pendant une guerre, les vainqueurs seront ceux qui auront eu les premiers le courage et les armes. Et pour avoir l’un et les autres, il faudra une mobilisation sans faille autour d’un projet nouveau, radical ; que je nommerai ici « l’économie de la vie ».
Ch. 1 QUAND LA VIE NE COMPTAIT PAS
Plus généralement, une épidémie, laisse entendre la Loi juive, vise à pousser les hommes à sortir de leur confort, pour accélérer l’avènement de l’ère messianique. L’épidémie porte donc à la fois l’idée de culpabilité, de rédemption et d’espérance.
La peste (1347 à 1352) s’éloigne…elle renverse donc le monde féodal, concentre la fortune entre les mains d’une poignée de survivant, fait surgir une bourgeoisie marchande, et rend possible l’ascension de nouvelle élites, dont la famille Médicis.
(Grippe espagnole) Au total, cette épidémie fait entre 50 et 120 millions de morts, soit entre 3% et 6% des 1,8 milliards d’habitants de la planète.
Les pandémies se multiplient : 40 épidémies de choléra sont signalées chaque année à l’OMS. La fièvre jaune tue encore jusqu’à 30 000 personnes par an ; 450 000 meurent de la malaria. Depuis 1970, plus de 1500 nouveaux agents infectieux pathogènes ont été découverts, dont 70% d’origine animale.
Ch. 2 UNE PANDEMIE PAS COMME LES AUTRES
Quand la mort reste intime, prévisible, on la tolère ; quand elle rôde dans les rues, et peut atteindre tout le monde, à des moments imprévisibles, elle devient intolérable.
Le malheur a donc voulu que ce soit dans une dictature, la Chine, que tout commence ; une dictature qui camoufle la réalité, à elle-même d’abord, puis aux autres.
(Chine) Un pouvoir qui n’a pas su organiser à temps, i.e. depuis début décembre, la distribution de masques, les tests et l’isolement des contaminés et de leurs proches.
Depuis vingt ans déjà, l’égoïsme, la courte vue, la fermeture aux autres l’emportaient ; le monde était en excès de tout ; trop de futilité ; trop d’égoïsme ; trop de déloyauté ; trop de précarité. Trop de fortunes. Trop de misère. Des bulles insupportables. Une situation climatique de plus en plus catastrophique. Des gaspillages infinis…Trop peu de sens de l’essentiel. Trop peu de prise en compte de l’intérêt des générations futures.
Enfin, et peut-être surtout, ce qui explique tout le reste, des sociétés qui ne se respectent pas : plus de 45% de la population mondiale n’a pas accès à des services d’hygiène efficaces ; plus de 40% des gens n’ont pas de moyens de se laver les mains chez eux ; plus de 2 milliards de personnes n’ont pas accès à des toilettes.
La bonne décision en Europe, jusqu’à fin février ou encore tout début mars, eût été de se lancer dans la production massive de masques, de tests et de moyens de suivre les relations des contaminés, comme on l’a fait en Corée.
Choix lamentable. Erreur tragique : le coût de la production, à temps, de masques et de tests aurait été le dix millième de ce que va coûter la dépression provoquée dans le monde par le confinement.
Derrière ce chaos se joue une formidable bataille planétaire, où chacun tente d’avoir pour soi le maximum de personnel, d’équipements, de respirateurs, de masques et de tests. Or la production mondiale est très insuffisante.
Ch. 3 UNE ECONOMIE MONDIALE EN SUSPENS
Une crise d’une ampleur incommensurable, dont peu de gens ont encore compris l’extrême gravité et les multiples facettes…Si on ne prépare pas en même temps les changements radicaux que cette crise exige, cela ne fera que maintenir un instant le réel en suspens. Avant un grand plongeon. Un très grand plongeon.
Une société de la solitude s’installe ; une société où beaucoup de gens sont comme en prison volontairement ; une société où les jeunes sont contraints de ne pas travailler pour que les vieux, qui ne travaillent pas, survivent. Une société de décroissance dans la solitude, dont les conséquences sociales, économiques, culturelles, politiques et écologiques sont et seront gigantesques.
En Europe, 60 millions d’emplois sont menacés, soit un emploi sur quatre…Au total, selon l’OIT, la gestion catastrophique de l’épidémie va détruire 200 millions d’emplois et réduire le revenu d’au moins deux milliards de personnes.
Dans l’ensemble, en trois mois –mars à mai-, près de 10 000 milliards de dollars, soit au total environ 10% du PIB mondial, sont engagés dans cette bataille. En conséquence, les déficits des Etats vont dépasser 10% du PIB dans de très nombreux pays, dont la France, l’Espagne et l’Italie. Et atteindre même 20% aux Etats-Unis.
Dans ce contexte, la dette publique est soutenable, aussi longtemps que le taux de croissance nominal, en tenant compte de l’inflation, est supérieur au taux d’intérêt. Or, la croissance n’est plus là…
Si on continue comme ça, à un moment encore indécidable, cela entraînera une crise financière d’une ampleur infinie, qui emportera d’abord les petites entreprises, puis certaines grandes entreprises que les financiers et les Etats ne pourront plus tenir à bout de bras. Aucun Etat ne pourra nationaliser toutes ses entreprises.
S’aggravera aussi la précarité de ceux qui ne sont protégés par aucun statut et qui dépendent, pour vivre, de leurs clients ou de leurs employeurs. Le chômage, la faillite personnelle, la perte du logement, la faim même, toucheront partout dans le monde, même en Europe, d’innombrables familles, y compris dans la classe moyenne, dont la plupart ne sont absolument pas conscientes des menaces qui les guettent.
Ch. 4 LA POLITIQUE, A LA VIE, A LA MORT
Avec cette pandémie s’amorce une très grave crise politique, sociale, morale et idéologique, plus encore qu’économique.
Je pense que la crise va accélérer une évolution dans laquelle les Etats-Unis et la Chine seront tous deux affaiblis, vers un monde sans maître…Un monde où l’Europe retrouve toute sa chance d’être libre, puissante et prospère.
Le modèle politique chinois, autoritaire et censuré, n’est pas tenable à terme…aucune nation n’a jamais été une superpuissance durable sans laisser s’exprimer des points de vue dissidents à l’intérieur de son élite.
Ces deux superpuissances affaiblies –USA et Chine- seront particulièrement dangereuses. Un conflit très vif, pas seulement économique, peut les opposer. Une guerre est même possible. Pas nécessairement volontaire. Pas nécessairement directement entre elles. Le moindre incident en mer de Chine ou dans le golfe Persique pourrait la déclencher.
Cet affaiblissement des nations, même des plus puissantes, devrait accélérer le processus de prise de pouvoir des très grandes entreprises…L’équivalent chinois des GAFAM se dote des mêmes pouvoirs. Avec plus encore de puissance de calcul, de connaissance en intelligence artificielle et en champ d’action, en raison de la taille du marché chinois. Pour l’instant, il reste au service du parti communiste et de l’Etat.
Et pourtant, les défis qui viennent devant nous sont justement liés à ce que produisent ces firmes : l’artificialisation du monde.
La décroissance n’est donc pas la solution à la maîtrise du réchauffement climatique. Il faut non pas décroître, mais produire autrement. Et autre chose.
D’autres dangers menacent la planète : la destruction de la mer, l’agriculture intensive, la remise en cause de la biodiversité, la misère, la faim, l’absence d’éducation, en particulier pour les filles, les violences faites aux plus fragiles. Et tant d’autres.
Ch. 5 TIRER LE MEILLEUR PARTI DU PIRE
La pandémie nous apprend l’interdépendance de toutes les vies.
Aux Etats-Unis, on a calculé que 60% des emplois pourront être exercés à domicile. L’essentiel des services, dans les pays disposant d’un bon réseau numérique, pourront être rendus à distance. Une grande partie des réunions, conférences, colloques, se tiendront de façon virtuelle.
L’entreprise devra justifier qu’elle protège ses collaborateurs, ses clients, son environnement, qu’elle se prépare aux crises futures, au moins autant qu’elle veille aux intérêts de ses actionnaires ; plus généralement, que ses activités sont conformes aux intérêts des générations futures. Elle devra donc devenir ce qu’on commence à nommer une « entreprise positive ».
En France, un petit nombre d’associations (moins de 15%, surtout dans le domaine social) ont des salariés ; plus précisément, 163 400 d’entre elles emploient 1,8 million de salariés, soit presque 10% des employés du secteur privé ; et il faut y ajouter les 80 000 jeunes en service civique et les 12 millions de bénévoles.
La crise a conduit à un développement gigantesque du commerce en ligne…on a vu, et on verra se développer des moyens d’achat virtuel très personnalisés, avec un vendeur virtuel attitré pour chaque client dans chaque magasin.
L’essentiel est d’être protégé : chacun voudra l’être de plus en plus, comme personne, consommateur, producteur, citoyen.
La surveillance a toujours été au cœur du pouvoir. La surveillance digitale de l’état de santé de chacun peut être un outil de dictature ou de liberté.
Ch. 6 L’ECONOMIE DE LA VIE
Vient une évidence : il faut remettre en cause très profondément nos modes d’organisation, de consommation et de production.
La moitié de la population mondiale n’a toujours pas accès à des services de santé essentiels. Plus encore n’ont pas accès à une protection sociale adéquate pour la financer. De très nombreuses pandémies ne sont pas sous contrôle ; de très nombreuses maladies sont encore mal comprises et incurables.
Un programme mondial de développement de l’hygiène devrait également être mis en place. Il faudra améliorer les marchés de gros, les réseaux de gestion des eaux usées et le recyclage des produits d’hygiène, aujourd’hui trop souvent en plastique à usage unique.
L’élevage industriel, le confinement des animaux et l’absence d’hygiène dans les abattoirs et les marchés favorisent le développement de bactéries multirésistantes.
En particulier, en Europe, une nouvelle politique agricole commune devrait faire de la santé des sols, du partage de la valeur ajoutée et de la fin du gaspillage alimentaire des priorités absolues.
Les très grands magasins et les centres commerciaux perdront beaucoup de leur raison d’être ; ils devront, pour certains, se reconvertir. C’est un des plus grands défis des années à venir.
On aura besoin partout de beaucoup plus de professeurs, mieux formés tout au long de leur vie, et mieux rémunérés…L’éducation devra être permanente, pratique, concrète. Plus personne ne devra ignorer le digital, l’écologie, le social.
Cette économie regroupe toutes les entreprises qui, d’une façon ou d’une autre, de près ou de loin, se donnent pour mission de permettre à chacun de vivre bien.
Les secteurs concernés sont très nombreux : la santé, la prévention, l’hygiène, le sport, la culture, les infrastructures urbaines, le logement, l’alimentation, l’agriculture, la protection des territoires, mais aussi : le fonctionnement de la démocratie, la sécurité, la défense, la gestion des déchets, le recyclage, la distribution d’eau, l’énergie propre, l’écologie et la protection de la biodiversité, l’éducation, la recherche, l’innovation, le numérique, le commerce, la logistique, les transports de marchandises, les transports publics, l’information et les médias, l’assurance, l’épargne et le crédit.
C’est aussi vers cette économie de la vie qu’il faut réorienter les entreprises des autres secteurs, qui, aujourd’hui, attendent, en vain à mon sens, le retour chimérique de leurs marchés à l’identique : les entreprises automobiles, aéronautiques, de la machine-outil, celles de la mode, de la chimie, du plastique, de l’énergie carbonée, du luxe, du tourisme, ne reverront pas leurs marchés antérieurs.
Le tourisme représente plus de 330 millions d’emplois au niveau mondial et pèse plus de 10% du PIB mondial…Il faudra admettre qu’une destination touristique n’est viable et durable économiquement que si elle l’est écologiquement, culturellement et socialement.
En particulier, la protection de la diversité fait partie de l’économie de la vie. Elle est essentielle pour endiguer la propagation des épidémies : la déforestation et la réduction du territoire des espèces sauvages augmentent en effet les risques de propagation des maladies. Des mécanismes juridiques, liés à l’aménagement des territoires, devront permettre la préservation de la biodiversité, un traitement digne des animaux, le développement concret de l’agriculture biologique et la lutte contre l’artificialisation des sols.
Ch. 7 ET APRES ?
Bien des métiers n’auront plus de raison d’être et des dizaines de millions de gens, brutalement jetés au chômage, devront se réinventer.
Il faudra non seulement tirer les leçons du passé et être prêt au retour du même, mais aussi être prêt à l’inattendu, à l’inconnu.
Chaque nouveau confinement serait un nouveau choc économique, social et politique qui viendrait ajouter de nouveaux malheurs aux tragédies actuelles.
Il faut se préparer à de futurs désastres écologiques…On sait tout de la croissance à craindre des déchets, du recul des récifs de coraux, de la disparition de la diversité ; on sait que, au rythme actuel, en 2050, il y aura plus de plastique que de poissons dans l’eau.
Bien des analystes montrent que le seul réchauffement climatique pourrait conduire à une baisse de 3% du PIB mondial dès 2030.
De la même manière que la température augmente lentement, sans qu’on s’en rende compte, le totalitarisme avancera continûment, parfois sans dictateur, sans rupture de régime, sans annonce particulière, servi par des hommes politiques qui se croiront encore des démocrates et qui ne le seront plus.
Conclusion POUR UNE DEMOCRATIE DE COMBAT
Continuer comme ça, c’est faire le jeu des dictatures, qui se préparent à l’avenir : la Chine vient d’annoncer le lancement d’un programme centré sur sept secteurs habilement choisis : la 5G, Internet, les transports rapides entre villes, les centres de données, l’intelligence artificielle, l’énergie de haut voltage, les stations de recharge des véhicules électriques. Des secteurs permettant de renforcer la surveillance du peuple et de se passer du pétrole importé.
Il faut comprendre qu’il serait intolérable de faire subir, par notre faute, aux enfants d’aujourd’hui, une pandémie à 10 ans, une dictature à 20 ans et un désastre climatique à 30 ans.
Soixante-dix ans de drogue ultralibérale ont tué toute volonté et tout moyen pour l’Etat d’agir fermement et de vouloir un projet…Et pourtant, il est temps de passer de l’économie de la survie à l’économie de la vie. Il est temps de passer d’une démocratie à l’abandon à une démocratie de combat.
Penser après, c’est penser large, c’est penser à la vie et à la condition humaine. C’est penser vraiment à ce que nous voulons faire de notre vie, si brève, si fragile, si pleine de surprises. Si rare aussi.
C’est penser à la vie des autres, à celle de l’humanité et du vivant.
Y penser, non dans la peur de mourir, mais dans la jubilation de vivre. De vivre chaque instant, gaîment…Dans la gratitude à l’égard de ceux qui rendent possible l’avenir et la volonté de créer un monde où ces catastrophes, sans doute inévitables, seraient si bien préparées qu’on n’aurait pas à s’en inquiéter, ni avant, ni pendant. Pour nous. Pour nos enfants, nos petits-enfants ; et les petits-enfants de nos petits-enfants.
Tant de belles choses, des choses exaltantes, les attendent, si, aujourd’hui, nous prenons soin d’eux.
*
COMMENT JE SUIS DEVENU MOI-MÊME d'Irvin D. YALOM - Livre de Poche
Émetteur du florilège: François C.
La naissance de l’empathie
L’explosion soudaine de cet abcès primitif, cette poche scellée de culpabilité, vieille de soixante-treize ans.
En quête d’un mentor
Ce fantasme de reconnaissance et de délivrance traîne en moi sous différentes formes.
Je veux qu’elle parte
Cette nuit-là, j’ai vu mon père frôler la mort, subi comme jamais encore auparavant la rage de ma mère, et pris la décision auto-protectrice de fermer la porte sur elle. Je devais quitter cette famille. Pendant les deux ou trois années qui suivirent, je lui ai à peine parlé : nous vivions comme des étrangers sous le même toit.
Je vois son visage : jamais apaisé, jamais souriant, jamais heureux.
Retour au point de départ
Il y a eu tant de non-dits entre mes parents et moi. Des faits dont nous n’avons jamais discuté concernant notre vie commune, la tension et la tristesse de notre famille, leur monde et le mien.
Je me rappelle lui avoir demandé s’il croyait en Dieu. « Après la Shoah, m’a-t-il répondu, comment peut-on croire en Dieu ? »
La bibliothèque de A à Z
Avec le recul, j’éprouve de la tendresse pour ce gamin solitaire, effrayé et résolu, une sorte d’admiration respectueuse pour la façon dont il a tracé sa route, en se formant souvent au hasard, sans encouragements, modèles ni guides.
La guerre de religion
Tu es pris entre deux mondes : tu ne connais ni ne respectes l’ancien monde, et tu n’aperçois pas la porte qui t’ouvrira l’accès au nouveau. Ce qui suscite beaucoup d’angoisse. Tu auras besoin d’une longue psychothérapie pour t’aider à en sortir.
Un garçon joueur
Renoncer au tennis, au jogging et à la plongée sous-marine est une chose, renoncer au poker en est une autre. Les trois premiers sont des exercices plutôt solitaires, le poker est une activité sociale : mes partenaires, des types charmants, me manquent beaucoup.
Une brève histoire de colère
Je persiste à croire que ma difficulté à traiter des crises ouvertes de colère, mon refus de la confrontation, même de débats un peu chauds, ma répugnance à accepter des postes administratifs impliquant confrontations et disputes, tout cela aurait été différent si mon père et William ne m’avaient extirpé de la bagarre cette nuit-là, il y a si longtemps.
La table rouge
Et puis un jour, j’avais quatorze ans, ma mère m’a appris, presque par inadvertance, qu’elle avait acheté une maison et que nous allions déménager très prochainement.
Le regard de ma mère est tombé sur une table de jeu néo-baroque, avec dessus de cuir rouge criard et quatre sièges assortis.
Marilyn
Ce fut elle, mon mentor ! Mon inconscient a saisi que cette jeune personne était l’être unique susceptible d’assumer la tâche de me civiliser et de m’élever au-dessus de moi-même.
J’ai toujours eu conscience de la formidable chance qu’a constitué la présence de Marilyn à mes côtés depuis ma quinzième année. Elle a élevé mon esprit, soutenu mon ambition, elle m’a offert un modèle de grâce, de générosité, entraîné dans une vie dédiée à la réflexion.
A l’université
J’habitais chez mes parents et m’imposais une routine féroce : apprentissage, mémorisation, expériences en laboratoire, des nuits passées à préparer les examens, le tout sept jours sur sept.
J’épouse Marilyn
J’avais épousé la femme que j’aimais, j’avais été admis en fac de médecine où tout marchait bien ; mais, en réalité, je n’étais jamais à mon aise, doutant toujours de moi, sans arriver à saisir l’origine de cette anxiété, soupçonnant une blessure profonde remontant à mes jeunes années, et avec l’impression de ne pas être à ma place, de ne pas être aussi méritant que les autres.
Mon premier patient
L’internat : le mystérieux docteur Blackwood
A la fin de mon année d’internat, j’avais endossé l’identité d’un médecin et me sentais maintenant suffisamment à l’aise pour affronter la majorité des cas. L’année n’en avait pas moins été rude, avec de longues heures de travail, peu de sommeil et de nombreuses nuits blanches.
Les années John Hopkins
Comme un adolescent, j’étais grisé par la vitesse, je me sentais absolument invulnérable. Ce n’est que bien plus tard que l’étendue de mon insouciance et de ma stupidité m’est apparue.
Je me suis dit à plusieurs reprises, ce qui n’est pas très aimable, que la chose principale que j’ai apprise de mon analyse, c’est ce qu’un psychanalyste ne doit pas faire.
Dès le départ, je me suis enthousiasmé pour cette méthode de thérapie de groupe : elle offre aux participants une formidable opportunité de donner et de recevoir des informations sur leur moi social. Elle leur permet d’explorer et d’exprimer des parties de leur personnalité, un comportement dont leurs pairs leur renvoient le reflet.
Les travaux de Sullivan m’ont néanmoins aidé à comprendre que la plupart de nos patients tombent dans le désespoir parce qu’ils sont incapables d’établir et de maintenir des relations personnelles enrichissantes. J’en ai conclu que la thérapie de groupe constituait l’arène idéale où pouvoir explorer et corriger des modes inadaptés de relations aux autres.
Maintenant, je crois comprendre pourquoi John Whitehorn m’a fait venir alors qu’il était à l’article de la mort. Il devait voir en moi celui qui poursuivrait son œuvre. Je contemple sa photo accrochée au mur au-dessus de mon bureau, et j’essaie de saisir son regard. J’espère qu’il a été réconforté à la pensée que, à travers moi, il continuera de marquer l’avenir.
Affecté au paradis
En 1960, Hawaï était encore d’une beauté étonnante et authentique.
Impressionné par la personnalité de David Hamburg, je voulais participer à son entreprise. Je comprenais enfin que ce que je désirais vraiment, c’était une vie d’enseignant et de chercheur.
Toucher terre
Durant les quinze années suivantes à Stanford, j’ai continué de prospecter le domaine de la thérapie de groupe, comme clinicien, enseignant, chercheur et auteur de manuels scolaires.
Bien que des confrères aient critiqué cette méthode, je n’ai pas d’exemple en tête qui prouverait que le fait de partager mes pensées et mes sentiments avec mes patients ne les ait pas aidés.
Encore aujourd’hui, après un demi-siècle de pratique, j’attends avec impatience chaque nouvelle séance, qu’elle soit individuelle ou en groupe, et les résultats qui s’ensuivront. Si cet appétit me manque, si l’approche de la séance me laisse indifférent, j’imagine que le patient doit éprouver les mêmes sentiments et je m’efforce d’en comprendre la raison et de la corriger.
Mon père mourut comme il avait vécu, sans bruit et discrètement. Et je n’ai pas cessé de regretter de l’avoir si mal connu.
Une année à Londres
J’ai dû inventer ma méthode, qui consista à puiser autant que possible dans mes trois sources principales : mes notes de lecture des cours que j’avais donnés aux résidents l’année précédente, les centaines de résumés de mes thérapies que j’avais rédigés et offert aux membres des groupes, et la littérature sur la recherche en thérapie de groupe.
Je me sentais émancipé, libre d’écrire pour un public totalement différent : des praticiens s’efforçant d’apprendre comment venir en aide à leurs patients.
La vie brève et agitée des groupes de parole
Théorie et pratique de la psychothérapie de groupe a connu aussitôt un grand succès et figura bientôt comme manuel d’enseignement dans la majorité des programmes de formation en psychothérapie, aux Etats-Unis, puis dans d’autres pays.
Séjour à Vienne
Quand j’ai entrepris d’écrire Psychologie existentielle, j’ai relu de bout en bout Découvrir un sens à sa vie, et compris plus que jamais l’importance des contributions de Frankl, originales et fondamentales, à notre domaine.
Chaque jour on s’en rapproche ou Dans le secret des miroirs
Cela me serre toujours le cœur de retrouver d’anciens carnets de rendez-vous pleins de noms à moitié oubliés de patients avec qui j’ai vécu des expériences si profondes. Tant de gens, tant de moments précieux ! Que leur est-il arrivé ? Mes nombreux classeurs, mes montagnes de cassettes m’évoquent souvent un vaste cimetière : des vies compressées dans des dossiers bien nets, des voix piégées sur bandes magnétiques qui rejouent éternellement leur tragédie. Vivre avec ces monuments m’emplit d’un sentiment aigu d’éphémère.
Oxford et les monnaies enchantées de M. Sfica
« Je ne veux rien. Je ne crains rien. Je suis libre. » Ces mots de Kazantzakis m’ont fait frissonner quand je les ai lus sur sa tombe.
Une semaine plus tard, nous avons reçu le verdict : toutes les pièces étaient fausses sauf les monnaies romaines achetées chez le vieux juif dans son sous-sol ! Ainsi a commencé une vie d’aventures en Grèce.
Thérapie existentielle
Comme le disait un membre du groupe : « Quel dommage d’avoir dû attendre que mon corps soit rongé par le cancer pour apprendre l’art de vivre. » Cette phrase, inscrite à jamais dans mon esprit, m’aida à façonner ma pratique de la thérapie existentielle que j’exprime souvent ainsi : « Si la réalité de la mort peut nous détruire, l’idée de la mort peut nous sauver. » Ainsi parvenons-nous à la prise de conscience que, puisque nous n’avons qu’une seule fois la chance de vivre, nous devrions vivre pleinement et finir avec le moins de regrets possible.
La confrontation avec la mort aux côtés de Rollo May
Adolescent, j’avais appliqué cette tirade de Macbeth à tous les grands personnages qui peuplaient ma vie, qui s’agitaient et se pavanaient et avaient fait l’histoire de mon monde, et qui depuis étaient tous retombés en poussière. Tout disparaît, vraiment tout. Nous ne disposons que d’un instant de soleil, un instant précieux et béni.
Mort, liberté, isolement et absence de sens
Dans chacune des quatre parties du livre -mort, liberté, isolement, absence de sens- j’ai cité mes sources, décrit mes observations cliniques, nommé les philosophes et les écrivains dont je me suis inspiré.
De la thérapie de groupe en milieu hospitalier à la vie parisienne
J’ai choisi d’approfondir ma connaissance de la pensée existentielle et de poursuivre mon éducation philosophique en étudiant la pensée orientale, sur laquelle j’étais d’une ignorance incommensurable.
La route des Indes
Regardez bien la tête de Ganesh, dit-elle. Chaque trait porte un message. La grosse tête nous dit de penser en grand, les longues oreilles nous disent de bien écouter, les petits yeux de bien se concentrer. Et puis, encore une chose, la petite bouche nous dit de moins parler, ce qui fait que je me demande si je ne suis pas en train de trop parler.
Le voyage en Inde m’offrit ma première initiation en profondeur à la culture asiatique. Il ne devait pas être le dernier.
Japon, Chine, Bali et le Bourreau de l’amour
Presque imperceptiblement, une histoire prenait corps et se développait à une telle vitesse qu’il fallait que je l’écrive toutes affaires cessantes. Sans savoir, au début, où elle allait me mener. Un peu comme un spectateur, je la regardais s’enraciner puis faire des pousses qui bientôt s’entrecroiseraient.
