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L'homme qui flotte dans ma tête de Veronika Boutinova - Le ver à soi

https://images.epagine.fr/620/9791092364620_1_75.jpg Coup de cœur de Muriel F: Dans ce roman, Veronika Boutinova rend hommage aux personnes noyées en mer au cours de leur exil, par le biais de Magda qui entend leur voix dans les mers européennes. Les histoires racontées sont particulièrement poignantes et bouleversantes, si bien que cela m’a inspiré une réflexion romancée, que je dédie à Samia Yusuf Omar, qui a péri en mer Méditerranée.

Emily Dickinson se méfiait de la mer, car elle connaissait sa nature écorchée, vive et imprévisible. C’est pourquoi, Emily restait toujours à distance d’elle. Elle craignait son étrange puissance, responsable de millions de noyés et de bateaux perdus qui errent, telles des âmes en peine, sur des mers hostiles et inconnues. Et pourtant, il suffisait qu’on la comprenne un peu. La mer n’a rien de maternel. Elle n’accueille pas, en son sein, le tout venant. Elle tolère à peine le genre humain, qui foule sans cesse son espace virginal, sans même lui demander la permission. À ses yeux, c’est un viol. C’est son viol à elle. Alors de colère et de rage, la mer se cabre tel un cheval 🐎 qui perd la raison. La mer se déchaîne et engloutit tous ceux qui sont sur son passage, pour vomir leurs cadavres sur le rivage.

Parmi les victimes, il y avait une jeune femme somalienne éprise de liberté, qui avait juste voulu fuir la guerre et caresser le rêve de participer aux J.O de Londres en 2012. Samia Yusuf Omar était une jeune femme somalienne passionnée par l’athlétisme. La guerre civile l’avait prise au dépourvu, et son père avait été tué par un tir de mortier en pleine rue. Les fondamentalistes islamistes imposent la burka et interdisent le sport, dans les territoires qu’ils contrôlent. En 2008, elle avait rencontré Patrick Montel lors d’une série de 200m et lui avait promis qu’elle serait au rendez-vous pour les J.O de 2012. Les conditions d’entraînement étant très difficiles en Somalie, Samia avait donc décidé de partir en Europe, pour progresser dans ses chronos trop loin des minimas requis.

Cette expédition fut particulièrement éprouvante. Après des jours de marche dans le désert, elle fut détenue dans un camp. Samia se résolut donc à partir sur un Zodiac bondé, fragile et crasseux sur la route maritime la plus meurtrière au monde, la mer Méditerranée. Les passeurs l’ont lâchement abandonné avec une seule bouteille d’eau et sans guide de voyage ni kit de survie, pour faire face aux dangers qui la guettaient. Le risque de chavirement de son embarcation de fortune. Les brûlures du soleil sur son visage. Les nuits glaciales. La mer houleuse. Elle s’est perdue pendant des jours et des semaines, sans aucun repère, pour retrouver le bon chemin, chèrement payé. Alors que sa frêle embarcation dérivait près des côtes italiennes, Samia est tombée accidentellement à l’eau et s’est noyée en avril 2012. Pour Samia, la mer n’était pas un lieu agréable de villégiature, mais sa sépulture. Pas un jour ne passe, sans que Patrick Montel ne pense à elle.