Et Nietzsche a pleuré
A la parution, un court article dans le New York Times qualifia Et Nietzsche a pleuré de « petit roman soporifique ». Ce fut la critique la plus négative. Elle fut suivie d’une quantité d’articles, très élogieux, dans divers journaux et magazines, quelques mois plus tard.
Mensonges sur le divan</p
En matière de littérature psychiatrique professionnelle, j’ai beaucoup écrit sur l’importance de l’interrelation en thérapie. La force agissante n’est pas d’origine intellectuelle, ce n’est ni de l’interprétation ni de la catharsis, c’est la rencontre authentique entre deux personnes.
Momma et le sens de la vie ou La Malédiction du chat hongrois
Toute ma vie j’ai cherché à m’échapper de mon passé -le ghetto, l’épicerie- mais se pourrait-il que je n’aie échappé ni à mon passé ni à ma mère ?
J’ai choisi de travailler avec des patients en train de mourir, dans l’espoir qu’ils me rapprochent de l’essence tragique de la vie. Cela s’est effectivement produit et je suis retourné trois ans en thérapie.
Devenir grec
Je ne cesserai de m’émerveiller de m’être vu attribuer le statut de Grec d’honneur.
L’art de la thérapie
Ce livre, je l’ai conçu comme une opposition à la pratique cognitivo-comportementale, rapide, obéissant à des protocoles, obéissant aux pressions d’ordre économique, et un moyen de combattre la confiance excessive des psychiatres en l’efficacité des médicaments. Ce combat se poursuit encore maintenant, malgré les preuves indéniables fournies par la recherche que la réussite d’une psychothérapie repose sur la qualité de la relation entre le patient et son thérapeute, son intensité, sa chaleur, sa sincérité.
Deux ans avec Schopenhauer
Je confesse avoir été si fasciné par l’œuvre, la vie et la psyché de Schopenhauer que je ne pouvais laisser passer l’occasion de spéculer sur ce qui avait forgé un tel caractère. Ni résister à l’envie d’explorer les voies qui avaient fait de lui un ancêtre de Freud et préparé le terrain de la psychothérapie.
Le jardin d’Epicure : Regarder le soleil en face
J’imaginais un livre de huit ou neuf chapitres, chacun commençant par le même paragraphe : le cauchemar, le réveil, la quête du soulagement. Pourtant, chaque chapitre se situerait dans un siècle différent !
Imaginez un rayon lumineux aussi fin qu’un rayon laser se mouvant inexorablement le long de l’immense règle du temps. Tout ce que le rayon a dépassé disparaît dans les ténèbres du passé ; tout ce qu’il devra éclairer se cache dans les ténèbres de ce qui n’est pas encore. Seul ce qu’il illumine est vivant et conscient. La chance fait que je suis vivant ici et maintenant : cette pensée me réconforte en permanence.
Dernières œuvres
J’ai emprunté le titre à l’une des méditations de Marc Aurèle : « Nous sommes tous les créatures d’un jour : que l’on soit celui qui se souvient ou celui dont on se souvient. »
Beurk ! La textothérapie
Récemment, j’ai tellement insisté sur la nécessité pour le thérapeute de respecter la relation empathique entre lui et son patient que j’ai constaté un résultat paradoxal : pratiquée par des analystes bien formés, la méthode de la textothérapie peut offrir une relation plus personnelle que le face-à-face avec un praticien appliquant à la lettre un manuel.
Ma vie en groupes
J’ai découvert le pouvoir fortifiant de réunions régulières entre intimes ; nous y trouvons la camaraderie, une supervision, un apprentissage postdoctoral, de l’enrichissement personnel et une médiation en cas de crise.
De l’idéalisation
Je ne prends donc pas cette adulation au sérieux. Tout ce que je peux faire, c’est être le meilleur thérapeute possible. Me rappeler que je suis un personnage idéalisé et que nous tous, les êtres humains, nous avons besoin d’un aîné, un savant, un sage aux cheveux blancs. Si j’ai été choisi pour occuper cette place, je l’accepte avec bonheur. Il faut bien que quelqu’un le fasse.
L’apprenti vieillard
Chacun d’entre nous crée, souvent sans le savoir, des cercles concentriques d’influence qui peuvent toucher les gens pendant des années, voire des générations. L’effet agit à la manière dont se propagent les ondulations d’un étang qui, devenues invisibles, continuent néanmoins d’exister à un niveau nanométrique.
*
CE SERA MIEUX APRES… Sauf si on est trop cons! de Philippe BLOCH - Ed Ventana
Émetteur du verbatim: François C.
L’Histoire avec un grand H s’écrit souvent sans que personne n’ait rien vu venir. Et c’est pourtant dans ces moments-là que se révèlent les vrais leaders qui y inscrivent leur nom pour l’éternité.
Afin que tout ce que nous venons de vivre ne l’ait pas été pour rien, il nous faut réfléchir et réévaluer la relation que nous entretenons avec plusieurs thèmes majeurs. La mort en premier lieu. Mais aussi le principe de précaution. Le temps. L’ennui. La consommation. Notre cadre de vie. L’adaptabilité. La mondialisation. L’Europe. L’information. La liberté. Le profit. La volonté. L’unité.
L’essentiel sera à chaque fois de parvenir au meilleur équilibre possible entre des solutions souvent opposées.
1. Mortalité ordinaire vs Mortalité extraordinaire
A partir de combien de décès par jour redevient-il acceptable de privilégier l’économie plutôt que la santé ? Aurait-il mieux valu choisir la sélection naturelle via l’immunité collective, seule réelle solution en l’absence de vaccins ou de traitements, plutôt que la surprotection de tous ?
2. Peur et Précaution vs Raison et Audace
S’il ne doit rester qu’un seul principe, ce doit être celui de la raison et de l’action plutôt que celui de l’inertie et de la peur. Les risques sont inhérents à la recherche scientifique, comme à toute activité humaine. Mais ne trahissons pas la mémoire de celles et ceux qui en ont pris pour nous depuis des siècles, et ont ainsi rendu notre vie infiniment plus supportable. Réapprenons le plaisir qu’il y a à plonger dans l’inconnu, et remplaçons dans notre Constitution l’obsession sécuritaire par la poursuite du bonheur figurant dans la Déclaration d’indépendance américaine.
3. Courir après le temps vs Le temps retrouvé
Quel sera l’impact de ce ralentissement sur notre société de l’immédiateté et du presse-bouton ? Sommes-nous pour autant devenus plus sages en quelques semaines, et serons-nous guéris durablement de nos excès post-confinement ? Rien ne le garantit. Et pourtant, n’est-il pas temps de ralentir pour de bon ? Avons-nous suffisamment réfléchi à la façon dont nous voulons occuper dorénavant le temps de vie trop court qui nous est offert sur cette planète, afin d’en faire le meilleur usage possible ?…La lenteur pourrait-elle devenir un art de vivre ? Avons-nous choisi l’essentiel sur quoi nous voulons désormais nous concentrer ?…Savoir privilégier les sujets qui méritent vraiment que nous y passions du temps utile pourrait bien devenir l’une des clés de notre renouveau.
4. Ennui vs Projet
L’ennui use, alors que les rêves, les projets, les passions n’ont jamais fatigué personne.
Quiconque est incapable de faire des projets, ou arrête de les croire réalisables, se condamne à vivre sans passion. Une vie sans eux, petits ou grands, ne mérite pas d’être vécue.
Quand l’environnement est contraignant et l’avenir incertain, ce qui compte est bien de se lancer, de se fixer un cap puis de faire preuve d’audace, cette attitude qui peut tout changer.
Dans ce monde instable et sans destination que vient de révéler cette crise, quel sera notre projet partagé ? Serons-nous capables d’en imaginer un ou plusieurs susceptibles de tous nous réunir autour de valeurs communes redécouvertes ou renforcées à cette occasion ?
5. Décroissance vs Une autre croissance
Plus que de décroissance et ses inévitables dommages collatéraux sur l’économie, c’est bien d’une autre croissance dont nous avons besoin, et que le « monde d’après » pourrait inventer. Une croissance plus réfléchie, plus raisonnable, plus redistributive et moins consommatrice de ressources.
Nous demander si l’essentiel ne pourrait pas être l’attention que l’on porte aux autres et le temps qu’on leur consacre…Apprendre à reconnaître ce qui est rare et précieux, à savoir le temps et la santé, et à les distinguer de ce qui ne l’est pas, sera assurément l’une des leçons essentielles de cette expérience salutaire.
6. Vie d’avant vs Vie d’après
Ce repos forcé va en outre nous obliger à réfléchir à l’intérêt de l’ubiquité et du mouvement permanent qui rythme nos vies et nous contraint à d’innombrables déplacements, sans que leur utilité soit toujours démontrée.
Mais pourquoi n’arrêterions-nous pas notre bougeotte permanente, et ne réapprendrions-nous pas à nous poser un peu là où nous nous sentons bien ? A la campagne ou ailleurs. Accélérer vs ralentir ? That is the new question.
7. Anticiper vs S’adapter
Il faut réfléchir dès maintenant à la façon dont nous pourrions gérer autrement tous les risques qu’entraînera une nouvelle catastrophe, et utiliser au maximum les possibilités qu’offrent le numérique et la data. Et quand j’écris catastrophe, je pense naturellement aux risques de toute nature, qu’ils soient environnementaux, alimentaires, terroristes ou de type NRBC (Nucléaires, Radiologiques, Biologiques et Chimiques). Les oublier aujourd’hui, au prétexte que nous venons de vivre une crise d’origine purement sanitaire, serait une erreur tragique.
Partons du principe que si l’on n’a pas conscience que le pire est vraisemblable, alors il deviendra certain. Imaginons très vite tous les scénarios les plus sombres et les plus probables, et réunissons des groupes de personnalités aux visions différentes pour confronter leurs idées et imaginer des solutions de rupture.
8. Mondialisation vs Proximité
Il va falloir dessiner une nouvelle géographie de la mondialisation financière, industrielle et numérique en tenant compte de l’intérêt croisé du citoyen client, salarié et contribuable que nous sommes tous devenus.
Pour survivre à son armée de détracteurs et éviter le retour à l’âge de pierre, la mondialisation va désormais devoir être celle de l’intelligence, et être essentiellement mesurée à notre capacité à agir de façon globale, concertée et redistributive. En matière économique, bien sûr, mais aussi sanitaire, alimentaire et environnementale.
9. Moins d’Europe vs Une autre Europe
Santé, migrations, environnement, terrorisme, cyberdélinquance, etc. dans une économie post-Corona qui restera mondialisée qu’on le veuille ou non, un grand nombre de problèmes globaux ne peuvent plus trouver de solutions à l’intérieur des seules frontières nationales.
Commençons par fixer comme priorité à nos voisins de construire une souveraineté sanitaire, incluant l’augmentation de nos capacités industrielles locales à la pointe de la technologie et du digital.
Espérons que l’U.E. rejettera le repli nationaliste, autoritaire et populiste et qu’elle fera le choix de la responsabilité, de la solidarité et d’une nouvelle espérance collective…C’est un projet formidable pour elle, et pour nous une chance à ne pas laisser passer.
10. Fake news vs Real news
Le risque de se tourner vers une consultation plus massive encore des réseaux sociaux de toutes sortes, et leur infini réservoir d’infox, de rumeurs, de deep fakes (hypertrucage, ou synthèse d’images basées sur l’intelligence artificielle), de théories complotistes et de justice expéditive.
En alimentant la défiance à l’égard de tous ceux qui incarnent l’autorité, le pouvoir ou la richesse, ceux qui propagent volontairement de fausses informations sèment la confusion et ajoutent à l’anxiété ambiante.
11. Orwell et Etat de droit vs Vie privée et Liberté
« Notre liberté se bâtit sur ce qu’autrui ignore de nos propres existences », disait Alexandre Soljenitsyne. Sur ce sujet comme sur tant d’autres qui nous attendent, les choix seront difficiles et demanderont du courage. Nous ne pouvons pas renoncer a priori à bénéficier des possibilités qu’offre la data pour éviter qu’une prochaine épidémie entraîne le même désastre humain et économique. Mais nous ne pouvons pas non plus laisser entre les mains de dirigeants peu scrupuleux la possibilité de mettre en place une société de surveillance totalitaire et d’agir en toute liberté dans tous les domaines.
12. Profit vs People
Il est temps de repenser la place des Seniors dans notre société et de remettre l’altruisme, l’empathie et la bienveillance au cœur de nos valeurs.
Roosevelt « Le bonheur se trouve dans la joie de l’accomplissement, dans l’excitation de l’effort créateur. La joie, stimulation morale du travail, ne doit plus être oubliée dans la folle course aux profits évanescents. Ces jours sombres, mes amis, vaudront tout ce qu’ils nous coûtent s’ils nous enseignent que notre véritable destinée n’est pas d’être secourus, mais de nous secourir nous-mêmes, de secourir nos semblables. »
13. Découragement vs Réinvention
Ce cataclysme a aussi révélé l’ingéniosité des entrepreneurs pour trouver des solutions inédites et leur permettre de poursuivre leurs activités pendant le confinement, malgré l’adversité et la multiplication des obstacles. Mise en réseaux, basculement vers le télétravail, digitalisation accélérée des métiers, adaptation immédiate de leur organisation et de leur process à des contraintes inhabituelles, protection de leurs salariés, communication rassurante auprès de leurs clients et de leurs partenaires, ajustement rapide de leurs offres, ajout éclair de nouvelles fonctionnalités sur leurs outils numériques, création d’applications en mode hackathon, etc.
Je suis convaincu que l’époque qui s’ouvre est idéale pour lancer des projets innovants de toute nature. L’essentiel sera que tous ceux qui auront eu la force de surmonter l’épreuve de cette reconstruction n’oublient pas ceux qui seront restés sur le bord de la route, et mettent tout en œuvre pour les aider à remonter sur le bateau dès qu’ils le pourront.
14. Ressentiment vs Unité
L’After Corona ne sera qu’un champ de ruines, si l’unité ne l’emporte pas sur la défiance. Et si nous oublions le moment venu de rendre un véritable hommage à ces héros d’un combat que nous aurions perdu sans eux.
Pour réussir l’After Corona, jamais l’esprit d’unité et la cohésion sociale n’auront été aussi nécessaires. Sans confiance, rien ne sera possible. Il va donc falloir retrouver rapidement le sens du collectif, si nous voulons faire disparaître les séquelles de ces traumatismes qui vont durer longtemps.
Conclusion Mieux avant vs Mieux après si…
Comme sur bien d’autres sujets à trancher, la difficulté va être de trouver le moins mauvais équilibre possible entre centralisation inefficace et néolibéralisme mondialiste destructeur. Entre liberté et sécurité. Entre responsabilité et contrainte.
Parce que nous sommes tous les entrepreneurs de nos vies, tout est désormais entre nos mains. Nous avons le pouvoir de changer. De revoir la hiérarchie de nos valeurs. Dans un climat de suspicion général, nous avons avant tout besoin de tolérance, d’empathie et de confiance. En l’avenir. Envers les autres. En l’Etat. Mais surtout envers nous-mêmes.
*
La sirène, le marchand et la courtisane de Imogen Hermes Gowar - Belfond
Coup de cœur de Stéphanie, une amie libraire: Un soir de septembre 1785, on frappe à la porte du logis du marchand Hancock. Sur le seuil, le capitaine d’un de ses navires. L’homme dit avoir vendu son bateau pour un trésor : une créature fabuleuse, pêchée en mer de Chine. Une sirène. Entre effroi et fascination, le Tout-Londres se presse pour voir la chimère. Et ce trésor va permettre à Mr Hancock d’entrer dans un monde de faste et de mondanités qui lui était jusqu’ici inaccessible. Lors d’une de ces fêtes somptueuses, il fait la connaissance d’Angelica Neal, la femme la plus désirable qu’il ait jamais vue… et courtisane de grand talent. Entre le timide marchand et la belle scandaleuse se noue une relation complexe, qui va les précipiter l’un et l’autre dans une spirale dangereuse. Car les pouvoirs de la sirène ne sont pas que légende. Aveuglés par l’orgueil et la convoitise, tous ceux qui s’en approchent pourraient bien basculer dans la folie…
J’ai beaucoup aimé découvrir ce roman. Le Londres du XVIIIème siècle et les différentes classes de la société sont subtilement misent en lumière : domestiques, marchand, nobles, courtisanes… Chacun a une voix propre et des combats différents. La question de la liberté des femmes (quelque soit leur condition) est très présente et j’ai beaucoup aimé. À travers l’apparition de cette sirène c’est le destin de chacun des personnages qui va évoluer entre admiration qui vire à l’obsession, l’envie de s’élever et de sortir de sa condition tout cela jusqu’au drame. En bref un très bon roman historique, bien documenté et passionnant !
GEOPOLITIQUE DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE de Pascal BONIFACE - Ed. Eyrolles
Émetteur du verbatim: François C.
Ch. 1. Intelligence artificielle, histoire et définition
Ch. 2. Corne d’abondance ou machine à exclure ?
Cette formidable avancée technologique menace fortement de se traduire par un désastre social et sociétal, surtout si on laisse les forces du marché agir « naturellement ».
Selon la société de conseil Mc Kinsey, entre 400 et 800 millions de personnes pourraient être remplacées dans leur travail d’ici 2030 et devraient se reconvertir pour trouver un nouvel emploi.
La société se polariserait donc entre d’un côté quelques activités à très haute valeur ajoutée, assumées par un petit nombre de personnes, et de l’autre des activités à très faible valeur ajoutée, notamment dans la sphère domestique, effectuées par le reste de la population.
Pour le moment, les gains générés par les technologies de l’information et de la communication (TIC) ont été empochés par le 1% les plus riches et plus encore par le 1% du 1%, tout en provoquant une stagnation de la classe moyenne et une baisse des revenus des plus pauvres.
A l’avenir, de véritables écarts d’aptitude physique et cognitive risquent de se creuser entre les classes supérieures et le reste de la société.
Les enjeux pour notre société sont aussi importants que ceux relevant de la protection de l’environnement. Ils n’ont pas encore touché les opinions publiques dans leur profondeur, comme la problématique climatique. Il faut accélérer cette prise de conscience. Lancer le débat. Construire un rapport de force avec les géants de l’IA, rapport de force qui aujourd’hui n’a été exclusivement bâti que par eux et pour eux.
Ch. 3. Les GAFAM vont-ils tuer l’Etat ?
Les GAFAM pourraient-elles être les vecteurs de la déterritorialisation des relations internationales ?.Fournir les services de base indispensables aux citoyens de façon plus efficace que les Etats ? Bref, bousculer, ringardiser et rendre obsolètes des structures vieillottes et vermoulues grâce à leur dynamisme, leur réactivité immédiate et leur modernité ?
Les GAFAM sont les championnes olympiques de l’évasion fiscale…Les avoirs des entreprises de la Silicon Valley détenus dans des zones offshore sont estimés à 500 milliards de dollars…L’évasion fiscale au sein de l’U.E. est estimée entre 500 et 1000 milliards d’euros par an.
Le monde entier s’est longtemps préoccupé de la domination de Washington sur le complexe militaro-industriel. Aujourd’hui, personne ne se soucie d’un complexe digitalo-politique infiniment plus puissant.
En fait, l’importance grandissante de ces milliardaires capricieux est problématique, car cela pose la question de savoir qui les contrôle. A l’inverse des Etats.
Ce serait là un monde où l’on pourrait vite passer du rêve digital au cauchemar de l’exclusion et de l’étouffement des libertés. Il est encore temps d’agir.
Ch. 4. Printemps des libertés ou hiver totalitaire ?
Le risque existe de transformer le citoyen en consommateur passif en tuant son libre arbitre et en l’emprisonnant à son insu, ou avec son acceptation non consciente, en une machine à accepter et consommer sans réflexion ni recul. Il sera robotisé et lobotomisé – plus de risque de révolte…
En Chine, au Viernam ou à Cuba, les médias sont étatiques. Bien sûr, les rédactions des pays européens tentent de dresser des barrières d’indépendance vis-à-vis de leur propriétaire. Cela peut fonctionner, mais l’autocensure est parfois plus forte que la censure.
Le contrôle social en Chine.
N’est-il pas urgent de lancer un débat sur l’ensemble des enjeux de l’IA pour la société ? Est-il normal que la quasi-totalité des candidats aux élections présidentielles de 2017 n’ont pratiquement jamais abordé ce sujet, pourtant essentiel, dans leur campagne électorale ?
Ch. 5. Le duel Chine/Etats-Unis
La Chine a décidé de suivre et de dépasser les Etats-Unis dans la course à l’intelligence artificielle parce que c’est ce qui lui permettra d’obtenir une suprématie stratégique vis-à-vis de Washington et en même temps de satisfaire les besoins de la population chinoise.
En 2000, la Chine ne comptait que 22 millions d’internautes, contre près de 850 millions en 2020. En 2017, le Forum économique mondial établissait que la Chine avait 4,6 millions de diplômés en sciences, technologie, mathématiques ingénierie. Les Etats-Unis, dont la population représente le quart de celle de la Chine, atteignaient un huitième de ce chiffre.
Les atouts de la Chine sont une profusion de données, des entrepreneurs insatiables, des chercheurs en intelligence artificielle et un environnement politique favorable à ce secteur.
En Chine, il n’est presque plus possible de payer en liquide, et de moins en moins facile de le faire avec une carte bancaire. Le paiement par smartphone y est en plein essor.
L’UE, la Russie, le Japon, la Corée du Sud, le Canada, l’Australie et d’autres réussiront-ils à s’extraire du piège sino-américain ? Leur retard est-il irrattrapable ou peut-il -à condition d’avoir une solide détermination à le faire- encore être comblé ? Tout peut se jouer très vite avant que la fenêtre d’opportunité ne se referme. On peut encore agir, mais pour combien de temps?
Ch. 6. Quo vadis Europa ?
Si L’Europe rate le virage de l’IA, elle pourrait vivre au XXIème siècle le sort que la Chine a subi au XIXème. Elle deviendrait la colonie digitale d’une autre puissance.
Il y a un déficit de plusieurs centaines de milliers d’experts en numérique. L’Europe n’offre pas assez de cursus spécialisés sur l’IA. Selon Gilles Babinet : « Il faut une coordination sur quatre points : la régulation de toutes les données souveraines hébergées en Europe ; susciter un marché sur les données européennes ; un plan Marshall de la formation numérique, en créant un LMD numérique ; un système d’armes -il faut une coordination européenne intégrée. »
L’Europe peut créer un modèle s’écartant de l’approche verticale chinoise et du laisser-faire américain, concilier performance et respect des droits des individus, mettre le progrès technologique au service de la protection du climat et de la réduction des inégalités. Il est encore temps d’agir.
GALILEO, l’exemple d’un (finalement) succès européen.
Ch. 7. La France dépassée ?
L’objectif assumé de la France est d’être le leader européen en termes d’IA, et d’être dans le top 5 des pays experts en IA.
Sera-t-il réellement question de l’IA, de ses conséquences sociétales, économiques et géopolitiques dans la campagne pour les élections présidentielles de 2022 ? N’est-ce pas un enjeu dont l’impact sur la France sera sans commune mesure, y compris pour sa sécurité, avec nos débats enflammés sur le voile ? La façon dont la question sera abordée constituera un bon test pour marquer la diférence entre une femme ou un homme d’Etat et une femme ou un homme politique.
Conclusion
La révolution numérique et les développements de l’intelligence artificielle…doivent être de bonnes servantes et non de mauvais maîtres. Une régulation est indispensable sauf à déboucher sur un scénario extrême d’une société la plus injuste à l’échelle historique. Les Etats, les sociétés civiles doivent imposer cette régulation. Les débats sur la révolution qui vient ne sont pas à la hauteur des enjeux. Il est encore temps de mettre les conséquences futures de la révolution numérique pour nos sociétés et pour l’Etat du monde en tête de liste de nos préoccupations.
*
L’INCONNU DE LA POSTE de Florence AUBENAS - Ed. de l’Olivier
Émetteur du florilège : François C.
LE CRIME
Une bulle de silence a envahi la pièce. Le mariage a été la grande aventure de leurs vingt ans. Le divorce sera celle de leurs quarante ans. Presque toutes en sont là : le faire ou pas.
L’image lui restera : une scène de crime d’une grande violence, mais sans trace autour. « ç’a été bien fait », dit le pompier aux gendarmes. Il n’habite pas Montréal, mais en connaît la réputation, un village si tranquille, pas le genre d’endroit où se commettent les crimes crapuleux. Lui, en tout cas, n’y croit pas.
Le 26 décembre 2008, on enterre Catherine Burgod.
LA CHASSE
Une instruction judiciaire ressemble à une dévastation.
Au moindre fil, les gendarmes lancent des vérifications, convocations, auditions, écoutes, contrôles qui s’accumulent en dossiers et sous-dossiers.
Une fois le jour tombé, les villages se vident. Les femmes ne veulent plus assurer seules la fermeture des magasins. Elles ne veulent plus recevoir de clients en tête à tête dans leur bureau. Elles ne veulent plus faire leurs courses à Carrefour passé une certaine heure. Elles veulent quitter le travail au plus tôt, rentrer chez elle et fermer la porte à clé.
Maître Nounours ne manie pas l’éloquence raffinée et le revendique. Ce genre de choses, c’est bon pour les grandes villes, Paris ou Lille. Ici, ça ne plaît pas. Pire, ça ne paie pas.
Le Futur Ex sait gré à son beau-père de n’avoir jamais cru en sa culpabilité, même quand il était traité de suspect numéro 1 au début de l’enquête. L’histoire a emporté sa vie comme une boule de feu, brûlant tout sur son passage, y compris lui-même. Il s’est retrouvé seul avec ses enfants, à faire face aux accusations et aux remords.
Le fils se penche pour l’embrasser. Elle est morte. « Une crise cardiaque », ont diagnostiqué les médecins. Thomassin voulait une épitaphe digne d’elle. Il l’a intronisée passeuse internationale de cocaïne pour des millions de dollars, abattue par la Mafia. Il n’en démord jamais. Quand il veut la pleurer, ce n’est pas sur sa tombe qu’il s’agenouille, mais devant celle de Simone Signoret et Yves Montand au Père-Lachaise.
LES LARRONS
Sitôt assis, Burgod commence : « Je vais mourir sans connaître la vérité. » En réalité, il n’y a pas grand-chose à dire sur l’avancée des investigations, c’est bien tout le drame. Le dossier s’est transformé en un chaudron infernal où bouillonnent une multitude de pistes, d’expertises, les vérifications aux bornes d’autoroute, dans les centres pour migrants d’Hauteville ou ceux pour les sans-abris, les hôpitaux, les services psychiatriques, les associations de désintoxication, les déjà condamnés de la région et ceux qui pourraient l’être.
Burgod a fêté ses soixante-dix ans et lui, le dandy de la mairie, ressemble à un vieillard perdu, les traits gonflés, les lunettes de guingois. Son regard seul demeure vivant, noir, tourné vers le dedans, défiant ceux qui le croisent : son malheur jeté à la gueule du monde.
Cette nouvelle piste ne tient pas, ils le savent. Certains enquêteurs y voient pourtant la confirmation d’une ambiance, ou d’un malaise plutôt, l’impression d’être embourbé dans un petit marécage local, imbibé d’alcool, de drogue et d’embrouilles, où tout le monde paraît en savoir long, mais d’où rien ne sort finalement. Si ça se trouve, la solution est là, au bord du lac, à leur portée. Il suffirait qu’un seul d’entre eux se mette à table pour que l’affaire éclate.
Même si les mentalités changent, un verdict d’innocence reste souvent perçu comme un désaveu de toute la machine judiciaire, le juge d’instruction qui a fait l’enquête et renvoyé l’accusé devant la cour, le procureur qui a suivi le dossier, l’avocat général qui a requis devant les assises, le président qui a conduit l’audience. Au moment des mutations et des promotions dans la magistrature, ce sont des choses qui comptent.
A Nantua, tous les gendarmes connaissent Nain, un petit bonhomme aux paupières tombantes, la trentaine, une larme tatouée sur la joue droite et un casier judiciaire haut comme lui, une sorte de bric-à-brac de prétoire : stups, bagarres, outrages, vols de vélos, cambriolages.
LE CHOC
Dix ans d’enquête, des centaines de personnes entendues, deux hommes mis en examen, près de quatre cents prélèvements ADN, la vallée ratissée dans tous les sens : jamais le nom de l’ambulancier n’était apparu dans le dossier. Les gendarmes auraient pu passer à côté définitivement sans un incident dérisoire, au regard du crime de la poste. Les avancées de la police scientifique ont fini par nous habituer à ces accusés, soudain jaillis d’une éprouvette au fond d’un laboratoire, des années parfois après les faits. Il n’empêche. L’effet de vertige reste le même, à tous les coups, face à ces experts-sorciers.
Raymond Burgod a l’impression que sa tête le trahit, des pans de sa mémoire se floutent. Il passe la main dans ses cheveux que le coiffeur à laissés un peu plus longs sur les oreilles, un doigt à peine. « Comme quand j’étais jeune. »
Il a du mal à penser que sa fille a pu être tuée par quelqu’un sans rapport avec elle. Un parfait inconnu.
*
VIVRE AVEC NOS MORTS de Delphine HORVILLEUR - Grasset
Émetteur du florilège: François C.
Tout au long de notre existence, sans que nous en ayons conscience, la vie et la mort se tiennent continuellement la main et dansent.
J’ai dit à la fille d’Elsa Cayat qu’elle ne reviendrait pas, en ajoutant qu’elle était tout autour de nous.
Ce rite (placer près du corps du disparu une bougie qui symbolise la présence de son âme) énonce une vérité profonde : quelque chose de la vie de celui ou celle qui nous quitte est incandescent pendant ces quelques jours.
Ne jamais raconter la vie par sa fin mais par tout ce qui, en elle, s’est cru «sans fin». Savoir dire tout ce qui a été et aurait pu être, avant de dire ce qui ne sera plus.
Pourvu qu’à nos enterrements, il nous soit permis de ne pas nous résumer à nos morts, et de faire sentir combien dans la vie, nous avons été en vie.
Des revenants. C’est comme cela qu’on appelle souvent les fantômes, car c’est exactement ce qu’ils s’acharnent à faire : revenir. Revenir jusqu’à ce qu’on accepte de les voir, et de parler enfin d’eux.
À nouveau, il n’est pas besoin de croire littéralement à une vie après la mort, ou à la présence d’âmes errant dans nos vieilles maisons pour reconnaître très rationnellement que nous vivons tous avec des fantômes.
Impossible de me souvenir du contenu précis des engagements solennels que je pris cette nuit de mes dix ans. Je me souviens simplement avoir eu le sentiment de sceller un pacte avec plus grand que moi. J’ai prié, pleuré et prié encore.
J’écoute ce fils m’évoquer sa mère et je me demande comment je vais pouvoir raconter cette histoire le lendemain au cimetière à ses proches réunis. Que dois-je y faire résonner?
La Shoah a fait dans le panier de Sarah, dans celui de toute sa famille, de la mienne et de tant d’autres, des béances «intissables». Tous ces deuils ont produit des «détricotages» qui se sont raccrochés comme ils pouvaient aux fils arrachés, pour laisser à la corbeille un semblant de forme.
Pour moi, Simone Veil et Marceline sont les visages de ce qu’on désigne aujourd’hui sous le terme un peu galvaudé de «résilience». Pour la petite-fille de survivants mutiques que j’étais, elles incarnaient la possibilité de reprendre la parole, de dire sans gêne non seulement ce qu’elles avaient vécu, mais ce que chacune d’elles avait choisi d’en faire.
(kaddish) D’autres légendes talmudiques lui prêtent d’étranges pouvoirs et affirment qu’elle constitue la plus puissante des liturgies ascensionnelles. Réciter le kaddish à la mémoire d’un disparu contribuerait à l’élévation rapide de son âme, propulsée vers les hauteurs sublimes de sa réunification avec son Créateur.
Dans cette langue, «Abracadabra» signifie littéralement abra «il a fait» cadabra «comme il l’a dit». «Faire comme on a dit» est le propre de la parole performative. Le verbe crée une réalité qui ne lui préexistait pas. Par un mot, le monde change.
J’ai pensé à tous ces récits de la mystique juive qui racontent qu’au jour de la mort, quelqu’un vient nous chercher. Des proches surgiraient pour nous guider vers un ailleurs, des «anges» ou des êtres aimés qui accompagneraient notre sortie de ce monde.
Partout où il surgit, le prophète Elie observe la façon dont malgré tout, et surtout malgré la mort qui a tant rôdé autour d’eux, les juifs continuent de choisir la vie. Il vient en témoigner depuis le siège d’honneur qu’on lui réserve, et où qu’il s’installe, il devient le premier spectateur d’une transmission sacrée.
Un parent endeuillé est raconté en hébreu par une image, celle d’une branche amputée de ses grains, ou d’une grappe dont on a arraché le fruit. La sève coule en elle mais n’a plus où aller, et le bourgeon s’assèche car un bout de sa vie l’a quitté.
L’histoire biblique est un récit de vies et d’engendrements. D’ailleurs, le mot «histoire» en hébreu, toledot, se dit «engendrement». Votre vie se raconte avant tout par ce que vous avez fait naître.
Dans la Thora, l’existence est définie par cette jonction entre la matière terrestre et le souffle divin. Lorsque ce dernier s’évapore, la poussière redevient simplement poussière.
A chaque génération qui part, ces mots résonnent encore. Ils disent que malgré tous les combats qu’il a fallu mener, toutes ces «gémellités qui luttent en nous», tout ce qui nous fait passer à côté les uns des autres ou de nous-mêmes, il existe une possibilité de faire Un. Tel est l’engagement solennel que les juifs prennent à l’heure du passage, faire que quelque chose de celui qui part intègre leur vie pour s’unir à ce qu’ils deviendront.
«Je me suis passionnée pour mes funérailles.» Myriam
Notre mort ne nous appartient pas complètement, pas plus que notre corps après la mort.
Et tel est à mon sens le plus grand respect dû au mort, se soucier de sa volonté mais plus encore de la possibilité pour ceux qui l’ont aimé de lui survivre et d’honorer dignement sa mémoire.
Moïse, l’homme qui ne voulait pas mourir.
Déni, Colère, Négociation, Dépression et Résignation. Pour le dire autrement, la plupart des mourants diraient tout à tour et dans cet ordre : «il doit y avoir une erreur», «c’est tellement injuste», «laissez-moi au moins vivre jusque tel ou tel événement», «à quoi bon?» et «je suis enfin prêt».
Moïse a reçu la Thora au mont Sinaï mais, bien après lui, surgirent des hommes capables d’interpréter ce que lui ignorait.
Dans cette légende, se tient presque tout ce que le judaïsme pourrait enseigner sur la mort. Est-il possible d’apprendre à mourir ? Oui, à condition de ne pas refuser la peur, d’être prêt, comme Moïse, à se retourner pour voir l’avenir.
Les juifs affirment qu’ils ne savent pas ce qu’il y a après notre mort. Mais ils pourraient le formuler autrement: après notre mort, il y a ce que nous ne savons pas. Il y a ce qui ne nous a pas encore été révélé, ce que d’autres en feront, en diront et raconteront mieux que nous, parce que nous avons été.
Peut-être qu’un spécialiste de la pensée juive aurait pu nous avertir. Après tout, dans la Bible, les rois ne font jamais de vieux os, et les royaumes se disloquent. Ils s’effondrent toujours dans la violence et laissent place au chaos. L’un d’entre eux a un jour déclaré, dans un des livres sacrés: «Vanité des Vanités, tout n’est que vanité» et dans ce même texte, il nous a mis en garde: rien ne dure, ni les rêves, ni les empires, ni les amours.
L’affrontement de Caïn et Abel dans la Genèse n’est donc pas simplement celui de deux frères. A travers eux, il oppose toujours et à chaque génération, ce qui dure et ce qui passe, ce que l’on voudrait permanent à ce que l’on sait éphémère, le «il est» au «il aurait pu être».
La tradition juive veut qu’on laisse toujours une petite fissure dans le mur, un pan de cloison non peint, ou un petit carrelage manquant dans un coin du sol. Il s’agit de laisser dans nos vies la trace de l’incomplétude, de savoir habiter un lieu où le manque a sa place.
Tout ce que nous construisons solidement finit par s’user ou par disparaître, tandis que ce qui est fragile, éphémère et faillible, laisse paradoxalement des traces indélébiles dans le monde. La buée des existences passées ne s’évapore pas : elle souffle dans nos vies et nous mène là où nous ne pensions jamais aller.
*
Ces orages-là de Sandrine Collette - JC Lattès
Coup de cœur d’Élodie, libraire de Fil en page:
«Elle a beau être partie, avoir coupé tous les ponts, elle a beau avoir un regard neuf – effrayé, horrifié, écœuré – sur ce qu’a été leur histoire, elle est en permanence au bord de revenir. Cela ne la quitte pas. Il y a des moments où tout lui paraît préférable à l’insupportable transparence, à la solitude et à la tristesse.»
«Aux autres moments, elle s’épouvante elle même, sa fragilité, sa lâcheté, elle ferait n’importe quoi et personne ne peut la retenir. Au fond, il faudrait quelque chose de total : que l’un d’eux disparaisse. Aucun retour possible. Aucune hésitation, aucune tentation insensée de retourner s’empêtrer dans des filets trop serrés.»
Un roman qui tient en haleine, nous plonge dans la complexité et l’horreur d’une femme qui ose mettre fin a une relation toxique, et lutte pour s’en libérer.
L'Afrique en 100 questions de Stephen Smith & Jean de la Guerivière - Tallandier
Émetteur du verbatim: François C.
L’AFRIQUE DES ORIGINES
L’Afrique est-elle le berceau de l’humanité ?
L’Afrique est la terre natale de l’Homo sapiens, l’espèce humaine qui y est apparue il y a 200 000 ans et qui est sortie du continent pour se répandre à travers le monde, il y a environ 70 000 ans.Quel est le passé géologique du continent ?
Sur le plan géologique, la partie la plus intéressante du continent est le Rift est-africain, une fracture longue de 2900 km et d’une largeur qui varie entre 60 et 100 km. Elle s’étend de l’Ethiopie jusqu’au Mozambique en une succession de hauts plateaux, de dépressions, de lacs et de volcans.
Quelles sont les plus anciennes civilisations africaines ?
Celle de l’Egypte antique (trois millénaires) est la mieux documentée.
A son apogée, au IIème siècle avant J.-C., le royaume d’Aksoum s’étendait jusqu’en Arabie et au Yémen, constituant ce que nous appellerions aujourd’hui une puissance mondiale, avec l’Empire romain, la Perse et la Chine.
Ne vaudrait-il pas mieux parler « des Afriques » ?
La diversité de l’Afrique se décline selon des registres si variés -étatique, linguistique, ethnique, religieux, socio-économique…- qu’aucune monographie ne saurait prétendre en faire le tour.
Notons que l’Afrique compte 54 Etats…plus de 3 000 groupes ethniques…et autour de 2 000 langues parlées.
Qu’ont tous les Africains en commun ?
Stricto sensu, l’adjectif « africain » ne renvoie qu’à une réalité géographique, un accident tectonique comme il y en eut d’autres ayant produit l’Europe, l’Asie ou l’Amérique…Cependant, « africain » est aussi un terme de mobilisation collective…En ce sens, le mot est peut-être d’autant plus courant et efficace qu’il est flou et protéiforme.
Les « migrations bantoues » ont-elles changé la face du continent ?
A partie d’un foyer d’origine, situé dans le nord-ouest de l’actuel Cameroun, les bantouphones -trois millénaires avant notre ère- ont progressivement occupé une large partie de l’Afrique au sud du Sahara.
Pourquoi l’Afrique subsaharienne est-elle restée relativement isolée pendant longtemps ?
Trois obstacles majeurs ont longtemps rendu les échanges avec l’Afrique relativement difficiles : 1. Le désert du Sahara ; 2. L’invention du bateau à voile qui a permis, à partir de 1440, de fréquenter les côtes ouest-africaines : 3. Vaincre le paludisme, « tombeau de l’homme blanc ».
Qui étaient les premiers explorateurs européens ?
Au XVème siècle, les Portugais règnent en maîtres sur les mers.
Lancés eux aussi dans l’exploration du littoral africain, des Hollandais, bientôt rejoints par les huguenots français, sont les premiers à s’enfoncer à l’intérieur de ce qu’ils appellent l’Hottentotie (XVIIème siècle).
Combien d’Africains furent déportés du fait des traites négrières ?
Environ 28 millions : nombre des Africains arrachés à leur continent entre le IXème et le XIXème siècle.
Nombre d’africains déportés aux Amériques entre 1519 et 1867 : 11 millions.
Nombre de déportés par les traites transsaharienne et orientale : 17 millions.
A quoi ressemblait l’Afrique précoloniale ?
Les « siècles obscurs » mériteraient plutôt le nom de « siècles d’or »…L’Afrique de cet âge intermédiaire a connu de puissantes et prospères formations politiques…Elle a été l’actrice de l’exploitation de ses propres ressources, parmi lesquelles l’or tenait une place de choix.
Pourquoi l’exploration de l’Afrique a-t-elle tellement passionné l’Europe ?
Théodore Mollien ; René Caillié ; Heinrich Barth ; Stanley ; Livingstone ; Savorgnan de Brazza…
Comment des Africains se sont-ils retrouvés dans des « zoos humains » ?
L’affiche du musée du Quai Branly, qui leur a consacré une exposition en 2011, disait plus subtilement : « Exhibitions. L’invention du sauvage ».
COLONISATION ET DECOLONISATION
Quel était le but de la conférence de Berlin en 1885 ?
En somme, et sans juger de la sincérité de leur « mission civilisatrice », les puissances européennes édictaient des règles de compétition entre elles et cherchaient à éviter que leur rivalité en Afrique ne provoque de guerres. A leurs yeux, du moins jusqu’à preuve du contraire, ce continent périphérique à la marche du monde ne justifiait pas un conflit armé.Comment l’Afrique a-t-elle été colonisée ?
Sur le plan collectif, leur mainmise sur l’Afrique compensait souvent une faiblesse : la perte de l’Amérique dans le cas britannique, l’annexion par l’Allemagne de l’Alsace et de la Lorraine après la guerre de 1870-1871 dans le cas français, sans parler des « petites » puissances européennes, comme le Portugal et la Belgique.
Tous les régimes coloniaux se ressemblaient-ils ?
En vertu de cette feuille de route (L’indirect rule), le Colonial Office, à Londres, laissait ses agents œuvrer avec empirisme pour le plus grand bien du commerce britannique.
(France) Le ministre des Colonies était le chef hiérarchique d’une administration spécialisée mais calquée sur celle de la métropole.
Que s’est-il passé à Fachoda pour en faire un « complexe » ?
Kitchener est très correct avec son adversaire Marchand (1898). Cependant, les passions nationalistes s’enflamment en Europe…Les deux pays (Angleterre et France) sont au bord de la guerre.
Quelle a été la contribution de l’Afrique aux deux guerres mondiales ?
La « force noire » a joué un rôle important dans les deux guerres mondiales, voire un rôle clé dans la libération de la France. Pendant la Grande Guerre, la France et le Grande-Bretagne ont massivement recruté dans leurs empires : 614 000 et 2,8 millions de soldats, respectivement.
Pourquoi l’entre-deux-guerres a-t-il été un « temps de bascule » ?
Le continent -avec quelque 150 millions d’habitants dans les années 1930- entame alors la plus fulgurante croissance dans l’histoire humaine : il passera à environ 300 millions d’habitants en 1960, l’année des indépendances, et aura de nouveau doublé sa population en 1990 avant d’entrer dans le XXIème siècle comme « milliardaire géographique ».
Dans quelles conditions l’Afrique a-t-elle accédé à l’indépendance ?
(1960) Pour le meilleur et pour le pire, l’indépendance de l’Afrique interviendra ainsi dans les conditions très particulières de la guerre froide. Si les jeunes Etats africains peuvent tirer avantage de l’ordre géopolitique bipolaire en négociant au mieux leur soutien au « bloc de l’Est » ou au « monde libre », ils sont en même temps minés par la rivalité des grandes puissances.
La décolonisation française se résume-t-elle à « l’indépendance du drapeau » ?
Cependant, s’il est incontestable que la décolonisation française revint largement à « partir pour mieux rester », selon sa devise officieuse, la thèse du néocolonialisme français fait l’impasse sur la capacité africaine à codéterminer son destin.
Pourquoi le Portugal s’est-il accroché à ses colonies jusqu’en 1975 ?
Dès septembre 1974, le Portugal révolutionnaire reconnaît l’indépendance de la Guinée-Bissau que le PAIVG a unilatéralement proclamée un an plus tôt. Puis, en 1975, Lisbonne accorde la souveraineté internationale au Cap-Vert, à l’Angola et au Mozambique. Quelque 700 000 retornados -rapatriés d’outre-mer- regagnent alors le Portugal.
La colonisation était-elle un crime contre l’humanité ?
Ce crime, parmi bien d’autres imputables à plusieurs nations européennes, est répertorié dans Le livre noir du colonialisme. XVIème-XXIème siècle : de l’extermination à la repentance (Coordinateur de cet ouvrage collectif : Marc Ferro).
L’AFRIQUE INDEPENDANTE
Pourquoi l’Afrique a-t-elle accepté les frontières héritées de la colonisation ?
Les 83 500 km de frontières terrestres que compte l’Afrique ont été tracés pour plus de 70% par les colonisateurs, entre 1885 et 1909.
Plus que de l’arbitraire de ses frontières, l’Afrique souffre des longs délais imposés à ses points de passage. D’où un commerce régional représentant seulement le dixième du commerce total, si l’on ne prend pas en compte l’économie informelle.L’apartheid était-il le « stade suprême du colonialisme » ?
L’apartheid en Afrique du Sud peut paraître la forme jusqu’au-boutiste de l’ordre colonial, notamment du fait de sa hiérarchisation des « races supérieures » et « inférieures », de sa ségrégation résidentielle entre la ville blanche et des cités indigènes…sans parler d’une sorte de droit naturel à l’exploitation économique des premiers sur les derniers.
La guerre froide a-t-elle nui ou bénéficié à l’Afrique ?
(Guerre froide entre 1945 et 1989) L’Afrique a payé le prix de cet affrontement géopolitique (« monde libre » vs « bloc de l’Est ») par pions interposés. Mais elle a aussi pu instrumentaliser les superpuissances en s’inscrivant dans la bipolarité Est-Ouest comme alliés des Soviétiques ou, pour la plupart des Etats africains, comme alliés des Occidentaux, sinon en « non-alignés » plus ou moins crédibles. Si bien qu’il n’est pas aisé de déterminer qui, dans le jeu à somme nulle de la guerre froide, a été gagnant ou perdant.
L’aide au développement a-t-elle été efficace en Afrique ?
Principaux bénéficiaires de l’aide publique, les gouvernements africains sont régulièrement mis en cause : hier, ils l’ont été pour les « éléphants blancs », ces projets surdimensionnés sans rentabilité qu’ils firent construire ; aujourd’hui, ils le sont pour leur accusation de jouer le rôle de garde-frontières de l’Europe ; et de tout temps on leur a reproché de détourner ou de gaspiller l’APD.
Le « vent de l’Est » a-t-il apporté la démocratie en Afrique ?
Sept mois après la chute du mur de Berlin, pour la première fois depuis les indépendances, un président français parle de démocratie en Afrique et, en particulier, dans les anciennes colonies restées sous la tutelle de son pays pendant la guerre froide…Une prime à la démocratie remplace ainsi la prime à la stabilité que Paris avait accordée, du temps de la guerre froide, à « ses » hommes forts au pouvoir en Afrique.
Comment le régime d’apartheid est-il tombé ?
La conjugaison de six facteurs aboutit à la fin de l’apartheid sans bain de sang : la décolonisation de l’Afrique subsaharienne ; la lutte des mouvements anti-apartheid en Afrique du Sud ; des sanctions internationales ; la fin de la guerre froide ; des leaders sud-africains hors pair ; enfin, en basse continue, une démographie qui rend intenable la domination d’une minorité blanche toujours plus minoritaire et, de surcroît, divisée.
Pourquoi tant de guerres civiles dans les années 1990 ?
Au cours de la décennie 1990, 24 des 54 Etats africains connaîtront une guerre, la plupart du temps une guerre civile -de l’Algérie et de ses années de plomb à la RDC, dont la partie orientale devient une terre à butins, en passant par le Libéria, la Sierra Leone ou la Somalie.
Trois hypothèses explicatives : 1. Le réveil de vieilles haines ; 2. La rapacité de warlords qui guerroient pour le contrôle des matières premières contre des Etats trop faibles pour défendre leur monopole de la violence légitime ; 3. La croissance démographique combinée avec le bradage des stocks soviétiques de kalachnikovs (l’enfant soldat devenu la désolante icône des années 1990 en Afrique).
Qu’a été, ou qu’est toujours le Françafrique ?
Tour à tour laudateur et péjoratif, le terme marque ainsi le début en fanfare et la fin dans l’opprobre de… » L’Etat franco-africain » issu d’une décolonisation inachevée.
L’Etat franco-africain est mort. Les multiples accords de coopération civile et militaire, qui constituaient sa base légale, ont été dénoncés ou sont devenus, de facto, caducs.
Quels sont les enjeux d’une nouvelle politique africaine de la France ?
La volonté politique d’assainissement fait naufrage sur le problème qu’est la relève de la France en Afrique : celle-ci est prise, ou n’est pas prise, mais toujours au détriment de Paris.
La France est ainsi blâmée qu’elle s’arroge un magistère démocratique ou qu’elle manque de défendre les droits de l’homme, qu’elle agisse ou qu’elle n’agisse pas. Elle est aujourd’hui l’anti-Chine. Pour elle, l’Afrique est une proposition « lose-lose ».
LA POLITIQUE
Quel est aujourd’hui le poids des chefferies traditionnelles ?
En particulier au sein des communautés rurales, le rôle des chef traditionnels demeure souvent important dans la vie quotidienne des populations. Cependant, sur le plan juridique et institutionnel, il n’est ni reconnu ni concilié avec les attributions de l’Etat moderne, hérité de la colonisation.L’Afrique est-elle affligée du syndrome des « hommes forts » ?
Le droit d’aînesse et le patriarcat traditionnel sont également invoqués pour expliquer la gérontocratie en Afrique. Nulle part ailleurs dans le monde, la différence entre la moyenne d’âge des gouvernés et celle des gouvernants n’est aussi grande : cette différence est de 43 ans en Afrique, contre 32 en Amérique latine, 30 ans en Asie et 16 ans en Europe et en Amérique du Nord.
L’Etat moderne en Afrique est-il « failli » ?
Ces Etats ressemblent à des pavillons de complaisance sur la scène internationale…Ils n’existent que grâce à leur reconnaissance par la communauté internationale. Ils dépendent de l’aide extérieure et de la souveraineté que leur confère l’attribution d’une capacité étatique, dans leur cas, purement théorique.
Pourquoi tant de corruption ?
La corruption en Afrique, pourtant omniprésente, est longtemps restée sous-étudiée…D’autant que la corruption pénalise surtout les Africains démunis -un pauvre a deux fois plus de risque de se faire extorquer de l’argent qu’un riche.
Quel est le rôle de la franc-maçonnerie ?
Très prisée par les dirigeants africains, la franc-maçonnerie a pour rival l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix (AMORC)…La Conférence épiscopale du Cameroun l’a condamné en juillet 2019 en le mettant sur le même plan que la sorcellerie.
L’Afrique est-elle acquise à la démocratie ?
Selon l’institut de sondage Afrobarometer, une grande majorité des habitants du continent -68%- sont « en principe » acquis à la démocratie, mais seulement 16% des interrogés se déclarent « démocrates convaincus », prêts à agir pour enrayer la régression démocratique dans leur pays, sans se contenter de la déplorer.
Quels sont les obstacles à une « démocratie durable » ?
Toutefois, le principal handicap démocratique de l’Afrique subsaharienne est sa forte croissance démographique en conjonction avec le traditionnel droit d’aînesse ou principe de séniorité qui confère aux vieux -surtout aux hommes- une prime d’autorité du seul fait de leur âge et, donc, un droit de cité plus conséquent que celui des jeunes (et, souvent, des femmes).
Comment expliquer le génocide au Rwanda ?
La mort en cent jours de quelque 800 000 Rwandais, dans leur grande majorité des Tutsis, n’était pas une fatalité.
Comprendre le génocide rwandais comme un enchaînement de décisions prises et d’actes posés par les parties locales en conflit et, au titre de sa non-assistance à population en danger, par la communauté internationale.
La nouvelle Afrique du Sud tient-elle la promesse d’une « nation arc-en-ciel » ?
Depuis 1994, au moins 1,6 million de Sud-Africains, dont une grande majorité de Blancs, ont émigré…Ils ont tourné le dos au pays de l’apartheid économique, le plus inégalitaire du monde. En 2019, les 10% des Sud-Africains les plus fortunés, aujourd’hui des Blancs et des Noirs, concentraient entre leurs mains 93% de la richesse su pays, contre 7% pour les neuf dixièmes de la population.
Le panafricanisme devient-il une réalité ?
Mais l’existence d’un vrai marché commun en Afrique présuppose la libre circulation des personnes. On en était loin en 2016 (besoin de 38 visas pour se déplacer sur le continent avec un passeport nigérian).
Pourquoi les coups d’Etat en Afrique sont-ils si nombreux ?
Les Etats africains à n’avoir jamais connu de coup de force se comptent sur les doigts d’une main…Le mythe de l’armée comme arbitre impartial, force d’ordre et garant de l’unité nationale s’est singulièrement émoussé en Afrique. Son taux de réussite devrait rester orienté à la baisse malgré des rechutes comme au Mali.
Est-il vrai qu’il y a plus de guerres et de massacres en Afrique qu’ailleurs ?
A l’évidence, plus il y a de frontières, plus grande est la probabilité de conflits frontaliers ; et le ratio « nombre de guerres par tête d’habitant » permet des comparaisons plus objectives.
Quels sont les principaux mouvements djihadistes en Afrique ?
AQMI Al-Qaïda au Maghreb islamique.
GSPC Groupe salafiste pour la prédication et le combat.
MUJAO Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest.
LA SOCIETE
Les langues coloniales restent-elles importantes ?
La coupure entre le peuple et une élite arrachée à la langue héritée de la colonisation pour tenir son rang dans sa société et sa place dans la mondialisation, entre le pays officiel et le pays réel, est problématique.L’Afrique est-elle l’avenir de la francophonie ?
Le français est la cinquième langue la plus parlée dans le monde après le chinois, l’anglais, l’espagnol et l’arabe. Si elle le reste, ce sera grâce à l’Afrique noire en pleine croissance démographique.
Quelles sont aujourd’hui les grandes inégalités en Afrique ?
De nouvelles formes d’esclavage tels le trafic de jeunes femmes comme prostituées ou le travail d’enfants dans les plantations agricoles.
Autre inégalité taboue : les castes au sein d’une dizaine d’ethnies dans le Sahel.
L’inégalité peut-être désormais la plus structurante, celle des revenus, est insuffisamment prise en compte. Pourtant, parmi les dix pays les plus inégalitaires au monde, sept sont des pays africains.
L’immense majorité de la population, en Afrique de l’Ouest, se voit privée des éléments les plus essentiels à une vie digne, tels qu’une éducation de qualité, des soins de santé et un emploi décent.
Quel rôle jouent encore les croyances traditionnelles ?
Si bien qu’on en revient souvent au résumé du « fond religieux africain » que l’ethnologue français Marcel Griaule a caractérisé, au début du XXème siècle, comme un « système de relations entre le monde visible des hommes et le monde invisible régi par un Créateur, en général bienveillant, et des puissances qui, sous des noms divers et tout en étant des manifestations de ce Dieu unique, sont spécialisées dans des fonctions de toutes sortes »- une référence aux ancêtres, génies et, plus largement, aux esprits dont l’intermédiation crée la trame et la chaîne de l’univers.
Quelle est la place des grandes religions monothéistes ?
L’islam et le christianisme sont à égalité en nombre de fidèles en Afrique, prise dans sa totalité, chacun avec environ 45% de la population…On ne tient pas compte de leur acculturation, côté musulman, à travers des confréries maraboutiques et, côté chrétien, des églises indépendantes africaines, i.e. les nombreux cultes nés du mélange -fait de reprise et de rejet- entre des liturgies chrétiennes et des pratiques religieuses locales. Cette terra incognita n’est quasiment connue que de ses adeptes.
L’Afrique est-elle la terre bénie du prosélytisme religieux ?
Oui, pour deux raisons majeures. D’abord, compte tenu de la démographie de l’Afrique, toutes les confessions y sont gagnantes en chiffres absolus. Ensuite, les religions y trouvent un meilleur terreau que dans des pays occidentaux gagnés par l’agnosticisme, au point qu’elles structurent encore profondément les sociétés.
Outre la Covid-19, quels sont les grands défis pour la santé publique ?
En Afrique, les grands tueurs reconnus sont le sida, le paludisme, la tuberculose et les hépatites virales.
L’urbanisation de l’Afrique à une vitesse sans précédent dans l’histoire humaine aggrave les risques de diarrhées virales et de fièvres typhoïdes.
« Produits médicaux de qualité inférieure », tel est l’euphémisme de l’OMS au sujet des pilules, comprimés et sachets douteux qui arrivent clandestinement par bateau en Afrique, ou qui y sont exportés légalement parce que les normes africaines restent moins sévères que sur le marché intérieur des pays fabricants.
Les tradipraticiens et la médecine occidentale rivalisent-ils ou cohabitent-ils ?
Le tradipraticien soigne avec des plantes et, parfois, des substances animales ou minérales…Quelque 80% des Africains s’adressent aux tradipraticiens, selon l’OMS.
L’obstacle à la médecine moderne vient moins des tradipraticiens que de rumeurs conspirationnistes.
Y a-t-il des politiques de contrôle des naissances ?
La réponse à cette question est clairement négative si elle concerne l’action des gouvernements subsahariens depuis les indépendances.
En Afrique subsaharienne, le taux de fécondité est actuellement de 5,2 enfants par femme. L’emploi de moyens modernes de contraception n’y atteint pas 20% (par rapport à plus de 70% en Asie). En Afrique de l’Ouest, 40% des jeunes filles sont mariées avant 15 ans.
L’Afrique gagne-t-elle la bataille de l’éducation ?
La population, en raison de sa rapide croissance, sera encore pendant plusieurs générations la moins bien formée du monde.
Les universités africaines sont peu nombreuses, surpeuplées et mal équipées…Il faut ajouter à ce tableau déjà sombre une pénurie d’enseignants à tous les niveaux.
Au sud du Sahara, ceux qui en ont les moyens envoient leurs enfants faire leurs études à l’étranger : dans un pays voisin un peu mieux loti, sinon au Maroc, en Europe ou en Amérique du Nord.
Quels sont les sports les plus populaires en Afrique ?
Le foot africain en est désormais à sa troisième génération de rayonnement international.
Le basketball.
Au total, en 2019, tous les records du monde en 5000, 10 000 et 20 000 mètres masculins et féminins, ainsi que ceux du marathon féminin et masculin, étaient détenus par des Ethiopiens et des Kenyans.
L’Afrique urbaine et l’Afrique rurale sont-elles deux mondes séparés ?
Oui, toujours, mais de moins en moins. Car le tissu urbain en Afrique ne cesse de se distendre alors que le monde rural n’y est plus un monde à part du fait qu’il se trouve en conversation constante avec les citadins, grâce à la téléphonie mobile.
En raison de l’exode rural, les villes croissent bien plus vite que la population dans son ensemble…Aujourd’hui, une quarantaine de villes subsahariennes comptent un million, voire plusieurs millions d’habitants.
Qu’en est-il aujourd’hui de l’égalité des sexes ?
La liste des inégalités est longue et engage aussi la responsabilité des bailleurs de fonds, pourtant les champions déclarés de la cause des femmes en Afrique. Or, ils n’ont jamais mobilisé des financements comparables à ceux consacrés à la lutte contre le sida pour la lutte contre la mortalité maternelle. Pourtant, le risque de mourir en couches reste 500 fois plus élevé au sud du Sahara qu’en Europe de l’Ouest.
L’Afrique est-elle homophobe ?
38 sur 54 des Etats africains criminalisent les relations homosexuelles. Ils les punissent de peines allant de trois mois à deux ans de prison au Burundi et jusqu’à quatorze ans au Kenya et en Angola.
Mais d’un bout à l’autre du continent, le jugement porté sur l’homosexualité est devenu un marqueur politique : pour ou contre le pouvoir en place, pour ou contre l’Occident, une certaine forme de modernité ou de tradition.
Quelles sont les principales communautés étrangères en Afrique subsaharienne ?
140 000 Français au sud du Sahara.
900 000 Portugais établis surtout en Angola, au Mozambique et en Afrique du Sud.
Présents dans de nombreux pays, tant anglophones que francophones, les Libanais seraient aujourd’hui en Afrique entre 400 000 et 500 000.
Aujourd’hui, il y a environ 1,3 million d’Indiens en Afrique du Sud…Ils seraient au total 2,77 millions à l’échelle du continent.
Les Chinois seraient aujourd’hui près d’un million en Afrique.
L’Internet et la téléphonie mobile révolutionnent-ils la vie quotidienne ?
La proportion des smartphones monte en flèche, de 3% en 2010 à 37% en 2018 (et, selon les prévisions, à 66% en 2025).
Malgré toute une série de bémols, la téléphonie mobile et l’Internet changent la face du continent de mille façons.
Statistiquement, l’usager africain consacre désormais 10% de ses revenus à la téléphonie, ce qui correspondrait en France à une facture mensuelle de plus de 200 euros.
L’Afrique est-elle devenue une plaque tournante du trafic international de drogues ?
La Guinée-Bissau est le premier narco-Etat africain.
C’est seulement dans les années 1990 que le trafic de drogues dures a explosé en Afrique. L’Afrique de l’Est est alors devenue le principal carrefour pour le transit de l’héroïne en provenance d’Afghanistan et du Pakistan, et l’Afrique de l’Ouest pour le trafic de la cocaïne venant de l’Amérique du Sud.
L’ECONOMIE
Pourquoi l’Afrique est-elle le continent le plus pauvre du monde ?
Il s’agit de deux points de vue poussés à l’extrême mais, en vérité, complémentaires. L’un s’enferme dans une vision de l’Histoire réduite à une martyrologie avec des Africains en éternelles victimes. L‘autre reconnaît à ceux-ci leur capacité à agir et, donc, à peser sur leur destin mais seulement pour mieux leur faire porter la responsabilité de leur sort.L’Afrique est-elle maintenue dans la dépendance économique ?
La théorie de l’échange inégal…réapparaît périodiquement dans quelques domaines bien concrets tels que la soumission de l’Afrique aux injonctions des institutions de Bretton Woods (la Banque mondiale et le FMI), son appartenance à des zones monétaires étrangères, sa domination par des multinationales.
Quel est l’état des infrastructures ?
Pour pouvoir satisfaire les besoins grandissants en infrastructures -sans compter les écoles, universités, hôpitaux et logements à construire-, il faudrait actuellement investir environ 160 milliards de dollars par an…Le pari semble perdu d’avance mais la marge par laquelle il sera manqué fera toute la différence pour les prochaines générations d’Africains.
Pourquoi l’électrification est-elle un si grand problème ?
Le continent…que les barrages, les parcs solaires et les éoliennes dotent potentiellement de toute l’énergie électrique nécessaire à son développement, reste handicapé par l’immensité des territoires à couvrir d’infrastructures pour transporter et distribuer cette énergie.
Que faut-il entendre par « économie informelle » ?
Est informel tout ce qui échappe à la régulation et à l’imposition mais contribue au PIB d’un pays…Ce n’est pas pour autant la jungle…Toutefois, le lien civique et le droit de regard sur les affaires de la cité, qui passent par l’argent du contribuable et sa bonne ou mauvaise gestion par l’Etat, font les frais de cette « socialisation » de l’économie.
Pourquoi l’Afrique subit-elle des crises de surendettement à répétition ?
En 2010, le service de cette dette des 39 Etats bénéficiaires (Pays pauvres très endettés) avait ainsi été ramené à moins de 5% de leurs exportations de biens et de services. Or, à la fin de 2019, il était revenu à 32,4% -et cette moyenne pour toute l’Afrique subsaharienne masque des disparités flagrantes.
L’Afrique subsaharienne est rentrée dans la nuit du surendettement.
Pourquoi, avec un sous-sol aussi riche, l’Afrique n’est-elle pas sortie de la pauvreté ?
La richesse du sous-sol coexiste avec la misère sur terre, surtout quand elle nourrit des convoitises.
La corrélation entre un Etat rentier vivant de son pétrole et l’accroissement de la pauvreté est solidement établie. Depuis les indépendances des années 1960, les pays africains dépourvus de gisements d’hydrocarbures ont augmenté leur PIB par tête d’habitant plus de deux fois plus vite que ceux exportateurs de pétrole et de gaz.
L’Afrique a-t-elle atteint l’autosuffisance alimentaire ?
Non, et elle n’est pas près d’y parvenir. L’Afrique représente près de 16% de la population mondiale, dispose de 24% des terres arables sur la planète, voire d’environ 60% des terres cultivables pas encore mises en exploitation, mais ne génère que 9% des produits agricoles.
Y a-t-il des pôles de développement en Afrique, des modèles pour le reste du continent ?
Ce n’est pas pour dire qu’il n’y ait pas de bons exemples à suivre sur le continent. Seulement, avant d’ériger un pays en modèle, quelques garde-fous doivent être installés pour délimiter le périmètre de sa validité exemplaire (exemples de l’île Maurice et du Botswana).
L’intégration économique et l’intensification des échanges intra-africains sont-elles l’avenir ?
Ce que les économies du continent peuvent faire ensemble n’est pas évident. En l’absence d’industries de transformation, se renvoyer des matières premières ne crée pas de la valeur ajoutée.
Sauf exception -le Rwanda, le Sénégal et le Soudan-, la diversification des économies africaines a stagné depuis 1990, voire reculé en Afrique du Sud. L’intégration régionale et continentale va être d’autant plus difficile.
Le tourisme est-il un atout pour l’Afrique ?
Mais la rencontre touristique reste à inventer en Afrique, du moins à grande échelle. Jusqu’à présent, la plupart des touristes viennent pour la faune, la flore ou le folklore local, au sens large, et les Africains leur rendent bien cette cote mal taillée entre indifférence et préjugés.
Quelles sont les principales menaces pour la faune et la flore africaines ?
Plusieurs exemples illustrant la mise en danger de la faune et de la flore africaines -les deux menaces étant souvent liées.
Quelles sont les causes du « stress écologique » en Afrique ?
D’ores et déjà, l’Afrique est le continent le plus exposé aux dangers, et non pas seulement pour ce qui est du réchauffement climatique. Les pays riverains du golfe de Guinée se trouvent aussi en première ligne pour subir les effets de la montée des eaux.
LA CULTURE
Quelle était la fonction des objets d’art en Afrique ?
Aujourd’hui, une dichotomie plus théorique oppose une interprétation formaliste, qui fait des objets cultuels africains des œuvres d’art à part entière, à une interprétation fonctionnaliste, qui ne les différencie guère de simples objets ethnologiques.Faut-il restituer son patrimoine artistique à l’Afrique ?
Sur les 98 000 objets d’Afrique contenus dans les collections publiques françaises, 70 000 se trouvent quai Branly. Chiffre à comparer avec les 69 000 du British Museum et les 180 000 du musée royal de l’Afrique centrale, près de Bruxelles, rebaptisé AfricaMuseum en 2018.
Comment la tradition orale a-t-elle inspiré les débuts de la littérature africaine ?
« En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ».
« L’incendie d’un fonds culturel non exploité » : la disparition des conteurs de la tradition orale africaine. Ce fonds n’a été que très partiellement fixé par l’imprimerie mais il imprègne la production littéraire des Africains, du moins à ses débuts.
Quel est l’état actuel de l’édition et de la littérature africaines ?
C’est comme si, en passant par Paris et Londres, la littérature africaine avait quitté son continent en réussissant partout, sauf chez elle.
Quels sont les écrivains non africains qui doivent leur renom au continent ?
Céline ; Romain Gary ; Karen Blixen ; Ernest Hemingway ; Jean Christophe Rufin ; Antonio Lobo Antunes ; Joseph Kessel ; Doris Lessing…
Quelle est l’importance des arts de la scène en Afrique ?
Aujourd’hui, les artistes circulent davantage en gardant, pour la plupart d’entre eux, leur pied d’appui en Afrique.
Quelle image de l’Afrique a véhiculée Hollywood, de Tarzan à Black Panther ?
Hollywood part de ce que son public croit savoir de l’Afrique pour lui vendre une distraction -de l’entertainment- sans exigence éducative, certes, mais aussi sans mépris qui pourrait choquer. Au fil du temps, l’Afrique subsaharienne a ainsi cessé d’être cet ailleurs radicalement différent, exotique et souvent inquiétant. Elle est aujourd’hui représentée, de façon moins uniforme, en accord avec les idées contradictoires que le reste du monde se fait d’elle.
Le cinéma africain est-il parvenu à « décoloniser » le regard sur le continent ?
Autant dire que la décolonisation du cinéma africain est largement acquise. Pour l’indépendance, c’est moins sûr.
Comment s’explique le succès de Nollywood, l’usine à rêves nigériane ?
L’usine à rêves du Nigeria produit désormais, bon an mal an, quelque 1500 nouveaux titres. Elle a ses stars, immensément populaires, mais guère d’autres prétentions artistiques que le « métier bien fait ».
Quel est l’apport africain à la peinture moderne et à la photo ?
Des photographes africains figurent maintenant au catalogue de grandes maisons de vente aux enchères.
Quelles sont les grandes tendances de la musique africaine contemporaine ?
La tendance commune des musiques d’Afrique étant depuis le milieu du XXème siècle leur ouverture sur l’extérieur -d’abord à l’échelle régionale, puis à celle du continent et, enfin, à l’échelle mondiale-, le meilleur repérage consiste-t-il à retracer les étapes de ce voyage vers de nouveaux publics en y associant les noms d’artistes pionniers.
Existe-t-il une cuisine typiquement africaine ?
Il n’y a pas plus de cuisine « africaine » que de cuisine « européenne », eu égard à la variété des mets et à la différence des traditions culinaires sur les deux continents. En revanche, les multiples cuisines africaines ont en commun d’avoir été d’abord conçues pour une consommation collective, sans « parts » individuelles à l’européenne.
Comment la télévision par satellite et le numérique ont-ils changé le paysage audiovisuel africain ?
Désormais, la concurrence sur le marché africain est féroce. Il n’y a pas seulement les grandes chaînes d’information internationales…Il y a aussi la Chine, qui a fait de l’Afrique et de ses 1,3 milliards d’habitants la nouvelle frontière de sa géopolitique audiovisuelle.
Qui sont les grands stylistes de la mode africaine ?
La plupart des stylistes du continent puisent librement dans des motifs, coupes et formes qui sont « africains » au même titre que, par exemple, la mode « japonaise » l’est en puisant dans sa propre symbolique. Dans les deux cas, cela n’empêche ni des inspirations contemporaines, voire futuristes, ni des moyens de fabrication modernes.
GEOPOLITIQUE
Les anciennes puissances coloniales restent-elles influentes ?
Les ex-métropoles continuent-elles de damer le pion aux autres puissances en Afrique et de dicter leur loi au continent ? Sans doute pas. Car même l’ex-métropole la plus engagée au sud du Sahara, la France, est aujourd’hui distancée par la Chine et les Etats-Unis comme partenaire commercial de l’Afrique et son intervention au Mali ne fait peut-être que confirmer son impuissance face aux grands enjeux subsahariens. Au point de nourrir l’idée que la Françafrique se serait muée en une « AfricaFrance » où les dirigeants du continent seraient les maîtres du jeu.Quels sont les intérêts américains en Afrique ?
Relativement peu engagés dans la lutte antiterroriste en Afrique, les Etats-Unis ne sont pas près, non plus, de relever le défi que leur lance la Chine sur le continent – au plan commercial ou en matière d’investissements, notamment dans des infrastructures- pour favoriser l’intégration de l’Afrique dans l’économie mondiale.
Comment la Chine est-elle devenue le premier partenaire commercial de l’Afrique ?
La Chine a réussi à faire de l’Afrique son « deuxième continent » en investissant d’abord dans des pays riches en ressources pétrolières et minières, comme le Nigeria, l’Angola ou la Zambie. En exportant ensuite son modèle des zones économiques spéciales, par exemple en Ethiopie et en Sierra Leone. En se dotant, enfin, d’un dispositif bancaire capable de border son implantation en Afrique, à travers la China Development Bank et l’Exim Bank.
Aujourd’hui, quelque 10 000 entreprises chinoises sont implantées en Afrique et elles concourent à environ 12% de la production industrielle du continent.
Face aux Occidentaux, la Chine constitue-t-elle une alternative pour l’Afrique ?
Mais au fil du temps, la Chine en Afrique s’est banalisée, des frictions entre ses ressortissants et des Africains se sont multipliées et, de manière générale, le clair-obscur de son action a diminué le contraste par rapport à d’autres intervenants extérieurs sur le continent.
L’Union européenne a-t-elle une politique africaine ?
Engagée dans plusieurs opérations militaires pour un retour à la stabilité au sud du Sahara, l’UE est surtout devenue l’instrument de ses pays membres pour mieux sécuriser et, de fait, externaliser leurs frontières afin de freiner l’afflux migratoire en provenance de l’Afrique.
L’Afrique et les autres pays du « Sud global », l’ex-tiers-monde, sont-ils solidaires ?
Bien qu’elle se pare volontiers de solidarité tiers-mondiste, la coopération économique Sud-Sud échappe rarement à la logique comptable des affaires. La percée des nouveaux acteurs sur la scène africaine depuis la fin de la guerre froide, tels le Brésil, la Turquie ou les pays du Golfe, est commerciale avant d’être charitable.
Quel est le bilan des opérations de maintien de la paix en Afrique ?
Depuis 1960, les Nations Unies ont monté une soixantaine d’opérations soit de maintien soit d’imposition de la paix…Plus de la moitié de ces opérations ont été déployées en Afrique…Ces opérations ont aussi été les plus lourdes, les plus coûteuses et les plus meurtrières.
L’Afrique est-elle la cible privilégiée de la justice internationale ?
Il est vrai que la première enquête de la CPI (Cour pénale internationale de La Haye) en dehors du continent africain n’a été ouverte qu’en janvier 2016 (crimes contre l’humanité perpétrés en Ossétie du Sud en août 2008). Mais il est vrai aussi que la plupart des poursuites engagées contre des prévenus africains l’ont été à la demande des autorités de leur propre pays.
Quel est le rôle des ONG et des grandes fondations en Afrique ?
L’ »ONG-isation » de l’Afrique est un fait ; tout comme est un fait que le continent le plus pauvre est devenu le principal marché de la « philanthropie-risque » (venture philanthropy) pratiquée par de grandes fondations.
Quelques constantes : la capacité opérationnelle et financière des organisations caritatives dépasse souvent celle des pouvoirs publics en Afrique ; leur rôle revendiqué de « témoin » contribue à façonner l’image du continent à l’extérieur ; l’un dans l’autre, la souveraineté des Etats africains -notamment leur souveraineté thérapeutique- s’en trouve affectée.
La France peut-elle gagner la guerre au Sahel ?
Récemment, les violences déchaînées par ce populisme théocratique ont débordé du Mali au Burkina Faso et au Niger. Elles risquent de gagner toute la région…Si la régionalisation de la menace se confirmait, l’armée française devrait se battre dans un espace en expansion rapide. D’ores et déjà, à l’échelle du G5 Sahel, son théâtre d’opérations est quatre vingt fois grand comme la France métropolitaine.
Quelle est l’importance des migrations intra-africaines ?
Pour le moment, la grande majorité des migrations africaines -70%- est intra-africaine.
L’exode rural et l’urbanisation de l’Afrique -l’un comme l’autre sans précédent dans l’Histoire- sont les deux faces d’une même réalité migratoire.
Quelle est l’importance des migrations extra-africaines ?
Cette proportion (quatre ou cinq ou six africains sur dix migrants en 2050) s’appliquera à un total qui, entre-temps, aura lui-même presque doublé. En effet, dans trente ans, l’Afrique comptera 2,5 milliards d’habitants, soit cinq fois plus que l’UE.
La France peut-elle tenir encore longtemps? d'Agnès Verdier-Molinie - Albin Michel
Émetteur du verbatim: François C.
Tout cela car gouvernements, Etat et administrations n’ont pas fait les réformes nécessaires ces dernières années.
Devrions-nous foncer dans le mur de la dette en chantant ?
Une autre voie est possible : désendettement en période de croissance en baissant les dépenses publiques, allongement de la durée du travail, baisse des impôts sur le capital et sur les entreprises pour de la croissance bénéficiant à tous.
1ère partie AUX PORTES DE L’ENFER
1. Le vrai secret : l’Agence France Trésor a notre avenir en main
Une montagne de dettes…En 1978, la dette représentait moins de 10% du PIB, en 2002 moins de 50%, en 2007, 64,5% du PIB avant de s’envoler progressivement pour atteindre 98,1% en 2019 et finalement 120% en 2020.
Avant la crise de 2008, l’Etat plaçait 90 milliards de dettes par an, 180 par an après la crise et maintenant plus de 300 milliards ! la France fait désormais partie des maillons faibles (Italie, Espagne, Grèce…). Qu’on le veuille ou non.
La dette de la France n’est déjà plus que AA. L’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche, le Luxembourg sont toujours classés AAA.
2. BCE, la fuite en avant
Toutes les mesures prises par la BCE ces derniers mois ont pour vocation d’éviter qu’une banque italienne ne vienne entraîner la faillite de la zone euro. Derrière la façade lisse qui veut donner l’impression que l’on maîtrise le cours de l’histoire, c’est l’angoisse qui domine et le court terme qui dicte sa loi.
C’est la première fois que l’Europe émet de la dette…Un endettement qui pourrait à terme enclencher le divorce entre les pays du Nord et ceux du Sud. Tout cela à cause du laxisme des pays du Sud, largement passagers clandestins du nouvel Empire, faute de réformes structurelles suffisantes.
3. Les Français ont peur…de leur gouvernement
Plus la dette française monte, plus on comprend collectivement que nul ne sait où on va, plus les Français épargnent…Car chacun a peur de l’avenir et anticipe une hausse…des impôts.
4. Riche au-dessus de 3 470 euros par mois
Les 17 familles les plus riches représentent déjà, à elles seules, plus de 1,1 million de salariés. Imaginez combien d’emplois représentent les 379 000 foyers que constituent les 1% les plus riches !
5. Combien de milliards sous le tapis ?
Avant la crise de la Covid, nous étions déjà à 124% de dette et nous voguons aujourd’hui vers les 150% de dette publique !
Le chiffre officiel de la dette cache donc en fait un véritable trou noir. Si on fait l’addition, entre la dette et les engagements hors bilan de l’Etat, on est bien à 7000 milliards. C’est trois fois le PIB de la France mais, paraît-il, il ne faut pas le dire !
6. L’enfer fiscal et sa litanie des 483 taxes
La France est championne du poids des impôts dans la richesse nationale mais elle est aussi championne du monde du nombre des impôts, taxes et cotisations. Il y a, en France, en 2019, 483 impôts, taxes et cotisations, dont 376 impôts et taxes et plus de 100 cotisations.
(« Elephant Man juridique ») En 20 ans, entre le Code général des impôts lui-même et ses annexes, on est passé de 463 314 mots à 967 927 mots, soit presque 1 million de mots, donc, pour réglementer notre fiscalité.
L’inflation de ce Code est moins visible que celle du Code du travail car le nombre d’articles est resté à peu près stable avec environ 2 400 articles quand le Code du travail est passé, lui, de 4 900 à 11 000 articles. Mais cette « stabilité » est un leurre. Les articles n’ont pas été augmentés en nombre mais se sont boursouflés de l’intérieur.
2ème partie DANS LE MUR…DE LA DETTE
1. Le prix à payer de la relance
C’est plus de 85 milliards que l’Etat a dépensés en plus avec la crise. Et cela va continuer en 2021.
En vérité, nos caisses sont vides et nous ne disposons d’aucune marge de manœuvre. A défaut de réformer et de viser une gestion saine des finances publiques, nos gouvernants préfèrent compter (comme d’habitude) sur la planche à billets.
2. Le mur de la dette
Nous entrons dans le club fermé des pays dont la dette dépasse les 100% du PIB, mais qui pour la plupart y sont déjà depuis longtemps : la Belgique (113,8%), l’Espagne (115,6%), l’Italie (158,9%), la Grèce (196,4%).
3. La drogue dure des déficits
Crise ou pas crise, la France a un déficit structurel qui frôle les 50 milliards par an.
Près de 912 milliards d’euros de dette pour le fonctionnement ont été accumulés entre 1995 et 2019 contre 689,6 milliards de dette pour l’investissement. Ce qui peut faire dire que si nous n’étions pas accros aux déficits pour financer les salaires publics, les frais de bouche et l’entretien des bâtiments, nous serions non pas à plus de 120% de dette aujourd’hui mais à 80%…Au même niveau que les Allemands.
4. Nos entreprises sont en danger
Depuis 2008, le taux d’endettement des entreprises françaises n’a pas cessé de progresser chez nous, passant de 117,5% à 143,2% du PIB. C’est près du triple du niveau observé chez nos vertueux voisins allemands (57,2%).
Sur le total des taxes, impôts et cotisations, on décompte 120 milliards d’impôts en plus par rapport à l’Allemagne ; nos entreprises croulent sous les prélèvements de toutes sortes.
La vague des faillites et des délocalisations est donc devant nous !
5. Comment font les autres ?
Première caractéristique récurrente chez nos voisins européens « vertueux » : la mise en place avant tout d’une gestion des finances publiques sans faille…Cela veut dire que l’Etat doit progressivement arrêter, comme il le fait actuellement, de « garantir » les autres administrations publiques par des recettes ou des subventions dédiées.
Anticiper le mur de la dette. On le sait, un mur de 599 milliards d’euros de refinancement va arriver d’ici à 2023 tandis que 706 autres milliards arriveront à échéance entre 2024 et 2030 – et ce, sans même tenir compte du financement des déficits publics liés à la crise actuelle.
3ème partie CE QUI NOUS PLOMBE
1. Les services publics ne sont pas à notre service
Une autorisation spéciale d’absence (ASA) difficile à arrêter.
L’école sans les profs…
Pendant ce temps-là, les obligations de sortie du territoire ne sont pas respectées.
Malgré tous les impôts que nous payons, nos services publics sont-ils toujours à notre service ? A l’évidence, non.
2. 84 milliards d’euros de trop
La France a un coût de production des services publics en parts de PIB qui est très élevé : 27% en 2018…quand la moyenne des pays européens (21 pays) est de 23,6%. L’écart est donc de 3,6 points de PIB, ce qui représente nos fameux 84 milliards d’euros…Ce surcoût de production de nos services publics montre à quel point nos n’avons pas transformé notre modèle public et combien nous sommes suradministrés.
En parallèle d’une sur-dépense, étonnamment, beaucoup de missions régaliennes se retrouvent sous-dotées ces dernières années : en particulier la sécurité intérieure (et sa police sous-équipée) ; la défense (et son armée aux matériels de plus en plus vétustes), le pénitentiaire (et ses prisons insalubres et surpeuplées) et la justice.
Avec nos 35 000 communes et 1258 intercommunalités, 101 départements, 18 régions, autant de préfectures que de départements et encore 233 sous-préfectures, on comprend que la France est le pays leader en termes de doublons.
Ce qui nous coûte cher en fonctionnement, c’est avant tout notre système de protection sociale (on compte près de 330 caisses différentes qui sont autant de guichets).
La santé est mal gérée, trop administrée, trop rigide, trop centralisée, les statuts trop corsetés…mais on continue en dépensant plus et mal, en opposant public et privé, médecine de ville et hôpital…
3. Les absurdités administratives nous tirent vers le bas
Alors que nos administrations ont montré leur manque d’agilité dans la crise sanitaire, on croit halluciner en considérant le nombre d’absurdités qu’elles inventent malgré la situation économique dramatique de la France.
Les patrons, forcément fraudeurs…Pour dénicher les fraudeurs, 50 000 contrôles ont été lancés pendant l’été 2020. Les inspecteurs du travail sont à la fête, ils ont pu contrôler tous azimuts ! Nombre d’heures, salaires gonflés, employés fictifs, soupçons de télétravail…
4. L’Etat numérique inexistant
La très lente numérisation à la française…On constate en pratique que le déploiement des outils numériques a été très inégal suivant les ministères.
Cette crise sanitaire est révélatrice du manque de maturité des solutions numériques proposées par la puissance publique. Un retard qu’il faudra d’urgence combler.
4ème partie SAUVONS L’ETAT MALGRE LUI
1. Sortir le Parlement de l’aveuglement
C’est maintenant qu’on aurait le plus besoin de parlementaires qui font leur travail d’évaluation des politiques publiques.
C’est le Parlement allemand qui tient de facto les cordons de sa bourse. Alors que chez nous, c’est clairement Bercy.
(Haut-Commissariat au plan) Le risque est grand qu’il s’agisse d’une administration de plus pour penser l’Etat à l’intérieur de l’Etat, et cela dans une France déjà suradministrée…Penser la France de 2030 sans mobiliser le Parlement pour la baisse des dépenses et des impôts et le contrôle de la dette n’a aucun sens.
2. Baisser enfin les impôts et les dépenses
. Libérer les entreprises (de leur boulet fiscal) ;
. Libérer le patrimoine (et les successions) ;
. Reculer l’âge de départ à la retraite (report de l’âge d’un quadrimestre par an pour tous à partir du 01/01/2021, soit 65 ans en 2028) ;
. Faire respecter les 35 heures dans la fonction publique (et réduire le nombre d’agents) ;
. Rationaliser le « pognon de dingue » des prestations sociales (plus de 200 aides et prestations différents, versées par 330 caisses différentes qui sont présentes sur le territoire via 5 000 guichets) ;
. Réduire le train de vie de l’Etat.
3. Réhabiliter le travail ?
Se rapprocher du modèle allemand impliquerait un changement complet de mentalité de nos syndicats qui ne devraient plus voir les employeurs comme l’ennemi à coincer, mais comme le partenaire principal pour créer des emplois.
Adoptons enfin le pragmatisme qui prime dans le reste de l’Europe ! Sauvons nos emplois, même si cela doit passer par un désaveu pour nos syndicats réfractaires.
4. Sauver ce qui reste de notre industrie
La crise sanitaire a mis en évidence notre dépendance stratégique dans des domaines essentiels de la santé comme les médicaments ou les dispositifs médicaux, mais aussi la fragilité de nos chaînes de production.
D’après l’Insee, de 1970 à 2016, la part de la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière a baissé dans la richesse nationale de 22,3 à 10,2%.
De 2,2 milliards en 2001, notre déficit commercial est passé à 68 milliards attendus en 2021.
Créer une usine en France ou le parcours du combattant.
Augmenter le temps de travail, baisser le nombre de jours de congé et de RTT, baisser les charges employeurs à tous les niveaux de rémunération, baisser les taxes de production pour une trentaine de milliards. Simplifier les autorisations pour créer des usines. C’est la seule manière de réindustrialiser.
5. Désendetter la France, c’est possible !
Nous sommes tombés en France dans notre propre piège : distribuer de l’argent gratuit tout en dévalorisant l’effort et le travail, tout en dégoûtant les entrepreneurs et les investisseurs.
Chez les pays frugaux (Danemark, Suède, Pays-Bas…), point de statut public.
Déléguer au privé.
Décentraliser, déléguer pour désendetter.
(France) Tout est fait pour dépenser plus et s’endetter plus. Suivons les bons exemples autour de nous : suppression du statut public, délégations de services publics, décentralisation, mise en concurrence et suppression des statuts, tout cela reposant sur la valeur « travail » (temps de travail annuel élevé, âge de départ à la retraite à 65 ans ou plus).
Conclusion
L’avancée gouvernementale en crabe, sans explication, sans pédagogie, assenant des milliards auxquels plus personne ne comprend rien tout en niant un quelconque danger sur la soutenabilité de la dette est devenue insupportable.
Les Français méritent la vérité : la dette est devenue infinançable et il va falloir travailler plus, réformer notre modèle social, dépenser moins pour éviter le naufrage. Nous ne pourrons pas éternellement tenir ce rythme d’emprunt à 1 milliard d’euros par jour. L’argent magique et gratuit n’existe pas. On finit toujours par payer la note. Et là, dans le piège de la dette, ce ne sera pas juste des impôts supplémentaires mais la misère et la ruine pour tous si nous ne réagissons pas très vite.
Dictionnaire humaniste et pacifiste de Théodore Monod - Arthaud Poche
Émetteur du verbatim: François C.
« Pour mes frères les animaux victimes trop souvent de la stupidité et de la cruauté des hommes »
Je ne suis pas un aventurier, je suis un chercheur.
Naître dans une famille comme la mienne, être le fils de deux parents de grande culture, élevé de la façon dont j’ai été élevé, j’en suis très reconnaissant. C’est une chance incroyable.
Bien souvent, dans l’existence, vous découvrez que vous avez fait des choix fondamentaux…après les avoir faits. Ce n’est qu’au-delà de la bifurcation que vous découvrez que vous étiez à la croisée des chemins.
L’inventaire de la planète est loin d’être achevé…Il y en a pour des siècles.
« La tauromachie est l’art scélérat et vénal de torturer et de mettre à mort des animaux selon des règles, dans la légalité et en public. »
Croire, c’est nécessairement agir. La foi chrétienne…est d’abord une volonté d’agir pour faire advenir concrètement en ce monde le royaume de Dieu. Prière et action, lutte et contemplation : il faut tenir ensemble ces deux appels, en apparence contradictoires.
Dans le désert, le squelette de la Terre est directement visible. C’est un spectacle presque indécent, et vraiment émouvant. Qui exige un certain état d’esprit, une approche au ras du sol, humaine et intelligente.
Nous agissons avec la nature comme si elle était notre propriété. En réalité, c’est un capital dont nous sommes seulement usufruitiers, et que nous devons transmettre aux générations future.
« Croire quand même, espérer quand même, aimer quand même ».
L’Afrique est littéralement pourrie de vestiges préhistoriques et certains se demandent même depuis peu si elle n’aurait pas, contrairement à l’opinion courante, vu naître l’homme proprement dit.
La nature existait avant l’homme, elle existera après. Il faudra recommencer beaucoup de choses à zéro, mais la nature n’est pas pressée. Pour elle, 10, 50, 100 millions d’années, ce n’est rien du tout. Il faudra recommencer, et on recommencera. Il y aura des relais.
Je ne pense pas à mon temps, mais à l’origine de la vie venue il y a trois milliards d’années sous une forme très modeste dans une soupe primordiale, la mer.
Ce que nous pouvons faire, il faut le faire, si peu que ce soit, c’est indispensable, sinon les choses continueront comme elles sont.
Nous savons qu’on s’achemine vers l’asphyxie et l’empoisonnement irréversible des océans.
Dès que l’intérêt, le préjugé ou la tradition sont en cause, on découvre que le plus beau texte juridique risque de demeurer très partiellement appliqué, s’il dépasse le niveau moral moyen d’une société.
Chaque jour, je récite les Béatitudes, comme on rêve à une utopie, si on définit l’utopie non pas comme « l’irréalisable » mais comme ce qui n’est pas encore advenu.
Dans nos structures sociales actuelles, fondées sur la primauté du profit, dans un système politique enlisé au stade de nations faisant encore passer prestige et intérêt avant la justice et la fraternité, peut-on faire mieux ?
(Fourrure) Elle est belle sur la bête, elle est bête sur la belle.
Le massacre d’Hiroshima est une date dont il faut d’autant plus se souvenir que ce déluge de sang, de feu et de larmes représente une coupure majeure dans l’histoire de l’espèce humaine. Avant ce bombardement, nous vivions dans « l’ère chrétienne ». Depuis le 6 août 1945, nous avons basculé dans « l’ère nucléaire ».
Hiroshima était un jeu d’enfant à côté de ce que nous préparent nos stratèges…Est-ce que l’homme saura renoncer à la barbarie et devenir sage avant de céder à la folie, à l’imprévoyance, à la stupidité ? Saura-t-il renoncer à courir à sa perte ?
On ne peut pas grand-chose, individuellement, mais le très peu qu’on peut faire, il faut le faire.
Le drame est que l’homme a acquis la puissance matérielle et technique sans acquérir simultanément la sagesse qui lui permettrait d’adapter ses technologies à des buts qui servent son développement au lieu de servir la guerre et la mort.
Je crois que l’homme, dans ses profondeurs psychologiques, ressent certainement une sorte d’attirance pour tout ce qui peut l’unir à l’infini, l’unir au cosmos.
Eh bien, que se passerait-il s’il n’y avait pas de Gulf Stream ? Paris aurait un climat sibérien, il ferait moins quarante en hiver.
Tant que nous vivrons dans une société qui repose directement sur le profit et l’argent, la nature sera saccagée. Puisqu’une chose rapporte, elle est tolérée. Cela va loin parce que c’est la société qu’il faut changer, la structure de la société.
Le désert, c’est ma paroisse…C’est la nuit bleue piquée d’étoiles. C’est le silence, cette denrée devenue si rare en notre siècle de vitesse et de bruit. On a parlé de sacrement du silence, car le désert porte à la contemplation.
Il faut très peu de choses pour vivre, matériellement. Le désert donne cette leçon. Et nous possédons trop de choses aussi. Mon père disait ; « Nous sommes possédés par nos possessions. »
Dieu n’est ni homme ni femme. C’est une force d’amour, un esprit qui échappe totalement à notre compréhension. Ce n’est qu’après notre mort que nous saurons enfin. Sans doute ne suis-je plus, à 94 ans, très loin de connaître la réponse.
Je demande à ce que l’on calcule le bonheur national brut. C’est très difficile en chiffres, mais ça aurait un sens !
Oui, je suis pour le progrès, mais pour moi, il n’y a pas de progrès là où il y a délire technique et sacrifice des valeurs essentielles de la vie. La sauvegarde de la nature me paraît centrale parmi ces valeurs.
La civilisation est dépassée par ses excrétions, les déchets que nous accumulons.
Ce saccage de la planète, je crois que c’est une très grande imprudence…parce que nous ne connaissons pas les incidences à long terme des erreurs ou des bêtises que nous commettons actuellement.
Une civilisation qui est une civilisation du bruit, du gadget bien entendu, du gaspillage et du déchet, ça n’est pas viable indéfiniment.
S’opposer à l’inacceptable, c’est toujours se libérer des préjugés de la tradition et de la coutume, c’est être capable d’une attitude novatrice.
L’homme moderne a peur du silence car, confusément, il pressent que le silence est une terre d’appel, de confrontation avec l’essentiel, avec ce qui fait -ou devrait faire- notre vocation d’homme. Il faut plonger dans le silence comme on s’aventure dans le désert…
Mais les hommes politiques !...Cinq cents ans pour eux, c’est une éternité ! Pour la nature, c’est demain matin, c’est ce soir.
L’unité du cosmos, cette idée que tout, à l’intérieur de l’univers, se tient : il n’y a que les poètes qui savent ça, et qui l’ont dit d’ailleurs…C’est une idée merveilleuse, magnifique, cette idée que, à l’intérieur de notre système cosmique, tout agit sur tout.
La mer, c’est l’espoir parce que même si la vie disparaissait des continents, la mer resterait probablement un réservoir quasi inépuisable.
(Vieillesse) Je reste en tout cas dévoré de curiosité. Je n’ai pas fini d’essayer de rassasier mon désir d’apprendre, de comprendre, et d’explorer au sens large du mot.
Guerres invisibles, nos prochains défis géopolitiques de Thomas Gomart - Tallandier
Émetteur du verbatim: François C.
Prologue
A l’échelle globale, le modèles de gouvernement, de consommation et de comportement sont mis en concurrence par une transformation intentionnelle, la propagation technologique, et par une transformation non intentionnelle, la dégradation environnementale.
En positif, la pandémie a marqué une étape supplémentaire dans la prise de conscience de l’unité du monde. En négatif, elle a catalysé des tensions latentes, potentiellement explosives.
LE VISIBLE
CONFLITS
Les vingt-quatre types de guerre:
- Militaire: guerre nucléaire; guerre biochimique; guerre écologique; guerre spatiale; guerre électronique; guerre de partisans; guerre terroriste.
- Supramilitaire: guerre diplomatique; guerre de réseau; guerre du renseignement; guerre psychologique; guerre technologique; guerre de contrebande; guerre de la drogue; guerre virtuelle (dissuasion).
- Non militaire: guerre financière; guerre commerciale; guerre des ressources; guerre d’aide économique; guerre règlementaire; guerre de sanctions; guerre médiatique; guerre idéologique.
Causes et conséquences de l’affrontement sino-américainLes Etats-Unis sont confrontés à quatre défis majeurs requérant des moyens militaires: la montée en puissance de la Chine en Asie-Pacifique; le «Grand Moyen Orient» et les métastases du terrorisme islamiste; les stratégies de puissances comme la Russie, l’Iran et la Corée du Nord pour contester l’ordre en place et, enfin, la dérégulation de l’espace exo-atmosphérique et du cyber, où se jouent des stratégies de contrôle indirect et de disruption.
Sur le plan géostratégique, la configuration de l’espace indopacifique sera l’enjeu décisif des deux prochaines décennies… L’Inde représente la clé de voûte de l’espace indopacifique en raison de son positionnement et de son potentiel.
Cycles stratégiques
L’intervention de 2003 en Irak et la non-intervention de 2013 en Syrie ont fait perdre aux Etats-Unis leur autorité morale, tout en déstabilisant fortement le Moyen-Orient.
La patience stratégique prêtée à la Chine devrait se traduire par un recours à l’»addition-combinaison » et à l’approche « latérale-frontale » jusqu’au moment où la Chine parviendra à inverser durablement des rapports de force en sa faveur.
Les Etats-Unis entendent exploiter deux avantages qui leur resteront propres : leur suprématie militaire qui doit être préservée à tout prix (en particulier grâce à la domination dans l’espace exo-atmosphérique et en haute mer) ; et surtout leur approche globale.
ENVIRONNEMENT
En produisant plus de 45% des émissions mondiales de dioxyde de carbone, les Etats-Unis et la Chine transforment la globalisation «en champ de bataille géoéconomique et écosystémique».
L’ampleur des dégâts
La peur d’un effondrement général provoqué par la combinaison, non maîtrisable, de problèmes environnementaux, énergétiques, climatiques, géopolitiques, sociaux et économiques «qui ont aujourd’hui franchi des points de non-retour».
La Chine entretient une profonde ambivalence de modèle… Elle réussit le tour de force d’être leader dans les énergies vertes… tout en ayant un mix énergétique composé à plus de 80% de pétrole et de charbon.
(l’injustice climatique) Au niveau global, les 10% de la population mondiale les plus riches produisent à eux seuls 50% des émissions totales de GES.
Guerre aux déchets ou guerre des déchets?
Au cours des quinze dernières années ont été produits 57% de la production totale de plastique depuis 1950, avec pour conséquence 5000 milliards de pièces qui flottent à la surface des océans en formant des plaques… Seuls 9% des déchets de plastique sont aujourd’hui recyclés; les 91% restant mettront environ quatre cents ans à se dégrader.
Gagnants et perdants de la transition énergétique
Les politiques énergétiques de la Chine et des Etats-Unis ont intégré différemment trois ruptures technologiques majeures:
- Le recours à la fracturation hydraulique autorisant des forages horizontaux pour extraire des gaz et pétrole de schiste.
- Le contrôle de l’ensemble de la filière des panneaux solaires (Chine).
- Les batteries pour les usages industriels et pour les véhicules individuels.
La Chine veut apparaître comme le leader incontesté des ENR en dominant tous les segments des chaînes de valeur, des mines de terres rares aux algorithmes des smart grids, en passant par les panneaux solaires, les batteries et les véhicules électriques. Ses développements en matière de géo-ingénierie méritent d’être suivis à la loupe.La géo-ingénierie est insuffisamment intégrée aux réflexions géopolitiques européennes.
COMMERCE
Une part croissante du commerce international est désormais entre les mains d’une thalassocratie illibérale et ambitieuse (Chine). C’est une rupture historique majeure.
Le cadre des échanges
A quatre siècles de distance, les grandes manœuvres en mer de Chine ou celles en Méditerranée orientale autour de Chypre réactualisent le fait , qu’à certains égards, la Chine et la Turquie mènent une politique du fait accompli en exerçant une pression navale continue.
Le contrôle des infrastructures
Qui sera en mesure de sécuriser les routes et espaces maritimes, à part les Etats-Unis et la Chine? Quel rôle pour les Européens?
Avec Trump, les Etats-Unis étaient ouvertement protectionnistes et secrètement libre-échangistes. Avec Xi Jinping, la Chine est ouvertement libre-échangiste et secrètement protectionniste.
INEGALITES
Près de 3,4 milliards d’individus restent confrontés à de grandes difficultés pour satisfaire leurs besoins élémentaires.
La nouvelle donne démographique
- La Chine et l’Inde représentent un tiers de la population mondiale.
- L’accroissement de celle-ci proviendra d’un nombre limité de pays.
- Une forte croissance de la population africaine, où l’âge médian est de 19,7 ans, est attendue au cours des prochaines décennies.
Les pulsations migratoiresA l’horizon 2050, selon l’ONU, les grands pays d’immigration seront les Etats-Unis, l’Allemagne, le Canada, le Royaume-Uni, l’Australie et la Russie; les grands pays d’émigration seront l’Inde, le Bangladesh, la Chine, le Pakistan et l’Indonésie.
Les inégalités comme reflet de la hiérarchisation du monde
Mise en évidence de la « prime de citoyenneté » pour ceux nés aux bons endroits par opposition à la « pénalité de citoyenneté » pour ceux nés au mauvais endroit.
Avec 7% de la population mondiale, l’Europe représente 50% des dépenses sociales mondiales.
L’INVISIBLE
NUMERISER
Les plateformes assument des fonctions régaliennes quand les Etats se transforment en réseaux. Il en résulte une interpénétration des moyens dans une architecture de systèmes décentralisés, certains privés, certains publics, à finalité interne ou externe, qui collectent en continu des données individuelles. Cet enchâssement redistribue la puissance.
La mondialisation continue par la numérisation
Cinq cents milliards d’objets devraient être connectés à l’horizon 2030.
L’intensification des flux de données a entraîné une hausse exponentielle des capacités de stockage externe dans des data centers dont les capacités de traitement sont en constante augmentation.
Rien n’arrête la croissance exponentielle des données dont le volume double tous les deux ans.
L’IA a des répercussions immédiates dans quatre domaines clés de la compétition de puissance 1. Elle amplifie la «course aux talents» à l’échelle globale; 2. Elle accélère la robotisation et l’automatisation des économies industrielles et fait apparaître une géo-robotique autour de cinq pays: la Chine, la Corée du Sud, le Japon, l’Allemagne et les Etats-Unis; 3. L’automatisation et l’intelligence à distance vont profondément modifier le salariat, en particulier dans le secteur tertiaire des économies avancées; 4. L’IA requiert des composants et des matériaux clés: les semi-conducteurs.
Puissances numériques et capitalisme de surveillance
(Chine) Sur le plan intérieur, l’objectif vise à construire une plateforme unique réunissant toutes les données concernant un individu.
L’Etat contrôle la totalité des infrastructures de réseau en tenant un carré numérique propre à la Chine: sécurité des réseaux et des données; stabilité sociale garantie par l’autocontrôle des plateformes; «sécurité culturelle», i.e. gestion restrictive des contenus jugés dangereux pour l’identité chinoise; défense d’un écosystème favorable aux innovateurs chinois à l’abri de la concurrence étrangère.
La cybersécurité est devenue un marché crucial où rivalisent des groupes ayant des liens étroits avec leurs autorités publiques.
Les attaquants informatiques poursuivent quatre grands types d’objectifs : l’espionnage, les trafics, la désinformation et le sabotage.
Ces technologies numériques autorisent six grands types d’action -surveillance, censure, harcèlement, attaques cyber, coupures de réseaux et persécutions ciblées-, qui risquent fort d’aboutir à un capitalisme de surveillance… si des garde-fous solides ne sont pas instaurés.
INNOVER
La maîtrise de technologies comme l’IA, l’informatique quantique ou l’hypersonique devrait redistribuer les rapports de force internationaux à l’échelle d’une génération.
La nouvelle course aux armements
Les cinq premières dépenses militaires mondiales sont : les Etats-Unis, très loin devant la Chine, l’Arabie Saoudite, la Russie et l’Inde.
En un demi-siècle, la dépense militaire est passée en Europe de 3%-4% à un peu plus de 1%-1,5% du PIB, soit une réduction sans équivalent historique… Au cours des années 2000, les Européens se sont démonétisés en matière stratégique.
Cette compétition ne se limite pas au réarmement, mais englobe plusieurs dimensions : militaire (réorganisation des forces armées), technologique (recherche de l’innovation), industrielle (modernisation et acquisition des équipements) et politique (volonté d’ouvrir un nouveau cycle).
Le privé au service du militaire ou l’inverse?
La géopolitique du XXIème siècle s’organise de plus en plus autour des données, indispensables à toute activité numérique.
La bataille spatiale a commencé… le New Space se caractérise d’ores et déjà par trois évolutions majeures: le big data, l’impression 3D et les investissements privés.
L’UE doit apprendre à penser et à agir davantage en termes civilitaires si elle veut pouvoir valoriser son innovation par rapport à la Chine et aux Etats-Unis. Mais le souhaite-t-elle vraiment?
DISSIMULER
Le grand jeu
La notion de guerre hybride aide à définir les conflits actuels (Afghanistan, Irak, Ukraine, Syrie, Mali, Libye notamment), qui combinent intimidation stratégique de la part d’Etats disposant d’armes de destruction massive, opérations interarmées impliquant aussi des unités spéciales, des mercenaires et des manœuvres de désinformation à grande échelle.
Les faces cachées de l’économie
Grâce au secret, les pratiques criminelles faussent toute idée de « libre concurrence » entre acteurs économiques, tout en impliquant des acteurs politiques. La loi du silence régit les échanges ; elle permet de conjuguer la main invisible du marché et la main invisible du crime, bien plus efficace.
(mafias) Les activités illégales se concentrent dans cinq marchés prohibés: 1. la contrefaçon; 2. Le trafic d’êtres humains et les migrations clandestines; 3. La criminalité environnementale avec les trafics d’espèces protégées et ceux de déchets; 4. Les trafics d’œuvres d’art; 5. Les trafics d’armes, plus risqués, qui s’observent à plusieurs niveaux… Les trafics de stupéfiants occupent une place à part en raison des profits considérables qu’ils génèrent.
À mesure qu’elle infiltre l’économie légale après avoir pris le contrôle d’un territoire, une mafia se fait moins violente et plus subtilement contraignante en recourant aux intimidations et aux amicales pressions.
A l’épreuve de la transparence
(TIC) Ils transforment les réseaux sociaux en champs d’opérations d’influence ou de désinformation, notamment en période électorale. Appelée à se répandre dans tous les milieux, la multiplication des deepfakes, comme les vidéos truquées de dirigeants politiques, nécessite une vigilance particulière.
CONTRÔLER
Le système bancaire américain irrigue les marchés financiers à travers de multiples canaux, créant les interdépendances, lesquelles peuvent aussi être transformées en leviers de coercition si nécessaire. Globalement, la puissance américaine s’exerce par le contrôle simultané des nœuds névralgiques du système international.
Le dispositif de contrôle
Les institutions internationales jouent un rôle décisif dans la production des règles, des standards et d’une information partagée.
Le secteur financier, cœur du dispositif américain… quatre grands types de marché: celui des taux d’intérêt correspondant aux obligations et prêts entre banques; celui des devises; celui des actions; et celui des matières premières. Sur ces marchés interviennent différents types d’acteurs:1. Les banques centrales; 2. Les banques; 3. Les fonds souverains; 4. Les gestionnaires d’actifs; 5. Les multinationales, qui jouent un rôle moteur dans l’organisation des appareils productifs, des échanges commerciaux et des flux financiers.
Les moyens de contrôle
L’arme du dollar.
L’arme fiscale.
L’arme juridique.
Les Etats-Unis exploitent un système panoptique unique qui leur permet de contrôler la plupart des nœuds névralgiques de la mondialisation.
Epilogue: La France en quête d’une grande stratégie
Depuis 1963, la France a conduit 120 opérations extérieures (opex) sur 17 théâtres différents… Depuis 2012, la France a subi 19 attaques djihadistes (selon les services de police, 32 attaques auraient été déjouées depuis 2017).
Le positionnement diplomatique de notre pays connaît un rendement décroissant au moment où sa sécurité exige des coûts croissants.
Face au cours pris par la mondialisation, nous préférons parler de notre modèle social plutôt que de comprendre les mécanismes d’un capitalisme de plateforme, qui sont devenus les interfaces de la rivalité sino-américaine. Essentiellement inductive, l’approche réaliste repose, à la différence de l’approche rationaliste basée sur des concepts, sur la qualité des observations faites, des informations glanées et des analyses réalisées sur les capacités et les intentions des adversaires, des partenaires et des neutres.
Une grande stratégie correspond pour un Etat à la capacité de construire un projet de puissance… Servant de boussole, elle comporte un volet invisible, les intentions véritables, et un volet visible, les priorités affichées… Elle correspond à une mise en cohérence de l’ensemble des moyens pour éviter la guerre, tout en disposant des ressorts moraux et matériels pour la gagner, si elle advenait.
Il n’existe ni fortune ni virtù sans lucidité.
*
L'économie désirable, sortir du monde thermo-fossile de Pierre Veltz - Seuil
Émetteur du verbatim: François C.
Introduction. FACE A L’URGENCE ECOLOGIQUE
. Nous n’avons pas d’autre choix que de composer avec le monde tel qu’il est.
. Une nouvelle grammaire productive se met en place : passage d’une économie des choses vers une économie des usages et des expériences, d’une économie de la possession vers une économie de l’accès, virage engagé du monde manufacturier vers un mode « serviciel ».
. Il est crucial de retrouver une perspective positive, de construire le récit d’une économie désirable.
. Ce qui manque est une boussole et une méthode pour déclencher et structurer les projets : projets locaux et spécifiques, mais aussi et surtout nouvelles « infrastructures » (physiques, normatives, logicielles) permettant d’orienter et de coordonner les investissements privés ou publics atomisés.
Chapitre 1. Efficacité
. Le monde hyper-industriel
La réalité dominante est celle d’une industrie mondiale de plus en plus capitalistique, avec des processus de fabrication très automatisés, de plus en plus recentrée géographiquement à proximité des marchés de consommation les plus porteurs.
Les services s’industrialisent. Les industriels s’orientent de plus en plus vers des modèles économiques de type « serviciel ». Ils considèrent qu’ils ne vendent plus des objets, mais des solutions, des fonctionnalités, des usages, voire des expériences attachées à ces objets.
Un double passage s’opère : celui d’une économie des objets à une économie des usages et des expériences ; celui d’une économie de la propriété à une économie de l’accès.
. Une planète augmentée
Derrière toute activité, aussi légère soit-elle en apparence, il y a désormais un « back office » labyrinthique d’objets et de processus dont on a du mal à cerner les limites.
Pris parfois comme symbole d’une société de plus en plus dématérialisée, le monde numérique est en réalité très « lourd » en énergie, en matériaux, notamment en métaux rares.
. Dématérialisation
La « dématérialisation », entendue comme la réduction du volume de ressources nécessaires pour satisfaire une fonction utile donnée, est au cœur de notre modernité.
. La voie de l’efficacité : 4 pistes principales
Une meilleure conception des produits ;
L’amélioration des procédés par la limitation des « chutes » et des pertes de matières ;
Le recyclage et la réutilisation ;
La recherche de matériaux de substitution, plus abondants, moins massifs et moins polluants.
Chapitre 2. Sobriété(s)
. L’effet Jevons
Quand on améliore l’efficacité-ressources d’un produit (bien ou service), le prix baisse et rend le bien plus désirable. Résultat : l’augmentation de la consommation annule et dépasse, souvent de très loin, le gain unitaire réalisé.
On voit que la seule issue est de combiner la voie de l’efficacité avec celle de la sobriété, i.e. de la réduction ou pluôt de la transformation de la consommation.
. La profondeur technologique
Le fait majeur est que la masse d’énergie mobilisée par personne est gigantesque. Dans le monde, elle a été multipliée par 7 depuis les années 1950.
Cette « profondeur technologique » invisible est l’une des sources principales de la croissance de l’impact énergétique et matériel.
. Des machines par milliers
Lentement mais sûrement, le nombre et la complexité des composants qui constituent nos objets ont explosé.
Alors que les effets rebonds sont tirés par la demande, la croissance apparemment incontrôlable de la complexité technique trouve sa source du côté de l’offre.
. Le numérique, cas exemplaire
L’augmentation incessante de la profondeur technologique est au cœur de l’univers numérique. Les assistants vocaux sont un cheval de Troie pour ouvrir l’immense marché potentiel des applications permises par l’Internet des objets, i.e. la possibilité donnée à tous nos objets (électrifiés) de produire et d’échanger ds données.
. Economie des usages, économie de l’accès
La multiplication des formules de location ou de leasing, pour des temps courts ou longs, ou des formules d’usage collectif minimisant l’immobilisation du véhicule, est frappante…Le numérique joue un rôle essentiel, en favorisant la flexibilité de l’appariement entre offre et demande, en permettant la télémesure et la télégestion de la performance.
. Désirs de sobriété
Pour maîtriser l’effet Jevons, il n’y a pas d’autre solution que la « sobriété d’usage » - en clair, la réduction ou plutôt la transformation de la consommation. Pour maîtriser la profondeur technologique, pas d’autre solution que ce que j’ai proposé d’appeler la « sobriété de conception ».
. Le « techno-discernement »
Le chemin vers la sobriété de masse reste à inventer…Nous sommes en présence d’un problème qui touche nos valeurs, mais qui est aussi un problème « technique » -hautement systémique- d’organisation de nos sociétés…car les actions des personnes et des groupes sont en interaction étroite avec les cadres proposés par les acteurs publics, les entreprises, les collectivités locales, nationales et supranationales, les normes et les règlements, les dispositifs matériels eux-mêmes.
Chapitre 3. Une économie humano-centrée
. L’économie de l’individu
On observe la montée spectaculaire des dépenses liées à la santé, au bien-être, à l’alimentation « qualitative », au divertissement, à la sécurité, à la mobilité et à l’éducation. Ces dépenses ont un point commun. Elles concernent l’individu, son corps, ses émotions, son intelligence.
. Un changement global
L’économie humano-centrée constitue une piste privilégiée pour bâtir une économie à la fois plus riche en valeurs positives pour les personnes, plus coopérative et plus écologique, plus économe en ressources matérielles et énergétiques.
L’économie des données est au cœur de ces ambivalences. La numérisation de la santé et du corps, par exemple, se prête aussi bien à des avancées majeures de la médecine qu’aux projets les plus inquiétants de Big Brother.
. L’économie de l’individu est collective
Ce versant collectif de l’économie humano-centrée reste très largement à construire. Il recèle un immense potentiel de création de valeur, d’activités et d’emplois. Le numérique, exploitant les merveilles de la connectivité et du partage des données, trouve ici un champ d’application privilégié.
C’est le territoire, à des échelles variées, qui va constituer le référentiel pertinent pour concevoir et exploiter les nouvelles solutions…Individus, systèmes/liens, territoires : tel est le triangle autour duquel nous devons repenser notre base productive.
. Santé : de grandes marges de progrès
Etrangement, nous avons du mal à voir la santé comme une source directe de création de valeur, un facteur de développement autant social qu’économique et technologique.Il y a de sérieuses marges de progrès dans la structuration des relations entre tous les acteurs (ville et hôpital, public et privé, soin et prévention, recherche et clinique).
. La santé comme base hyper-industrielle
Au niveau mondial, la convergence entre les sciences de la vie et les sciences de l’ingénieur est probablement, avec les questions environnementales, le moteur le plus puissant d’innovations pour les décennies à venir. Imagerie, visualisation, robotique, bio-informatique, nouveaux matériaux, biomimétisme, biologie de synthèse…sont parmi ces champs de recherche nouveaux.
Peu de territoires regardent la santé comme un élément à part entière de leur base productive, matrice de développement social, économique et technologique.
. Une trajectoire pour la France et l’Europe
La santé, l’éducation, la sécurité et l’alimentation sont aujourd’hui des cibles privilégiées des grandes plateformes américaines et chinoises. A nous de savoir si nous voulons reconquérir une position européenne qui soit autre que suiviste et dominée.
L’enjeu est fondamentalement social et politique. Il est de reconnaître à sa vraie valeur l’immense constellation des emplois du lien, de les développer comme le nouveau socle de l’économie.
Chapitre 4. Le salut par le local ?
Notre pays, comme ses voisins, fourmille d’initiatives mariant l’écologie, le numérique, l’économie sociale et solidaire et l’économie marchande ordinaire, le high tech et le low tech.
. Relocaliser l’industrie
La question est celle de la maîtrise des grandes chaînes de valeur mondialisées…celle des excès de cette globalisation et de son avenir. Elle a trois grandes dimensions : écologique, industrielle et géopolitique.
. Une mondialisation modérée et régulée
Aux schémas de division internationale du travail à l’ancienne se substitue ceux de territoires multifonctionnels, regroupant des pôles de conception, de réalisation et de test, avec une grande diversité d’acteurs, et connectés en réseau (territoires-laboratoires).
. Interdépendances
Une vision simpliste et romantique de la relocalisation massive, voire d’une forme d’autarcie, n’est pas réaliste…L’échelle pertinente est l’Europe. Même à cette échelle, des dépendances majeures subsistent, en microélectronique par exemple. Ce sont ces déficits stratégiques partagés qu’il faut combler en priorité.
. Une nouvelle phase de la globalisation
Les échanges se sont nettement « régionalisés » autour de trois grands pôles : la Factory Asie, la Factory Europe, autour du hub allemand, et la Factory nord-américaine.
Il y aura moins de grandes usines, mais des tissus de petites ou très petites unités, mêlant conception, prototypage, fabrication, customisation pour les clients et services spécialisés.
. L’énergie au cœur de la reterritorialisation
Les énergéticiens parlent des 3D : décarbonation, digitalisation, décentralisation.
. La préférence pour la proximité
L’enjeu de la proximité est social et sociologique avant tout. Il est de recréer du lien concret dans cet univers devenu abstrait et impersonnel.
Chapitre 5. Proximités et interdépendances
. Une révolte contre l’abstraction
Dans le nouveau contexte de mondialisation, les territoires locaux, loin d’être disqualifiés, pouvaient au contraire renforcer leur rôle, parce qu’ils apportaient toutes sortes de ressources cruciales pour la compétitivité dans un monde ouvert : confiance entre les acteurs, compétences localement enracinées, capital social.
(retour au « faire ») Dans ce retour au proche transparaît une nostalgie des communautés d’action concrètes, du plaisir de faire ensemble autrement qu’à travers la connectivité numérique.
. Oublier les métropoles ?
Un scénario possible est que les urbains les plus connectés seront de plus en plus nomades, profitant des formes de flexibilité offertes par la télé-activité.
Les émissions de GES sont fortement corrélées au niveau de revenu. Les ménages du premier décile sont en France à l’origine de 30% des émissions.
. Choix urbains et mobilités
Les grandes périphéries des villes ont connu l’éparpillement incontrôlé des lotissements dans de petites communes. En conséquence, la mobilité automobile contrainte a explosé.
La voiture est la première source d’émission de GES en France (environ 16%)…Le problème est celui des nappes suburbaines, proches ou lointaines, et des zones rurales peu denses.
. Modèles distribués
Nous dépendons les uns des autres à un degré dont nous n’avons plus conscience…Le nouveau localisme, si on le débarrasse de ses branches régressives et identitaires, est un excellent terreau pour retisser nos liens quotidiens et inventer de nouvelles pratiques…Mais n’oublions pas que nos sociétés reposent sur un tissage serré de contrats de solidarité dont l’échelle devrait être élargie, à l’échelle européenne au moins, plutôt que rétractée sur une multitude d’entités locales ou micro-locales.
Chapitre 6. Fiscalité, finance et technologie
. La taxe carbone : mythe ou solution miracle ?
Bricolée, trop faible pour peser vraiment : la taxe carbone à la française n’est pas une exception.
Il n’y avait, en 2018, aucune taxe carbone en Allemagne, en Chine, aux Etats-Unis, en Inde et en Russie, pays qui ont les émissions les plus importantes.
. Désinvestir des secteurs thermo-fossiles
Un consensus émerge progressivement sur le fait qu’un désinvestissement massif dans les industries fossiles (charbon, pétrole, gaz) est inexorable à terme.
. L’investissement écologique
A ce jour, la «finance verte » stricto sensu (les obligations vertes) reste un segment marginal de la finance de marché. Les flux de financements, publics ou privés, orientés vers la transition écologique restent timides.
. La politique de la couleur
Un investissement peut être plus ou moins vert selon le contexte dans lequel il est déployé…La question importante n’est pas celle de l’intitulé de l’investissement, mais de la pertinence systémique des projets.
. Retrouver une boussole
La question de fond est : pour quels projets ? Quels projets cohérents à l’échelle des villes ou des régions ? Quel projet d’ensemble à l’échelle européenne et nationale ?
. La technologie : Schumpeter et Janeway
Le modèle de Janeway s’organise autour d’un triangle : une base d’initiative publique, hors critère de retour sur investissement, à partir d’un Etat attaché à une mission (mission driven State) ; des financements spéculatifs qui explorent, par essais et erreurs, les univers du possible en surfant sur les infrastructures publiques, au prix de bulles successives, gaspilleuses mais nécessaires ; une intégration progressive des nouveautés par les marchés traditionnels…Sans l’Etat, le cercle vertueux ne s’enclenche pas.
. Où sont les Etats ?
La Chine, à ce jour, fait la course en tête. Dès 2010, l’investissement de la Chine dans les énergies propres était supérieur de 50% à celui des Etats-Unis…Aujourd’hui, la Chine est le leader mondial dans les investissements industriels pour les énergies renouvelables et son système de start-up vertes est impressionnant.
En toute hypothèse, l’idée que les Etats européens et l’Union pourraient se contenter d’encourager les start-up et les entrepreneurs, sans infrastructures majeures et sans feuille de route globale, n’est pas à la hauteur de l’enjeu.
Conclusion. L’ETAT ET LA BIFURCATION ECOLOGIQUE
Ni les marchés financiers, ni le darwinisme de la technologie, ni la multiplication de projets verts à l’échelle des villes ne sont aujourd’hui capables d’embarquer nos économies et nos sociétés dans un véritable changement de modèle…Les Etats doivent reprendre la main : développer des programmes de recherche publics à la hauteur des défis ; fixer des perspectives stratégiques cohérentes, par exemple en matière énergétique ; mettre en place les grandes infrastructures physiques et normatives ; et bien sûr veiller à l’équilibre entre objectifs sociaux et économiques, et à l’accompagnement social des mutations.
A l’heure où il y a tant à faire pour éradiquer les maladies, créer des villes respirables, renouveler l’agriculture et garder notre Terre habitable.
Changeons de voie Les leçons du Coronavirus d'Edgar Morin - Denoël
Émetteur du verbatim: François C.
Préambule CENT ANS DE VICISSITUDES
Introduction
L’avenir imprévisible est en gestation aujourd’hui. Souhaitons que ce soit pour une régénération de la politique, pour une protection de la planète et pour une humanisation de la société : il est temps de changer de Voie.
I- LES 15 LECONS DU CORONAVIRU9782207161876
1.1 Leçon sur nos vies
L’amour et l’amitié pour notre épanouissement individuel, la communauté et la solidarité de nos Je dans des nous.
1.2 Leçon sur la condition humaine
L’extrême puissance de la technoscience n’abolit pas l’infirmité humaine devant la douleur et devant la mort.
Nous sommes des joueurs/joués, des possédants/possédés, des puissants/débiles.
1.3 Leçon sur l’incertitude de nos vies
Toute vie est une aventure incertaine…Nous connaîtrons sans doute, avec le virus et les
crises qui suivront, plus d’incertitudes qu’auparavant et nous devrons nous aguerrir pour apprendre à vivre avec.
1.4 Leçon sur notre rapport à la mort
Ce vide nous rappelle cruellement que la mort d’un être aimé nécessite son accompagnement jusqu’à l’enterrement ou la crémation.
1.5 Leçon sur notre civilisation
En réformant de force durant ce confinement notre mode de consommation, nous avons naturellement préféré l’essentiel à l’inutile, la qualité à la quantité, le durable au jetable.
1.6 Leçon sur le réveil des solidarités
En fait, les solidarités étaient endormies en chacun et se sont réveillées dans l’épreuve vécue en commun.
1.7 Leçon sur l’inégalité sociale dans le confinement
Le confinement a été un miroir grossissant des inégalités sociales…La pandémie a accentué dramatiquement les inégalités socio-spatiales.
1.8 Leçon sur la diversité des situations et de la gestion de l’épidémie dans le monde
1.9 Leçon sur la nature d’une crise
Une crise…se manifeste par la défaillance des régulations d’un système qui, pour maintenir sa stabilité, inhibe ou refoule les déviances (feed-back négatif). Pendant la crise, ces déviances qui cessent d’être refoulées et se propagent (feed-back positif) deviennent des tendances actives qui, si elles se développent, menacent de dérégler et de bloquer le système en crise.
1.10 Leçon sur la science et sur la médecine
Les théories de la science sont biodégradables sous l’effet de découvertes nouvelles…Ce sont des déviants depuis Copernic, en passant par Darwin, Pasteur, Einstein, Crick et Watson, qui font progresser les sciences.
1.11 Une crise de l’intelligence
L’énorme trou noir dans notre esprit, qui nous rend invisibles les complexités du réel.
Il nous faut un mode de connaissance et de pensée capable de répondre aux défis des complexités et des incertitudes.
Prévoir l’éventualité de l’imprévu.
Principe d’urgence/principe de prudence, que choisir en moment de crise ?
1.12 Leçon sur les carences de pensée et d’action politique
De fait, le dogme néolibéral aggrave terriblement les inégalités sociales et donne un gigantesque pouvoir aux puissances financières.
C’est ce vide de la pensée politique qui a permis d’éluder toute recherche d’une voie de salut politico-écologique-sociale-civilisationnelle.
1.13 Leçon sur les délocalisations et la dépendance nationale
Plus amplement, la mondialisation doit comporter son antagoniste la démondialisation pour sauver les terroirs, territoires ou nations menacés dans leur espace vital.
1.14 Leçon sur la crise de l’Europe
Sous le choc de l’épidémie, l’U.E. s’est brisée en morceaux nationaux…La France et l’Allemagne se sont montrées peu solidaires alors que l’Italie, puis l’Espagne étaient en pleine détresse sanitaire.
1.15. Leçon sur la planète en crise
La mondialisation doit plus que jamais être régulée et contrôlée par une altermondialisation et se combiner avec des démondialisations en matière sanitaire et alimentaire
II. LES DEFIS DE L’APRES-CORONA
2.1 Le défi existentiel
Un nouveau rapport au temps.
Faire durer les nouvelles solidarités.
2.2 Le défi de la crise politique
Que restera-t-il des aspirations réformatrices et transformatrices ?
Sortir du néolibéralisme, réformer l’Etat.
2.3 Le défi d’une mondialisation en crise
2.4 Le défi de la crise de la démocratie
La crise du virus aggravera-t-elle ou contribuera-t-elle à relever le défi démocratique ?
Il est à craindre que les dispositifs de traçage installés pendant la pandémie non seulement se maintiennent, mais s’amplifient par le recours systématique à la géolocalisation, au pistage par smartphone, à la vidéosurveilance, aux détections par algorithmes, à l’intelligence artificielle.
2.5 Le défi du numérique
Le digital, Internet, l’intelligence artificielle sont des moyens qui tendent à se transformer en fins ou à être au service de pouvoirs contrôleurs et incontrôlés.
2.6 Le défi écologique
2.7 Le défi de la crise économique
Trouverons-nous les principes d’une économie fondée sur un new deal de relance écologique et de réforme sociale qui ferait régresser l’hypercapitalisme et diminuerait les inégalités ?
2.8 Le défi des incertitudes
Les conflits armés, plus ou moins atténués par la crise du coronavirus, s’exacerberont-ils ? Y aura-t-il au contraire un élan international salutaire de coopération ?
2.9 Le danger d’une grande régression
. Régressions intellectuelles et morales.
. Régressions de la démocratie. Si la régression continue, il me semble inévitable que les Etats néo-autoritaires deviennent néototalitaires.
. Régressions bellicistes. Le nombre grandissant d’Etats possédant l’arme nucléaire et le développement de sa production rendront son utilisation de moins en moins improbable.
. Le spectre de la Mort plane sur l’humanité. Nous ne savons pas si la continuation des processus régressifs provoquera une barbarie planétaire, si elle favorisera la constitution d’Etats néototalitaires ou si elle déclenchera des résistances et sous quelles formes.
III. CHANGER DE VOIE
3.1. Une politique de la nation
. Conjuguer mondialisation et démondialisation ;
. Conjuguer croissance (de l’économie des besoins essentiels) et décroissance (réduction de l’économie du frivole et de l’illusoire) ;
. Conjuguer développement et enveloppement (fait référence à la communauté et la solidarité) ;
. Réforme de l’Etat : humanisation par débureaucratisation et déparasitage ;
. Refoulement progressif du pouvoir des oligarchies économiques ;
. Réforme de l’entreprise ;
. Réforme de la démocratie : la participation citoyenne ;
. Le green deal ;
. Réforme de la pensée réformatrice ;
. Réduction des inégalités ;
. Politique de solidarité ;
. Vérité sociologique de solidarité/responsabilité…L’éthique personnelle de responsabilité/solidarité des individus est aussi une éthique sociale qui entretient et développe une société de liberté.
3.2. Une politique de civilisation
Deux menaces : l’une vient de la dégradation écologique des milieux de vie ; l’autre vient de la dégradation sociologique des qualités de vie.
Une politique de civilisation comporterait une action persévérante contre les « intoxications » de civilisation. Elle inciterait, contre les dilapidations, aux recyclages et aux réparations, elle rejetterait le jetable.
Il s’agit de répondre aux dégradations et déshumanisations de la politique de l’Etat, de la démocratie, de la société, de la civilisation, de la pensée, par une pensée et une action vouées à leur régénération et leur humanisation.
3.3. Une politique de l’humanité
Elle comporterait le souci de sauvegarder indissolublement l’unité et la diversité humaine.
Ne pourrait-on songer dans l’immédiat à la formation d’un Conseil mondial des consciences constitué de personnalités laïques et religieuses, ayant chacune une autorité morale ou spirituelle et le souci primordial du destin de l’humanité ?
Protection et droits des migrants.
Protection des peuples premiers.
3.4. Une politique de la Terre
. Une politique mondiale de l’eau doit être envisagée.
. Politique mondiale des énergies propres et de traitement des déchets.
. La prise de conscience de la communauté du destin terrestre entre la Nature vivante et l’aventure humaine doit devenir un événement majeur de notre temps : nous devons nous sentir solidaires de cette planète où notre vie est liée à son existence.
3.5. Pour un humanisme régénéré
L’homme est à la fois sapiens et demens, faber et mythologicus, economicus et ludens, c’est-à-dire Homo complexus.
Nous pouvons dégager les impératifs de la réforme personnelle :
- connaître selon la connaissance complexe qui relie les savoirs pour concevoir les problèmes fondamentaux et globaux ;
- penser selon la raison sensible, qui effectue la dialectique permanente raison/passion ;
- agir selon l’impératif éthique premier de responsabilité/solidarité ;
- vivre selon le besoin poétique d’amour, de communion et d’enchantement esthétique.
Principes d’espérance :- Le surgissement de l’improbable ;
- L’humanité possède en elle des vertus génératrices/régénératrices ;
- La chance suprême est inséparable du risque suprême ;
- L’aspiration millénaire de l’humanité à une autre vie et à un autre monde.
L’espoir n’est pas certitude, il porte la conscience des dangers et des menaces, mais il nous fait prendre parti et faire pari.Conclusion
Je sais que, dans l’aventure du cosmos, l’humanité est de façon nouvelle sujet et objet de la relation inextricable entre d’une part ce qui unit (Eros) et d’autre part ce qui oppose (Polémos) ainsi que ce qui détruit (Thanatos). Le parti d’Eros est lui-même incertain, car il peut s’aveugler, et il demande de l’intelligence, encore de l’intelligence, comme de l’amour, encore de l’amour.
Start-up Mania la French tech à l'épreuve des faits de Michel Turin - Calmann Levy
Émetteur du verbatim: François C.
Chapitre 1 - Si on n’a pas créé une start-up à 30 ans, c’est qu’on a raté sa vie
La création de start-up est, chez les jeunes diplômés des écoles de commerce et des écoles d’ingénieur, la seule trajectoire professionnelle qui aujourd’hui vaille. C’est celle qui procure le statut social le plus prestigieux. Que l’activité de la start-up représente une avancée technologique révolutionnaire bouleversant nos habitudes de vie ou qu’elle ne constitue qu’un énième gadget numérique allongeant la liste interminable des applications inutiles ne change rien à l’affaire. L’important, c’est de créer sa start-up.
Chapitre 2 - Les enfants du digital
Les start-uppers appartiennent à la première génération née dans un environnement numérique, avec lequel ils sont familiarisés depuis leur plus tendre enfance. Ils sont réputés être parfaitement à l’aise avec les ordinateurs, les téléphones portables, Internet. L’iPhone, Facebook ou Linkedin n’existaient pas il y a seulement une vingtaine d’années. Google émergeait à peine.
Les enfants du digital ont leurs propres marques appelées les digital native vertical brands (DNVB)…Ces dernières mettent en scène un marketing digital intelligent reposant sur la personnalité du créateur ou de la créatrice de la marque. Le storytelling est la clé de tout : il s’agit de faire rêver les consommateurs et d’apporter un supplément d’âme.
Les millennials seraient davantage « digital naïves » que digital natives. Ils sont beaucoup moins familiers des techniques numériques qu’on ne le croit.
Chapitre 3 - La grande récré
Les acteurs de la French Tech miment la plupart du temps les codes de la Silicon Valley sans trop savoir pourquoi. Beaucoup de start-up n’ont pas la moindre culture d’entreprise. Elles se contentent de singer les codes des GAFA ou ceux qu’elles leur prêtent. La foi de nouveaux convertis qui les anime produit des résultats étonnants.
Les toboggans, les hamacs, les poufs Fatboy, les baby-foot, les tables de ping-pong et les distributeurs de fraises Tagada sont les éléments de confort incontournables de toute start-up qui se respecte.
Le modèle économique de la start-up, si on peut parler de modèle économique, est fondé sur la croyance selon laquelle avoir une bonne idée, la bonne équipe, le bon produit ou le bon service peut révolutionner le monde. Le messianisme en est la figure de base.
Les start-ups ont massivement recours à des stagiaires qui ne sont pas payés, ou très peu. La plupart des salariés sont en CDD.
Chapitre 4 - Le mythe de la licorne
Les licornes sont des start-ups dont la valorisation dépasse le milliard de dollars.
Les économies de fonctionnalité consistent à louer plutôt qu’acheter, et à partager des biens existants mal utilisés plutôt que d’en fabriquer d’autres…La digitalisation du monde a donné à ce modèle une ampleur extraordinaire. Mais il est difficile de dire qu’il s’agit de business models extrêmement disruptifs. Innovation et start-up sont loin d’être synonymes.
La vie des licornes n’est pas toujours un long fleuve tranquille. Les licornes d’aujourd’hui ne seront pas forcément les licornes de demain…Après avoir dominé le monde, IBM et Microsoft ont cédé leur rang de maîtres de l’univers technologique à Nokia et à Orange, avant que ces derniers n’aient été, eux-mêmes, détrônés par Apple et Google.
Chapitre 5 - Destination Death Valley
L’aptitude des start-ups à survivre est très faible…80% d’entre elles sont appelées à échouer dans les deux premières années de leur existence.
Mylène Aboukrat « Créer une start-up, c’est très concrètement avoir neuf chances sur dix de finir dans le mur. »
Les dix raisons les plus fréquentes pour lesquelles les start-ups échouent : l’absence de marché ; le manque de cash ; la mésentente dans l’équipe ; l’action des concurrents ; une mauvaise politique de prix ; des produits de mauvaise qualité ; l’absence de business model ; un mauvais marketing ; le mépris du client ; un mauvais timing pour le lancement des produits.
C’est dans le secteur du financement participatif que le taux de mortalité a été le plus élevé. La moitié des fintechs ont été purement et simplement rayées de la carte en 2018.
En réalité, l’écosystème est le théâtre d’un darwinisme impitoyable…Les cimetières de start-ups, eux, celui de la Death Valley comme les autres, sont pleins de start-ups qui n’étaient pas irremplaçables.
Chapitre 6 - Vive la start-up nation ! Vive la France !
Emmanuel Macron est en immersion complète dans l’écosystème des start-ups.
La domination de la Tech américaine est écrasante. La Californie, lieu de résidence habituel des grandes entreprises de la Tech américaine, se classe par le PIB, la richesse produite, au sixième rang dans le monde devant la France.
L’Etat hébreu est la terre promise des start-ups. Ce pays de 8,7 millions d’habitants, créé il y a une soixantaine d’années, entouré d’ennemis, en état de guerre permanent depuis sa naissance et sans ressources naturelles, possède davantage de start-ups que le Japon, la Chine, l’Inde, la Corée ou le Canada.
Les fondateurs de start-ups en France vendent leurs entreprises beaucoup trop tôt. La plupart des bébés techno ne deviendront jamais des PME ou des ETI.
L’économie numérique française reste un nain à l’échelle mondiale, alors même que la frénésie générée par la start-up nation frise parfois le ridicule.
Chapitre 7 - On voit des start-ups partout, sauf dans les statistiques économiques
La couverture médiatique et les célébrations officielles par l’appareil d’Etat auquel l’ensemble de l’écosystème a droit sont complètement disproportionnées par rapport à son poids total dans l’économie nationale.
Selon une étude de l’Insee, publiée en 2016, en France, sur les 10 000 start-ups recensées ces cinq dernières années, 90% n’ont pas franchi le cap des cinq ans.
Toutes catégories confondues, de la grande entreprise (au nombre de 292) à la TPE (3 865 510), en passant par les ETI (5 776) et les PME (135 056), le pays comptait alors un peu plus de 4 millions d’entreprises.
L’économie numérique ne représente qu’un petit 5,5% du PIB, i.e. de la valeur de tous les biens et services produits en France sur une année.
Les fonds levés par les start-ups se sont montés à 3,2 milliards d’euros en 2018…La même année, les crédits bancaires représentaient, d’après la Banque de France, des encours de 1 017,9 milliards d’euros, et les financements de marché des encours de 603,4 milliards d’euros.
Les start-ups ne réalisent en moyenne que 91 000 euros de chiffre d’affaires et ne comptent que 7 employés.
Chapitre 8 - Le CAC 40 saisi par la start-upisation
Les start-ups sont devenues l’opium du Cac 40. Les grands groupes n’arrêtent pas de jeter des passerelles entre les deux mondes…Ils siphonnent l’innovation dans les petites structures pour piloter leur propre transformation.
Il n’est pas sûr que les collaborateurs hébergés dans des bureaux partagés s’épanouissent dans des configurations ne faisant pas le moindre cas de la nature profonde de l’être humain, pour laquelle la notion de territoire occupe une place prépondérante.
Chapitre 9 - Money, money, money
Les levées de fonds se sont élevées en France à 2,5 milliards d’euros en 2017. Elles ont tourné autour de 4 milliards en 2018.
Le capital n’a non seulement jamais été aussi abondant, mais il n’a jamais été aussi bon marché…Quand les taux d’intérêt sont très bas, cela ne coûte rien de s’endetter.
Principales étapes (levées de fonds) :
. phase d’amorçage : les fondateurs, la famille et les amis ;
. apport de capitaux quand les start-ups commencent à avoir des besoins de financement importants : les business angels ;
. levées de fonds les plus impressionnantes : les fonds de capital-risque ;
. (Etat) Les avances remboursables, les prêts à taux zéro, le crédit d’impôt recherche, les aides aux projets collaboratifs des pôles de compétitivité, les aides à l’emploi, les aides des régions, les aides à l’innovation et à la création d’entreprise.
BPI France a contribué à hauteur de 1,2 milliard d’euros au financement de l’innovation en 2018.
« L’écosystème des start-ups est atteint d’une douce folie. Celle qui consiste à valoriser plutôt qu’à rentabiliser » Sarah Aizenman
Chapitre 10 - Au bonheur des marchands de pelles et de pioches
Le fantasme de la start-up est le terreau (très) fertile des prestataires de services qui courtisent en rangs serrés les primo-entrepreneurs.
La start-upisation accélérée du tissu économique français s’est traduite par l’apparition d’un métier entièrement nouveau, celui de leveur de fonds. Ce métier très rémunérateur consiste à accompagner une start-up pour l’aider à décrocher les financements dont elle a besoin, à tous les stades de son existence.
Les incubateurs et les accélérateurs, dans lesquels les start-ups passent quelques mois entourées par des mentors, sont les vendeurs de pelles et de pioches emblématiques de l’écosystème.
Toutes catégories confondues, l’écosystème a à sa disposition 11 000 structures d’accompagnement -depuis les incubateurs créés spécialement pour l’occasion jusqu’aux chambres de commerce et d’industrie en passant par les accélérateurs ouverts par les grands groupes ou les pépinières d’entreprises ouvertes à l’initiative des collectivités locales.
Les promoteurs commercialisant des espaces de coworking ne sont pas les derniers vendeurs de pelles et de pioches de l’écosystème. Au contraire. Ce sont ceux qui, jusque-là, ont su tirer le meilleur parti de l’exploitation des modes de vie inédits auxquels sacrifie l’écosystème.
Les équipements des espaces affichent tous les signes extérieurs de la branchitude version start-up : wifi, fibre très haut débit, visioconférence, TV 4K connectées ou murs d’écran, stylos, feutres Neuland et craies, pauses gourmandes, paperboards, Post-it A1-A5, piano, guitare, murs inscriptibles, trois micros, logiciels collaboratifs, frigo libre-service, trois écrans digitaux et tactiles, chargeurs de téléphone, café et thé, Apple TV, Instashow ou Clickshare.
Chapitre 11 - Vous avez aimé la bulle Internet ? Vous allez adorer la bulle start-up !
Les investissements dans les start-ups américaines n’ont jamais été aussi élevés depuis le boom des dot-com au début des années 2000…L’industrie du capital-investissement, apporteur de capitaux privilégié des start-ups, est de l’avis général en haut de cycle.
Les valorisations des start-ups sont stratosphériques, alors que bon nombre d’entre elles perdent des millions d’euros par an, quand ce n’est pas davantage.
Le facteur déclenchant du krach des start-ups pourrait être la déroute d’une grande entreprise de technologie aux Etats-Unis ou ailleurs.
Comme à l’époque de la bulle Internet, une grande majorité des start-ups est sous perfusion. Quand le flux de capitaux se tarira, l’hécatombe sera terrible.
Après avoir eu des carnets de bal à faire rêver -et elles ont fait rêver-, les start-ups risquent, elles aussi, de bientôt faire tapisserie.
Conclusion
La French Tech n’embraye pas sur le reste de l’économie. Elle n’a pas d’effet d’entraînement. La Tech est trop souvent le miroir aux alouettes d’aujourd’hui. Elle nous laissera une incroyable saga faite d’épisodes tour à tour touchants, brillants, risibles, rocambolesques, déroutants, talentueux ou bousculants. Mais l’illusion d’optique aura joué à plein.
La nouvelle guerre des étoiles de Vincent Coquaz et Ismaël Halissat
Émetteur du verbatim: François C.
Pourquoi note-t-on ? D’où vient ce mouvement de fond ? Quelles sont les véritables conséquences pour les notés et pour les noteurs ? Les notes sont-elles aussi neutres et objectives qu’elles le paraissent ? En tant que citoyen, peut-on s’opposer à un tel système ?
1. L’épouvantail chinois
Le point de départ du crédit social chinois est de faire en sorte que les lois et les décisions de justice soient respectées.
Le projet de crédit social…porte évidemment en lui les germes de potentielles pratiques totalitaires très inquiétantes. Mais aujourd’hui, à l’échelle du pays, il n’existe pas de système de notation punitif, connecté et généralisé, que ce soit d’origine gouvernementale ou privée.
En termes de capitalisme de la surveillance, la Chine va sûrement progresser rapidement, mais pour l’instant les Etats-Unis ont plusieurs longueurs d’avance.
2. Depuis 1540, noter pour classer
La solution retenue par les jésuites pour y parvenir ? La compétition permanente et acharnée entre élèves. Les notes sont nées.
Et même si on se pose la question, de toute façon la note est notre langue commune. C’est même la définition du fait social : quelque chose qui s’impose collectivement à nous et dont on ne peut s’émanciper.
3. Les autres étoiles de la restauration
TripAdvisor ne demande pas l’avis des restaurateurs quand il s’agit d’être recensé ou non sur son site. Xavier Denamur…a entamé une procédure judiciaire afin de retirer ses cinq établissements de TripAdvisor quand la plupart de ses concurrents se battent pour y figurer en bonne place.
Dès 2014, l’entreprise australienne Dimmi permettait aux restaurateurs de noter les clients sur la nature de la commande, le montant du pourboire, le temps passé à table ou même le physique de la personne.
Les restaurateurs sont nombreux à appeler de leurs vœux une notation généralisée des clients…Ils pourraient dès lors choisir les clients les plus rentables.
4. Dans la fabrique à fausses notes
Ces trois femmes sont en quelque sorte grossistes en faux commentaires Amazon.
Il ne fait aucun doute que des milliers de faux commentaires et de fausses notes sont déposés chaque jour sur Amazon grâce à ces méthodes frauduleuses. Malgré 20 ans d’expérience, la plate-forme américaine passe à côté.
Si les vendeurs se donnent autant de mal pour obtenir de bonnes notes ou faire supprimer les mauvaises, c’est parce que la note moyenne est l’indicateur déterminant utilisé par les consommateurs pour faire leur choix d’achat en ligne.
Sous un vernis d’authenticité, plusieurs indices incitent à douter qu’il s’agisse de vrais tests, indépendants et rigoureux, qui permettraient de se faire une idée de la qualité du produit.
Dans les faits, le but semble surtout d’inonder les sites marchands et les plates-formes de notes et de commentaires positifs.
5. Le travail à coups d’étoiles
De 1 à 5, de 1 à 4 ou de 0 à 10. Par petites touches, la notation par le consommateur s’est immiscée dans l’industrie des services…Ce système de notation par les clients qui se généralise dans les entreprises françaises a souvent, en bout de chaîne, une conséquence financière ou disciplinaire pour les salariés.
Au fur et à mesure de notre enquête, une question à propos des salariés demeurait : d’où vient cette passion des entreprises pour la notation ? Et pourquoi les formulaires de satisfaction de ces entreprises, d’Orange à SFR en passant par Darty ou Citroën, étaient-ils si semblables ?
6. NPS, le règne du « Bullshit »
Trois lettres pour Net Promoter Score. En français : score net de promoteurs…Dans ce système, défiant toute logique mathématique, un 0 équivaut donc à un 6. Un résultat global est calculé en soustrayant le nombre des promoteurs à celui des détracteurs. D’où l’appellation « score de promoteurs net ».
Dans la foulée de ette première démonstration, le Net Promoter Score va être breveté, décliné, avec toute une série de produits annexes.
7. 360 degrés de notes
Comme pour le client, plusieurs entreprises demandent désormais aux salariés de noter leurs collègues ou leurs supérieurs hiérarchiques.
(Ernst & Young) Chaque consultant est désormais évalué par « toutes les personnes avec lesquelles il travaille » de façon anonyme : « Son manager. Ses pairs. L’équipe encadrée par le manager. L’assistante. »
Une autre entreprise, décidément accro à la notation, a totalement intégré le « feed back permanent » à son quotidien : Amazon.
8. Du privé au public
Les données collectées sont regroupées sur le site resultats-services-publics.fr lancé en juin 2019. Parmi les administrations concernées, on retrouve déjà les données des organismes de Sécurité sociale chargées de la famille, de la vieillesse, de la maladie…Mais aussi de Pôle Emploi, des forces de sécurité, des préfectures ou encore des tribunaux.
9. Le chantier de la santé
Cette invasion de la notation touche également la médecine de ville. Et ce n’est pas l’Etat qui est à la manœuvre cette fois, mais un acteur privé incontournable : Google.
Les étoiles Google sont sûrement ce qui se fait de pire en matière de notation en ligne : modération minimale, aucune vérification d’identité ou de la réalité de la prestation (n’importe qui peut commenter, même sans avoir jamais rencontré le médecin en question) dans l’anonymat le plus total. Un Far West de la notation.
10. Souriez, vous êtes (secrètement) notés
Grâce à un algorithme opaque, Dift propose d’attribuer un score de fiabilité sur une échelle de 1 à 100 à tous les utilisateurs d’Internet, en analysant jusqu’à « 16 000 signaux et données personnelles ». Selon l’entreprise, l’objectif est de déterminer si vous êtes un client ordinaire, un dangereux arnaqueur ou encore un robot…
Experian, une multinationale basée en Irlande et spécialiste de l’analyse de données, a développé un produit nommé « Mosaic ». Cet outil permet la segmentation de la quasi-totalité des consommateurs français.
Bien d’autres entreprises « ont développé des technologies permettant de noter la « valeur » d’une personne en utilisant des informations comme son historique de navigation, de recherche, sa localisation, mais aussi l’utilisation de certaines applications mobiles, son historique d’achat en ligne ou ses amis sur les réseaux sociaux » développe le chercheur autrichien Wolfie Christl, spécialiste de la protection des données personnelles.
« De façon très conservatrice, le calcul algorithmique reconduit l’ordre social en ajoutant ses propres verdicts aux inégalités et aux discriminations de la société : les mal notés seront mal servis et leur note en deviendra plus mauvaise encore. » Dominique Cardon
Epilogue SABOTAGE
Tout système de notation est problématique parce qu’il enfonce les mauvais et les médiocres, alors qu’on pourrait considérer qu’il faut aider ceux qui en ont le plus besoin. C’est un système fait pour désigner les moins bons.
Cette idée de démocratisation par la note est pourtant fallacieuse. Concernant les avis en ligne, toutes les études montrent la « très inégale participation des internautes » : une toute petite fraction des consommateurs note, quand la grande majorité consomme passivement. Fatalement, ceux qui commentent ne sont pas représentatifs de la population.
La notation en ligne a surtout pris une importance démesurée : nous avons accepté que des systèmes opaques ordonnent des pans entiers de notre vie. Les algorithmes utilisent la note pour connaître nos goûts et nos dégoûts, pour classer et trier ce que l’on voit, ce que l’on achète. La facilité avec laquelle ces notes peuvent être manipulées, par des personnes malintentionnées ou par ses concepteurs mêmes qui peuvent modifier critères et pondération à leur guise, devrait nous amener à prendre de la distance.
De toute évidence, cette nouvelle guerre des étoiles ne fait que commencer.
Reset Quel nouveau monde pour demain ? de Marc Touati - Bookelis
Émetteur du verbatim: François C.
ÉPISODE I : Une récession historique
1. Que savons-nous vraiment ?
Tôt ou tard, il faudra payer la facture…avec, au bout du chemin, des risques élevés d’instabilité sociale et sociétale.
Faire des prévisions sur la base des fondamentaux économiques est presque devenu impossible. Pour la bonne et simple raison que tous nos repères ont disparu et que tout devient envisageable.
2. La plus grave récession depuis le krach de 1929.
Le PIB de la zone euro a chuté de 12,1% au deuxième trimestre 2020, enregistrant un glissement annuel de – 15%, qui est évidemment un plus bas historique.
3. Après le plongeon, une reprise en V est-elle possible ?
4. Pas de retour à la normale avant 2025…
. la fin du confinement sera très progressive ;
. de nombreux secteurs d’activité continueront de souffrir fortement et durablement (tourisme, hôtellerie, restauration, transports aériens, aéronautique, automobile, l’événementiel, ou encore le luxe) ;
. le nombre d’entreprises en faillite risque d’être considérable ;
. les taux d’intérêt des obligations d’Etat devraient augmenter significativement ;
. les Etats et les banques centrales ayant déjà utilisé toutes leurs cartouches…n’auront guère de marges de manœuvre pour relancer massivement la machine par la suite ;
. plus la chute est importante, plus la remontée est difficile.
Le redressement de l’économie hexagonale sera particulièrement lent et chaotique…En d’autres termes, nous risquons désormais de payer des décennies d’erreurs stratégiques et de déni de réalité.
5. Etats-Unis, Europe, Chine : Qui sera le grand perdant de la crise ?
Déjà empêtré dans une dette publique bien plus extravagante que celle de la Chine, le bloc USA-Europe risque alors de très vite déposer les armes.
Dans la mesure où l’U.E. est tout sauf unie, il est fort probable que cette dernière soit, comme d’habitude depuis 25 ans, le « dindon de la farce »…En outre, dans la mesure où l’Italie, la Grèce, voire l’Espagne et la France étaient déjà en situation de quasi-faillite avant le drame du Coronavirus, que vont-ils devenir au cours des prochaines années, avec des dettes publiques de plus de 150%, voire 200% du PIB.
6. Chine : le grand bond en arrière ?
Les pays émergents sont bien devenus les nouveaux « maîtres du monde » économique et financier. A leur tête, un leader sans égal ne cesse de surprendre par son dynamisme et sa résistance : la Chine.
La Chine ne veut plus se contenter d’être le leader du monde émergent, elle veut aussi dominer l’ensemble de la planète, tant d’un point de vue économique que financier ou encore politique et militaire.
7. Les pays émergents en danger.
Les pays émergents entrent dans un cercle pernicieux effroyable : chute de l’activité mondiale, écroulement des commandes en provenance du reste du monde, assèchement des financements internationaux, effondrement de l’investissement, flambée du chômage, appauvrissement global de l’ensemble de la société, malnutrition, aggravation de la crise sanitaire…
Sur les trente pays les plus pauvres du monde (selon ce critère du PIB par habitant), vingt-cinq sont africains.
EPISODE II : Le nouveau monde sera-t-il meilleur que l’ancien ?
8. Vers la fin de la mondialisation ?
A l’image de la décroissance, la supression du libre-échange n’a aucun sens économique, si ce n’est le désordre social et sociétal.
Oui, la mondialisation doit être repensée, mieux encadrée et certainement freinée pour éviter les excès passés. Dans ce cadre, elle sera améliorée, moins débridée, avec des règles plus claires et généralisées à l’ensemble des pays de la planète. Et ce, en particulier en matière sanitaire, fiscale, mais aussi démocratique.
9. Quid de la relocalisation ?
Ces 115 miliards d’achats stratégiques -actuellement importés- englobent 58 catégories de produits appartenant à cinq secteurs : la santé/pharmaceutique, l’agroalimentaire, l’électronique…et les industries de transformation des matières premières et d’emballage.
La clé de la réussite de l’après-crise réside dans la capacité de la France et de ses entreprises à devenir leaders dans les technologies et les industries du futur.
10. Doit-on craindre le retour de la forte inflation ?
Les risques d’avènement d’une forte inflation et a fortiori à deux chiffres sont extrêmement faibles, voire inexistants…Pour au moins six raisons :
- Le biais d’un effet de correction de la faiblesse passée ;
- Les prix des matières premières ne devraient pas flamber comme en 2007-2008. L’offre mondiale de pétrole reste et restera encore pour longtemps supérieure à la demande ;
- L’inflation par la demande restera contenue ;
- Les capacités de production ne seront pas utilisées à plein avant de nombreuses années ;
- Le chômage demeurera élevé dans de nombreuses parties du globe ;
- Les marges de gains de productivité et de réduction des coûts resteront encore très élevées à travers la planète.
Le vrai danger réside dans la flambée des prix des actions, des obligations ou encore de l’immobilier.11. La décroissance, non ! La croissance écologique oui !
Sans croissance, il n’y a pas d’emploi…Autrement dit, si la révolution verte doit passer par la décroissance, le chômage et la crise sociale, il y a clairement un problème de durabilité et tout simplement de faisabilité. D’ailleurs, n’oublions pas que dans l’expression « dévelopement durable », il y a « développement ».
12. La fin du roi pétrole…
Ne l’oublions jamais : le véritable moyen de freiner l’augmentation excessive des cours des matières premières réside principalement dans la capacité à innover et à engager le monde dans une double révolution technologique : celle des NTE (Nouvelles Technologies de l’Energie) et celle des NTA (Nouvelles Technologies de l’Agro-alimentaire).
13. Secteurs d’activité : quelques gagnants et beaucoup de perdants.
Les espaces numériques dédiés aux conférences vidéos et webinaires en tous genres ont de très beaux jours devant eux.
Les réactions en chaîne de la pandémie doivent donc vraiment être prises au sérieux : tourisme en chute libre, effondrement du trafic aérien, descente aux enfers des compagnies aériennes, aéroports à l’arrêt ou presque, consommation énergétique en berne, constructeurs aéronautiques en grande difficulté…
Autres perdants de la crise : toutes les industries de l’événementiel, des spectacles, du cinéma, des parcs d’attraction, mais aussi de l’automobile, de la mode, du luxe ou encore de l’immobilier de bureau.
14. GAFAM : trop puissantes, donc trop dangereuses ?
Déjà excessivement puissantes avant cette crise, les entreprises du numérique ont renforcé leur domination qui est d’ailleurs devenue hégémonique.
Au total, la « valeur » boursière des 5 Gafam atteint la « modique somme » de 6818 milliards de dollars, soit 663 milliards de plus que le PIB de la France et de l’Allemagne réunies.
Plus globalement, les Gafam restent particulièrement menacées par toute une série de catastrophes potentielles : encadrement réglementaire contraignant, lois antitrust, cyberattaques…sans oublier leur exposition à la remontée des taux d’intérêt des crédits et à la récession économique…En d’autres termes : Oui à la révolution technologique, non à l’aveuglement.
ÉPISODE III : Une nouvelle Europe?
15. Plan européen : pour 750 milliards t’as plus rien!
Après cet accord à l’arraché, la plus grande prudence doit rester de mise. Et ce, pour au moins six raisons :
- Les 750 milliards d’euros promis ne représentent que 5,7% du PIB de l’U.E. ;
- Même si, par miracle, ce plan est renouvelé chaque année, cela signifiera que le budget européen sera d’environ 7% du PIB de l’Union, contre un budget fédéral qui représente plus de 20% du budget américain ;
- La ratification de ce plan a montré que l’U.E. était loin d’être un havre de coopération et d’entente ;
- Les concessions accordées pendant ce sommet sous haute tension risquent de laisser des traces pour les futures décisions européennes ;
- Tant que l’U.E. et la zone euro ne seront pas dotées d’une véritable gouvernance économique efficace tant en matière de croissance que de sérieux budgétaire, la crise ne pourra prendre fin ;
- Le financement de ces mesures.
En conclusion, si la gouvernance de l’U.E. et a fortiori celle de la zone euro ne sont pas améliorées, les 750 milliards d’euros annoncés ne serviront pas à grand-chose et finiront même par coûter très cher.16. Le Covid-19 détruira-t-il la zone euro à 19?
La zone euro est, elle aussi, devenue une « bulle », i.e. un fossé entre ses promesses et ses réalisations, constituant par là même une « machine à crises ».
Basée sur des fondations bancales, l’UEM n’a jamais été terminée. En effet, cette dernière ne sera crédible que lorsqu’elle sera devenue une « zone monétaire optimale », i.e. parfaitement unifiée à tous points de vue, comme les Etats-Unis d’Amérique par exemple.
L’UEM telle que nous la connaissons aujourd’hui aura disparu d’ici 2030. Cela signifiera l’avènement d’une zone monétaire plus restreinte, avec une vraie intégration, une véritable union fédérale, des règles strictes et une entraide à toute épreuve.
17. Et si l’euro disparaissait ?
Si la sortie de la zone euro est tout à fait possible, il faut savoir qu’elle se traduirait forcément par une récession aggravée et durable, par une crise sociale sans précédent, mais aussi des guerres civiles, voire un conflit militaire. Bref, l’Europe et le monde s’engageraient dans un « trou noir »
18. Vers une Europe à quatre vitesses…
- a) une « zone euro premium », uniquement avec les pays qui respectent les règles d’harmonisation des conditions fiscales et règlementaires, le tout étant consolidé par un budget fédéral et une union politique ;
- b) une « zone euro basique » : pays souhaitant garder la monnaie unique, mais n’étant pas encore capables de remplir tous les critères d’adhésion à la « zone euro premium » ;
- c) une zone de libre-échange, mais sans monnaie commune ;
- d) pays géographiquement européens ne souhaitant pas faire partie de l’U.E., avec néanmoins des relations économiques et commerciales privilégiées, tels que la Suisse, la Norvège et le Royaume-Uni.
19. La France en état d’urgence durable…La France se paie le luxe d’entretenir des dépenses publiques pharaoniques avec pour seuls résultats : une croissance molle, un chômage élevé, un accroissement des inégalités sociales et de la pauvreté.
Avec plus de 9,3 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, un revenu médian de 1735 euros par mois et une augmentation des inégalités, la France apparaît particulièrement menacée par une crise sociale de grande envergure.
EPISODE IV : Quid des politiques économiques ?
20. Les banques centrales coincées dans leur propre piège.
Les banques centrales ont entraîné le monde dans une dangereuse « trappe à liquidités », se caractérisant par quatre composantes principales : des taux monétaires proches de zéro, une abondance de liquidités, mais une inflation modeste et une croissance économique faible, voire une situation de déflation-récession.
Les récentes décisions et déclarations (depuis un an jusqu’à dernièrement) montrent qu’ils ne semblent pas savoir où ils vont et surtout là où ils veulent nous mener.
21. Covid-19 et dépenses publiques : liaisons dangereuses…
De 2000 à 2019, le poids des dépenses publiques dans le PIB français est passé de 51% à plus de 56%. A titre de comparaison, celui de l’Allemagne a diminué de 48% à 44%.
La France est aussi numéro un mondial des dépenses sociales qui représentent 31,2% de son PIB, contre 25% en Allemagne et une moyenne de 20% pour l’ensemble des pays de l’OCDE.
En d’autres termes, le drame de la France n’est pas le manque de dépenses publiques, mais la faible efficacité de ces dernières.
22. Relances budgétaires pharaoniques : qui va payer ?
Déjà extrêmement élevées avant la pandémie, les dettes publiques vont encore exploser au cours des prochains mois. De plus, dans la mesure où le PIB baisse fortement, cela signifie que les ratios dette publique/PIB vont mécaniquement atteindre des niveaux démentiels d’ici la fin 2020 : 260% au Japon, 205% en Grèce, 170% en Italie, 125% en France et 110% pour l’ensemble de l’UEM.
23. Et le financement des retraites dans tout ça ?
La durée de vie moyenne à la retraite est actuellement d’environ 22 ans, contre 2 ans dans les années 1950, 10 dans les années 1980 et 15 ans dans les années 1990.
Plus de 320 milliards d’euros, soit environ 14% du PIB, sont consacrés chaque année en France au financement des retraites, contre 10% en Allemagne et une moyenne de 7,5% pour l’ensemble des pays de l’OCDE.
Si la question du financement des retraites n’est pas résolue au plus vite, la dette publique française flambera encore nettement.
24. Sortie de crise : c’est quoi le bon plan ?
Un plan de relance efficace est celui qui inscrit la France dans une dynamique d’investissement et d’innovation sur le long terme. Cinq mesures à prendre d’urgence pour sauver la France :
- Baisser la pression fiscale pour tous, les entreprises et les ménages ;
- Optimiser la dépense publique en réduisant considérablement les dépenses de fonctionnement ;
- Réduire d’au moins 15% les charges qui pèsent sur les salaires ;
- Moderniser le marché du travail ;
- Favoriser le financement des entreprises et de l’innovation.
EPISODE V : Marchés financiers : vers moins d’éxubérance ?25. Les bulles explosent en même temps.
Nous avons commencé à assister au pire des scénarios, en l’occurrence celui du dégonflement de toutes les bulles « en même temps ».
26. Taux d’intérêt de crédits : une remontée inévitable.
Grâce à la cocaïne, puis à la morphine distribuées à profusion par la BCE, les taux d’intérêt des obligations d’Etat n’ont cessé de baisser.
Aujourd’hui, si les primes de risque liées à l’inflation et à l’activité économique sont faibles, celles des déficits publics et de la crédibilité des Etats sont de plus en plus élevées…Il faut se rendre à l’évidence : l’ère des taux d’intérêt excessivement bas va bientôt se terminer.
27. Les marchés boursiers anémiés pour longtemps.
Si la planète tombe en récession, les résultats des entreprises seront négatifs, affectant mécaniquement les valorisations boursières.
Même si une reprise se produit grâce aux soutiens monétaires et budgétaires pharaoniques mondiaux, il faudra de nombreuses années avant de retrouver le niveau du PIB de la fin 2019.
La récession ne fait que commencer…et nous n’avons encore aucune idée précise de l’ampleur des faillites et de la crise sociale à venir. En d’autres termes, les incertitudes sont fortes et la volatilité va rester très élevée.
28. Vers une nouvelle crise bancaire ?
Le système bancaire et financier de la zone euro reste menacé, notamment par une nouvelle phase d’aggravation des créances douteuses (600 milliards d’euros fin 2019, dont environ 140 milliards pour les seules banques françaises) qui pourrait voir le jour dans les prochains mois.
Les banques européennes restent fortement menacées par une récession historique, une dette publique trop élevée et un risque de remontée massive des taux d’intérêt des obligations d’Etat.
La probabilité d’une nouvelle crise bancaire majeure demeure plus qu’élevée.
29. Bitcoin : quitte ou double ?
Combien vaut une monnaie qui est basée sur le néant, qui n’est contrôlée par aucune autorité et qui ne dispose d’aucune assurance contre la faillite ?
Une même constante avec les conseillers en investissement en fausses cryptomonnaies : tous les « épargnants » perdent et le créateur de l’arnaque se régale jusqu’à ce que la police l’arrête ou la mafia le « neutralise ».
30. L’immobilier prendra aussi le bouillon.
Au final, les fondamentaux du marché immobilier sont clairs : des prix trop élevés, un resserrement des conditions de crédits, une baisse de la demande et une augmentation de l’offre…J’anticipe une baisse de l’ordre de 20% des prix immobiliers en moyenne sur le territoire français au cours des deux prochaines années. Ensuite, une fois la correction passée, les prix remonteront progressivement.
EPISODE VI : Comment se protéger face à la crise ?
31. Notre épargne est-elle en danger ?
Depuis janvier 2016, les comptes des clients dotés de plus de 100 000 euros de dépôts pourront être prélevés pour contribuer au sauvetage de leur banque, en cas de besoin.
En France et en Europe, les dépôts bancaires ne sont garantis qu’à hauteur de 100 000 euros par personne et par banque…Cependant, l’Etat ne pourra pas puiser dans les livrets A et les contrats d’assurance-vie.
32. Il est l’or de se réveiller…
Pour simplifier, l’or n’est une « valeur refuge » que face à trois dangers majeurs : l’hyperinflation, une récession mondiale et un krach boursier et/ou obligataire international.
Attention, dès qu’il dépassera significativement les 2000 dollars l’once, l’or commencera à devenir trop cher et entrera dans une bulle, il faudra donc éviter d’en acheter.
33. Comment sortir de la crise par le haut ?
En fait, seuls les pays disposant de réserves de changes conséquentes (notamment les pays asiatiques) et/ou d’une marge de manœuvre budgétaire appréciable (principalement l’Allemagne) ont de quoi affronter cette nouvelle crise.
Si nous continuons de broyer du noir, si des pays comme la France refusent de réformer en profondeur leur économie, si les gouvernements de la zone euro ne réussissent pas à se mettre d’accord pour unir leurs forces, si les partenaires sociaux refusent de s’entendre, alors, la zone euro et la France seront les grandes perdantes de cette crise.
34. Quel nouveau monde pour demain ?
La décroissance se traduit immanquablement par des faillites d’entreprises, des destructions d’emplois, du chômage de masse, une augmentation de la pauvreté, voire de la malnutrition, en particulier dans les pays émergents, sans oublier une aggravation des inégalités.
L’écologie doit passer par l’économie au travers des innovations et des progrès technologiques…Plutôt que de rêver à un monde sans avion et sans voiture, il serait ainsi plus efficace de rêver à un monde avec des voitures et des avions propres (électriques ou hydrogènes), des usines peu ou pas polluantes, un développement des nouvelles technologies de l’énergie et de l’agro-alimentaire, mais aussi avec des services à la personne plus performants…
En conclusion, un nouveau monde moins extravagant, plus sûr, plus démocratique, tout en étant plus moderne et plus égalitaire est encore possible. Il suffirait que les dirigeants de la planète aient le courage d’en poser les fondations au plus vite.
La réalité est en train de dépasser les fictions les plus folles…Nous devons tout faire pour que cette réinitialisation (reset) mondiale soit aussi un « upgrade », i.e une amélioration de notre système économique, financier, social et sociétal.
Vivre ! dans un monde imprévisible de Frédéric Lenoir - Fayard
Émetteur du verbatim: François C.
I. SE SENTIR EN SECURITE
On peut globalement affirmer que lorsque nos besoins de sécurité sont satisfaits on peut davantage se concentrer sur nos besoins de croissance, lesquels nous apportent les joies les plus profondes: joie de l’amour qui s’épanouit, de nos réalisations professionnelles qui nous permettent de nous accomplir et d’être reconnus, joies créatives, intellectuelles et spirituelles de notre esprit qui progresse…
II. ENTRER EN RESILIENCE
On peut schématiquement évoquer trois étapes principales après le traumatisme: la résistance, l’adaptation et la croissance.
Une personnalité qui est allée jusqu’au bout du processus de résilience ne s’est pas contentée de reconnaître son traumatisme et de faire le dos rond. Elle a su chercher en elle les ressources nécessaires pour se développer et faire de ce choc un tremplin pour grandir.
Toute crise (personnelle ou collective) doit nous conduire à faire des choix et à saisir les nouvelles opportunités qui s’offrent à nous.
III. S’ADAPTER
La doctrine du « non-agir », au cœur de la pensée taoïste, ne stipule pas qu’il faut rester passif, mais qu’il faut savoir lâcher prise et agir au moment opportun.
Montaigne ou les sages taoïstes nous disent que pour vivre bien il faut savoir s’adapter au mouvement permanent et imprévisible de la vie.
Tenons compte de toutes ces évolutions pour repartir d’un bon pied, dans une bonne direction, afin de nous reconstruire en restant dans le mouvement et la fluidité.
IV. CULTIVER LE PLAISIR ET LES EMOTIONS POSITIVES
Le rôle capital des neuromédiateurs (dopamine, sérotonine, acétylcholine, GABA) dans notre équilibre émotionnel.
On ne peut quitter une émotion ou un sentiment de peur, de tristesse, de colère, une dépression, qu’en mobilisant une autre émotion ou sentiment positif : du plaisir, de la gratitude, de l’amour, de la joie.
V. RALENTIR ET SAVOURER L’INSTANT
Montaigne insiste dans ses Essais sur la nécessité de prendre conscience et de savourer les moments heureux de l’existence et d’en jouir pleinement dans l’instant, sans autre souci: « Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors. »
Cette pratique de la méditation a évidemment aussi un profond impact spirituel. En développant un silence et un espace intérieur, elle renforce notre esprit, le rend plus disponible aux intuitions, plus ouvert au discernement, davantage capable de distanciation et de détachement.
VI. RESSERRER LES LIENS
Lorsque nous sommes affectés par un trauma, les liens socio-affectifs sont en effet essentiels pour se reconstruire, pour rebondir, pour retrouver la confiance nécessaire afin d’avancer dans la vie.
VII. DONNER DU SENS
Les principaux choix que nous avons à faire dans notre existence sont ceux de la juste orientation de nos désirs.
Frankl a su donner un sens à son existence, malgré l’horreur et l’absurde… Ce qu’il nous enseigne, c’est que celui qui a un « pourquoi » peut vivre avec n’importe quel « comment ».
Toute crise offre des opportunités de changer, de réorienter sa vie, de revoir son échelle de valeurs, d’aller vers l’essentiel.
VIII. DEVENIR LIBRES
Notre plus bel acte de liberté intérieure sera même de savoir utiliser une blessure, une contrainte, une maladie, un échec, un traumatisme de vie pour mobiliser nos ressources intérieures et grandir.
Nous ne naissons pas libres: nous le devenons.
IX. APPRIVOISER LA MORT
Vivre avec l’idée que nous mourrons tous un jour et que la mort fait partie intégrante de la vie…
Si le sage n’a pas peur de la mort, c’est qu’il est dans une profonde acceptation de la vie et de ses lois : la naissance, la croissance, le déclin, la mort.
C’est notre finitude qui peut nous inciter à vivre pleinement chaque instant comme une opportunité de joie, de plaisir, de prise de conscience, de connaissance, de croissance, d’amour partagé.
X. AGIR ET CONSENTIR
L’éthique stoïcienne vise à nous rendre conscients de notre responsabilité envers tout ce qui dépend de nous et conscients qu’il ne sert à rien de se laisser contrarier par ce qui ne dépend pas de nous.
Il relève aussi de notre responsabilité de vivre au mieux avec cette pandémie et ses conséquences, en cultivant nos émotions positives, en nous adaptant, en resserrant nos liens avec les autres, en essayant de saisir de nouvelles opportunités qui s’offrent à nous, et en acceptant, le plus joyeusement possible, ce que nous ne pouvons pas changer.
LA HAINE EN LIGNE de David DOUCET- Albin Michel
Émetteur du verbatim: François C.
Combien de personnes avaient été humiliées publiquement et condamnées sur la seule foi des médias sociaux? Quels sont les rouages de ces nouveaux mécanismes d’ostracisme en ligne? Comment remonter la pente lorsque votre nom est devenu une injure et que taper votre patronyme sur un moteur de recherche suffit à refroidir le plus téméraire des employeurs? Et enfin, où trouver la force de surmonter cette épreuve quand l’image que vous renvoie Google est un supplice?
- Le tribunal des réseaux sociaux
Sur les «autoroutes de l’information», il n’existe pas de meilleur carburant que l’énergie émotionnelle. C’est la loi d’Internet, ce qui choque ou énerve aura plus de chances d’être entendu que ce qui interroge ou pousse à la réflexion.
Les délateurs se retrouvent investis d’une magistrature totale recouvrant à la fois le rôle de l’accusateur, du juge et du bourreau sans aucun égard pour la culpabilité effective, la recherche de preuves, l’étude du contexte ou l’importance du contradictoire… C’est le bruit et la fureur qui règnent sur Internet.
De la notation à la délation, la frontière est parfois ténue… La société numérique a toujours été régie par une forme de surveillance mutuelle.
(Cancel culture) L’objectif est de décrédibiliser et de démonétiser la parole publique de celui ou celle qui était jusqu’ici reconnu(e). Dans les faits, cette volonté de traumatiser les coupables vire souvent au cyberharcèlement… Une fois la personne annulée, l’effacement de l’espace public peut être prompt et brutal.
«Je remarque que la plupart des phénomènes de cancel culture sont fondés sur des accusations morales et non pas sur des faits.» Brett Easton Ellis
C’est une constante, la culture de l’annulation obère la complexité du réel. Le pré-récit de culpabilité balaie notre vigilance rationnelle.
Nous créons maintenant une société de surveillance où la façon la plus intelligente de survivre est de redevenir sans voix.
2.Une vie sociale à haut risque
Du jour au lendemain, Mennel Ibtissem bascule dans un trou noir médiatique.
Combien de personnes peuvent assumer sans rougir leurs écrits et maladresses adolescentes? Une génération entière a fait ses premiers pas sur le web et vit sous la menace de voir ressurgir un passé qui ne s’effacera jamais.
Le plus grand conflit générationnel depuis des décennies, celui qui oppose la «génération parents», qui protège son intimité jusqu’à l’obsession, à la seconde, celle des «transparents» qui ont été radiographiés avant même d’être nés, puis filmés et pris en photo par leurs parents pendant toute leur enfance.
Rien ne ressemble plus à un tweet d’il y a dix ans qu’un tweet posté la veille. Ils sont d’autant plus facilement manipulables… En France, cette chasse aux vieux messages est tellement rodée qu’elle fait partie intégrante des stratégies des activistes en ligne, qu’ils soient de droite ou de gauche. Passer en revue les réseaux de quelqu’un est même devenu le moyen le plus facile de le détruire.
Sur Twitter, on a tendance à oublier qu’il y a de vraies gens derrière les avatars: cf «l’affaire Mehdi Meklat»
Le moyen le plus rapide pour se débarrasser d’un salarié.
(ProPR Consulting): start-up qui s’est taillé une petite réputation dans le nettoyage sur les réseaux sociaux.
Rien, rien de rien ne peut s’oublier. Et pour cause, les humiliations en ligne sont gravées au fer rouge comme au temps de la Grèce antique. Le sceau de l’infamie est sans cesse rappelé par Google pour ceux qui en sont frappés.
- Une honte contagieuse
Julie Graziani fait partie de la longue liste des cloués au pilori en ligne. Aux États-Unis, on parle de online shaming pour désigner cette propension qu’ont les internautes à couvrir de honte la personne qui s’est rendue coupable d’un comportement déviant ou immoral.
L’humiliation publique est d’autant plus dévastatrice qu’Internet fait exploser toutes les contraintes géographiques ou temporelles qui limitaient ce châtiment.
L’humiliation en ligne impose une situation orwellienne où le refoulement et la possibilité de se cacher n’existent plus. Téléporté dans un état de transparence totale, le sujet voit ses mécanismes de défense ébranlés… Google se révèle aussi comme un terrible agent de destitution narcissique.
La honte est un révélateur de la fragilité humaine de chacun… Un lynchage en ligne renvoie souvent la personne qui en est victime à ses failles ou blessures intérieures.
- L’engrenage médiatique
Sur Internet, le paysage médiatique s’est uniformisé. Le bâtonnage, i.e. la reprise remaniée d’une info parue ailleurs, est devenu la règle. 64% de ce qui est diffusé sur la Toile ne serait qu’un copié-collé pur et simple de contenus publiés ailleurs.
La course aux clics a remplacé la course aux scoops.
La Twitter-dépendane ».
Le contrôle social imposé par les communautés militantes de Twitter est aujourd’hui largement sous-estimé.
On a littéralement flingué Philippe Caubère… Il n’y a plus aucun respect de la présomption d’innocence, encore moins du temps judiciaire.
Sur Internet, le train du buzz ne passe qu’une fois et l’écho d’une réhabilitation judiciaire ne recouvre jamais le crépitement initial des accusations.
Sur la Toile, nous vivons quotidiennement les obsèques de la nuance. Le gris est une couleur en voie de disparition. Pour se distinguer sur ce marché marqué par une infobésité galopante, il n’y a guère de place pour les hypothèses décalées, les titres pondérés ou les positions médianes.
Les fausses nouvelles se propagent six fois plus vite que les vraies.
- Google n’oublie rien
Amandine n’a commis aucun méfait, elle a juste eu le malheur de diffuser une chanson sur Internet (vidéo improvisée il y a douze ans). Pire qu’un casier judiciaire, elle doit vivre avec un casier Google. Il suffit de taper son prénom pour que le moteur de recherche le plus consulté au monde suggère une profusion d’articles et de vidéos ironiques.
Qui peut encore nier que les résultats brassés par le plus puissant des moteurs de recherche équivalent à une forme de notation sociale déguisée? Dans nos sociétés occidentales pourtant forgées par une culture chrétienne, l’oubli et le pardon sont en voie d’extinction.
- Vivre ou survivre
La capacité à surmonter un traumatisme dépend souvent d’un phénomène interpersonnel, celui de pouvoir s’appuyer sur ceux que Boris Cyrulnik désigne sous l’expression «tuteurs de résilience».
(Traumatisme) Ces individus ont alors le sentiment de se connecter à leur personnalité profonde. L’épreuve les a poussés à se remettre en question et à s’interroger sur eux-mêmes.
Survivre à un lynchage en ligne relève souvent d’un parcours sinusoïdal, tant l’impact psycho-traumatique demeure fort et durable.
On dénombre autant de chemins de résilience que l’on compte d’êtres humains.
La population des adolescents est particulièrement vulnérable aux violences en ligne, puisqu’elle est en pleine construction identitaire et affective.
Nous n’en sommes qu’aux prémices de nos vies connectées et tout le monde peut participer à ce changement de paradigme afin que le spectre de la mort sociale qui plane aujourd’hui au-dessus des réseaux se dissipe et que le web redevienne le formidable outil de conversation qu’il était à ses débuts.
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